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 Sujet du message: L'armée romaine en Phalange de Everett L. Wheeler. Nouveau.
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La Légion en Phalange dans l'Empire Tardif.

IIe Partie.


De Everett L. Wheeler

REMA N°1 (Revue des Etudes Militaires Anciennes) sous la diretion de Yann Le Bohec, Editions Picard 2004.

Traduction de Damianus.

Everett L. Wheeler est l'auteur d'une étude conséquente en deux parties sur l'armée romaine en ordre de bataille. La première partie a été publiée en 2002 dans les actes du IIIe congrès de Lyon sur l'armée romaine. "L'armée romaine de Dioclétien à Valentinien Ier" sous la direction de Yann Le Bohec/Catherine Wolff. Edition De Boccard 2002-2004. Une étude riche et très précise qui synthétise toute la pensée théorique sur le combat en formation tel qu'envisagé par les romains. La seconde partie publiée dans REMA "The legion as phalanx in the late empire" concerne plus directement l'armée romaine d'époque tardive et insiste sur la permanence de l'usage des mécanismes internes de la ligne de bataille empruntées aux grecs, tout en définissant les spécificités de l'ordre de bataille romain. Je vous propose donc la traduction de cette deuxième partie. L'apport pour le reconstituteur est immense. Même si celui-ci peut relativiser certaines affirmations de l'auteur avec lesquels parfois il est impossible de ne pas être en désaccord, toutes les bases sont là pour s'essayer à la pratique d'une formation en ligne cohérente, adaptée mais "historique". Cette étude nous permet aussi de considérer avec sérieux ce qui est du domaine du possible et ce qui ne l'est pas en reconstitution. Un texte aussi central que les observations fondamentales de Charles Ardent du Picq en son temps.

Bonne lecture à tous.

Damianus.


PS: Pour les questions concernant cet article voir lien suivant:
viewtopic.php?f=15&t=266&p=1611#p1611

Introduction.

Dans cet article, il convient de revenir sur l'utilisation de la formation tactique de la phalange décrite par Arrien dans son "acies contra alanos" qui ne doit pas être considéré comme une fantaisie littéraire, une situation unique, ou une aberration régionale de l'armée de Cappadoce.

Des inscriptions du IIIe siècle, provenant des quartiers de la IIe Parthica, stationnée à Apamée en Syrie, confirme un entraînement légionnaire dans une formation en phalange et une différenciation dans l'équipement militaire de la légion, déjà attestée elle aussi dans les différentes "acies". De nombreux historiens reconnaissent désormais que la formation en phalange était utilisable par les armées romano-byzantines de l'infantrie lourde dans les combats du IVe au VIIe siècle. L'historicité de la légion en phalange pour la période tardive réclame démonstration. Ainsi cette étude tend à démontrer la continuité de la formation en phalange -toujours en option- dans les tactiques de combats romaines, depuis la constitution servienne jusqu'au Strategikon de Maurice et examine les termes romains utilisés pour la réalisation de la formation.

La légion, à l'origine une phalange, n'a jamais complètement abandonnée son héritage phalangique dans toute son histoire, bien que la phalange n'est pas une imitation de la phalange hellénistique malgré des ressemblances tactiques de principe. Ni le fêtichisme romain pour les théories militaires grecques durant la République tardive et le Haut empire, ni les influences tactiques de l'Est n'ont inspiré la légion phalangique, mais plutôt l'application des théories grecques par la légion phalangique. Si l'infantrie lourde conserve son rôle dominant durant toute l'histoire romaine, un changement de tactique apparaît dans la deuxième moitié du IIe siècle av.-J.C, laquelle encourage des formations en phalange , et une promotion accrue de l'infantrie légère, de la cavalerie, des armes de tir, lesquelles étaient originellement occidentales, les influences orientales viendront ultérieurement.

Les exigences tactiques du Bas-Empire font malgré tout partie d'un long processus d'évolution. Les formations en phalange de la IIe Parthica, une légion occidentale, décrédibilise le phénomène comme uniquement propre à l'Orient. La démonstration de l'armée de Pompée en phalange à Pharsale ( 48 av JC) et une nouvelle interprétation de la bataille de Issus (194 Ap.-J.C) , illustre à ce point comment la phalange est une tactique de base (probole) qui joue un rôle fondamental dans la pensée romaine.

La tactique grecque, cependant, ne peut être complètement mise au rabais. Les rapports écrits entre les Tactica grecs et les traités de tactiques romaines, concernant surtout les différences de files et d'intervalles entre les rangs (pyknosis, synapsimos) sont sujets à des critiques vindicatives de nos jours, et l'invention par Polybe d'une légion radicalement opposée à la phalange par l'utilisation de systèmes tactiques, eux aussi, diamétralement opposés, est aujourd'hui catégoriquement refusé par les historiens.

Il est d'ailleurs montré que Caton l'ancien, dans son effort pour créer une théorie militaire romaine en latin, emprunta de manière conséquente le traité de Polybe (tactique) pour son propre De Re Militari, et que Végèce reproduisit la théorie grecque pour son modèle romain par l'intermédiaire de Caton. Un vocabulaire romain pour la formation en phalange, en grande partie dérivé de Caton est particulièrement discuté pour les termes turris, cuneus, et testudo dans leur définitions tactiques réelles. La production byzantine de nouveaux termes pour ces formations (syskouton, fulcum) , démontre de manière insistante le développement de formations en phalange à travers la doctrine tactique romaine tardive.

La légion phalangique, dans ses descriptions de bataille et de vocabulaire technique (formations et tactiques à grande échelle) représente l'un des aspects du problème, la légion comme phalange en terme d'équipement et d'organisation en représente un autre. Certains affirment que l'évolution du déploiement romain, passant d'une formation de combat ouverte à une formation de combat fermée, intervient autour de 200 Ap. J-C, bien que (comme il est présenté ici), ce "changement" serait attesté dans certaines situations, de manière occasionnelle, dans toutes les périodes de l'histoire romaine. En 1979, il fut suggéré que ce "changement" intervint autour de la période 70-135 pour des raisons d'organisation. La date de 200 Ap.-J.C est trop tardive, car elle est postérieure à la "probole" des légions d'Agricola au Mont Graupius (84), au scénario d'Arrien contre les Alains (135) et au «synapismos» de la Iere légion Adiutrix contre les Quades (174), mais correspond à la «testudo» sévèrienne d'Issus (194) et au déploiement en phalange de Macrin à Nisibis (217)

Certaines évolutions dans l'équipement pourrait reflété cette «évolution», bien qu'une datation absolue dans les styles d'équipement est impossible à définir, certaines trouvailles empêchant de fixer des dates arbitraires.

Description général de l'armement.

Commençons par le haut du corps, les casques méritent notre attention. L'étude de Connolly sur la relation entre la position de combat et le design des casques dans l'occident du Ier siècle Ap.-J.C. et du IIe siècle Ap.J.C. permet d'expliquer le redressement progressif du légionnaire: Le casque de type Coolus facilite une position ramassée contre les coups de taille des épées celtes, Les "impérial-gallic" suggèrent une position davantage relevée contre les lances germaniques, et les casques de type Niedermormter ( L'imperial italic de type H de Robinson) datés de la fin du IIe siècle, avec son large et massif couvre nuque se reposant sur les épaules, rend impossible une position ramassée. Julius Africanus se plaint que le casque de type Niedermormter empéche le soldat de tourner sa tête sur les cotés en réduisant sa vision et le génant dans sa respiration. Bien que Connolly loue le soldat comme un escrimeur, l'évolution d'une position ramassée vers une position droite pourrait davantage faire évoluer le légionnaire plutôt comme un lancier dans une formation serrée et réduire la vision périphérique qui sied davantage à un escrimeur dans une formation ouverte.

