Les références militaires dans l'œuvre de Synésius de Cyrène.
I) Abrégé du De Regno "De la royauté."
Traduction de H. Druon, "Œuvre de Synesius" Librairie Hachette 1878. Paris.
4. Tes oreilles sont agréablement chatouillées quand tous célèbrent ta grandeur. Et moi aussi je dis que jamais à personne n’a été donné un aussi vaste empire, des monceaux d’or tels que n’en possédait point l’ancien Darius, d’innombrables chevaux, et pour les monter, des archers, des cuirassiers, auxquels rien ne peut résister, lorsqu’ils ont un chef.
5. (…) Ton père est devenu, d’illustre général, empereur; toi c’est en ta qualité d’empereur que tu es général; tu dois à la Fortune de pouvoir te signaler par des exploits. La puissance qu’il a conquise par ses travaux est venue t’échoir par héritage ; mais tu ne peux la garder sans peine. (…)
Commentaire: Synesius dédicace ce petit traité moral à l'Empereur Arcadius (395-408). Le père en question n'est rien moins que Théodose Ier (379-395) qui, comme son père avant lui (Théodose l'ancien) était général avant d'être créé empereur par Gratien fils de Valentinien Ier.
(…) Vois ton père lui-même: quoiqu’il ne dût le rang suprême qu’à ses glorieux faits d’armes, l’envie n’a pas voulu que la vieillesse restât en repos : aussi Dieu lui a maintenu sa couronne. Marchant contre deux usurpateurs, il les défait l’un et l’autre, et aussitôt après son second triomphe il quitte la vie; [4] invincible dans les combats, il n’est vaincu que par la nature, à laquelle ne peuvent résister ni la vaillance ni le génie. Enseveli dans sa vertu, il vous a laissé [5] un empire incontesté : puissent votre propre vertu, et Dieu venant en aide à cette vertu, vous le conserver! (…)
Commentaire: Il s'agit des usurpateurs Maxime (383-388) et Eugène (392-394), vaincu chacun leur tout par Théodose Ier à la bataille de Poetovio en 388 pour le premier et à la bataille de la "rivière froide" en 394. L'Empereur à laissé dans les mémoire un très bon souvenir aussi bien chez son peuple que chez ses ennemis. Craint et respecté par les Goths, adulé par les Chrétiens pour sa ferveur (il est l'Empereur qui fit du Christianisme la religion d'Etat) et par les milieux "patriotiques" qui voient en lui le restaurateur de la paix "universelle". A l'exception de Zosime, l'unanimité semble accompagner sa mémoire. Les modernes en revanche considère la règne de Théodose Ier sous un jour plus contrasté.
6. (…) le roi règle ses penchants d’après les lois; le tyran érige en lois ses penchants : mais si opposée que soit leur vie, ils ont cela de commun qu’ils possèdent l’un et l’autre tout pouvoir. (…)
Commentaire: Le traité de Synesius se veut avant tout moral et pédagogique. .
7. (…) Voici l’une des choses que j’ai admirées chez les sages Egyptiens: ils donnent au divin Hermès deux faces; il est tout à la fois jeune et vieux. Si l’on pénètre le sens de ce symbole, cela signifie qu’il faut joindre l’intelligence à la vigueur, et que chacune des deux, privée de l’autre, est inutile. (…)
9. Jamais encore aucun nom n’a été trouvé qui pût faire connaître Dieu dans son essence même. Désespérant de pouvoir autrement le définir, les hommes l’ont désigné d’après ses attributs. Père, créateur, principe, cause des choses, de quelque manière qu’on l’appelle, toutes ces expressions n’indiquent que les relations de Dieu avec les êtres qui lui doivent l’existence. (…)
Commentaire: On sent ici chez Synesius un substrat Néo-platonicien dans cette définition très large du concept de Dieu. Bien qu'Evêque Chrétien, sa formation est traditionnelle, faite de philosophie et de rhétorique.
11. (…) C’est tout le contraire avec les tyrans; avec eux le proverbe a raison, se tenir loin de Jupiter et de sa foudre.(…)
13. Poursuivons notre discours. Il faut que le prince sorte de son palais, qu’il aille, en quittant ses amis, se mêler aux soldats, qui sont, eux aussi, à un moindre degré, des amis. Il doit descendre dans la plaine, tout inspecter par lui-même, hommes, chevaux, équipements; il doit se livrer à l’équitation avec le cavalier, à la course avec le fantassin, partager les exercices de l’hoplite pesamment armé, du peltaste armé à la légère, lancer la flèche avec l’archer. En s’associant à leurs occupations, il leur inspire un vif attachement; s’il les appelle ses compagnons, ce n’est pas une vaine manière de parler ; et, quand il leur donne ce nom dans ses harangues, ils sont là pour attester que c’est l’expression même de la vérité. (…)
(…) C’est ainsi qu’en se montrant souvent aux regards de ses soldats, le roi fait naître dans leurs cœurs une profonde affection pour sa personne. Et quel empire est plus solide que celui qui est défendu par l’amour de tous? Quel particulier, dans une humble condition, est plus en sûreté contre les embûches qu’un prince qui n’est un objet de crainte pour personne, mais pour qui tout le monde a des craintes? Le soldat est naturellement simple, ouvert; il se livre aisément à ceux qui vivent avec lui. (…)
(…)Quoi de plus méprisable qu’un roi qui ne serait connu de ses défenseurs mêmes que par ses portraits?
