LIVRE II.
CHAPITRE PREMIER.
Division de la milice.
Le militaire consiste dans les armes et dans les hommes ; c'est aussi par où le grand poète latin ouvre son poème. On divise le militaire en trois parties : cavalerie, marine et infanterie. Nous désignons notre cavalerie par le terme figuré d'aile, parce qu'elle couvre notre infanterie sur les flancs à peu près comme feraient des ailes. Nous l'appelons actuellement vexillation, du nom de ses enseignes flottantes. Nous avons une autre cavalerie que nous appelons légionnaire, parce qu'elle fait corps avec la légion : elle porte des espèces de bottines, et c'est à son exemple que nous en avons donné à d'autres troupes de cavalerie. Il y a aussi des flottes de deux sortes ; les unes pour les combats de mer, les autres pour les exercices qui se font sur nos fleuves ou sur nos lacs. La cavalerie est d'usage en rase campagne, les flottes sur mer ou sur les fleuves ; mais l'infanterie est d'un usage général, puisqu'elle peut occuper également les villes, les collines, le terrain plat ou escarpé, d'où il résulte que de toutes les troupes c'est la plus nécessaire, puisqu'elle l'est partout ; elle cause d'ailleurs beaucoup moins d'embarras et de dépense à lever et à entretenir. Notre infanterie est de deux sortes : légionnaire et auxiliaire ; la première levée chez nous-mêmes, la seconde empruntée de nos alliés ; mais Rome a toujours tiré sa principale force de ses légions ; c'est le nom que les premiers Romains donnèrent à un certain nombre de soldats nationaux, parce qu'ils les choisissaient ; fonction qui demande de la fidélité et de l'attention. Au reste, nous avons toujours composé nos armées d'un plus grand nombre de nationaux que d'auxiliaires.
I. Res igitur militaris(, sicut Latinorum egregius auctor carminis sui testatur exordio, armis constat et uiris. Haec) in tres diuiditur partes, equites pedes classem. Equitum alae dicuntur ab eo, quod ad similitudinem alarum ab utraque parte protegunt acies; quae nunc uexillationes uocantur a uelo, quia uelis, hoc est flammulis, utuntur. Est et aliud genus equitum, qui legionarii uocantur propterea, quod conexi sunt legioni; ad quorum exemplum ocreati sunt equites instituti. Classis item duo genera sunt, unum liburnarum, aliud lusoriarum. Equitibus campi, classibus maria uel flumina, peditibus colles urbes plana et abrupta seruantur. Ex quo intellegitur magis reipublicae necessarios pedites, qui possunt ubique prodesse; et maior numerus militum (sumptu) expensa minore nutritur. Exercitus ex re ipsa atque opere exercitii nomen accepit, ut ei numquam liceret obliuisci quod uocabatur. Uerum ipsi pedites in duas diuisi sunt partes, hoc est in auxilia et legiones. Sed auxilia a sociis uel foederatis gentibus mittebantur; Romana autem uirtus praecipue in legionum ordinatione praepollet. Legio autem ab eligendo appellata est, quod uocabulum eorum desiderat fidem atque diligentiam, qui milites probant. In auxiliis minor, in legionibus longe amplior consueuit militum numerus adscribi. CHAPITRE II.
De la différence des légions aux troupes auxiliaires.
Les Lacédémoniens, les Grecs, les Dardaniens se servaient de phalanges composées de huit mille combattants. Les Gaulois, les Celtibériens et plusieurs autres peuples Barbares combattaient par bandes de six mille hommes. Les Romains ont leurs légions, qui sont ordinairement fortes du même nombre de six mille, et quelquefois plus. Voyons la différence qu'il y a entre ces légions et les troupes auxiliaires. Celles-ci sont formées d'étrangers soudoyés, qui viennent de différents pays, et en corps inégaux : rien ne les lie entre eux ; la plupart ne se connaissent pas ; chaque nation a son langage propre, sa discipline, sa façon de vivre et de faire la guerre. Il est impossible que des troupes aussi mal assorties puissent bien agir de concert dans une affaire où il est essentiel que tous les soldats se meuvent au même commandement. Des gens qui n'ont pas été dressés comme le reste de l'armée ne peuvent pas obéir également ni avec la même promptitude : cependant ces troupes étrangères ne laissent pas de devenir d'un grand secours à force d'exercices bien montrés. On les joignit toujours aux légions dans les batailles, comme armure légère ; et si elles ne firent jamais la principale force des armées, on les comptait du moins pour un renfort utile. Mais la légion romaine, composée de cohortes qui lui sont propres, réunit dans un même corps l'armure pesante, c'est-à-dire les princes, les hastaires et les triaires ; et les avant-enseignes, avec les légèrement armés, les férentaires, les frondeurs et les arbalétriers, sans compter la cavalerie légionnaire qui lui appartient : Or, toutes ces différentes parties n'ont qu'un même esprit ; elles sont d'intelligence pour fortifier les camps, pour se mettre en bataille et pour combattre. La légion est donc en elle-même une armée entière qui, sans secours étrangers, était autrefois en possession de battre tout ce qu'on lui opposait : la grandeur des Romains en est une preuve. Avec leurs légions ils ont vaincu autant d'ennemis qu'ils ont voulu, ou que les circonstances le leur ont permis.