D'ailleurs, les casques de type Niedermormter coincident avec l'abandon du diptyque césarien, charge et volée de pila, car l'extension du couvre-nuque n'est pas destinée à favoriser le jet de traits. L'utilisation du pilum va décliner pendant le IIIe siècle, comme les casques astringents dotés de larges couvre-nuques et protges-joues, qui seront remplacés par une variante de casques ouverts de type spangenhelme ou des camails. Mais la formation en phalange continue d'exister.

L'évolution dans les boucliers favorise également les formations serrées. Le long bouclier incurvé de la légion républicaine, bien illustrée sur l'autel d'Ahenobarbus (75-50 av JC), commence à être remplacé par le bouclier rectangulaire sous Auguste et devient le principal bouclier des légionnaires et des prétoriens à partir du milieu du Ier siècle. Le bouclier rectangulaire, en faveur auprès des reconstituteurs comme le bouclier standard, eu ses beaux jours du milieu du Ier siècle jusqu'à la période Trajane ou hadrianique. Il disparait largement des représentations monumentales à partir de la moitié du IIe siècle Ap.-J.C.

Des restes de couvertures de bouclier de la Ier légion Minervia à Bonn nous montrent de manière convaincante que le bouclier plat et ovale remplace le bouclier rectangulaire comme équipement standard dans les années 120 Ap.-J.C. Le bouclier plat et ovale, d'origine gauloise et considérée comme le bouclier "régulier" des auxiliaires, apparait déjà sur les pierres tombales de Mayence avant 43 Ap.-J.C et va devenir le bouclier standard jusqu'à l'époque byzantine.

D'ailleurs le témoignage de l'homogénéisation des légionnaires et auxiliaires, un processus qui s'achève dans le premier tiers du IIIe siècle, correspond à l'utilisation du plus manœuvrable bouclier plat et ovale qui facilite le synaspismos et pourrait suggérer une utilisation plus intensive des formations en phalange. Le changement de bouclier vers ce type doit certainement tenir davantage d'une pratique répandue dans l'empire plutôt que d'une mode locale propre à la Ier Minervia. L'utilisation généralisée du bouclier ovale sous Hadrien coïncide avec d'autres réformes de l'équipement et des tactiques: inter alia, un changement dans le design des chaussures légionnaires, l'introduction des tactiques parthes et arméniennes pour les archers montés, le culte de la disciplina militaris. Hadrien n'a pas introduit la légion phalangique, mais son règne témoigne de nombreuses innovations militaires.

Si l'adoption du bouclier plat et ovale est directement associée à la phalange, deux observations sont à apporter. En premier lieu, la largeur des boucliers romains a peu varié depuis le milieu de la République jusqu'à la période tardive. Polybe (6.32.2) mentionne la largeur du scutum autant proche de 2.5 pieds (environ 74 cm) , ce qui correspond à la douzaine de boucliers/couvertures de boucliers reportés par Carol van Driel Murray, au bouclier républicain de Kasr-el-Harit dans le Fayum et au bouclier de Dura Europos du IIIe siècle faisant pour sa part 69 cm., et quelques boucliers ovales rapportés également à Dura et qui approchent, eux, les 92-97 cm.

A l'inverse, la longueur des boucliers, sans regards pour leur forme, reste à peu près à 4 pieds (118 cm). La prévalence pour des formations ouvertes ou serrées dans une période donnée n'influe apparemment pas sur la taille des boucliers. On pourrait s'attendre à des boucliers plus grands pour des formations serrées, bien que ni le synaspismos ni la testudo ne requièrent un chevauchement jusqu'à l'umbo du fulcum de Maurice, et les boucliers plats conviennent certainement mieux que les boucliers incurvés. En second lieu, à travers l'histoire romaine, le bouclier n'a qu'une poignée de préhension horizontale et derrière l'umbo, comme il est visible sur de nombreux monuments et dans les relevés archéologiques provenant de différentes zones géographiques. La double poignée du bouclier hoplite représentée sur certains monuments est un archaïsme clair. Déjà, si beaucoup de mécanismes spécifiques au synapismos, à la testudo et au cuneus, sont aujourd'hui expliqués ou illustrés dans les sources, cela devrait être laissé à la spéculation des reconstituteurs ou des archéologues expérimentaux. Il est néanmoins facile de voir pourquoi, avec une seule poignée, Arrien et Maurice insiste pour que les hommes de première ligne pressent leurs épaules et tout leur poids contre leurs boucliers quand ils se trouvent en formation serrée.

Mais la mise en phalange est-elle l'occasion d'un changement dans l'équipement offensif? Le besoin de voir la légion phalangique comme une phalange d'hoplite doit être nuancée. La poussée (Othismos) des phalanges des hoplites désormais controversés dans les techniques de guerre grecque n'a jamais caractérisé les tactiques romaines dans des combats ouverts après l'institution de la légion manipulaire, et des preuves insuffisantes nous empêchent de statuer sur les tactiques employées par la légion pré-manipulaire. L'umbo du scutum, un objet offensif dans son utilisation, ne favorise pas la poussée de l'homme qui est devant soi dans une file. De manière similaire, le remplacement du gladius par la longue spatha, une arme de taille requérant un maniement plus fin, pourrait être difficilement inspiré par une formation en phalange. L'adoption de la spatha vers la fin du IIe siècle devient le terme générique pour désigner "l'épée" et représente déjà un autre aspect de l'homogénéisation des légionnaires et des auxiliaires. Végèce (3.14, p.98.17) note les termes «ad spatha» et «ad pila» comme le vocabulaire technique pour le combat serré, bien que «ad pila» fusse un archaïsme pour le IVe siècle. La place appropriée pour une épée de deux à trois pieds de long dénote l'utilisation d'un ordre ouvert pour l'infanterie lourde. Si les fantassins du Strategikon de Pseudo-Maurice (Strat. 12.B. 16. 47. 48) alors constitués en Fulcum, tirent bien leurs spathae dans le combat au corps à corps qui clos la phase finale de son scénario de bataille, l'execution de la manoeuvre devait surement impliquer un relachement de la formation: Les hommes, presque collés ensemble, auraient à peine la place pour faire jouer leurs épées à double tranchant.

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 Sujet du message: Re: L'armée romaine en Phalange de Everett L. Wheeler. Nouveau.
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Du choix de la lance ou des armes de jets.

Cependant, Hérodien observe que du temps de la guerre contre les Parthes sous Caracalla (216-218) l'armée romaine munie de lances était considérée comme invincible au combat rapproché. L'auteur, se réfère à la dory, une lance d'estoc qui est l'équivalent grec de l'Hasta romaine. Comme il a été noté plus haut, le pilum a cessé d'être la principale arme longue du légionnaire dès le IIIe siècle (si ce n'est avant…) Le déploiement phalangique et le port de l'encombrant casque de Niedermörmter sont autant de restrictions au jet du pilum avec élan. Pourtant, c'est bien cette arme qui est lancée lors de la bataille dirigée par Macrin à Nisibe (217).

Dans l'Empire romano-tardif, la première des armes de l'infanterie lourde est la lance d'estoc.

Etonnement, Végèce en comparant le pilum avec le spiculum et le verutum avec le vericulum rejette dans sa légion phalangique l'utilisation d'une véritable lance d'arrêt. Ainsi, ses triarii possèdent des plumbatae et deux javelines au lieu de l'Hasta. Son spiculum/pilum ayant tout juste six pieds de long, serait presque un pied plus court que la taille généralement accepté du pilum qui tourne autour des sept pieds de long.

Etant donné le manque de références littéraires et l'absence de preuves archéologiques pour les hampes de lances, la taille des lances d'estoc des romains tardifs s'appuient sur la base d'estimations empruntées aux représentations artistiques. Celles-ci nous donnent une longueur de 2 mêtres à 2 mêtres 50. Certains posent le principe que c'est le déploiement en phalange qui est à l'origine de l'allongement de la lance d'estoc sous l'empire tardif. Mais dans les faits, aucune longeur significative des lances a pu être prouvée, spécialement si le pilum était véritablement de 7 pieds de long. Une infanterie en phalange munie de sarisse n'est donc pas remise au goût du jour par les romains du Bas-Empire.