14. Le roi retirera de nombreux avantages de ses rapports fréquents avec les soldats: non seulement son armée ne fera, pour ainsi dire, avec lui qu’un seul corps animé d’un même esprit; mais dans les exercices variés des camps il pourra tantôt faire l’apprentissage de la guerre, tantôt s’initier à la science du commandement: c’est une école qui le prépare et qui l’excite aux œuvres sérieuses et considérables. Il n’est pas indifférent de pouvoir, quand le jour des batailles sera venu, appeler par leurs noms un général, un commandant de légion, un chef de cohorte ou d’escadron, un porte-enseigne à l’occasion, et même quelques-uns des vétérans les plus connus, les plus estimés parmi les cavaliers ou les fantassins. C’est par là qu’on les encourage. (…)
Cette ardeur, un prince saura l’inspirer à ses soldats en les appelant par leurs noms; chez celui-là même que le son de la trompette laisserait insensible, il éveillera l’amour de la gloire, il excitera son courage. On s’expose volontiers au danger sous les yeux de son roi. Pacifique ou belliqueux, un roi ne saurait avec trop de soin entretenir cette noble émulation. (…)
(…) Or on traite surtout un homme avec honneur quand on cite, pour le louer, un de ses actes de courage, un de ses succès. Vois Homère, il fait du roi le louangeur de ses sujets. Et qui donc hésitera à prodiguer son sang pour obtenir les éloges du prince? Voilà ce que tu gagneras à venir souvent au milieu des soldats. J’ajoute qu’ainsi tu connaîtras leurs caractères, leurs habitudes; tu sauras quelle place il convient d’assigner à chacun selon les circonstances. Fais encore cette réflexion: le roi est l’artisan de la guerre, comme le cordonnier est l’artisan de la chaussure; le cordonnier serait ridicule s’il ne connaissait pas les instruments de son métier: comment le roi pourra-t-il donc se servir des soldats, qui sont ses instruments, sans les connaître?
Commentaire:L'auteur donne volontiers sur son oeuvre des accents de traité qu'on dirait tout droit issu des sciences militaires. Ce penchant exprime bien l'admiration sans borne de Synesius pour l'armée à laquelle l'Evêque s'identifie parfois. Ces règles de bon sens ne sont pas sans évoquer Végèce. Moins théoriques qu'elles en ont l'air, elles manifestent aussi quelque chose du vécu personnel de l'auteur. 15. (…) Rien jadis n’a été plus fatal à l’Empire que le luxe théâtral déployé autour de la personne du Prince. On prépare dans le mystère un faste pompeux, dont vous faites ensuite étalage à la manière des barbares. Mais l’ostentation cache la faiblesse sous des dehors trompeurs. Que mon langage ne te blesse point; la faute n’est pas à toi, mais à ceux qui, les premiers, introduisirent ces habitudes pernicieuses et les transmirent à leurs successeurs. Le mal n’a fait que s’accroître avec le temps. Votre majesté même, et la crainte qu’en vous laissant voir souvent vous ne soyez l’objet de moins de respect, vous retiennent enfermés dans vos palais. Là, devenus vos propres captifs, privés de voir et d’entendre, vous perdez les leçons pratiques de l’expérience; vous ne vivez plus que pour les plaisirs du corps et pour les plus grossiers d’entre ces plaisirs, ceux du goût et du toucher; votre existence est celle d’un polype. Ainsi, pour vouloir être plus que des hommes, vous tombez même au-dessous de l’homme. Tandis que vous ne laissez pas pénétrer jusqu’à vous les centurions et les généraux, pour vous égayer vous faites votre société habituelle d’êtres à tête petite, à intelligence bornée, vrais avortons, produits imparfaits de la nature, semblables à de la fausse monnaie. (…)