II. Denique Macedones Graeci Dardani phalangas habuerunt, ut in una phalange armatorum VIII milia censerentur. Galli atque Celtiberi pluresque barbarae nationes cateruis utebantur in proelio, in quibus erant sena milia armatorum. Romani legiones habent, in quibus singulis sena milia, interdum amplius militare consuerunt. Quid autem inter legiones et auxilia interesse uideatur, expediam. Auxiliares cum ducuntur ad proelium, ex diuersis locis, ex diuersis numeris uenientes, nec disciplina inter se nec notitia nec affectione consentiunt. Alia instituta, alius inter eos est usus armorum. Necesse est autem tardius ad uictoriam peruenire qui discrepant, antequam dimicent. Denique cum in expeditionibus plurimum prosit omnes milites unius praecepti significatione conuerti, non possunt aequaliter iussa conplere qui ante pariter non fuerunt. Tamen haec ipsa si sollemnibus diuersisque exercitiis prope cotidie roborentur, non mediocriter iuuant. Nam legionibus semper auxilia tamquam leuis armatura in acie iungebantur, ut in his proeliandi magis adminiculum esset quam principale subsidium. Legio autem propriis cohortibus plena cum grauem armaturam, hoc est principes hastatos triarios antesignanos, item leuem armaturam, hoc est ferrentarios sagittarios funditores ballistarios, cum propios et sibi insitos equites legionarios isdem matriculis teneat, cum uno animo parique consensu castra muniat, aciem instruat, proelium gerat, ex omni parte perfecta, nullo extrinsecus indigens adiumento, quantamlibet hostium multitudinem superare consueuit. Documentum est magnitudo Romana, quae semper cum legionibus dimicans tantum hostium uicit, quantum uel ipsa uoluit uel rerum natura permisit. CHAPITRE III.
Causes de la décadence des légions.
On conserve encore aujourd'hui dans les troupes le nom de légions, mais elles se sont abâtardies, depuis que, par un relâchement qui est assez ancien, la brigue a surpris les récompenses dues au mérite, et que par la faveur on est monté au grade que le service seul obtenait auparavant. On n'a pas eu soin de mettre de nouveaux soldats à la place de ceux qui se retiraient avec congé après le temps de leur service ; on a encore négligé de remplacer les morts, les déserteurs, ceux qu'on est obligé de renvoyer pour cause d'infirmité ou de maladie ; et tout cela fait un si grand vide dans les troupes, que, si on n'est pas attentif à les recruter tous les ans et même tous les mois, l'armée la plus nombreuse est bientôt épuisée. Ce qui a encore contribué à dégarnir nos légions, c'est que le service y est dur, les armes pesantes, les récompenses tardives, la discipline sévère. La plupart des jeunes gens en sont effrayés, et prennent parti de bonne heure dans les auxiliaires, où ils ont moins de peine, et des récompenses plus promptes à espérer. Caton l'Ancien, qui avait été souvent consul, et toujours victorieux à la tête des armées, pensa qu'il deviendrait plus utile à sa patrie en écrivant sur la discipline militaire, qu'il ne l'avait été par ses victoires. Le fruit des belles actions est passager ; mais ce qu'on écrit pour le public est d'une utilité durable. Plusieurs auteurs ont traité le même sujet, surtout Frontin, dont les talents trouvèrent un approbateur dans l'empereur Trajan. Ce sont les leçons, les préceptes de ces habiles écrivains que je rédige ici dans un abrégé le plus court et le plus fidèle qu'il m'est possible ; mais il n'appartient qu'à votre majesté de corriger les abus que les temps ont introduits dans la milice, et de la remettre sur l'ancien pied. Cette réforme, auguste empereur, dont les siècles à venir jouiront comme notre âge, serait d'autant plus avantageuse, que de bonnes troupes bien disciplinées ne coûtent pas plus à entretenir que de mauvaises.
III. Legionum nomen in exercitu permanet hodieque, sed per neglegentiam superiorum temporum robur infractum est, cum uirtutis praemia occuparet ambitio et per gratiam promouerentur milites, qui promoueri consueuerunt per laborem. Deinde contubernalibus conpletis stipendiis per testimoniales ex more dimissis non sunt alii substituti. Praeterea necesse est aliquantos morbo debilitari atque dimitti, aliquantos deserere uel diuersis casibus interire; ac, nisi annis singulis, immo singulis paene mensibus in recedentium locum iuniorum turba succedat, quamuis copiosus exhauritur exercitus. Est et alia causa, cur adtenuatae sint legiones: magnus in illis labor est militandi, grauiora arma, plura munera, seuerior disciplina. Quod uitantes plerique in auxiliis festinant militiae sacramenta praecipere, ubi et minor sudor et maturiora sunt praemia. Cato ille Maior, cum et armis inuictis esset et consul exercitus saepe duxisset, plus se reipublicae credidit profuturum, si disciplinam militarem conferret in litteras. Nam unius aetatis sunt quae fortiter fiunt; quae uero pro utilitate reipublicae scribuntur aeterna sunt. Idem fecerunt alii conplures, sed praecipue Frontinus, diuo Traiano ab eiusmodi conprobatus industria. Horum instituta, horum praecepta, in quantum ualeo, strictim fideliterque signabo. Nam cum easdem expensas faciat et diligenter et neglegenter exercitus ordinatus, non solum praesentibus, sed etiam futuris saeculis proficit, si prouisione maiestatis tuae, imperator Auguste, et fortissima dispositio reparetur armorum et emendetur dissimulatio praecedentum. CHAPITRE V.
Comment se forme la légion ?
Après avoir choisi avec soin, pour faire des soldats, des jeunes gens d'une complexion robuste et de bonne volonté, après leur avoir montré l'exercice tous les jours, pendant quatre mois, on en forme une légion, par l'ordre et sous les auspices du prince. On commence par imprimer des marques ineffaçables sur la main des nouveaux enrôlés, et on reçoit leur serment à mesure qu'on enregistre leur nom sur le rôle de la légion ; c'est ce que l'on appelle le serment de la milice. Ils jurent par Dieu, par le Christ et par l'Esprit saint, et par la majesté de l'empereur qui, après Dieu, doit être le premier objet de l'amour et de la vénération des peuples ; car, dès qu'il a été déclaré auguste, on lui doit une fidélité inviolable et un hommage constant comme à l'image vivante de la Divinité : en effet, c'est servir Dieu à la guerre et dans tout autre étal, que de servir fidèlement le prince qui règne par sa grâce. Les soldats jurent donc de faire de bon cœur tout ce que l'empereur leur commandera ; de ne jamais déserter et de sacrifier leur vie pour l'empire romain.
