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 Sujet du message: Re: Choisissez une date pour la fin de l'Empire romain !
Nouveau messagePublié: 11 Déc 2014, 17:40 
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Je suis entièrement d'accord avec l'exposé magistral de Damianus. Il ne contredit par ailleurs en rien mon opinion sur la désintégration progressive du monde romain, du IIIe au VIIe siècle. Dans cette perspective, la date de 476, au milieu de la période en question, doit être considérée comme un repère, sans plus. Cette date est largement artificielle, mais pas complètement non plus ! :roll:


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 Sujet du message: Re: Choisissez une date pour la fin de l'Empire romain !
Nouveau messagePublié: 11 Déc 2014, 21:40 
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Je pense qu'on peut se réunir en consensus là-dessus.

Je me permets néanmoins de rebondir sur un détail conclusif :
Citer:
pour étonnant que cela puisse paraitre l’Antiquité Tardive pourrait bien prendre fin ici sur les berges du Yarmouk ou sur les marches du palais de Constantinople plutôt qu’ailleurs en 476 ou en 480 entre l’Italie ou la Dalmatie…

Si nous sommes d'accord là-dessus (presque depuis Fustel de Coulanges, si je puis dire), je ne trouve pas cela étonnant...L'Antiquité n'a-t-elle pas commencé en Mésopotamie ? L’Antiquité telle qu'on la conçoit, et telle qu'on la connaît gravite essentiellement autour de la Méditerranée Orientale...


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 Sujet du message: Re: Choisissez une date pour la fin de l'Empire romain !
Nouveau messagePublié: 11 Déc 2014, 22:20 
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En effet, les civilisations les plus anciennes se trouvent plutôt au voisinage de la Méditerranée orientale : Mésopotamie, Égypte, Phénicie, Grèce... La civilisation romaine elle-même a été fortement influencée par les Grecs (et les Étrusques). Cela explique aussi que Rome a beaucoup plus marqué de son empreinte l'Occident que l'Orient : langue, droit, urbanisme... Mais sinon, il faudrait aussi tenir compte de la Chine et de l'Inde.

Cela dit, je ne soutiens pas que les Celtes, les Germains ou les Huns étaient culturellement inférieurs. Cela n'a aucun sens ! Mais disons que leur organisation politico-sociale et leurs techniques étaient globalement moins évoluées, et ils n'avaient pas de littérature écrite. C'étaient par ailleurs des guerriers redoutables, finissant par égaler ou même supplanter les Romains !

On pourrait bien sûr aller très loin dans ces considérations, mais il faudrait alors un autre sujet. Même ainsi, je crains qu'il soit trop général... :roll:


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 Sujet du message: Re: Choisissez une date pour la fin de l'Empire romain !
Nouveau messagePublié: 12 Déc 2014, 12:20 
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Gwalchafed a écrit:
Je pense qu'on peut se réunir en consensus là-dessus.

Je me permets néanmoins de rebondir sur un détail conclusif :
Citer:
pour étonnant que cela puisse paraitre l’Antiquité Tardive pourrait bien prendre fin ici sur les berges du Yarmouk ou sur les marches du palais de Constantinople plutôt qu’ailleurs en 476 ou en 480 entre l’Italie ou la Dalmatie…

Si nous sommes d'accord là-dessus (presque depuis Fustel de Coulanges, si je puis dire), je ne trouve pas cela étonnant...L'Antiquité n'a-t-elle pas commencé en Mésopotamie ? L’Antiquité telle qu'on la conçoit, et telle qu'on la connaît gravite essentiellement autour de la Méditerranée Orientale...


Tu as raison Gwalchefed, il s'agit de généralités qui se prêtent peu au débat. Pour la phrase que tu relèves, je dois par contre avouer que je me suis très mal exprimé. Plutôt que "fin de l'Antiquité Tardive" que d'autres bien plus savants que moi situent sans problème au VIIe siècle en Orient, j'aurai dû écrire "Fin de l'empire romain de l'Antiquité Tardive". Il me faudra éclairer cette nuance.