La vraie question n'est pas la taille des lances des romains tardifs mais celle de la continuité possible avec des pratiques antérieurs. Le "problème de la lance" dans les "acies" d'Arrien est un débat qui reste lui aussi ouvert.

Le plan de bataille d'Arrien proposé pour les légionnaires de la XVe Appolinaris et de la XIIe Fulminata est déployé sur huit rangs de profondeur avec les quatre premier rangs constitués de Kontophoroi et des quatre derniers composés de lonchophoroi. Si il est généralement accepté que les lonchophoroi possédaient des lanceae, l'identification du Kontos est un peu plus problématique.

L'identification du Kontos doit être basée sur la description détaillée des kontophoroi d'Arrien aux "Acies" 16-17, 26. Même si le texte comporte des lacunes, aucunes de celles-ci ne nuisent sévèrement à la compréhension de ces passages. L'infanterie lourde se place donc en Pyknosis. Quand la cavalerie cataphractaire des Alains approche, le premier rang doit lever leurs Kontoi en visant la poitrine des chevaux. Les autres rangs, qui forment ainsi un total de quatre, lèvent à leur tour leurs kontoi pour venir escarmoucher, blesser les chevaux, ou bien encore tuer les cavaliers. Arrivés à ce point, l'infanterie lourde décrite par Arrien est censée rester en Pyknosis, ce qui doit produire un effet psychologique, les Alains devant déterrer de crainte face à cette infantrie romaine en formation. Ces instructions ne s'appliquent que pour les rangs 2 à 4, les kontoi sont probablement tenus sous le bras, ce qui permet une portée plus longue de l'arme.

Si les Alains persistent dans leur avancée, et si un barrage de projectiles accompagné de cris effrayants ne suffisent pas, l'infanterie lourde vient alors se compacter en synapismos afin d'anticiper le choc de la charge de cavalerie. Les instructions pour les kontophoroi des rangs 1 à 4 en ont décontenancé plus d'un et suscité chez le commentateur le désir de correction du scénario d'Arrien. L'auteur grec se réfère (Acies 26) aux trois premières taxeis (place/position) en synapismos recevant la charge des Alains. La quatrième taxis/position lance leurs lancea de l'arrière par dessus les rangs, tandis que la troisième taxis pique et frappe de leurs kontoi les chevaux et les cavaliers au contact de la formation. La quatrième taxis armée de kontoi aux acies 16-17 se retrouvent maintenant avec des lancea. Arrien s'est-il trompé, ou la quatrième taxis est-elle armée à la fois du kontos et de la lancea?

Position dans la ligne et position de l'unité chez Arrien.

Aucune de ces deux hypothèses n'est correct.

Arrien a tout simplement commuté le sens que prend le terme taxis. Aux Acies 16-17, taxis prend le sens de rang ou de position au sein des lignes de bataille alors qu'aux acies 26 il revêt une compréhension différente pour signifier le terme d'unité ou de formation entières. Le terme latin "ordo" possède cette même dualité de sens. La dernière phrase des Acies 26 se lit clairement dans le Laurentianus gr. LV 4: (phrase grec…) et comme un ordre collectif à l'action des rangs 1 à 4 aux acies 16-17.

Implicitement, Arrien aux acies 26 renverse l'ordre dans lequel il décrivait son déploiement. (Acies 12-16): Les auxilia sur le flanc droit (1) les auxilia sur le flanc gauche (2) les légionnaires kontophoroi (3) et les légionnaires lonchophoroi (4) Ainsi, partout dans la section 26 Arrien utilise le terme taxis pour désigner des unités complètes: Les trois premières taxeis seraient l'entièreté du front incluant les auxiliaires sur les flancs et les légionnaires kontophoroi de la troisième taxis. Si cette optique semble excessivement subtile, elle permet de mieux comprendre la prose un tantinet obscure d'Arrien. La même critique peut être directement faite aux acies 20-21 où Arrien introduit (sans autre explication…) le terme peu claire de (mot grec…) pour les unités ou sous unités de cavalerie, et non pas comme un équivalent du grec classique au terme latin des troupes montées. De plus, ce point de vue prend tout son sens lorsque que l'on aborde le texte original sans les préjudiciables et arbitraires corrections des historiens antérieurs.

Cette interprétation des acies 16-17 et 26 montre non seulement qu'un général romain en 135 de notre ère se devait de concevoir son déploiement tactique en terme de fonction des troupes, sans regard pour l'organisation officielle des unités - il s'agit du signe avant coureur des pratiques de l'armée romaine tardive – Mais aussi que le Kontos n'était en définitive pas lancé dans le scénario originel d'Arrien. Il apparaît qu'il ne soit rien d'autre qu'une lance d'estoc. Mais comme souvent dans ce fragment particulier, Arrien insère des donnés bien embarrassants.

De l'identification de la lance d'estoc.

Aux Acies 16, Arrien semble décrire une lance de kontophoroi avec un fer long et mince. Plus loin (Acies 17) pour les instructions des rangs 2 à 4 (qui viennent piquer) Il note que les fers de lances, une fois plantés dans le bouclier ou le pectoral d'un cavalier ennemi pliera de par la minceur du fer qui met le cavalier "hors de combat". Pris ensemble, ces deux extraits ont poussé une majorité d'universitaires à voir dans le Kontos d'Arrien un pilum, spécialement à cause de la tendance du fer a se plier à l'impact faisant échos chez les historiens aux descriptifs bien mieux connus des propriétés du pilum dans les sources littéraires.

Comme bien souvent, tout n'est pas si simple.

Beaucoup de ces universitaires considèrent d'après les acies d'Arrien que le Kontos pouvait être lancé comme un javelot aussi bien qu'utilisé comme arme de pique. Une supposition inexacte comme nous allons le voir ici. Strabon (10,1,12) cité aussi pour preuve que le Kontos pouvait être lancé, offre seulement une collection confuse de termes grecs désignant la lance, affirmant même que la sarisse pouvait être jetée – Peut-être une possibilité physique, soit, mais absolument impossible en terme de combat tactique. Dans l'évaluation des erreurs tactiques des romains par Julius Africanus, la dorata fait office de synonyme pour l'akontia qui était lancée alors que les kontoi, eux, ne l'étaient pas.

A coté de cela, la déformation du long et mince fer de pilum résulte de l'impact après le jet, alors que le kontos d'Arrien n'est pas dit avoir été lancé, et aucune source par ailleurs, n'attestent que le pilum pouvait plier sur un coup d'estoc. Bien que les enregistrements archéologiques montrent une multitude de fer de pilum pliés et déformés, les études récentes de cette arme doutent de plus en plus des innovations de Marius ou de César quand à la faculté de l'arme a se plier coup sur coup. De plus, il n'est pas certain que les deux descriptions du Kontos doivent être comprises ensembles. Une partie de la phrase mutilée des acies 16, a été corrigée et restaurée pour mettre son sens en adéquation avec le fer pliable des acies 17. L'insertion d'une large utilisation de topoï littéraires sur la flexibilité du pilum aux acies 17 ne prouve donc pas nécessairement que la phrase des acies 16 décrive réellement un pilum. En fait, cette partie de la phrase des acies 16 n'est qu'une décoction désespérante de corrections.

La version Grec de Müller est plus lisible et se rapproche plus finement de la définition d'Isidorus de l'Hasta (Orig. 15.7.1): "contus cum ferro". Ce que nous pouvons tenir pour sur, c'est juste que les lances des kontophoroi avaient également des fers longs et minces. Quand au pilum, Arrien ne dit pas, tout comme Polybe (6.23.10) ou Appien (Celt. 1.1.3) que son fer avait des dimensions et une longueur équivalente. Mais si le pilum était la seule lance des romains, quelle sorte de fer pouvait être également appelé long et mince?