V. Diligenter igitur lectis iunioribus animis corporibusque praestantibus, additis etiam exercitiis cotidianis quattuor uel eo amplius mensuum, iussu auspiciisque inuictissimi principis legio formatur. Nam uicturis in cute punctis milites scripti, cum matriculis inseruntur, iurare solent; et ideo militiae sacramenta dicuntur. Iurant autem per Deum et Christum et sanctum Spiritum et per maiestatem imperatoris, quae secundum Deum generi humano diligenda est et colenda. Nam imperator cum Augusti nomen accepit, tamquam praesenti et corporali Deo fidelis est praestanda deuotio, inpendendus peruigil famulatus. Deo enim uel priuatus uel militans seruit, cum fideliter cum diligit qui Deo regnat auctore. Iurant autem milites omnia se strenue facturos, quae praeceperit imperator, numquam deserturos militiam nec mortem recusaturos pro Romana republica. CHAPITRE VI.
Combien il y a de cohortes par légion, et de soldats par cohorte.
Chaque légion doit être de dix cohortes ; la première est au-dessus des autres, et par le nombre, et par la qualité des soldats, qui doivent être tous des gens bien nés, et élevés dans les lettres : elle est en possession de l'aigle, qui est l'enseigne générale des armées romaines, et qui commande à toute la légion. Les images de l'empereur, que l'on révère comme des choses sacrées, sont aussi sous la garde de cette cohorte. Elle est de mille cent cinq fantassins, et de cent trente-deux cavaliers cuirassés, et s'appelle cohorte milliaire : c'est la tête de toute la légion ; c'est aussi par elle qu'on commence à former la première ligne, quand on met la légion en bataille. La seconde cohorte contient cinq cent cinquante-cinq fantassins et soixante-dix cavaliers, et s'appelle cohorte de cinq cents, comme les autres suivantes. La troisième contient le même nombre de fantassins et de cavaliers que la seconde ; mais on la compose ordinairement de soldats vigoureux, parce qu'elle occupe le centre de la première ligne. La quatrième cohorte est, comme la précédente, de même nombre de fantassins et cavaliers. La cinquième est égale à la précédente, mais elle demande de braves gens, parce qu'elle ferme la gauche, de même que la première termine la droite : ces cinq cohortes forment donc la première ligne. On compte cinq cent cinquante-cinq fantassins et soixante-six cavaliers dans la sixième cohorte, qui doit être composée de la fleur de la jeunesse, parce qu'elle est placée en seconde ligne derrière la première cohorte, qui a en dépôt l'aigle et les images de l'empereur. La septième est du même nombre d'hommes, fantassins et cavaliers : la huitième aussi ; mais elle doit être composée de soldats d'élite, parce qu'elle occupe le centre de la deuxième ligne. La neuvième est égale aux autres : il en est de même de la dixième, et on la compose ordinairement de bons soldats, parce qu'elle forme la gauche de la seconde ligne. Ces dix cohortes font une légion complète de six mille cent fantassins et de sept cent vingt-six cavaliers : elle ne doit jamais avoir moins de combattants ; mais quelquefois on la fait plus forte, en y créant plus d'une cohorte milliaire.
VI. Sciendum autem est in una legione decem cohortes esse debere. Sed prima cohors reliquas et numero militum et dignitate praecedit. Nam genere atque institutione litterarum uiros electissimos quaerit. Haec enim suscipit aquilam, quod praecipuum signum in Romano est semper exercitu et totius legionis insigne; haec imagines imperatorum, hoc est diuina et praesentia signa, ueneratur; habet pedites mille centum quinque, equites loricatos CXXXII, et appellatur cohors miliaria; haec caput est legionis, ab hac, cum pugnandum est, prima acies incipit ordinari. Secunda cohors habet pedites DLV, equites LXVI, et appellatur cohors quingenaria. Tertia cohors similiter habet pedites DLV, equites LXVI, sed in hac cohorte tertia ualidiores probari moris est, quia in media acie consistit. Cohors quarta habet pedites DLV, equites LXVI. Cohors quinta habet pedites DLV, equites LXVI; sed et quinta cohors strenuos desideret milites, quia, sicut prima in dextro, ita quinta in sinistro ponitur cornu. Hae quinque cohortes in prima acie ordinantur. Sexta cohors habet pedites DLV, equites LXVI; in ipsa quoque enucleati adscribendi sunt iuniores, quia in secunda acie post aquilam et imagines cohors sexta consistit. Cohors VII. habet pedites DLV, equites LXVI. Cohors VIII. habet pedites DLV, equites LXVI; sed et ipsa animosos desiderat uiros, quia in secunda acie consistit in medio. Cohors nona habet pedites DLV, equites LXVI. Cohors X. habet pedites DLV, equites LXVI; et ipsa bona consueuit accipere bellatores, quia in secunda acie sinistrum possidet cornum. His decem cohortibus legio plena fundatur, quae habet pedites sex milia centum, equites DCCXXX. Minor itaque numerus armatorum in una legione esse non debet; maior autem interdum esse consueuit, si non tantum unam cohortem sed etiam alias miliarias fuerit iussa suscipere.
CHAPITRE VII.
Noms des grades et des officiers de la légion.