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 Sujet du message: Re: Choisissez une date pour la fin de l'Empire romain !
Nouveau messagePublié: 12 Déc 2014, 12:35 
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Spalding a écrit:
S'agissant de l'empire d'Orient, je ne fais pas uniquement allusion à la prédominance du grec. Pour me répéter (j'y suis contraint), l'Empire romain a beaucoup plus marqué l'Occident que l'Orient : langue, droit, urbanisme... C'est une évidence que peu d'historiens contesteraient. Dans ces conditions, n'importe quel royaume germano-romain d'Occident peut prétendre continuer aussi bien l'histoire romaine que l'empire d'Orient (byzantin).


J'entends bien que tu tiennes particulièrement à cette perception que tu soulignes à l'envie, mais je ne peux qu'être bien moins catégorique que toi sur ce postulat. Si tu revois mes derniers posts, je penses que tu l'auras bien sentis, mais je ne vois pas en quoi l'Empire romain aurait plus marqué l'Occident que l'Orient surtout en se basant sur ces trois facteurs: Urbanisme, Droit, et Langue...

Lorsque tu dis qu'il s'agit d'une évidence que peu d'Historiens contesteraient, je t'invites à la lecture du tome I du manuel dirigé par Cécile Morrisson "Le Monde Byzantin" au PUF. Synthèse parfaitement actualisée des dernières recherches sur la civilisation romano-byzantine.

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 Sujet du message: Re: Fin de l'Empire romain où la difficile périodisation...
Nouveau messagePublié: 12 Déc 2014, 13:06 
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De même, le "Cambridge Ancient History", les Tomes appropriés, est intéressant à cet égard.... ;) Il détaille parfaitement les évolutions artistiques, culturelles, juridiques etc...tout en étant accessibles car n'entrant pas dans des détails trop importants...

Il me semble, que le "Justinien" de Georges Tate chez Fayard est sympa aussi, mais dans le détail je ne me souviens pas s'il n'insiste pas plus sur les différences régionales...


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 Sujet du message: Re: Choisissez une date pour la fin de l'Empire romain !
Nouveau messagePublié: 12 Déc 2014, 16:49 
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Je ne vois pas en quoi l'Empire romain aurait plus marqué l'Occident que l'Orient, surtout en se basant sur ces trois facteurs : urbanisme, droit et langue...

Il me parait en effet évident que Rome a beaucoup plus influencé l'Occident que l'Orient. Voyons les choses comme elles étaient en –200, juste avant l'expansion romaine en dehors de l'Italie. Des pays comme la Grèce, la Syrie et l’Égypte étaient déjà largement urbanisés, possédaient une organisation politico-sociale, des connaissance techniques et une littérature écrite sans équivalent dans ce qui deviendra plus tard la partie occidentale de l'Empire romain : Bretagne, Gaule, Hispanie et Maghreb. Ces pays apparaissaient alors sous-développés, mais je ne dis pas pour autant que leur culture était inférieure ! C'était à peu près le même écart qu'au XIXe siècle l'Europe par rapport à l'Afrique, l'Asie dans une moindre mesure. La seule exception en Occident était Carthage, que les Romains détruiront complètement en –146 pour en faire une nouvelle Rome !

Les Romains ne pouvaient donc pas apporter grand-chose à des vieilles civilisations comme la Grèce, la Syrie et l’Égypte. Au contraire, c'était plutôt à eux de s'instruire ! On sait d'ailleurs à quel point la civilisation grecque a influencé les Romains. Quand le centre de l'Empire romain s'est déplacé vers l'est (Constantinople) au IVe siècle, de nombreux concepts juridiques grecs sont aussi apparus dans la législation romaine officielle, ainsi la restriction de la "patria potestas" au profit du "in potestate". Cela montre que les Romains n'avaient manifestement rien à apprendre aux Grecs !

En Occident, de nombreuses villes ont été fondées ou refondées par les Romains, à moins qu'elles n'aient pris leur essor sous l'Empire romain : Leptis Magna, Augusta Treverorum, Nemausus, Vindobona, Londinium, Lugdunum, la nouvelle Carthage bien sûr, etc, etc ! En Orient, la seule fondation notable est Constantinople (prenant la suite de Byzance), mais elle a été tardive (330). Tout cela n'est pas étonnant si l'on considère que l'Orient était beaucoup plus urbanisé que l'Occident avant la conquête romaine !