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 Sujet du message: Re: L'armée romaine en Phalange de Everett L. Wheeler. Nouveau.
Nouveau messagePublié: 21 Sep 2008, 21:42 
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Le pilum en tant que javelot lourd, était envoyé avec élan. Une impossibilité en synapismos et un argument majeur qui de là, s'oppose au jet du Kontos d'Arrien. Il doit cependant être admis que le pilum comme n'importe quelle lance pouvait être utilisé comme arme de pique par nécessité. Plutarque présente un certains nombre d'exemples où le pilum est employé ainsi. Parmi eux, la description des Quarta acies de César à Pharsale, contre la cavalerie de Pompée ainsi que la formation en "tortue" de Marc Antoine contre la cavalerie des Parthes qui nous montrent le pilum faire office de lance.

Certains pila parvenus jusqu'à nous et datés de la fin de la République et du débuts du Haut-Empire, se présentent avec des fers plus courts que d'accoutumé fichés dans un renfort de bois en forme de "pyramide" et dont le poids est souvent augmenté par une sphère de plomb ou de métal directement fixée sous la partie pyramidale. Cette morphologie particulière résulte t'elle de modifications visant à transformer le pilum en lance d'estoc? Des doutes raisonnables peuvent être émis à l'encontre du pilum du Haut-Empire pourvu de son espèce de garde développée en forme de pyramide à toujours être utilisée comme arme de jet. Cependant, Arrien n'appelle jamais les lances de ses kontophoroi par l'équivalent grec du terme désignant le pilum: "Hyssos" serait plutôt associé avec le mot "lonche" dans les descriptions de batailles comme on peut le voir chez Polyen (8,23,25) Arrien et ses contemporains les plus proches comme Dion Cassius rapproche la doratia (scil pila) des légionnaires de César avec les kontoi des germains. Ainsi donc, selon toute probabilité, le Kontos d'Arrien n'est pas un pilum.

Arrien est donc le premier auteur à nommer des légionnaires romains, kontophoroi. Cela oblige à porter une attention particulière sur le sens donné à ce Kontos décrit dans la phrase altérée des acies 16, car ce passage est le seul fragment à insister sur cette arme.

Les lecteurs romains de l'époque eux, n'avaient pas besoin d'une explication sur ce qu'était le pilum ou le Kontos. Le Contus et la lancea, apparaissent déjà dans le récit de la seconde bataille de Crémone par Tacite (milieu du Ier siècle) Cette combinaison d'armes n'est donc pas une innovation récente de l'époque d'Arrien. De plus, le Kontos/Contus comme lance d'infanterie attribué par Arrien est loin d'être un exemple unique. Nous pouvons suivre son utilisation à travers l'Histoire romano-byzantine jusqu'au VIe siècle. Aux cotés des Kontophoros/lonchophoros de l'escorte du gouverneur de Cappadoce mentionnés par Lucain, aux légions de Macrin que Julius Africanus dit être équipés de Kontoi à Nisibe en 217, en passant encore par Végèce qui parle d'une infanterie ennemie (barbare?) portant des Contati et d'assaillants lançant leurs Conti du haut de tours de sièges mobiles (turris ambulatoria). Au VIe siècle, l'infanterie lourde de Narses à la bataille de Cassilinum ont des Kontoi et Pseudo-Maurice équipe son infanterie lourde avec des Kontaria.

Malheureusement, à l'exception d'Africanus qui se plaint que les Kontoi des romains sont trop courts pour être efficace contre la cavalerie, il n'y a pas de détails chez ces auteurs qui nous renseigneraient sur la longueur du Kontos ou du type de fer qui pourrait exister (mis à part celui décrit par Arrien…) et aucun enregistrement archéologique peut aider au comparatif avec les survivances terminologiques. Le Kontarion de Pseudo-Maurice, qui selon lui peut-être lancé, peut aussi bien indiquer une version réduite du Kontos de par la forme diminutive employé en langue grec.

D'autres prennent Arrien de manière entièrement littérale: Le Kontos d'Arrien serait alors le Contus, la lance extrêmement longue des troupes montées dites Contarii. Le problème du lancer d'une telle arme a été discuté ailleurs, oubliant cependant que dans les faits, le contus est une lance de cavalerie tenue à deux mains. Les légionnaires d'Arrien n'ont pas leurs scutum accrochés autour de leur cou comme les pelte macédoniens qui libèrent les deux mains pour la préhension de la sarisse. Les légionnaires d'Arrien n'ont qu'une seule poignée pour porter leurs boucliers dans la main gauche. Est également peu probable l'identification de Lammert du kontos avec le spiculum de Végèce, plus court mais qui est toutefois l'équivalent du pilum. Le kontos est une lance d'estoc alors que le spiculum reste principalement un javelot. Le terme de spiculum n'a été recensé qu'une seule fois dans un texte du IIe siècle de notre ère usité par un auteur qui plus est non militaire: Apulée, Met. 8.16.

Aussi, Lammert a finement noté l'incongruité au Acies 17 entre le Kontos prévu comme lance d'estoc et son fer flexible assez peu pratique, il faut l'avouer, pour une lance d'arrêt. Les descriptions les mieux connues de pilum pliables sont dans la Guerres des Gaules de Jules César BG 1.25.3.4. (mais aussi ailleurs…) Il se pourrait qu'Arrien ait inséré un topos littéraires en hommage a son illustre prédécesseur ou par simple goût artistique. La description de la flexibilité du pilum n'a pas de véritable rôle dans les acies et n'est qu'un complément mineur et insignifiant dans les instructions de l'Acies 17.

Mis à part cela, le fer pliable résulte de l'impact après lancer, or comme nous l'avons dit plus haut, les kontoi d'Arrien ne sont pas lancés. La nature proprement littéraire de ce fragment est clair de la part d'Arrien qui se plait à se comparer et se proclamer lui-même par espièglerie le nouveau Xénophon (Acies 10,22) En outre, l'aspect artificiel du topos est dévoilé par la référence d'Arrien à la pointe du Kontos fiché dans le bouclier ennemi. Le Contus Sarmate, estimé entre 2,4 mêtres et 4,5 mêtres ne peut-être tenue qu'à deux mains, et de surcroît, les cataphractaires Alains n'avaient pas de boucliers.

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L'Hasta comme lance d'estoc commune?

La solution la plus plausible pour identifier le Kontos d'Arrien peut être trouvée dans la traditionnelle lance d'estoc des romains: L'Hasta. Simplement par analogie avec la Dory d'origine grec qui mesure entre 7 et 8 pieds, et avec sa lame en forme de feuille montée sur douille d'un peu plus de 27cm. La ressemblance avec l'Hasta d'un point de vue objectif est particulièrement forte.

Comme il a été démontré, la différenciation dans l'armement des légions d'Arrien n'est pas sans précédent et correspond à une pratique romaine qui remonte aux temps de la constitution servienne, de la légion en phalange jusqu'aux soit disantes "réformes de Marius" en 100 Av.-J.C. L'Hasta a continué a être utilisée durant toute cette période. L'Absence apparente de l'Hasta et la prédominance du pilum dans le corpus Caesarianum est à la source de l'hypothèse que Marius a supprimé l'Hasta pour créer un armement uniforme dans les légions. Mais cette suppression n'est attestée ni dans les sources littéraires ni dans les enregistrements archéologiques. L'Hasta, contrairement au pilum reste la lance la plus fréquemment représentée sur les monuments et les reliefs de la République tardive, et bien au delà du Principat.