Commentaire: En bon "militant", Synesius verse très souvent dans la polémique si ce n'est dans le pamphlet. Acte aussi courageux que risqué pour l'époque. Son statut d'Evêque le protége dans une large mesure. L'aura du philosophe et du religieux permettait souvent une liberté de parole vis à vis des grands de l'Empire qui ne serait pas toléré autrement. C'est en partie le sujet de l'Historien Peter Brown dans son livre "Pouvoir et persuasion dans l'Antiquité Tardive" Un ouvrage que je recommande fortement au passage. Le témoignage de Synesius est de qualité et reflète parfaitement les réalités de la cours impériale et du protocole qui entoure les enfants empereurs que sont Arcadius et Honorius en ce début de Ve siècle. 15 (…) toujours tu trouveras que les Etats n’ont dû leur grandeur qu’à des guerriers, chers à leurs compagnons d’armes, partageant avec eux la rude vie des camps, couchant comme eux sur la dure, se soumettant aux mêmes fatigues, ne s’accordant que les mêmes plaisirs. C’est par leurs travaux qu’ils élevaient si haut leur fortune; et une fois au faîte de la puissance, ils ne s’y maintenaient que par la sagesse de leurs conseils (…) Commentaire: Encore cette attention particulière que l'auteur demande à des Empereurs qui ne seront jamais des empereurs guerriers. (…)Je crois que l’Empereur doit respecter les institutions de la patrie. Mais n’appelons point de ce nom des habitudes de luxe introduites d’hier dans la république dégénérée: nos véritables institutions sont les règles de conduite qui servirent à établir la puissance romaine. (…)
Commentaire: cette description de la part de Synesius est sévère mais loin d'être fausse…
16. Au nom de la Divinité qui gouverne les rois, tâche de m’écouter patiemment, si dures que soient mes paroles: à quelle époque, selon toi, l’empire romain a-t-il été le plus florissant? Est-ce depuis que vous portez des habits de pourpre et d’or, depuis que des pierres précieuses, tirées du sein des montagnes ou des profondeurs d’une mer lointaine, chargent vos têtes, couvrent vos pieds, brillent à vos ceintures, pendent attachées à vos vêtements, forment vos agrafes, resplendissent sur vos sièges? Aussi, par la variété et par l’éclat de vos couleurs, vous devenez, comme les paons, un spectacle curieux à voir; et vous réalisez contre vous-mêmes cette imprécation d’Homère : Porter une tunique de pierre.[15] Encore ne vous suffit-il point de cette tunique: quand vous avez le titre de consul, vous ne pouvez plus entrer dans la salle où le sénat se réunit, soit pour nommer des magistrats, soit pour délibérer, sans être couverts d’un autre vêtement de même espèce. Alors ceux qui vous contemplent s’imaginent que seuls, entre tous les sénateurs, vous êtes heureux, que seuls vous exercez de réelles fonctions. Vous êtes fiers de votre fardeau ; vous ressemblez au captif qui, chargé de liens dorés, ne sentirait point sa misère ; séduit par l’éclat magnifique de ses chaînes, il ne regardera point comme triste la vie de la prison: et cependant sera-t-il plus libre que le malheureux dont les membres sont retenus dans des entraves du bois le plus grossier? Voici que le pavé et la terre nue sont trop durs pour vos pieds délicats; vous ne pouvez marcher que sur une poussière d’or: des chariots et des vaisseaux vous apportent à grands frais de contrées éloignées cette précieuse poussière; une nombreuse armée est occupée à la répandre (…)
Commentaire: comme nous l'avons remarqué plus haut, Synesius dépeint avec excellence la réalité de la cour et du quotidien des empereurs Arcadius et Honorius. Les usages que rapporte l'auteur ne sont même pas exagérés. C'est Dioclétien le premier qui introduit le faste oriental dans l'apparat impérial. Ce choix incompréhensible en apparence de la part d'un empereur conservateur s'explique par son souci d'apporter le lustre perdu durant le IIIe siècle de l'image impériale dévaluée par les années de guerres civiles. Pour endiguer cette facilité à proclamer des êtres d'exception, Dioclétien coupe l'empereur de la commune humanité pour lui donner un aspect surnaturel et divin. D'où l'utilisation de l'or, de la soie des pierreries qui décorent un costume jusque là resté très sobre. Les représentations confirment entièrement les dires de Synesius. Les ceintures, les fourreau, les chaussures sont décorés de pierreries, les manteaux brodés d'or. Les diptyques consulaires nous montrent encore ces toges fortement enrichies qui devaient peser leur poids. Sous Honorius et Arcadius, l'étiquette a depuis longtemps atteint sa maturité. C'est celle que gardera en grande partie l'Empire Byzantin. Pour se rendre compte de la richesse des rituels du protocole, il faut se référer au livre "Des Cérémonies" de Constantin Porphyrogénète s'appuyant sur un tradition reposant sur Constantin Ier.