Un très bon indicateur de l'influence d'une civilisation est la diffusion de sa langue. Sauf erreur, la langue des Romains était bien le latin ! Comme par hasard, il a pris une grande extension en Occident sous l'Empire romain, réduisant le celtique et le punique à la portion congrue. En Orient, le grec prédominait par contre totalement, secondairement le syriaque, même si le latin n'était bien sûr pas ignoré par les classes dirigeantes. Ce n'est pas tout à fait un hasard si le grec éliminera complètement le latin dans l'empire d'Orient (byzantin) à partir du VIIe siècle. En Orient, les Romains ont évidemment pu mettre à leur service les administrations locales, utilisant déjà le grec. En Occident, ils ont par contre dû créer de toutes pièces leurs structures administratives, et celles-ci ont d'emblée utilisé le latin. Sur les langues utilisées par l'administration romaine, je renvoie ici : http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=& ... IAVPCbLCzg

Il me parait donc absolument évident, pour la quasi-totalité des historiens aussi, que les Romains ont beaucoup plus influencé l'Occident que l'Orient ! Mais je ne dis pas que l'influence romaine a été complètement nulle en Orient. Il faut aussi savoir nuancer...

Dans son monumental "Naissance, vie et mort de l'Empire romain" (éditions Picard), on s'explique en tout cas mieux la conclusion de Yann Le Bohec (page 817) : "Entre 406/410 et 476, l'Occident romain devenait l'Occident barbare, pendant que l'Orient romain devenait l'Orient byzantin. Rome n'était plus." Le Bohec a bien sûr voulu résumer cette évolution de manière caricaturale. Mais si Rome avait marqué aussi profondément de son empreinte l'Orient que l'Occident, il me parait évident que les historiens auraient dû continuer l'histoire romaine jusqu'à la chute de l'empire d'Orient (byzantin) plusieurs siècles plus tard, d'autant que cet empire était quand même le continuateur "légal" de l'Empire romain. Si aucun ne l'a fait à ma connaissance, je suppose qu'il doit bien y avoir quelques raisons pour cela... :roll:


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 Sujet du message: Re: Fin de l'Empire romain où la difficile périodisation...
Nouveau messagePublié: 12 Déc 2014, 17:45 
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Tu es malin Spalding. Jusqu'à maintenant nous parlions de la subsistance, de la continuation, ou de la perpétuation de la Romanitas en Occident et en Orient dans les années et les siècles qui suivent la remise des insignes impériaux, et la chute de son institution à la toute fin du Ve siècle. Et tu nous parles à présent de la romanisation de l'Occident post conquête comme témoin de l'influence romaine dans cette même géographie. Voyons, dans cette optique personne ne disconviendrait de cet ancrage civilisationnel et de son importance, ni d'ailleurs de l'apport de l'hellénisme à cet édification. Mais ce phénomène est consommé depuis longtemps, et si je me réfère à notre fil de discussion c'est bien d'héritage dépositaire dont tu parles en mettant au même plan les royaumes barbares et l'empire protobyzantin. Tu l'as souvent répété pour que je ne l'oublie pas. Ainsi donc, en quoi l'Occident est-il plus marqué par l'empire romain (et non Rome) et qu'est-ce qui ferait que "n'importe quel royaume germano-romain d'Occident peut prétendre continuer aussi bien l'histoire romaine que l'empire d'Orient (byzantin)".

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 Sujet du message: Re: Fin de l'Empire romain où la difficile périodisation...
Nouveau messagePublié: 12 Déc 2014, 17:51 
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Lebohec est toujours une bonne référence mais dès que le sujet touche à l'Antiquité Tardive ou plus surement au Bas-Empire chez cet auteur, autant demander l'appréciation d'un alter-mondialiste de Washington...

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 Sujet du message: Re: Fin de l'Empire romain où la difficile périodisation...
Nouveau messagePublié: 12 Déc 2014, 17:55 
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Gwalchafed a écrit:
Il me semble, que le "Justinien" de Georges Tate chez Fayard est sympa aussi, mais dans le détail je ne me souviens pas s'il n'insiste pas plus sur les différences régionales...


Oui, le livre de George tate est très bon, et en effet il parle assez abondemment des spécificités régionnales de l'Empire d'Orient et de ses dépendances.