Parmi les découvertes de fers de lances, les lames en forme de feuille des Hasta dépassent largement le nombre des fins fers de pilum dans l'ensemble de l'Empire selon l'estimation de Couissin, et une étude plus récente en Grande-Bretagne aboutie aux mêmes conclusions. Bien sûr, toutes les lames en forme de feuilles n'appartiennent pas à l'Hasta (Longa); Même l'emploi de ce terme pour décrire la lance d'estoc peut être attaquée. L'Hasta amentata, la Lancea en fait, dispose elle-même d'un fer en forme de feuille. De plus petits fers de la même forme peuvent équiper des javelines et des javelots tandis que de plus grands et de plus larges peuvent correspondre à des lances d'estocs. Mais il s'agit là de critères scientifiques bien minces en l'absences d'une typologie de référence sur les fers de lances. Cela ne doit pas pour autant amoindrir le fait de la prédominance de l'Hasta sur les monuments et reliefs. Une pointe de lance en forme de feuille de plus de 27cm de long peut très bien satisfaire aux critères d'Arrien aux acies 16 lorsqu'il parle pour son Kontos d'un long et mince fer de lance.

Comme une enquête proprement détaillée de l'Hasta sur les monuments et les stèles funéraires dépasse les limites de cette étude, deux exemples peuvent suffire.

En premier, et fréquemment reproduit dans les publications, les métopes d'Adamklissi (début IIe siècle Ap.-J.C.) Le panneau XLVI montre des légionnaires portant des pila; De même, le Métope XLVII montre lui aussi des soldats armés de pila. Une plus grande attention portée sur le Métope XXIV décrivant des soldats romains en cotte de maille et portant des scutum incurvés, indique qu'ils sont aussi équipés de longues lances qui peuvent être des [i]Hasta[/i]. De manière similaire, les illustrations du Métope XXXII voient deux romains et leurs scuta appuyés sur leurs genoux tenant leurs Hastae dans leurs mains droites, bien qu'une partie des hampes soient manquantes. La datation de ces métopes à l'époque trajanne n'est pas à remettre en doute. En Second, si les stèles funéraires des Lanchiarii de la IIe légion Parthica à Apamée en Syrie ont tout juste été mises à l'honneur, deux autres stèles de la IIe Parthica (apparemment datées de 216-218) méritent un plus grand examen. Aur. [elius (?)] Moucianos nous est dépeint au dessus de son épitaphe tenant un petit bouclier rond par dessus son bras gauche et dans sa main droite, une longue lance de taille équivalente à la propre hauteur du personnage figurant Moucianos. Le fer de cette lance est une large pointe en forme de triangle. La depiction de Fl. [avius (?)] Trypho sur sa pierre tombale est presque identique, quoique la tête de la lance est un peu moins bien formée. Ces longues lances ne sont certainement pas des pila et doivent être des Hastae. Les fers de forme triangulaires; probablement une convention artistique peuvent être mis en parallèle avec les deux hastae croisées derrière le parma d'un cavalier d'une stèle funéraire du Ier siècle au nom de M. Carantius Macrinus de la I cohorte Flavia Urbana. Tout comme du temps de la guerre Parthe de Caracalla, l'armement de la IIe Parthica semble concorder avec celui de la XVe Appolinaris et de la XIIe Fulminata dans les Acies d'Arrien. Lanciarii et Kontophoroi aurait alors des Hastae.

Les preuves archéologiques ne semblent pas contredire la correspondance entre le Kontos et l'Hasta. Mais nous devons apporter une solution à une question demeurée objectivement sans réponse: Pourquoi Arrien fait-il le choix d'employer le terme Kontos pour l'Hasta quand la traduction grec de ce terme est communément celui de Dory?

Une explication simple de ce choix est impossible.

Bien souvent, ce qui est intéressant, est la tendance des auteurs latins à traduire eux-même le terme grec de Sarissa (la sarisse…) par celui d'Hasta plutôt que Contus. Tite-Live appelle la Sarissa par les termes de Praelonga hasta; Curtius compare l'Hasta avec la Sarissa et les Sarmates d'Ammien Marcellin au lieu de Conti possèdent des Hastae longiores. Mais c'est Flavius Josèphe qui offre un parallèle avec le Kontos d'Arrien. Il relate que les pedites singulares d'un gouverneur portaient une lancea et un bouclier rond, tandis que l'infanterie régulière avait un Xyston et un scutum. Parmi les principaux historiens grecs de l'époque impériale, le cas du Xyston de Joseph est unique. Mais tout juste comme le Kontos d'Arrien ne peut être le pilum, la même chose est vraie pour le Xyston de Flavius Joseph bien que le pilum soit l'arme couramment acceptée ici. Comme pour le terme "Contus", la traduction la plus basique du mot Xyston est littéralement "hampe" ou "barre", ce qui pourrait tout aussi bien le rendre synonyme de Dory. Dans sa signification hellénistique primitive, le terme désigne aussi la sarisse de cavalerie d'une taille de 3,6 mêtres, et le nom exacte de la simple lance de cavalier chez Xenophon. Elien identifie aussi les Xystophoroi comme des cavaliers lanciers Doratophoroi, un principe répété par Arrien avec le terme Kontophoroi désignant ses légionnaires. Mais ni Joseph ni Arrien ne tente de décrire une longue "lance-sarisse" pour les légionnaires. En fait, les deux auteurs utilisent des termes comprenant une lance avec une "longue hampe" qui signifie en tout et pour tout Hasta. Dans cette perspective, le couple Lanceae et Conti dans Tacite (Hist. 3.27.3) devient beaucoup plus évident à la lecture.

Une correspondance indirecte entre Dory, Hasta et Contus peut être encore trouvée en comparant les donnés de deux assassinats célèbres. Le premier dans Dion Cassius (73.10.1-2) évoque le meutre de Pertinax (en 193) massacré qu'il fut à coups d'épées, puis la tête par la suite plantée sur une Dory. Dans l'Histoire Auguste en revanche, un certain Tausius d'une unité de Tongres assassine le même personnage avec sa Hasta tout en réservant le même sort à sa tête. La tête de Pison connaît le même traitement (en 68…) la tête cette fois planté sur un Contus (Tacite, Hist. 1.44.2) Il est surprenant de voir comment des soldats peuvent trouver aussi facilement une "hampe" au moment où ils en ont le plus besoin (le trait d'humour passe mieux en V.O. = "pole") et pour nous, bien moins surprenant que le Contus soit en réalité une Hasta.

Aucune tentative d'interprétation des raisons d'Arrien de la sélection du terme de Kontos à la place de celui de Dory ne peut être définitive.

Le cas du Kontos comprit comme une Hasta procède par élimination des autres possibilités les moins convaincantes; Le Pilum, le Contus de cavalerie, le Spiculum aux cotés des présupposés des archéologues issus de leur propre perception de ce que peut être une Hasta et sa signification. Dès le début du Principat, le terme Hasta devient ambiguë. L' eques protentis hastis perfringit (Ann. 14.37.1) décrit probablement le Contus du cavalier. Quand Tacite (Ann. 12.35.1) désigne la Spatha et l'Hasta comme les armes des auxiliaires, il n'est pas incertain qu'il ne désigne pas l'Hasta longa ou l'Hasta amentata (la lancea…) selon sa propre compréhension. Quand l'empereur Hadrien s'adresse à l'aile I Pannoniorum de Lambèse en 128, il se réfère (si la restauration est correcte…) à l'Hasta amentata. Les exagérations de Frontin sur le compte de Lélien et sur les légions syriennes en 161-162 mentionnent aussi l'Hasta amentata bien qu'Hadrien comme Frontin puisse aussi simplement parler de l'Hasta.