Voyons à présent comment la légion, sur le pied qu'elle se trouve aujourd'hui, est composée en principaux soldats, ou, pour me servir du terme propre, en officiers. Le grand tribun est créé par un brevet de l'empereur ; le petit tribun le devient par ses services. Le nom de tribun vient de tribu, parce qu'ils commandent les soldats que Romulus leva par tribus. On appelle ordinaires, des officiers supérieurs qui, dans une bataille, mènent les ordres ou certaines divisions : ceux qu'Auguste leur joignit se nomment augustaliens ; et l'on appelle flaviens ceux que Flave-Vespasien ajouta aux légions pour doubler les augustaliens. Les porte-aigles et les porte-images sont ceux qui portent les aigles et les images de l'empereur ; les optionnaires sont des lieutenants d'officiers plus élevés qui se les associent par une espèce d'adoption pour faire leur service, en cas de maladie ou d'absence ; Les porte-enseigne sont ceux qui portaient les enseignes, et qu'à présent on nomme draconaires. On appelle tessères ceux qui portent le mot ou l'ordre aux chambrées. Ceux qui combattent à la tête des enseignes portent encore le nom de campigeni, parce qu'ils font naître, pour ainsi dire, dans le camp la discipline et la valeur, par l'exemple qu'ils en donnent. De meta, borne, on nomme metatares ceux qui précèdent l'armée pour lui marquer son camp ; beneficiarii, ceux qui montent à ce grade par la faveur des tribuns ; de liber, on nomme librarii ceux qui enregistrent tous les détails qui concernent, la légion ; de tuba, trompette ; de buccina, cor ; de cornu, cornet : on appelle ceux qui se servent de ces différents instruments, tubicines, buccinatores, cornicines : on nomme armaturae duplares les soldats habiles dans l'escrime, et qui ont deux rations ; et armaturae simplares, ceux qui n'en ont qu'une : on appelle mensores ceux qui mesurent à chaque chambrée l'espace destiné à dresser la tente, ou qui lui marquent son logement dans les villes. On distingue les colliers doubles et les colliers simples : ceux qui prennent deux rations sont appelés colliers doubles ; et colliers simples, ceux qui n'en prennent qu'une. Il y avait aussi, par rapport aux rations, des candidats doubles et des candidats simples : ils étaient sur les rangs pour être avancés. Voilà les principaux soldats, ou officiers des différentes classes, qui jouissent de toutes les prérogatives attachées à leur grade. Pour les autres, on les appelle travailleurs, parce qu'ils sont obligés aux travaux et à toutes sortes de services de l'armée.
VII. Antiqua ordinatione legionis exposita, principalium militum et, ut proprio uerbo utar, principiorum nomina ac dignitates secundum praesentes matriculas indicabo. Tribunus maior per epistolam sacram imperatoris iudicio destinatur. Minor tribunus peruenit ex labore. Tribunus autem uocatur ex tribu, quia praeest militibus, quos ex tribu primus Romulus legit. Ordinarii dicuntur qui in proelio (quia primi sunt,) ordines ducunt. Augustales appellantur qui ab Augusto ordinariis iuncti sunt. Flauiales item, tamquam secundi Augustales, a diuo Uespasiano sunt legionibus additi. Aquiliferi qui aquilam portant. Imaginarii qui imperatoris imagines ferunt. Optiones ab adoptando appellati, quod antecedentibus aegritudine praepeditis hi tamquam adoptati eorum atque uicarii solent uniuersa curare. Signiferi qui signa portant, quos nunc draconarios uocant. Tesserarii qui tesseram per contubernia militum nuntiant; tessera autem dicitur praeceptum ducis, quo uel ad aliquod opus uel ad bellum mouetur exercitus. Campigeni, hoc est antesignani, ideo sic nominati, quia eorum opera atque uirtute exercitii genus crescit in campo. Metatores qui praecedentes locum eligunt castris. Beneficiarii ab eo appellati, quod promouentur beneficio tribunorum. Librarii ab eo, quod in libros referunt rationes ad milites pertinentes. Tubicines cornicines et bucinatores qui tuba uel aere curuo uel bucina committere proelium solent. Armaturae duplares qui binas consecuntur annonas, simplares qui singulas. Mensores qui in castris ad podismum demetiuntur loca, in quibus tentoria milites figant, uel hospitia in ciuitatibus praestant. Torquati duplares, torquati simplares; torques aureus solidus uirtutis praemium fuit, quem qui meruisset praeter laudem interdum duplas consequebatur annonas. Duplares, sesquiplicares: duplares duas, sesquiplicares unam semis consequebantur annonam. Candidati duplares, candidati simplares. Hi sunt milites principales, qui priuilegiis muniuntur. Reliqui munifices appellantur, quia munera facere coguntur. CHAPITRE VIII.
Noms des commandants des anciens ordres ou division de la légion.
Anciennement la règle était que le prince de la légion passât de droit au centurionat du primipile : non seulement l'aigle était sous les ordres de ce centurion ; il commandait en tout quatre centuries dans la première ligne, et jouissait, comme étant à la tête de toute la légion, de grands honneurs et de grands avantages. Le premier hastaire commandait dans la seconde ligne deux centuries, ou deux cents hommes au second rang. Le prince de la première cohorte commandait une centurie et demie, ou cent cinquante hommes. Le second hastaire ou piquier commandait aussi une centurie et demie. Le premier triaire commandait cent hommes. Ainsi, les dix centuries de la première cohorte étaient commandées par cinq officiers qu'on appelait ordinarii. On attachait autrefois de grands honneurs et de grands avantages à ces grades, afin que tous les soldats de la légion s'efforçassent d'y atteindre par toute la valeur et le zèle possibles. Il y avait des centurions à la tête de chaque centurie : on les nomme à présent centeniers. Il y avait de plus des dizainiers, appelés présentement chefs de chambrées, préposés chacun sur dix soldats. La seconde cohorte et toutes les suivantes, jusqu'à la dixième inclusivement, avaient chacune cinq centurions ; et dans toute la légion il y en avait cinquante-cinq.
VIII. Uetus tamen consuetudo tenuit, ut ex primo principe legionis promoueretur centurio primi pili, qui non solum aquilae praeerat, uerum etiam quattuor centurias, hoc est CCCC milites, in prima acie gubernabat. Hic tamquam caput totius legionis merita consequebatur et commoda. Item primus hastatus duas centurias, id est CC homines, ducebat in acie secunda, quem nunc ducenarium uocant. Princeps autem primae cohortis centuriam semis, hoc est CL homines, gubernabat. Ad quem in legione prope omnia, quae ordinanda sunt, pertinent. Item secundus hastatus centuriam semis, id est CL homines, regebat. Triarius prior centum homines gubernabat. Sic decem centuriae cohortis primae a quinque ordinariis regebantur. Quibus magnae utilitates et magnus honor esta ueteribus constitutus, ut ceteri milites ex tota legione omni labore ac deuotione contenderent ad tanta praemia peruenire. Erant etiam centuriones, qui singulas centurias curabant; qui nunc centenarii nominantur. Erant decani, denis militibus praepositi, qui nunc caput contubernii uocantur. Secunda cohors habebat centuriones quinque; similiter tertia quarta usque ad decimam cohortem. In tota autem legione erant centuriones quinquaginta quinque. CHAPITRE IX.