(…) Mais quand donc surtout a-t-on vu prospérer les affaires de l’État? Est-ce maintenant, depuis que les empereurs s’enveloppent de mystère, depuis que, semblables aux lézards qui fuient la lumière dans leurs trous, vous vous cachez au fond de vos palais, afin que les hommes ne voient point que vous êtes des hommes comme eux ? N’était-ce pas plutôt quand nos armées étaient conduites par des chefs qui vivaient de la vie du soldat? Noircis par le soleil, simples et sévères dans leurs habitudes, ennemis du faste et de la pompe, ils se coiffaient du bonnet de laine des Lacédémoniens, comme les représentent encore leurs statues, qui excitent le rire des enfants, et font croire au peuple vieilli que ces héros, loin d’être heureux, menaient une existence misérable, si on la compare à la vôtre. Mais ils n’avaient pas besoin, ces guerriers, d’entourer de remparts leurs cités pour les protéger contre les invasions des barbares d’Europe et d’Asie. Par leurs exploits, au contraire, ils avertissaient l’ennemi d’avoir à défendre ses propres foyers ; souvent ils franchissaient l’Euphrate pour poursuivre les Parthes, l’Ister pour attaquer les Gètes et les Massagètes. Mais voici qu’aujourd’hui ces mêmes peuplades, jadis vaincues, après avoir changé les unes leur nom, les autres la couleur de leur teint, pour simuler des races terribles nouvellement sorties de terre, viennent à leur tour nous apporter l’épouvante; elles traversent les fleuves, et pour nous laisser en paix elles exigent un tribut. Allons, revêts la force ![15]
Commentaires: Si Synesius évoque le bonnet des soldats, il ne l'attribut pas aux Pannoniens mais aux Lacédémoniens. Il est possible que Synesius se trompent volontairement car nombre de ses références sont grecs. Y voit-il un prestige que les Pannoniens n'ont pas? Ou les Lacédémoniens portaient-ils un bonnet proche ou similaire? Pour Synesius, le bonnet est en laine. Il n'y a pas de doute sur l'identification de ces bonnets car il se réfère très distinctement à la coiffe des anciens empereurs que les enfants moquent à son époque. Cette anecdote est vraiment terrible… Il ne peut en effet s'agir que des statues des Tétrarques de la fin du IIIe et du début du IVe siècle suffisamment anciens pour vanter leurs vertus (Ce que Synesius fera plus tard…) tels les empereurs illyriens comme ceux du groupe de la place St Marc de Venise.
18. L’empereur dont je parle ne vivait pas dans un siècle éloigné du nôtre; l’aïeul d’un de nos vieillards, à moins d’avoir été père de fort bonne heure, ou d’avoir eu des fils qui, de fort bonne heure aussi, l’eussent rendu aïeul, pouvait le voir et le connaître. Ce prince, dit l’histoire, allait en guerre contre un des rois Arsacides qui avait insulté l’empire romain. Il venait de franchir les montagnes de l’Arménie; avant d’entrer sur le territoire ennemi, comme il se sentait faim, l’heure du repas arrivée, il ordonna à ses soldats de sortir des bagages toutes les provisions, toutes, car ils trouveraient maintenant dans le pays de quoi se nourrir; et il montrait de la main les campagnes des Parthes. Sur ces entrefaites se présentent des ambassadeurs envoyés par l’ennemi: ils s’attendaient à être d’abord reçus par les grands de la cour, entourés de leur suite, avec tout le cérémonial d’une audience, et pensaient qu’ainsi plusieurs jours s’écouleraient avant qu’ils fussent admis en présence de l’Empereur; et voici qu’ils le rencontrent, prenant son repas. Car on ne voyait pas alors cette multitude de gardes qui forment dans l’armée une autre armée; tous choisis pour l’éclat de leur jeunesse et pour la beauté de leur taille, fiers de leur chevelure blonde et touffue, Le visage et le front ruisselants de parfums;[16] ils portent des boucliers d’or, des lances d’or; leur présence nous annonce l’apparition du prince, comme les premiers rayons du jour annoncent l’approche du soleil. Mais là, point de corps d’apparat; c’était l’armée tout entière qui gardait et l’Empereur et l’Empire. Rien n’était donné à la pompe; ce qui distinguait les grands, ce n’était point le costume, mais l’élévation de l’âme; ils ne différaient du vulgaire que par les vertus intérieures; à leur habillement on les aurait pris pour de simples soldats. Tel parut Carin[17] en aux yeux des ambassadeurs. Sa tunique de pourpre était jetée sur l’herbe; pour tout mets il avait des pois cuits de la veille, avec un peu de porc salé. Sans se lever, sans changer de posture à la vue des députés, il les fait approcher. « Je sais, dit-il, que vous êtes venus pour me parler, car c’est moi qui suis Carin. Retournez de ce pas dire à votre jeune roi que s’il ne se hâte de me satisfaire il peut s’attendre à voir, avant qu’un mois soit écoulé, tout son pays ravagé et plus nu que ma tête. » Et en achevant ces mots il ôte son bonnet et leur montre sa tête aussi unie que le casque qu’il avait déposé à coté de lui. Puis il leur dit que s’ils ont faim ils peuvent, comme lui, prendre dans la marmite; sinon, qu’ils s’en aillent aussitôt, hors de l’enceinte du camp romain, car ils n’ont plus rien à faire comme ambassadeurs. Quand les députés, de retour chez eux, eurent raconté au peuple et au roi ce qu’ils avaient vu, ce qu’ils avaient entendu, tous, comme on pouvait s’y attendre, furent saisis de crainte et d’épouvante, à la pensée qu’ils auraient à combattre des hommes conduits par un empereur qui ne rougissait pas, tout empereur qu’il fût, d’être chauve, et qui invitait des convives à manger avec lui à la marmite. Ce roi orgueilleux, vaincu par la peur, vint disposé à tout céder, lui si fier de sa tiare et de sa robe magnifique, à un ennemi qui se contentait d’une tunique de laine commune et d’un méchant bonnet.