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 Sujet du message: Re: Fin de l'Empire romain où la difficile périodisation...
Nouveau messagePublié: 12 Déc 2014, 18:11 
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Je ne commenterai pas l'appréciation de Damianus sur Le Bohec. Je signale toutefois qu'il fait un panorama impressionnant des diverses régions de l'Empire romain dans la troisième partie de son monument déjà signalé.

Sinon, je dois dire que je ne comprends pas très bien l'avant-avant-dernier message de Damianus, trop subtil pour moi. Comme quoi je suis beaucoup moins malin qu'il le suppose ! Mais si les autres participants le comprennent, tant mieux pour eux ! Dans ce cas, ils répondront pour moi... :roll:


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 Sujet du message: Re: Fin de l'Empire romain où la difficile périodisation...
Nouveau messagePublié: 12 Déc 2014, 19:43 
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Je pense avoir compris Damianus, non sans difficultés à vrai dire ! Pour me résumer, l'influence de la civilisation romaine est beaucoup plus importante dans la partie occidentale de l'Empire romain que dans sa partie orientale. Je ne reviendrai pas sur mes raisons, que peu d'historiens contesteraient.

L'empire d'Orient (byzantin) ne peut donc prétendre continuer mieux l'Empire romain que les divers royaumes germano-romains d'Occident, bien qu'il soit en principe son successeur "légal" (je mets entre parenthèses l'empire romain de Charlemagne, reconnu par l'empire d'Orient, aussi le Saint Empire romain germanique). Les historiens ne pouvant écrire simultanément l'histoire d'une demi-douzaine de royaumes occidentaux et d'un empire oriental, il est donc temps pour eux de tourner la page de l'histoire romaine. La date de 476 peut à cet égard convenir, bien qu'elle soit assez artificielle (pas complètement). Elle a sans doute été perçue par les contemporains bien informés, mais faiblement. Quand un État se fragmente, les lois ne changent pas en effet dans l'immédiat, s'appliquent seulement à des échelles plus réduites.

Par la suite, les divergences entre l'Occident et l'Orient s'accentueront, comme celles entre les diverses parties de l'ex-empire romain d'Occident. Mais il restera quand même certaines permanences. Ce n'est pas ainsi un hasard si les langues d'origine latine (italien, espagnol, portugais, français) sont actuellement parlées dans la partie occidentale de l'ex-Empire romain. Le roumain fait seul exception, en raison des circonstances particulières ayant accompagné la conquête et l'abandon de la Dacie.

Sur ce, je suis un peu fatigué de ce sujet, excessivement long. Je vous laisse donc continuer entre vous... ;)


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 Sujet du message: Re: Fin de l'Empire romain ou la difficile périodisation...
Nouveau messagePublié: 15 Déc 2014, 18:40 
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Comme il ne fait aucun doute que l’Orient est le meilleur candidat à la succession de l’empire Romain (à sa propre succession ?) et ce, pour la plupart des historiens en passant par le Pape et Dark Vador, je ne reviendrai pas sur les nombreux, infinis et incommensurables arguments que j’ai pu développer ailleurs que sur ce forum, salués et reconnus de tous dans le périmètre de mon esprit fécond, bien las que je suis de prolonger cette discussion… Minute papillon; blague à part!


A moins que… Et si j’essayai justement de m’expliquer sur les raisons qui me feraient placer la fin de l’empire romain « antique » de la date traditionnellement admise en 476, en Occident, ailleurs et bien plus loin, à l’Orient.

L’exercice est-il d’ailleurs concevable ? A mon humble niveau, je ne suis pas en état d’embrasser sérieusement les multiples facteurs qui font qu’une société ou une civilisation entière se transforme, emprunte telle ou telle voie. A peine puis-je constater à travers les regards croisés de chercheurs et spécialistes, les destins particuliers et uniques des deux parties d’un empire en profonde mutation.

Cependant, il m’est permit de faire des supputations sur la base de ce que je sais ou croit connaitre de l’armée romaine de l’époque comme témoin de ces transformations. Un microcosme peut-il résumer les grands mouvements de l’Histoire ? Non, indéniablement, mais il s‘agit toujours d’une optique…

En 476, la déposition des ornements impériaux et l’abdication de Romulus Augustule, marque la fin de l’Empire en Occident. Marque – elle pour autant la fin de l’armée romaine ? En toute logique oui, en Occident. Sans doute me dira-t-on que l’armée romaine n’existait déjà plus, avant cette date… Merci pour elle, et que dire de l’armée romaine en Orient. Cesse-t-elle d’être romaine comme ça, parceque l’Occident se mouche ?