Des fonctions du préfet de la légion.
On envoyait des hommes consulaires commander des armées en qualité de lieutenants ; et les troupes étrangères leur obéissaient dans les affaires de la paix, comme dans celles de la guerre : ces postes sont à présent remplis par des personnes d'une naissance distinguée, qui commandent deux légions et même des troupes plus nombreuses, avec la quantité de maîtres de la milice ; mais c'était proprement le préfet de la légion qui la gouvernait : il était toujours revêtu de la qualité de comte du premier ordre ; il représentait le lieutenant-général, et exerçait, en son absence, le plein pouvoir dans la légion. Les tribuns, les centurions et tous les soldats étaient sous ses ordres ; c'était lui qui donnait le mot du décampement et des gardes ; c'était sous son autorité qu'un soldat, qui avait fait quelque crime, était mené au supplice par un tribun ; la fourniture des habits et des armes des soldats, les remontes, les vivres étaient encore de sa charge ; le bon ordre et la discipline roulaient sur lui, et c'était toujours sous ses ordres qu'on faisait faire l'exercice tous les jours, tant à l'infanterie qu'à la cavalerie. Quand il faisait son devoir, c'était un chef vigilant qui, par l'assiduité du travail, formait à l'obéissance et au métier de la guerre la légion qui lui était confiée, et il en avait tout l'honneur.
VIIII. Sed legati imperatoris ex consulibus ad exercitus mittebantur, quibus legiones et auxilia uniuersa obtemperabant in ordinatione pacis uel necessitate bellorum, in quorum locum nunc inlustres uiros constat magistros militum substitutos, a quibus non tantum binae legiones sed etiam plures numeri gubernantur. Proprius autem iudex erat praefectus legionis, habens comitiuae primi ordinis dignitatem, qui absente legato tamquam uicarius ipsius potestatem maximam retinebat. Tribuni uel centuriones ceterique milites eius praecepta seruabant. Uigiliarum siue profectionis tessera ab eodem petebatur. Si miles crimen aliquod admisisset, auctoritate praefecti legionis a tribuno deputabatur ad poenam. Arma omnium militum, item equi uestes annona ad curam ipsius pertinebat. Disciplinae seueritas, exercitatio non solum peditum sed etiam equitum legionariorum praecepto eius cotidie curabatur. Ipse autem iustus diligens sobrius legionem sibi creditam adsiduis operibus ad omnem deuotionem, ad omnem formabat industriam, sciens ad praefecti laudem subiectorum redundare uirtutem.
CHAPITRE XII.
Fonctions des tribuns des soldats.
Nous avons dit qu'il y avait dans une légion dix cohortes, dont la première de mille hommes était composte de soldats qui avaient du bien, de la naissance, des lettres, de la figure e de la valeur. Le tribun qui la commandait devait être un homme distingué par les avantages du corps, comme par la force et l'adresse à manier les armes, et par l'honnêteté de ses mœurs. Les autres cohortes étaient gouvernées, selon qu'il plaisait au prince, par des tribuns ou par des officiers qui les commandaient par commission. Les uns et les autres ne se contentaient pas de faire manœuvrer tous les jours sous leurs yeux les soldats de leurs cohortes ; mais, comme ils savaient parfaitement exécuter les exercices militaires, ils donnaient eux-mêmes aux soldats l'exemple de ce qu'ils leur commandaient ; tant on prenait de soin alors à exercer les troupes : aussi donnait-on au tribun les louanges dues à son application, quand on voyait ses soldats se tenir proprement, avoir toujours leurs armes complètes et brillantes, exécuter de bonne grâce les évolutions, et marcher en gens bien disciplinés.
XII. Decem cohortes habere diximus legionem. Sed prima erat miliaria, in qua censu genere litteris forma uirtute pollentes milites mittebantur. Huic tribunus praeerat armorum scientia, uirtute corporis, morum honestate praecipuus. Reliquae cohortes, prout principi placuisset, a tribunis uel a praepositis regebantur. Tanta autem seruabatur exercendi milites cura, ut non solum tribuni uel praepositi contubernales sibi creditos sub oculis suis iuberent cotidie meditari, sed etiam ipsi armorum arte perfecti ceteros ad imitationem proprio cohortarentur exemplo. Tribuni autem sollicitudo, tribuni laudatur industria, cum miles ueste nitidus, armis bene munitus ac fulgens, exercitii usu et disciplina eruditus incedit. CHAPITRE XIII.
Des centuries et des enseignes de l'infanterie
La première enseigne de toute la légion est l'aigle, et celle de la cohorte, un dragon, porté par les draconnaire. Les anciens, qui n'ignoraient pas que, dans la mêlée, il arrive facilement du désordre et de la confusion, divisèrent les cohortes par centuries, et leur donnèrent à chacune des enseignes particulières, où étaient écrits les noms des cohortes et des centuries, afin que, dans la plus grande mêlée, les soldats, en jetant les yeux sur cette enseigne, pussent toujours se rejoindre à leurs camarades. Outre cela, les centurions, appelés aujourd'hui centeniers, portaient des marques aux crêtes de leurs casques, pour être plus aisément reconnus de leur compagnie : il n'était guère possible que les centuries se confondissent, étant guidées chacune par son enseigne, et par le casque de son centurion qui lui en tenait encore lieu. Les centuries étant sous-divisées en chambrées de dix soldats, logés ensemble et campés sous la même tente, étaient commandées par un dizainier, appelé à présent chef de chambrée ; mais la chambre s'appelait aussi manipule, à cause que les soldats qui la composaient se donnaient, pour ainsi dire, la main pour combattre de concert.