Commentaire: Très belle et très juste description de la garde impériale dont nous avons aussi les portraits dans la gloire de l'apparat comme sur l'exemple du Missorium de Théodose Ier ou sur la base de son obélisque à l'Hippodrome de Constantinople. Il peut s'agir des scholes palatines réputées recrutées en nombre chez les peuples germaniques, comme d'une simple description de la mode qui court dans les troupes d'Elite des Protectores domestici par exemple . En effet, Synesius revient plusieurs fois sur l'idée d'une armée dans l'armée. L'une privilégiée et l'autre vivant à la dure. Historiquement , L'empereur dont il est question dans cet épisode est Carus et non pas Carin, son fils inexpérimenté, et qui ne commanda jamais la campagne contre les Perses. Synesius très attaché au classicisme des formes, parle des Parthes au lieu des Perses mais l'ensemble de cette campagne est Historiquement attestée. Les représentations d'empereurs portant le bonnet Pannonien étant loin d'être rares, comme nous venons de le voir, l'anecdote colle encore une fois à la réalité et continue de faire le lien avec la description de Végèce du Bonnet Pannonien.
19. Tu connais sans doute un autre fait encore plus récent; car il est impossible que tu n’aies pas entendu parler de cet empereur qui, s’exposant lui-même, alla, sous les dehors d’un ambassadeur, explorer le pays ennemi.[18] Commander aux villes et aux armées, c’était remplir une dure fonction: aussi vit-on plus d’une fois refuser une souveraineté aussi laborieuse. Un prince,[19] après avoir régné de longues années, abdiqua, pour jouir au moins dans sa vieillesse des loisirs de la vie privée. Ce titre de roi, il n’y a pas longtemps que nous l’avons fait revivre; il était tombé en désuétude à Rome depuis l’expulsion des Tarquins. Maintenant, en vous parlant et en vous écrivant, nous vous qualifions de rois. Mais vous, soit avec intention, soit tout simplement par habitude, vous semblez repousser cette dénomination comme trop orgueilleuse. Jamais, dans les lettres que vous adressez à une cité, à un simple particulier, à un gouverneur de province, à un prince barbare, vous ne vous parez du nom de rois, vous ne vous appelez qu’empereurs. Empereur est le terme qui désigne un chef militaire, revêtu de pleins pouvoirs. C’est en qualité d’empereurs qu’Iphicrate et Périclès commandaient les flottes qui partaient d’Athènes. Ce titre n’avait rien qui pût choquer un peuple libre; car c’était le peuple même qui conférait par ses suffrages cette légitime autorité. (…)Un des magistrats d’Athènes s’appelait roi; mais il n’avait que des attributions limitées et inférieures;[20] c’est par une sorte d’ironie qu’il recevait ce nom dans une république qui ne connaissait aucun maître. Empereur, eux, ne signifiait pas souverain; mais la chose, comme le nom, était ce qu’il y avait de plus élevé. Eh! veut-on un témoignage évident de la sagesse des Romains? La monarchie, qui s’est établie chez eux, a tellement en aversion les maux enfantés par la tyrannie, qu’elle s’abstient, qu’elle se fait scrupule de prendre le nom de royauté. La tyrannie fait détester la monarchie, mais la royauté la fait aimer. La royauté! Platon l’appelle un bien vraiment divin, donné aux hommes.[21] Mais le même Platon dit aussi que la simplicité convient à tout ce qui est divin.[22] Dieu n’agit pas d’une manière théâtrale, il n’étonne pas par des prodiges; mais par ses conseils secrets (…)
Commentaire: Il est évident que les Empereurs Honorius et Arcadius connaissaient cet empereur "récent" puisque le stratagème du déguisement pour espionner l'ennemi fut employé à plusieurs reprises par Théodose Ier, le père des garçons, notamment lors de ses campagnes contre les Goths. Zosime relate une de ces aventures où l'empereur accompagné par plusieurs de ses hommes fut reconnu dans une taverne (oui, je sais ça fait très Kamelott comme anecdote…) Sans le nommer, l'empereur qui retourna à la vie civile n'est rien moins que l'Empereur Dioclétien. 