Les ambiguïtés persistent dans les livres modernes sur les armes romaines où tous les fers en forme de feuilles sont mélangés ensembles (aussi bien les indices d'identifications que les arguments qui soutiennent celles-ci…) sans regard ni tentatives de différenciations de l'Hasta longa et de l'Hasta amentata. Peut-être qu'Arrien trouvait le terme Dory trop générique. Un mot trop ambiguë pour décrire l'usage contemporain de l'Hasta et des Lanceae des Lonchophoroi. En choisissant le vocable Sarissa il aurait mal représenté la taille exacte de la lance et aurait inféré trop de connotations non-romaines. Joseph fait face à la même difficulté en choisissant le terme Xyston mais toutefois sans lendemains. Si Tacite (e.g. Hist. 1.44.2, 3, 27.3) présente dans certaines de ses indications, les termes Kontos/Contus, ceux-ci émergent vraiment à partir de 100 Ap.-J.C. pour désigner la lance d'estoc et échapper à l'ambiguité de sens Hasta/Dory.

La régularité des termes Kontos/Contus pour la lance d'estoc se retrouve chez Lucain, Julius Africanus, Végèce, Agathias et suggère une réelle tendance. Encore qu'Hérodien au milieu du IIIe siècle voit sans difficulté sa légion phalangique armée d'une Dory, et cela est peut-être significatif que Syrianus Magister ait sélectionné le mot Dory pour sa propre phalange alors qu'Elien, sa source, préfère utiliser le terme Sarissa. Ainsi donc, la reconnaissance de l'Hasta permet d'éliminer le besoin spécieux d'imaginer une nouvelle lance d'estoc exagérément longue pour les armées romaines tardives. Nous devons nous satisfaire de la complainte d'Africanus qui disait que les Kontos des romains étaient trop courts pour être efficaces contre la cavalerie. Avec une taille de 7 à 8 pieds, la "projection" de l'Hasta sur le front des soldats en première ligne (si la préhension de la lance se fait approximativement au centre de la hampe aussi bien par une tenu à bout de bras que dans le prolongement du bras…) ne doit même pas dépasser les 3-4 pieds de long. Mais l'assertion du même auteur selon laquelle la Dorata romaine était plus courte que la grec se révéle problématique, à moins qu'il avait à l'esprit (ce qu'on préférerait…) la sarisse Macédonienne.

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Le contubernium: unité de base et ordonnancement de la légion.

Après en être passé par les équipements, l'augmentation du recours à la légion phalangique coïncide t'elle avec d'autres changements sur le plan organisationnel de l'armée romaine?

En 1979, il a été suggéré que le contubernium (le nombre d'hommes partageant la tente commune ou la chambrée) connaissait un nombre de 6 hommes pendant l'ère Républicaine et parfois de 8 pendant le Principat. Il a aussi été dit que le contubernium avait une fonction tactique. Pour preuve, les légions d'Arrien en marche avançaient cote à cote sur 4 hommes de front et combattaient sur 8 hommes de profondeur tandis que les armées flaviennes de Joseph marchaient 6 hommes cote à cote et combattaient vraisemblablement sur 6 hommes de profondeur. A partir de là, nous savons déjà que le contubernium ne fonctionnait pas uniquement comme une unité de drill, et un changement dans la taille du contubernium eut lieu entre les années 70 et 135.Toutefois, il n'est pas dit pour autant que ce changement a été causé par le déploiement de la légion en phalange. Une interprétation alternative de Speidel suggère que l'examen de ces questions doit aussi être réévalué.

Les sources républicaines, Flavius Joseph et Végèce décrivent un déploiement romain basé sur un système de 3/6; Arrien, Syrianius Magister, Pseudo-Maurice et les tacticiens hellénistiques nous relatent un système de 4/8/16. Mais il y a des "exceptions": la phalange servienne s'érigeait sur 4 lignes de centuries en profondeur; C. Sulpicius Peticus déployait au moins 4 lignes de profondeur contre les gaulois (en 358 Av.- J.C) et un fragment de Caton l'ancien nous dit que ses Pedites étaient sur 4 Agmina. Bien sûr, concernant la phalange servienne les 4 lignes de centuries ne doivent pas être comprises comme composées seulement de 4 rangs de profondeur, puisque la profondeur des rangs de chaque centurie de cette époque reste inconnue. Le stratagème de Sulpicius employant un barrage de pila contre les gaulois mentionne explicitement 4 rangs puisqu'il fait référence au dernier rang (le quatrième donc…) lancant leurs pilum. Ici, Appian (ou sa source) a dû omettre les autres rangs pour des raisons principalement stylistiques, et le passage n'est pas une preuve que l'armée dans son entier était seulement de 4 rangs de profondeur. Le fragment de Caton, une seule phrase d'ailleurs sortie de tout contexte connu doit lui, faire référence à une armée en 4 colonnes de marche car c'est le sens usuel que prend le terme latin "Agmen". L'autre emprunt aux Tactica de Polybe utilise un système de 4/8 issu des Tactica Grecs.

Cependant, d'autres sources littéraires ou certaines preuves archéologiques relevées de fouilles de camp légionnaire en Espagne montrent qu'à l'époque Républicaine, le maximum des forces était de 60 hommes encasernés dans 10 contubernia: 6 hommes par contubernium! Ainsi, les manipules d'Hastati et de Principes sont probablement déployés sur 20 hommes de large et 6 de profondeur; Polybe (6.24.8) établissant que les 2 centuries du manipule étaient déployées cote à cote avec le centurion principal (le Prior) commandant la centurie du coté droit de la formation. Si, (comme nous l'aimerions) la moitié d'un manipule (Ordo) de Triarii était déployé sur 20 hommes de largeur et 3 de profondeur, le total de la profondeur d'une légion manipulaire serait de 15, sans compter les velites et les autres membres de l'infanterie légère derrière les triaires. Le déploiement en cohorte dont nous allons maintenant discuter, présente dans les sources littéraires d'insondables problèmes. Mais, déjà, la solution proposée par Veith pour les manipules d'Hastati de Principes et de Triarii cote à cote, et formant une unité de 60 légionnaires avec 6 hommes de profondeur, offre la configuration la plus convaincante pour toute l'ère Césarienne. Les légions de Flavius Joseph qui marchaient 6 hommes cote à cote (BF 3.124; 5.48) correspondent à la taille du contubernium républicain et probablement à la profondeur du manipule républicain issus des instructions d'époque républicaine.

Le système de 3/6 de Végèce pour les Epitoma rei militaris de la fin du IVe siècle dérivent du système de 4/8 d'Arrien et des traitées de l'Antiquité Tardive. Si les études britanniques suggèrent une réduction d'une partie du nombre de contubernia dans la centurie, passant de 10 à 5 ou même à 6, il faut aussi envisager la réduction de la taille du contubernium lui-même, vers un retour au format républicain de 6, dès la moitié du IIIe siècle. Le système de 3/6 de Végèce peut être expliqué par cette restauration du modèle républicain voulu par l'auteur dans sa réforme de l'infanterie romaine auquelle est ajoutée des éléments contemporains des pratiques des romains tardifs. Au livre I,20 Végèce reproduit les trois Acies de la légion manipulaire (supposé reprises de Caton l'Ancien et de Cornelius Celsus) avec cette inversion idiosyncrasique des Acies des Principes et des Hastati. Des Acies qui doivent être comprises comme 3 lignes de manipules et non seulement 3 rangs comme aux livres II,6 et II, 15-16 où Végèce expose son déploiement en deux Acies de 5 cohortes chacune avec les triaires en réserve. Encore une fois, une ligne de 3 rangs ne doit donc pas être prise en ligne de compte. Cependant, Il est remarquable de noter que Végèce fait une confusion dans l'organisation à l'intérieur des cohortes et dans le déploiement de ces même cohortes: Il compare en fait la première Acia des cohortes I à V avec les Principes auquelle il donne leur nom tandis que les cohortes VI à X deviennent les Hastati et reste de coté les Triarii qui ne sont pas comptés dans le nombre des cohortes. Au livre III, 14. Végèce ne s'étend pas longtemps sur les Acies mais décrit la légion en 6 Ordines. La restauration républicaine des 6 rangs de profondeur obscurcie son élaboration du déploiement en cohortes du Livre II, 15-16. Ses Ordines ne peuvent raisonnablement pas indiquer la profondeur totale de l'armée comme étant juste de 6 rangs…