Alors bien sûr beaucoup d’inconnues subsistent sur le devenir de l’armée romaine au sein des royaumes germaniques, autant de questions que d’hypothèses qui confinent parfois au particularisme local.

Heureusement, il n’en va pas de même en Orient, où les choses sont déjà un peu plus certaines (qui va me dire que l’Orient n’a rien à hériter de l’empire romain ici ?). Et bizarrement, Etonnement, que se passe-t’il pour l’armée romaine après 476 ? Rien ou pour ainsi dire, aucune réforme, aucune transformation majeure. L’armée romaine continue son petit bonhomme de chemin dans les cadres institutionnels qui sont les siens. Anastase Ier (491 – 518) ayant beau jeu de conserver la tradition quand celle-ci est mise à mal, à force de décret comme l’inscription de Pergé récemment étudiée, le démontre encore.

Il faut attendre Justinien Ier (527 – 565) chantre de l’empire Romain universel (paradoxe ?) pour voir l’armée romaine s’écarter de l’héritage romano-tardif tel qu’instauré à la fin du IIIe siècle. Que se passe-t’il dans le courant de ce règne ? Une évolution stratégique de la politique militaire de Justinien qui tend d’un côté vers une économie de moyens humains et matériels, et de l’autre, à une redéfinition des priorités défensives. Le Limes oriental subit une série de réformes qui voit une grande partie des Limitanei devenus obsolètes, démobilisés ou mutées, et les forces des Comitatenses de l’armée centrale passer sous contrôle des Ducs pour renforcer les frontières défaillantes. Entre les années 528 et 536, le système défensif de l’Arménie romaine fait office de laboratoire des transformations en cours. Le nombre de forteresses se resserre ainsi que les contingents actifs. Un Magister Militum pour l’Arménie est nouvellement désigné et commande en chef directement à Theodosioupolis une armée à faible effectif mais rapidement opérationnelle. La chaine hiérarchique se simplifie d’autant, ainsi que le dispositif stratégique global. 5 Ducs pour 11 garnisons là où jadis il n’en fallait pas moins de 26, dirigent aussi bien les unités frontalières restantes que les Comitatenses détachés dans les provinces.

Peu après, le réseau défensif proprement oriental se calque sur celui de l’Arménie en réduisant à son tour le nombre de ses places fortes en assimilant de la même manière des détachements des armées d’accompagnement aux camps des Limitanei subsistant. En réalité, la disparition progressive de l’appellation officielle du corps des Limitanei n’est pas la disparition de la couverture militaire des frontières de l’empire, mais l’abolition terminale de l’immense système de défense initié par la Tétrarchie. De même, la régionalisation des Magistri et des forces centrales est une altération du haut commandement en opposition avec les mesures attribuées à Constantin Ier.

Sous Justinien Ier les Comitatenses sont décentralisés pour un rôle de protection régional qui remédie à l’affaiblissement des Limitanei. Particulièrement, les légions palatines qui les composent ne gravitent plus dans la proche périphérie du gouvernement central et sont postés à proximité des nouvelles frontières à l’exemple des Lanciarii Iuniores déplacés de Constantinople vers la Mésie face à la menace Avars en 556 – 557. Les troupes d’élites sont encore transportées vers les points chauds que représentent l’Afrique nouvellement reconquise et le front Italien. Bien que le latin reste la langue militaire par excellence, le terme même de « légion » n’est plus tout à fait familier à Procope de Césarée lorsqu’il évoque l’existence d’une unité légionnaire basée à Mélitène en Arménie mineure – Cappadoce –. Les troupes contemporaines de Justinien n’emploient que de manière très rare le dénominatif au sein des Comitatenses, quand bien même auraient-elle une antériorité marquée. Entre la fin du Ve siècle et le VIe siècle, l’épithète le plus couramment rencontré est celui de « Numerus » qui introduit de plus en plus les dénominations des unités militaires en activités au sein des forces Comitatenses et marque dans l’usage plus que par décret la disparition progressive de la légion au sein de ce corps d’armée.