XIII. Primum signum totius legionis est aquila, quam aquilifer portat. Dracones etiam per singulas cohortes a draconariis feruntur ad proelium. Sed antiqui, quia sciebant in acie commisso bello celeriter ordines aciesque turbari atque confundi, ne hoc posset accidere, cohortes in centurias diuiserunt et singulis centuriis singula vexilla constituerunt, ita ut, ex qua cohorte uel quota esset centuria, in illo uexillo litteris esset adscriptum, quod intuentes uel legentes milites in quantouis tumultu a contubernalibus suis aberrare non possent. Centuriones insuper, qui nunc centenarii uocantur, (nimium bellicosus) (loricatos) transuersis cassidum cassidum cristis, ut facilius noscerentur, singulas iusserunt gubernare centurias, quantenus nullus error existeret, cum centeni milites sequerentur non solum uexillum suum sed etiam centurionem, qui signum habebat in galea. Rursus ipsae centuriae in contubernia diuisae sunt, ut decem militibus sub uno papilione degentibus unus quasi praeesset decanus, qui caput contubernii nominatur. Contubernium autem manipulus uocabatur ab eo, quod coniunctis manibus pariter dimicabant.
CHAPITRE XV.
Manière de mouvoir une légion en bataille, et des armes des centurions et des triaires.
Pour voir à présent comment on range une armée en bataille, prenons, par exemple, une légion, dont la disposition servira de plan pour en ranger plusieurs ensemble. La cavalerie se place sur les ailes ; l'infanterie commence à se former par la première cohorte de la droite ; la seconde se place de suite en ligne ; la troisième occupe le centre ; la quatrième se range à côté ; la cinquième la suit et forme la gauche de la première ligne. Les ordinaires, les autres officiers et tous les soldats qui combattaient dans cette première ligne, devant et autour des enseignes, s'appelaient le corps des princes, tous pesamment armés ; ils avaient des cuirasses complètes, des grèves de fer, des boucliers, de grandes et petites épées, cinq flèches plombées dans la concavité de leurs boucliers, pour les lancer à la première occasion, et deux armes de jet ; une grande, qui est le javelot, et une petite, qui est le demi-javelot ou le dard. Le javelot était composé d'un fer de neuf pouces de long, triangulaire, et qui était monté sur une hampe de cinq pieds et demi : on exerçait particulièrement les soldats à lancer cette arme, parce qu'étant bien jetée, elle perçait également les cuirasses des cavaliers et les boucliers des fantassins. Le demi-javelot avait un fer triangulaire de cinq pouces de long, sur une hampe de trois pieds et demi. La seconde ligne, où étaient les hastaires, était armée comme celle des princes, et se formait à la droite par la sixième cohorte ; la septième se plaçait de suite ; la huitième occupait le centre ; elle était suivie de la neuvième, et la dixième fermait toujours la gauche. Derrière ces deux lignes, on plaçait les férentaires ou les légèrement armés, que nous appelons à présent escarmoucheurs, ou gens déterminés ; les écussones, armés d'écus ou de grands boucliers, de flèches plombées, d'épées et d'armes de jet, à peu près comme le sont presque tous nos soldats aujourd'hui ; les archers, armés de casques, de cuirasses, d'épées, d'arcs et de flèches ; les frondeurs, qui jetaient des pierres avec la fronde ou fustibale, et les tragulaires, qui tiraient des flèches avec des balistes de main ou des arbalètes. Après toute cette armure légère, les triaires, armés de boucliers, de casques, de cuirasses complètes, de jambières de fer, de l'épée et du poignard, de flèches plombées et de deux armes de jet, formaient une troisième ligne. Pendant l'action, on les faisait demeurer baissés un genou en terre, afin que, si les premières lignes étaient battues, cette troupe fraîche pût rétablir les affaires, et rappeler la victoire de son côté. On fera observer, en passant, que les porte-enseigne, quoique gens de pied, avaient des demi-cuirasses et des casques couverts de peaux d'ours, avec le poil, pour se donner un air plus terrible ; mais les centurions avaient des cuirasses complètes, de grands boucliers et des casques de fer, comme les triaires, avec cette différence que les centurions portaient leurs casques traversés d'aigrettes argentées, pour être plus facilement reconnus de leurs soldats.
XV. Nunc, qualiter instruenda sit acies, si pugna immineat declaretur unius legionis exemplo; quod, si usus exegerit, transferri possit ad plures. Equites locantur in cornibus. Acies peditum a prima cohorte incipit ordinari in cornu dextro. Huic cohors secunda coniungitur. Tertia cohors in media acie conlocatur. Huic adnectitur quarter. Quinta uero cohors sinistrum suscipit cornum. Sed ante signa et circa signa nec non etiam in prima acie dimicantes principes uocabantur(, hoc est ordinarii ceterique principales). Haec erat grauis armatura, quia habebant cassides catafractas ocreas scuta gladios maiores, quos spathas uocant, et alios minores, quos semispathia nominant, plumbatas quinas positas in scutis, quas primo impetu iaciunt, item bina missibilia, unum maius ferro triangulo unciarum nouem, hastili pedem quinque semis, quod pilum uocabant, nunc spiculum dicitur, ad cuius ictum exercebantur praecipue milites, quod arte et uirtute directum et scutatos pedites et loricatos equites saepe transuerberat, aliud minus ferro unciarum quinque, hastili pedum trium semis, quod tunc uericulum, nunc uerutum dicitur. Prima acies principum(, secunda hastatorum) armis talibus docetur instructa. Post hos erant ferentarii et leuis armatura, quos nunc exculcatores et armaturas dicimus, scutati (qui) plumbatis gladiis et missibilibus accincti, sicut nunc prope omnes milites uidentur armati, erant item sagittarii cum cassidibus catafractis et gladiis, sagittis et arcubus, erant funditores, qui ad fundas uel fustibalos lapides iaciebant, erant tragularii, qui ad manuballistas uel arcuballistas dirigebant sagittas. Secunda acies similiter armabatur, in qua consistentes milites hastati uocabantur. Sed in secunda acie dextro cornu cohors sexta ponebatur, cui iungebatur septima. Octaua cohors mediam aciem tenebat nona comitante. Decima cohors in secunda acie sinistrum semper obtinet cornum. Post omnes autem acies triarii cum scutis catafractis et galeis ocreati cum gladiis semispathiis plumbatis binis missibilibus locabantur, qui genu posito subsidebant, ut, si primae acies uincerentur, ab his quasi de integro reparata pugna posset sperari uictoria. Omnes antesignani uel signiferi, quamuis pedites, loricas minores accipiebant et galeas ad terrorem hostium ursinis pellibus tectas. Centuriones uero habebant catafractas et scuta et galeas ferreas, sed transuersis et argentatis cristis, ut celerius agnoscerentur a suis.