Dans le chapitre suivant (III,15) Végèce digresse sur les intervalles des lignes et des rangs et calcule l'espace requis pour un déploiement en 3 ou 6 lignes de profondeur ainsi que les différents nombre d'hommes nécessaire pour établir le front. Goldsworthy trouve difficilement recevable que l'on puisse voir ici la preuve que le déploiement était de 3 rangs. Mais Schenk a démontré (16 ans avant lui) que ce chapitre accepté comme étant de la propre composition de Végèce n'est qu'un amas de non-sens. Comprit correctement Végèce ne décrit en aucune façon l'armée de son temps utilisant un système de 3/6. Cette description doit être prise comme un modèle républicain (l'ultime modèle de Caton…) adapté et infléchi par des éléments de la structure de l'armée romaine tardive. Le déploiement de ses cohortes/Ordines en bloques solides sans intervalles entre elles sont issus d'une composition phalangique et l'utilisation de multiple "bloques" de phalanges correspond en fait aux pratiques militaires contemporaines de Végèce. Julien a certes utilisé une forme de Triplex Acies à Strasbourg mais ce n'était pas la variété de composition de Jules César.

A un moment donné du début du Principat, la centurie a augmenté de 6 à 8 hommes de profondeur. Ce changement pourrait être envisagé comme une réforme augustinienne mais si (comme nous allons l'argumenter ici) le contubernium avait une fonction tactique et si les légions de Joseph en marche emploient un système républicain, alors ce changement ne peut être augustinien. Les premières marques de ce changement apparaissent dans le témoignage "testamentaire" du "De munitionibus castrorum" de Pseudo-Hygin. Bien que le travail de cet auteur repose sur une base générale empruntée aux pratiques romaines du Principat, le texte appartient plus probablement à la fin du Ier siècle ou du IIe siècle Ap.-J.C. Les périodes Domitienne, Trajane ou Antonine sont encore aujourd'hui débattues. Le nouveau format des contubernia coïncide avec l'embarrassante augmentation de la taille de la première cohorte de la légion à 5 double centuries. Un phénomène archéologiquement attesté dès l'époque Flavienne (Inchtuthil, Nijmegen) mais aussi sporadiquement attesté dans l'épigraphie, les inscriptions, et canonisé dans les pratiques rapportées par Pseudo-Hygin (III) et Végèce (II,6). Le cas de l'augmentation de la taille des contubernia et celui de l'augmentation du nombre de légionnaires de la première cohorte ne doivent pas être mélangés car rien dans les descriptions de batailles n'indique une fonction tactique particulière à l'effectif double de la première cohorte.

Veith, un "instructeur" de l'armée allemande a astucieusement reconnu la connexion entre la taille du contubernium et la profondeur du manipule républicain et de la cohorte. Le contubernium selon lui, constitue le rang. Une centurie de 60 hommes en 10 contubernia déployés en 10 lignes de 6 hommes de profondeur. Plus tard, Veith a réalisé à partir de l'exercice de manœuvres modernes, la relation entre la largeur d'une colonne en marche et la profondeur d'une ligne de bataille. Les soldats de Flavius Joseph en colonne de 6 cote à cote indiqueraient ainsi une profondeur de 6 hommes en ligne. Le changement de la colonne à la ligne correspondrait par roulement à toute l'unité (le centurie…) formée individuellement par les contubernia. Cette hypothèse reste toutefois a démontrer et il est possible que ce système ait pu varier selon les circonstances. Les colonnes d'Arrien de 4 hommes et son déploiement en 8 de profondeur représente clairement un autre système de Drill.

Ce pendant, une certaine naïveté sur les techniques issues des procédures militaires peuvent souvent être décelées dans les exposés de nos différents auteurs. Les mouvements et les formations de milliers de soldats espérant opérer en un temps raisonnable (en supposant que l'ennemie permette un déploiement serein…) ne sont généralement pas complètement libres de choisir la largeur des colonnes et la profondeur des lignes de manière aussi absolue. Les individus à l'intérieur des plus petites unités de manœuvres sont aussi bien entraînées à se mouvoir automatiquement que sous le suivi stricte des ordres. Malgré tout, un changement impromptu, ou l'addition de rangs supplémentaires ne devait pas se faire sans grande confusion dans une armée de plusieurs milliers de soldats. Par exemple, l'ajout chez Arrien de 3 rangs derrière l'infanterie lourde composés par unités et en fonction de leurs spécialités (Acies 18-19, 21): Les archers à pieds des auxiliaires (au rang 9) de l'artillerie (au rang 10) et d'archers montés (de 6 lochoï)

Les Romains ont pré-défini un système de Drill: Les figures de 3 et de 6 s'ordonnent trop parfaitement en dépit de la pratique aussi bien chez Polybe que chez Joseph que l'on pourrait croire particulièrement chanceux. Quand au système d'Arrien de 4 et de 8, il s'agit de schèmes plus convenables vus dans d'autres sources comme celles tardives ou celle de Pseudo-Maurice. A moins qu'il ne s'agisse pour le système d'Arrien que d'une originalité propre à l'armée de Cappadoce. Evidemment qu'il y a chez Pseudo-Maurice des éléments de pratiques militaires réelles en supposant bien que la taille des colonnes de marche et la profondeur des lignes de batailles pouvaient être modifiées à volonté: Une armée remarque t'il, devait aisément être capable de se compacter ou de passer de 8 à 16, mais le desserrage des formations devait prendre des heures. Certainement que des exceptions peuvent être relevées. La difficulté du terrain devait en effet nécessiter des colonnes plus étroites que 6 ou même 4 hommes de front, et Pompée a déployé les siennes en 10 de profondeur à Pharsale…

Il faut bien reconnaître que l'analyse des formations par ce qui nous est connu de l'organisation militaires romaine reste vraiment problématique. Un examen systématique de la largeur des portes des forts et des camps (spécialement des camp légionnaires) devrait être utile à la connaissance de la largeur des colonnes de marche de l'armée romaine.

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L'absence de documents connus attestant le contubernium comme unité fonctionnelle ne devrait nullement éveiller le scepticisme à l'encontre de sa fonction tactique. Des sous-unités de quatre sont déjà attestés dans les sources littéraires. Un autre parallèle peut aussi être fait entre le contubernium et la fonction tactique des sub-divisions macédoniennes. Dans cette optique nous pouvons citer la correspondance avec la file, originellement de 10 hommes (une tente par unité de 10) et Végèce, dont on retrouve encore l'écho dans Pseudo-Maurice, et qui rapporte un nombre de 10 hommes par Contubernium sous les ordres d'un Decanus. Effectivement, Pseudo-Maurice nous décrit des files de seize hommes divisées en deux sous-unités de huit hommes "contubernia" (Strat. 12.B.9, 23-28) Le rang complet sous les ordres d'un chef de file (Lochagos) et cette même file sub-divisée sous les ordres du Decharch (Decanus) Présenté ainsi, il subsiste peu de doute concernant la fonction tactique du contubernium.

La compréhension du déploiement d'Arrien dans les termes d'un nouveau système de 4/8 n'est certe pas évident. L'alignement des troupes reflète seulement la différenciation de l'armement. Les cohortes légionnaires ne sont même pas mentionnées. Déjà que la différenciation des armes à l'intérieur des manipules n'est pas avéré dans la légion manipulaire (tous les Triarii ayant soit disant l'Hasta et tous les Hastati et Principes ayant soit disant le pilum) des armes différentes à l'intérieur de la centurie ou du contubernium serait extrêmement malaisé à soutenir. Le nombre de 4 hommes de largeur dans la colonne de marche d'Arrien reste encore la meilleur perception du demi-contubernium vu en tant que sous-unité. Ainsi, avec un déploiement par centuries qui serait de vingt files de larges pour quatre de profondeur nous aurions deux demi contubernia l'un à coté de l'autre. Dans tous les cas de figure, la profondeur totale de l'infanterie lourde par huit reste bien égale à la taille du contubernium.