21. Comment donc, laissant de côté les considérations générales à propos de l’idée que nous devons nous faire d’un roi, arrivons-nous à parler du présent état de choses? La Philosophie nous apprenait tout à l’heure qu’un roi doit venir souvent au milieu de son armée, et ne point se renfermer dans son palais; car c’est, disait-elle, en se laissant approcher familièrement tous les jours qu’un souverain obtient cette affection, qui est la plus sûre de toutes les gardes. Mais quand le philosophe qui aime le roi lui prescrit de vivre avec les soldats et de partager leurs exercices, de quels soldats entend-il parler? De ceux qui sortent de nos villes et de nos campagnes, de ceux que les pays soumis à ton autorité t’envoient comme défenseurs, et qui sont choisis pour protéger l’État et les lois auxquels ils sont redevables des soins donnés à Leur enfance et à leur jeunesse. Voilà ceux que Platon compare aux chiens fidèles. Mais le berger se garde bien de mettre les loups avec les chiens; car, quoique pris jeunes, et en apparence apprivoisés, un jour ils seraient dangereux pour le troupeau : dès qu’ils sentiraient faiblir la vigilance ou la vigueur des chiens, aussitôt ils se jetteraient sur les brebis et sur le berger. Le législateur ne doit point fournir lui-même des armes à ceux qui ne sont point nés, qui n’ont point été élevés sous l’empire des lois de son pays; car quelle garantie a-t-il de leurs dispositions bienveillantes? Il faut ou une témérité singulière ou le don de la divination pour voir une nombreuse jeunesse, étrangère à nos institutions et à nos mœurs, s’exercer chez nous au métier des armes, et pour ne point s’en effrayer: car nous devons croire, ou que ces barbares se piquent aujourd’hui de sagesse, ou, si nous désespérons d’un tel prodige, que le rocher de Tantale, suspendu au-dessus de nos têtes, ne tient plus qu’à un fil. Ils fondront sur nous dès qu’ils espéreront pouvoir le faire avec succès. Voici déjà que quelques symptômes annoncent la crise prochaine. L’Empire, semblable à un malade plein d’humeurs pernicieuses, souffre en plusieurs endroits; les parties affectées empêchent ce grand corps de revenir à son état de santé et de repos. Or, pour guérir les individus comme les sociétés, il faut faire disparaître la cause du mal : c’est un précepte à l’usage des médecins et des empereurs. Mais ne point se mettre en défense contre les barbares, comme s’ils nous étaient dévoués ; mais permettre que les citoyens, exemptés, quand ils le demandent, du service militaire, désertent en foule, pour d’autres carrières, les rangs de l’armée, qu’est-ce donc, si ce n’est courir à notre perte? Plutôt que de laisser chez nous les Scythes porter les armes, il faudrait demander à nos champs les bras qui les cultivent et qui sauraient les défendre. Mais arrachons d’abord le philosophe à son école, l’artisan à son atelier, le marchand à son comptoir; crions à cette foule, bourdonnante et désœuvrée, qui vit aux théâtres, qu’il est temps enfin d’agir si elle ne veut passer bientôt des rires aux gémissements, et qu’il n’est point de raison, bonne ou mauvaise, qui doive empêcher les Romains d’avoir une armée nationale. Dans les familles comme dans les Etats, c’est sur l’homme que repose la défense commune; la femme est chargée des soins domestiques. Pouvons-nous admettre que chez nous les hommes manquent à leur devoir? N’est-ce pas une honte que les citoyens d’un empire si florissant cèdent à d’autres le prix de la bravoure guerrière? Eh ! quand même ces étrangers remporteraient pour nous de nombreuses victoires, moi je rougirais encore de leur devoir de tels services. Mais Je le sens, je le vois[24] (Lacune) et il ne faut pour le comprendre qu’un peu d’intelligence, lorsqu’entre deux races que je puis appeler l’une virile, l’autre efféminée, il n’existe aucune communauté d’origine, aucun lien de parenté, il suffira du moindre prétexte pour que la race armée veuille asservir la race pacifique : énervée par le repos, celle-ci aura un jour à lutter contre des adversaires aguerris. Avant d’en arriver à cette extrémité vers laquelle nous marchons, reprenons des sentiments dignes des Romains; accoutumons-nous à ne devoir qu’à nous-mêmes nos triomphes; plus d’alliance avec les barbares! Qu’aucune place ne leur soit laissée dans l’Etat!