CHAPITRE XVI.
Que les pesamment armés combattaient de pied ferme.
Il faut observer que, lorsqu'on engageait une action, les deux premières lignes ne bougeaient point, et les triaires demeuraient aussi baissés dans leur place. Les légèrement armés s'avançaient à la tête de l'armée, et chargeaient l'ennemi : s'ils pouvaient le mettre en fuite, ils le poursuivaient mais s'ils étaient obligés de céder à la multitude ou à la force, ils se retiraient derrière les pesamment armés : alors ceux-ci, qui étaient comme un mur de fer, reprenaient le combat d'abord de loin avec les armes de jet, ensuite de près, l'épée à la main ; et s'ils mettaient l'ennemi en fuite, c'était à l'infanterie légère et à la cavalerie légionnaire à le poursuivre ; pour eux, ils demeuraient de pied ferme, de crainte de se rompre et que l'ennemi, revenant tout-à-coup sur eux, ne profitât de leur désordre. Par ces dispositions, la légion était victorieuse sans danger ; ou si elle avait du désavantage, elle se conservait en bon état. Comme elle n'est pas faite pour poursuivre, il est difficile aussi de la désorganiser.
XVI. Illud autem sciendum est et modis omnibus retinendum: commisso bello prima ac secunda acies stabat inmota, triarii quoque residebant. Ferentarii autem armaturae exculcatores sagittarii funditores, hoc est leuis armatura, aduersarios prouocabant ante aciem praecedentes. Si hostes fugare potuerant, sequebantur; si eorum uirtute aut multitudine premebantur, reuertebantur ad suos et post eos stabant. Excipiebant autem proelium grauis armatura, et tamquam murus, ut ita dicam, ferreus stabat et non solum missibilibus sed etiam gladiis comminus dimicabant. Et si hostes fugassent, non sequebatur grauis armatura, ne aciem suam ordinationemque turbaret et ad dispersos recurrentes hostes incompositos obprimerent, sed leuis armatura cum funditoribus sagittariis et equitibus fugientes sequebatur inimicos. Hac dispositione atque cautela sine periculo legio uincebat aut superata seruabatur incolumis, quia legionis ius est facile nec fugere nec sequi. CHAPITRE XXI.
Des trompettes, cornets et buccines.
Les instruments militaires de la légion sont la trompette, le cornet et la buccine ou cor : la trompette sonne la charge et la retraite, les enseignes obéissent au bruit du cornet, qui ne donne que pour elles ; c'est encore la trompette qui sonne lorsque les soldats, commandés pour quelque ouvrage, sortent sans enseignes ; mais dans le temps même de l'action, les trompettes et les cornets sonnent ensemble. La buccine ou cor appelle à l'assemblée, c'est aussi une des marques du commandement ; elle sonne devant le général, et lorsqu'on punit de mort des soldats, pour marquer que cette exécution se fait de son autorité. C'est encore au son de la trompette qu'on monte et qu'on descend les gardes ordinaires et les grandes gardes hors du camp, qu'on va à l'ouvrage, que se font les revues, et que les soldats se règlent sur ce qu'on sonne. Ce sont les cornets qui sonnent pour faire marcher les enseignes et les faire arrêter. Tout cela se pratique dans les exercices et dans les promenades qu'on fait faire aux soldats sous les armes, afin que dans un jour d'affaire, accoutumés aux signaux de ces instruments, ils y obéissent promptement, soit qu'il faille marcher ou s'arrêter, ou suivre l'ennemi ou revenir. En effet, la raison veut qu'on pratique souvent dans le loisir de la paix ce qu'il faut nécessairement exécuter dans le tumulte des combats.
XXI. Habet praeterea legio tubicines cornicines bucinatores. Tubicen ad bellum uocat milites et rursum receptui canit. Cornicines quotiens canunt, non milites sed signa ad eorum obtemperant nutum. Ergo quotiens ad aliquod opus exituri sunt soli milites, tubicines canunt, quotiens mouenda sunt signa, cornicines canunt; quotiens antem pugnatur, et tubicines et cornicines pariter canunt. Classicum item appellatur quod bucinatores per cornu dicunt. Hoc insigne uidetur imperii, quia classicum canitur imperatore praesente uel cum in militem capitaliter animaduertitur, quia hoc ex imperatoris legibus fieri necesse est. Siue ergo ad uigilias uel agrarias faciendas siue ad opus aliquod uel ad decursionem campi exeunt milites, tubicine uocante operantur et rursus tubicine admonente cessant. Cum autem mouentur signa aut iam mota figenda sunt, cornicines canunt. Quod ideo in omnibus exercitiis et processionibus custoditur, ut in ipsa pugna facilius obtemperent milites, siue eos pugnare siue stare siue sequi uel redire praeceperint duces; siquidem ratio manifesta sit semper in otio debere fieri quod necessario faciendum uidetur in proelio.
CHAPITRE XXII.
De l'exercice des troupes.