Mais comment la distribution et la différentiation des armes à l'intérieur de la légion peut-elle s'expliquer?

Différentiation et distribution des armes dans la légion et déploiement par cohorte:

Végèce offre une clef. Comme nous l'avons noté plus haut, Végèce (DRM, II, 15) semble confondre l'organisation à l'intérieur de la cohorte avec le déploiement par cohorte, en nommant les cohortes I à V de sa première ligne (Acia) Principes, et les cohortes VI à X de sa seconde ligne, "Lonchophoroi/Lanciari". C'est en effet, la description qu'il donne peu après des Hastati lorsqu'il équipe sa seconde ligne de Spicula et de Lancea (III, 14). Encore que le simple exemple épigraphique du seul lanchiarius de la deuxième Parthica (sur les trois textes publiés) désignant sa cohorte comme étant la VIIII (AE 1993. 1575) pourrait nous induire en erreur.

Malgré tout, si l'ordre de marche des auxiliaires correspond bien avec celui de la légion, alors, et même si cet argument doit suivre un examen minutieux, Les kontophoroi des légions d'Arrien consisteraient aux cohortes I à V précédées des cohortes VI à X dans l'ordre de marche. Chacune marchant en rangs de demi-contubernia et déployés en ligne en s'accordant à produire une profondeur de huit légionnaires. La division de l'armement par cohortes à l'intérieur de la légion peut dès lors s'expliquer relativement facilement par le retrait progressif de Vexillationes à partir des légions d'origines ou par la constitution de formations d'unités aux fonctionnalités spécifiques comme c'est le cas par exemple des lanciarii de l'empire tardif.

D'autres, cependant, voient les choses différemment. Speidel accepte la différentiation des armes à l'intérieur de la légion et reconnaît que la centurie se déployait en vingt files de large et quatre rangs de profondeur. Il a aussi établi que la centurie du Principat avait une fonction tactique et que les noms de celles-ci avaient une signification hiérarchique pour tous les membres de la centurie et non seulement pour leurs centurions. Néanmoins, quelques inscriptions accompagnées de symboles représentant chaque centurie individuellement à l'intérieur de la cohorte permettent de nouvelles spéculations sur l'organisation du déploiement cohortaire. Cependant, un exposé détaillé de ces symboles et des textes qui les complètent ne peut pas être entreprit dans l'étude qui nous intéresse. Toutefois, nous pouvons relever ici les points majeurs de ces nouvelles informations.

Premièrement, un consensus sur la compréhension exactes des symboles, quand à savoir quel symbole se référant à quelle centurie est actuellement impossible. Mann contredit l'interprétation de Speidel, et la découverte d'un Pilus Posterior dans la première cohorte de la IIe légion parthique au IIIe siècle ne soutient plus l'idée communément admise d'une première cohorte à cinq double centuries. Même si un consensus peut toujours être recherché du coté de l'explication de ces symboles, les auteurs restent très sceptiques quant à la capacité de la preuve épigraphique à résoudre le problème complexe du déploiement militaire romain.

En second, aussi bien Speidel que Mann s'accordent pour considérer les termes Prior et Posterior appliquées à la titulature des centuries comme des signes de positionnement topique des centuries et des centurions, indiquant par là que les Centuriae priores se placeraient sur le front de la ligne de bataille au devant des posteriores. Mais Polybe en son temps établi explicitement que les centuries du manipule se placent cote à cote et que la primauté du centurion (qu'il soit prior ou posterior) était d'ordre temporaire: Par élection, le meilleur d'entre eux était choisi par les membres de la centurie. Certainement que lorsque "la réforme marienne" produisit la cohorte comme unité standard de la légion, les Triarii furent transférés de l'arrière sur le front créant ainsi les Pilani, comme le rang le plus élevé des centuries et des centurions. Les Hastati quand à eux étant réaffectés sur une position secondaire tout en restant sur la ligne de front par l'arrangement cote à cote des manipules de la cohorte. Bien qu'aucune preuve n'attestent que les deux centuries du manipule n'aient jamais échangé leur déploiement adjacent sur le front et à l'arrière, cette interprétation possède tout de même une longue pérennité dans l'historiographie moderne.

Troisièmement, l'interprétation que Mann fait des symboles des centuries le mène à un déploiement cohortaire similaire à Veith: De la droite vers la gauche; Les manipules de Pilani, de Principes et de Hastati alignés sur une seule ligne de front, quoique à la différence de Veith, avec les Centuriae priores au devant des posteriores. Il n'offre aucune idée des profondeurs et des largeurs des formations. Au contraire, Speidel imagine les différentes cohortes avec les Pilani, Principes, et Hastati positionnées à partir du front vers l'arrière. De là, il pose un déploiement par centurie de vingt hommes de large pour quatre de profondeur. La conséquence logique pour un déploiement en cohorte serait une formation de vingt hommes de larges pour vingt quatre fantassins en profondeurs (6 x 4). Pour le moins, Nous avons là véritablement une cohorte phalangique.

Plus loin, il spécule que les colonnes de marche d'Arrien de quatre hommes de large et de huit de profondeur peuvent être expliquées par une ligne probablement conçue à partir des trois types de manipules, dont une partie aurait normalement la garde de la gauche du camp. De là, nous pourrions nous représenter la différence entre les colonnes de marche de Joseph et d'Arrien. Mais quelle ligne tiendrait la gauche du camp? Les Pilani? Les Principes ou les Hastati? Uniquement une Vexillatio de la XIIe Fulminata est présentes dans les Acies d'Arrien. Si la garde du camp est bel et bien octroyée, il peut l'être au reste de la XIIe légion Fulminata, bien qu'il soit plus probable que les autres parties de cette légion soit cantonnée sur ses bases à Mélitène en Palestine occupée par la révolte de Bar Kochva à la même époque, ou par tout autre chose.

Si deux lignes de quatre centuries ayant la profondeur d'Arrien de huit est contredit par l'opinion de Speidel, celui-ci soutient au contraire une profondeur de centurie de quatre pour un déploiement par centurie de 40 x2 au lieu de 20 x4, et un total de profondeur pour sa cohorte (si les trois lignes sont bien présentes) de douze. Une configuration qui n'a malheureusement pas été enregistrée pour l'armée romaine. Speidel n'explique pas non plus la distribution et la différenciation des armes. Qu'en est-il de la "ligne" absente des Kontophoroi ou des Lanciari? De manière significative, la perspective exposée par Speidel ignore la continuité du système d'Arrien de 4/8, système encore utilisé dans le Pseudo-Maurice (Strat 12.B.16.97-105) et ce que Végèce tente lui même de faire adhérer à son système de 3/6 qui ne représente pas une anomalie dans les pratiques des romains tardifs, mais seulement une imitation, ou un retour à un modèle républicain.

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 Sujet du message: Re: L'armée romaine en Phalange de Everett L. Wheeler. Nouveau.
Nouveau messagePublié: 01 Nov 2008, 19:25 
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Nouvelle mise à jour de la traduction de l'article!

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 Sujet du message: Re: L'armée romaine en Phalange de Everett L. Wheeler. Nouveau.
Nouveau messagePublié: 02 Nov 2008, 18:08 
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J'en profite pour signaler que ce sujet fera parti d'un "triptique" dans cette rubrique, car avec l'article sur la légion en phalange sera aussi ajouté celui sur le Fulcum de Philip Rance traduit en français et celui de Sylvain Janniard sur le Cuneus (et celui-ci ne demande aucun effort de traduction) Bref, avec ses trois articles il est possible d'émettre un certain nombre d'hypothèses de reconstitution et de proposer des formations réfléchies et solides d'un point de vu pratique.

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