Au terme des réformes justiniennes, l’armée d’Orient solde moins de 150 000 hommes, un tiers de l’ensemble des armées du début du IVe siècle. La défaite d’Andrinople contre les Goths en 378 n’a jamais consacré la fin de l’armée tardo-romaine, tout comme la déposition même symbolique, du dernier empereur en Occident en 476, n’a jamais été la date butoir de la fin de l’empire romain. Aussi, les légions et Auxilia perdurent longtemps dans l’empire d’Orient, mais c’est cette évolution du courant du VIe siècle qui marque fondamentalement le coup d’arrêt des conceptions militaires, aussi bien d’ordre stratégique, structurelles qu’institutionnelles élaborées dans l’Antiquité tardive des IVe – Ve siècles. In fine, ce sont bel et bien ces dispositions nouvelles qui amorcent la forme prochaine d’une armée cette fois véritablement « byzantine ».

De justinien Ier il nous faut encore passer à Héraclius (610 – 641) dont le règne définitif en termine avec la conception Antique de l’Empire romain et de son armée. Là aussi que se passe-t’il concrètement ? Ce n’est pas le passage progressif de l’infanterie à la cavalerie comme arme déterminante qui marque réellement un tournant, ni même cette spirale d’autodestruction qui vient saper pendant 25 ans les deux grandes superpuissances de l’Antiquité qu’étaient l’Empire Romain et le Royaume Sassanide. C’est plutôt ce soubresaut final et cette alternance entre classicisme et nouveauté qui ouvre la voie à une nouvelle ère. On ne peut que penser à la tradition romaine quand on se penche sur les conditions d’accession au pouvoir d’Heraclius dans la longue suite de ces « usurpations » réussies qui se terminent en acclamations du peuple et du Sénat, de cette périphérie qui influe sur le centre du pouvoir (ici l’Afrique occidentale sur Constantinople) La tradition romaine une fois de plus pour un empereur-soldat comme on en avait pas vu depuis la fin du IVe siècle. Des campagnes militaires aussi désespérées que brillantes que ne renierait pas un Trajan. Une discipline de fer digne des Haut-faits de la République. Mais aussi une fin déclarée avec une victoire absolue, plus espérée qu’attendue sur l’Empire Persan, le titre de Basileus donné pour la première fois, le cérémoniel religieux entérinant les règnes. Enfin l’avènement de temps nouveaux avec l’’irruption des armées arabes dans l’Empire d’Orient, la perte définitive de ses provinces les plus riches. L’islam en tant que troisième monothéisme inaugure le moyen-âge méditerranéen. La concentration et le repli du reste de l’Empire sur des terres essentiellement grecques entérinent la fin de l’universalisme romain traditionnel. La fin d’un empire multiethnique et cosmopolite, la coupure de fait entre l’Orient et l’Occident Méditerranéen vers une polarisation continentale. Le développement prochain des Thèmes et de leur fonctionnement achève l’héritage militaire romain. C’est donc bien au Yarmouk en 636 ou même dans les années 680 que l’empire romain Antique meurt pour laisser place à un empire romain pleinement médiéval: la période mésobyzantine ; Une autre Histoire. Notez que nous sommes bien loin de 476, à croire que d'autres y avaient déjà pensé.

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 Sujet du message: Re: Fin de l'Empire romain ou la difficile périodisation...
Nouveau messagePublié: 15 Déc 2014, 19:46 
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Nous sommes bien d'accord que la désintégration du monde romain est très progressive, allant du IIIe au VIIe siècle. Au milieu de cette période, 476 peut convenir si l'on veut une date précise, bien qu'elle soit assez artificielle (pas complètement).

Il est d'ailleurs significatif que dans son essai "Les derniers jours", récemment paru, De Jaeghere retient 476 comme la meilleure date possible. Mais il ne peut s'empêcher de poursuivre jusqu'au VIIe siècle !

Et je ne parle pas ici de la civilisation romaine, dont les composantes ont pris souvent une grande extension par la suite : villes d'origine romaine, influence du droit romain, langues d'origine latine... Sur tous ces plans, Rome ne s'est jamais aussi bien portée ! ;)


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 Sujet du message: Re: Fin de l'Empire romain ou la difficile périodisation...
Nouveau messagePublié: 16 Déc 2014, 12:12 
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Peut-on rééllement parler de désintégration?

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