L'ordonnance de la légion comprise, revenons aux exercices : on exerçait matin et soir les nouveaux soldats à manier toutes sortes d'armes ; on obligeait aussi les vieux, même les mieux instruits, à faire les exercices régulièrement une fois par jour. Les services et l'âge ne sont point un titre pour savoir le métier de la guerre. Un vieux soldat qui n'a point été exercé est toujours nouveau. Les armurés, et généralement tous les soldats, apprenaient sans cesse les exercices de l'escrime, qui ne sont plus aujourd'hui qu'un vain spectacle ; c'est par l'usage continuel des forces du corps qu'on acquiert la légèreté et l'adresse de porter des coups certains à l'ennemi et de se garantir des siens. C'est par la même répétition que les soldats apprendront dans ces combats simulés une chose bien plus essentielle encore, c'est-à-dire à garder leurs rangs et à ne point quitter leurs enseignes dans les évolutions les plus embarrassées ; à la fin, ceux qui sont bien instruits ne font jamais de faute dans toutes les manœuvres, quelle que soit la confusion causée par la multitude. Il est très nécessaire que les nouveaux soldats s'exercent avec des armes de bois contre le pieu, qu'ils apprennent à porter des coups à cet ennemi fictif, de pointe, de taille, aux flancs, aux pieds et à la tête, qu'ils s'étudient à le frapper en sautant, à s'élever avantageusement sur le bouclier, et à se baisser tout-à-coup pour s'en couvrir, tantôt à s'élancer en avant comme pour frapper, et tantôt à sauter en arrière. Il faut encore qu'ils s'exercent à lancer de loin des armes de jet contre les mêmes pieux, afin d'apprendre à bien diriger leurs coups et de se fortifier les bras. Les archers et les frondeurs dressaient pour but des fagots ou des bottes de paille, contre lesquels ils tiraient des flèches à six cents pieds de distance ; ils jetaient aussi des pierres avec le fustibale et frappaient souvent leur but. Il faut dresser les frondeurs à ne tourner qu'une seule fois la fronde autour de leur tête avant que de lâcher la pierre ; mais autrefois on exerçait tous les soldats à jeter à la main des pierres d'une livre ; cette manière est plus expéditive parce qu'on se passe de fronde. On les obligeait encore à s'exercer sans cesse à lancer les armes de jet ou les flèches plombées ; et pour ne pas en interrompre l'exercice pendant l'hiver, on construisait pour la cavalerie des manèges qu'on couvrait de tuiles ou de bardeaux, et, à leur défaut, de roseaux, d'herbes de marais ou de chaume. Pour l'infanterie, on bâtissait des basiliques ou grandes salles couvertes, afin d'avoir toujours des lieux à l'abri des injures de l'air pour y exercer les troupes lorsqu'il faisait mauvais temps ; mais, dès que la pluie ou la neige cessait, on lès exerçait à découvert, tant on craignait que la discontinuation du travail n'amollit le corps et le courage des soldats ; on les accoutumait encore à abattre des arbres, à porter des fardeaux, à nager dans la mer ou dans les rivières, à marcher à grands pas et à courir avec armes et bagages. Ces exercices étaient ordinaires et fréquents, soit pour les légions, soit pour les troupes auxiliaires ; car enfin, si le soldat bien exercé souhaite le combat, autant, celui qui est ignorant l'appréhende. En un mot, qu'on se persuade qu'à la guerre l'art est au-dessus de la force ; et si on ôte la discipline et l'exercice, il n'y aura plus de différence entre un soldat et un paysan.
XXII. Legionis ordinatione digesta ad exercitium reuertimur, unde, sicut iam dictum est, exercitus nomen accepit. Iuniores quidem et noui milites mane ac post meridiem ad omne genus exercebantur armorum. Veteres autem et eruditi sine intermissione semel in die exercebantur armis. Neque enim longitudo aetatis aut annorum numerus artem bellicam tradit, sed, post quanta uolueris stipendia, inexercitatus miles semper est tiro. Armaturam, quae festis diebus exhibetur in circo, non tantum armaturae, qui sub campidoctore sunt, sed omnes aequaliter contubernales cotidiana meditatione discebant. Nam et uelocitas usu ipso adquiritur corporis et scientia feriendi hostem seque protegendi, praesertim si gladiis comminus dimicetur; illud uero maius est, quod seruare ordines discunt et uexillum suum in tantis permixtionibus in ipsa prolusione comitantur nec inter doctos aliquis error existit, cum multitudinis sit tanta confusio. Ad palum quoque uel sudibus exerceri percommodum est, cum latera uel pedes aut caput petere punctim caesimque condiscant. Saltus quoque et ictus facere pariter adsuescant, insurgere tripudiantes in clipeum rursusque subsidere, nunc gestiendo prouolare cum saltu, nunc cedentes in terga resilire. Missibilibus etiam palos ipsos procul ferire meditentur, ut et ars dirigendi et dexterae uirtus possit adcrescere. Sagittarii uero uel funditores scopas, hoc est fruticum uel straminum fasces, pro signo ponebant, ita ut sexcentis pedibus remouerentur a signo, ut sagittis uel certe lapidibus ex fustibalo destinatis signum saepius tangerent. Propterea sine trepidatione in acie faciebant quod ludentes in campo fecerant semper. Adsuescendum est etiam, ut semel tantum funda circa caput rotetur, cum ex ea emittitur saxum. Sed et manu sola omnes milites meditabantur libralia saxa iactare, qui usus paratior creditur, quia non desiderat fundam. Missibilia quoque uel plumbatas iugi perpetuoque exercitio dirigere cogebantur usque adeo, ut tempore hiemis de tegulis uel scindulis, quae si deessent, certe de cannis, ulua uel culmo et porticus tegerentur ad equites et quaedam uelut basilicae ad pedites, in quibus tempestate uel uentis aere turbato sub tecto armis erudiebatur exercitus. Ceteris autem etiam hibernis diebus, si niues tantum pluuiaeque cessarent, exerceri cogebantur in campo, ne intermissa consuetudo et animos militum debilitaret et corpora. Siluam caedere, portare onera, transilire fossas, natare in mari siue fluminibus, gradu pleno ambulare uel currere etiam armatos cum sarcinis suis frequentissime conuenit, ut cotidiani laboris usus in pace difficilis non uideatur in bello. Siue ergo legio siue auxilia fuerint, exerceantur adsidue. Nam quemadmodum bene exercitatus miles proelium cupit, ita formidat indoctus. Postremo sciendum est in pugna usum amplius prodesse quam uires; nam si doctrina cesset armorum, nihil paganus distat a milite.
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