Commentaire: Toute cette partie de Synesius de Cyrène est certainement la plus connue des lecteurs car souvent citée par les Historiens pour appuyer l'état de l'empire au Ve siècle. Ses mots font échos à ceux de Végèce et aux inquiétudes de l'intelligentsia romaine traditionnelle. Synesius comme auteur du début du Ve siècle apparaît presque prophétique dans ses remarques. Nous verrons plus loin, que son analyse apparaît fort juste concernant les limites de l'intégration des barbares dans l'empire. 22. D’abord il faut leur fermer l’entrée des magistratures et les exclure du sénat, eux qui n’avaient que du dédain pour les honneurs que les Romains sont si fiers, et à juste titre, d’obtenir. A voir ce qui se passe aujourd’hui, le dieu de la guerre et la déesse qui préside aux conseils, Thémis, doivent souvent, j’imagine, détourner la tête de honte: des chefs, habillés de peaux de bêtes, commandent à des soldats vêtus de la chlamyde. Des barbares, dépouillant leur grossier sayon, se couvrent de la toge, et viennent avec les magistrats romains délibérer sur les affaires publiques, assis au premier rang après les consuls, au-dessus de tant d’illustres citoyens! Puis, à peine sortis du sénat, ils reprennent leurs habits de peaux, et se moquent avec leurs compagnons de cette toge, incommode vêtement, disent-ils, pour des hommes qui veulent tirer l’épée. L’étrangeté de notre conduite m’étonne souvent; mais voici surtout ce qui me confond. Dans toutes les maisons qui jouissent de quelque aisance, on trouve comme esclaves des Scythes : pour maître d’hôtel, pour boulanger, pour échanson, on prend des Scythes; les serviteurs qui portent ces lits étroits et pliants sur lesquels les maîtres peuvent s’asseoir dans les rues sont encore des Scythes, race née de tout temps pour l’esclavage, et bonne seulement à servir les Romains. Mais que ces hommes blonds et coiffés à la manière des Eubéens soient, dans le même pays, esclaves des particuliers et maîtres de l’État, c’est quelque chose d’inouï, c’est le plus révoltant spectacle. Si ce n’est pas là une énigme, je ne sais où on en pourra trouver une. Autrefois en Gaule de vils gladiateurs, Crixus et Spartacus, destinés à servir dans l’amphithéâtre de victimes expiatoires pour le peuple romain, prirent la fuite, et, s’armant pour renverser les lois, ils suscitèrent cette guerre servile, la plus terrible qu’eurent à soutenir les Romains; il fallut des généraux, des consuls, et la fortune de Pompée pour sauver la république d’une ruine imminente. Les fugitifs qui allaient rejoindre Spartacus et Crixus n’étaient pas du même pays que leurs chefs, n’appartenaient pas tous à une même nation. Mais la similitude de leur fortune et l’occasion favorable les unirent dans une même entreprise; car naturellement tout esclave est, je crois, l’ennemi de son maître, quand il espère le vaincre. Ne sommes-nous pas aujourd’hui dans des circonstances analogues? Et même combien plus désastreux encore sera le fléau que nous entretenons contre nous! Car aujourd’hui il ne s’agit plus seulement d’une révolte commencée par deux hommes, tous deux méprisés. Des armées tout entières, de même race que nos esclaves, peuplades sanguinaires reçues, pour notre malheur, dans l’Empire, comptent des chefs élevés en dignité parmi leurs compatriotes et parmi nous. Quelle erreur est la nôtre! Indépendamment des soldats qui leur obéissent, ces chefs n’auront qu’à le vouloir, n’en doute point, pour voir accourir sous leurs ordres nos esclaves les plus résolus, les plus audacieux, disposés à commettre toutes sortes de brigandages pour se rassasier de liberté. Il faut renverser cette force qui nous menace, il faut étouffer l’incendie encore caché. N’attendons point que ces étrangers laissent éclater leur haine: le mal, qu’on détruit aisément dans son germe, s’enracine avec le temps. L’Empereur doit, épurer son armée, comme on nettoie le blé, en séparant les mauvaises graines et les semences parasites qui étouffent dans sa croissance le pur froment. Si tu trouves mes conseils difficiles à suivre, c’est que tu oublies sur quels hommes tu règnes, et de quelle race je parle. Les Romains ont vaincu cette race, et le bruit de leur gloire s’en est accru ; ils triomphent, par le conseil et par la valeur, de tous les peuples qu’ils rencontrent, et, comme ces dieux dont parle Homère, "ils ont parcouru le monde pour juger les vertus et les crimes des hommes.[25]
Commentaire: Le voici le plus célèbre extrait de Synesius. Volontiers pamphlétaire, il traduit aussi les angoisses de l'élite romaine. Il fait parti, avec les détracteurs du début du Ve siècle hostiles à la direction de Stilicho, de ces romains profondément anti-barbares mentionnés par Zosime. Synesius en est le plus parfait représentant. Son discours est haineux et prône la supériorité civilisationnelle de Rome sur les germains et les scythes en particulier (les Goths en fait…) Il déni le droit au germains (orientaux…) à participer aux affaires de l'Empire. Pour les Historiens modernes, le discours de Synesius est déjà un combat d'arrière garde. On pourrait le qualifier aisément "d'extrémiste" réactionnaire Il n'empêche qu'il problématise avec beaucoup de justesse les limites d'intégration de la romanisation classique, anticipant de plusieurs dizaines d'années les complications que connaîtra l'empire à partir de la seconde moitié du Ve siècle. De ce point de vu là, Synesius ne se trompe pas. Seul les solutions prônées peuvent paraître dépassées et inadaptées. 