Les Protectores et les Protectores domestici; Garde rapprochée de l'Empereur.

Les Origines.

Le terme de protectores (protecteur) est apparu au début du IIIe siècle Ap.-J.C. pour distinguer certains singulares (des cavaliers prétoriens) de l’empereur, des préfets du prétoire et des gouverneurs ( M. P. Speidel, The Early protectores and their beneficiarius Lance, Archälogisches Korrespondenzblatt, 16, 1986.) L'Empereur Gallien (253-268) en fit un titre honorifique porté par tous les officiers au dessus du grade de centurion lorsqu’ils accompagnaient le prince en campagne (M. Christol, La carrière de Traianus Mucianus et l’origine des protectores, Chiron 7, 1977). Dès l’époque de Dioclétien (284-305) les protectores forment un corps particulier dans l’état major central, composé initialement de cadres issus du rang, admis auprès de l’Empereur lors de la cérémonie "d’adoration de la pourpre" (Adoratio purpura).

Bien que placés sous la responsabilité d’un magister militum praesentalis, ils servaient indifféremment d’officier d’ordonnance auprès de l’empereur, des Magistri militum ou d’autres hauts responsables militaires y compris régionaux. Ils pouvaient être affectés individuellement ou en petits groupes à une grande variété de tâches dont des missions de logistique, de renseignements ou en rapport avec le recrutement. Il semble avoir été aussi possible, au moins depuis le début du IVe siècle de devenir directement protector sans passer par le rang, ce qui a entraîné dès le milieu du même siècle au plus tard, la division du corps entre protectores et protectores domestici

Certains officiales et vétérans pouvaient aussi quitter leur charge distingués par le rang de protector (CTh, VII, 1, 7, VIII, 7, 8, CIL, V, 8747, Sym. Ep. III, 67). Cependant, à partir du début du Ve siècle, le corps paraît avoir perdu sa principale fonction de filière de sélection des chefs d’unités, et ne plus former alors qu’une troupe de parade dont les membres, souvent absentéistes, achetaient une charge honorifique à proximité du prince (CTh, VI, 24, 6, Sym. Ep. II, 74). Il ne semble pas survivre à Théodoric en Occident ni à Justinien en Orient.

Les Protectores Domestici.

Les protectores domestici constituent une branche particulière des protectores, eux aussi organisés en corps spécifique dans l’état major impérial. H.-J. Diesner et R. I. Frank suivant les informations anachroniques d’Aurelius Victor, (De caes. 39, 1. et de l’Histoire auguste, "Vies de Carus", "Carin et Numérien", XIII, 1.) estiment qu’ils existaient déjà sous Dioclétien, mais ils ne sont pas attestés avant le milieu du IVe siècle.

Les protectores domestici étaient placés sous l’autorité du Comes domesticorum. Ils possédaient une hiérarchie interne avec à leur tête un Primicerius assisté de Decemprimi, la progression dans la carrière dépendant de l’ancienneté de service (CTh, VI, 24, 7). Les domestici pouvaient être affectés selon les même procédures et avec les même fonctions que leurs collègues simples protectores. Avant le début du Ve siècle, le corps des protectores domestici fut scindé en deux scholes d’equites et de pedites, disposant chacune de leur comes (Notitia Dignitatum Orientalis, XV et Occidentalis, XIII). Comme son équivalent protector, le rang de protector domesticus pouvait être obtenu à titre honorifique (CTh, VII, 21, 3).

Le plus connu des protectores domestici est sans conteste Ammien Marcellin qui exerça ses fonctions auprès du magister militum Ursicin. Bien qu’il soit impossible de mettre en rapport la carrière de Gratien, père des empereurs Valentinien et Valens, la création des protecteur domestiques répondait très certainement à la volonté d’intégrer directement dans le corps des protectores des cadets sans grande expérience des armes, en particulier les fils de hauts responsables militaires ou civils (Ammien Marcellin, XIV, 10, 2; XXV, 5, 4; XXVI, 5, 14)

Fonctions des Protectores:

Dès le moment où ils furent constitués en corps auprès de l’état major central, les protectores servirent de vivier de recrutement pour pourvoir aux commandements des unités militaires, tant dans l’armée centrale (comitatenses) que régionale (ripeneses et limitanei) Il est vrai que leurs prédécesseurs du IIIe siècle avaient bénéficié aussi de plus de facilités de promotion étant donné leur proximité avec le Prince. Parvenus aux ultimes échelons de la hiérarchie subalterne dans leur unité, comme le ducenarius Flavius Abinnaeus, les officiers distingués pour leur compétence étaient admis dans le corps des protectores. On y éprouvait essentiellement, pendant une période de trois à cinq en moyenne, leur aptitude à exercer de futures tâches de commandement, en particulier logistiques. Nous trouvons ainsi d’anciens protecteurs promus au rang de préfet d’aile (Flavius Abinnaeus 340-341 Ap.- J.C.) de préposé (328 Ap.- J.C.), de tribun (352 Ap.- J.C.) de préfet de légion (époque tétrarchique; 290 Ap.- J.C.). Là encore rien ne permet de distinguer au IVe siècle les fonctions ultérieures des protectores de celle des protectores domestici (Ammien Marcellin, Res gestae, XVI, 10, 21)

Certains des commandants ainsi promus pouvaient poursuivre de belles carrières comme les empereurs Constance Chlore (Anonyme Valésien, I, 1, 2) et Maximin Daïa (Lactance, De morte persecutorum, XIX, 6), Gratien l’aîné (Ammien Marcellin, XXX, 7, 2-3) ou ce Flavius Memorius qui, après les fonctions de préfet des lanciarii seniores et de comes ripae, finit comes de Maurétanie Tingitane.

La carrière la mieux connue d’un ancien protecteur est sans conteste celle de Flavius Abinnaeus. Après avoir servi trente-trois ans et atteint dans la vexillatio Parthusagittariorum de Diospolis (nome Arsinoïte) le grade de ducénaire, Abinnaeus fut admis à adorer la pourpre à Constantinople alors qu’il y accompagnait des ambassadeurs Blemmyes (336/338 Ap.- J.C.). En tant que protecteur, il raccompagna ces mêmes envoyés puis fut chargé de conduire des recrues de Thébaïde à Hiérapolis d’où il reçu la préfecture de l’ala Va Praelectorum stationnée à Dionysias dans le Fayoum. Il est attesté dans cette fonction de 342 à 351 Ap.- J.C.

Les "grades" affiliés.

Le terme de praepositus est apparu au début du IIe siècle Ap.- J.C. pour définir les fonctions de commandants placés à la tête de regroupements militaires constitués de façon exceptionnelle dans le cadre d’opérations ponctuelles ou pour désigner des officiers exerçant un commandement non régulier sur une unité autre que celle de leur rattachement initial, en particulier sur des numeri ou des corps d’exploratores. Praepositus est encore utilisé sous cette acception au début du IVe siècle. Dès la seconde moitié du IIIe siècle, ce titre devenu générique peut s’appliquer à tous les commandants d’unité, quel que soit leur grade. On trouve des préposés de schole palatine (CTh, VI, 13, 1), de légion, de milites d’equites, de vexillations équestres, de Lètes (CTh VII, 20, 10). Fl. Abinnaeus dont le grade exact est préfet d’aile est ainsi souvent désigné sous le titre de praepositus par ses correspondants (P. Abinn. 3, 13, 25 etc.)

Les textes législatifs, quant à eux, assimilent strictement praepositi et tribuni (CTh VII, 1, 2 ; 1, 10 ; 4, 1 ; 4, 36 ; 9, 2 ; 12, 1 ; 13, 18 ; 20 10 ; 20, 13, XI, 18, 1, même formulaire en Végèce, DRM, II, 12). Par ailleurs, le titre de praepositus se trouve appliqué aux fonctions des responsables de certains districts militaires; praepositi limitis, praepositi ripae, des élevages impériaux en Orient, des fabricae (Ammien XXIX, 3, 4, CTh, VII, 20, 10) et du labarum (CTh VI, 25,1). La praepositura peut être aussi décernée à titre honorifique lors d’une sortie de charge administrative (CTh, VII, 21, 1, ex praepositis).