23. Les Scythes, au contraire, sont ces peuplades dont Hérodote nous raconte et dont nous-mêmes nous voyons la lâcheté. C’est chez eux que de tous côtés on va se fournir d’esclaves errants et sans patrie, ils changent constamment de contrée; de là cette expression passée en proverbe, la solitude des Scythes. Comme l’histoire nous le rapporte, les Cimmériens d’abord, puis d’autres peuples, ensuite des femmes, plus tard nos ancêtres, et enfin les Macédoniens, les ont tour à tour mis en fuite ; renvoyés d’un côté, ils allaient de l’autre, pour être chassés de nouveau: nomades qui ne s’arrêtent que quand l’ennemi qui les poursuit les a poussés sur un autre ennemi. Jadis leurs irruptions subites effrayèrent quelquefois certains peuples, comme les Assyriens, les Mèdes, les Palestins. Mais dans leurs récentes émigrations, quand ils sont venus vers nous, c’est en suppliants, et non en ennemis. Ils trouvaient dans les Romains des hommes qu’il était facile, non pas de vaincre, mais d’émouvoir, et qui devaient se laisser toucher par leurs prières : alors, comme on pouvait s’y attendre, cette nature sauvage commença à s’enhardir et à se montrer ingrate. Aussi ton père s’arma contre eux; punis bientôt, ils vinrent se jeter à ses genoux, priant et gémissant ainsi que leurs femmes. Ton père avait vaincu dans les combats ; il céda à la compassion: il les fit relever; il leur accorda, avec son alliance, une place dans l’Etat, il leur ouvrit l’accès aux honneurs; des terres furent assignées à ces mortels ennemis de l’Empire par un prince que son courage même et sa magnanimité rendaient trop facile. Mais des barbares ne comprennent rien à la vertu: depuis ce temps-là jusqu’aujourd’hui ils n’ont cessé de rire de nous, en songeant au châtiment qu’ils méritaient et à la récompense qu’ils ont reçue. Le bruit de leur fortune a engagé leurs voisins à suivre leurs traces; et voici qu’abandonnant leurs contrées, des hordes de cavaliers armés d’arcs viennent nous demander, à nous qui sommes d’humeur trop faible, que nous les recevions en amis: et leur prétention se justifie par l’accueil que nous avons fait à la dernière des nations. Nous sommes forcés de leur faire, quoiqu’à contre cœur, bonne mine : l’expression est vulgaire; mais le philosophe, pour se faire comprendre, n’est pas difficile sur le choix des mots; il use même de locutions triviales, pourvu qu’elles rendent clairement sa pensée.
Commentaire: Voir plus haut. 24. Comment donc ne trouverions-nous point de difficulté, aujourd’hui qu’il faut, pour reconquérir notre gloire passée, "Chasser ces chiens maudits qu’amena le Destin [26]" Mais si tu veux m’en croire, cette œuvre qui paraît si difficile deviendra aisée ; il suffit d’accroître le nombre de nos soldats, et de leur rendre la confiance, Puis, quand nous aurons une armée indigène, ajoute à ta puissance une force qui lui manque aujourd’hui, et dont Homère a fait le signe distinctif des grands cœurs, quand il a dit : "Terrible est le courroux des rois, enfants des dieux. [27] Ton courroux! déploie-le contre ces barbares; et bientôt, soumis à tes ordres, ils laboureront la terre, comme jadis les Messéniens, après avoir mis bas les armes, servirent d’Ilotes aux Spartiates; ou bien, reprenant la route par laquelle ils sont venus, ils fuiront, ils iront annoncer au delà de l’Ister qu’aujourd’hui les Romains ne sont plus aussi faciles, et qu’à leur tête est un prince jeune, vaillant, "Sévère, et devant qui l’innocent même a peur.[28] " Commentaire: Dans la même ligne, voilà donc en substance la solution de Synesius. Radicale en diable, elle est difficilement applicable au moment de la rédaction de son traité. Son discours tranche avec l'eclésisatique de l'époque qui prône au contraire un rapprochement des peuples par la voie du Christ gommant les spécificités ethniques. Cette compassion pour l'Humanité, Synesius n'en a que faire. Le Goth, Arrien, considéré comme un esclave de nature (un sous-homme donc…) est vu comme un agresseur. Malheureusement, l'avenir proche lui donnera en partie raison. Il est le porte parole par excellence du parti anti-barbare et conservateur de Rome Chrétien ou Païen, le raisonnement est identique.
25. Mais assez sur ce sujet. Jusqu’ici nous avons fait l’éducation du roi belliqueux; nous avons maintenant à former le roi pacifique. Mais, disons-le d’abord, un roi belliqueux peut, mieux que tout autre, être pacifique. En effet celui-là seul conserve aisément la paix qui a la force nécessaire pour faire repentir un ennemi de ses injustes agressions. Un prince s’est assuré un règne tranquille lorsque, ne voulant attaquer personne, il s’est mis en état de repousser toutes les attaques; pour qu’on ne songe pas à le combattre, il faut qu’il soit tout prêt à se battre. La paix est de beaucoup préférable à la guerre, car on ne fait la guerre que pour avoir la paix; l’objet que l’on poursuit est plus précieux que les moyens mis en œuvre pour l’atteindre. L’empire comprend deux populations, l’une armée, l’autre sans armes: le souverain se doit à l’une et à l’autre. Après s’être mêlé aux soldats, qu’il parcoure les provinces, les cités; qu’il se montre à ceux qui peuvent, en toute sécurité, grâce à nos guerriers, vaquer aux travaux des champs et jouir des bienfaits de la vie civile; qu’il visita autant de contrées, autant de villes qu’il lui sera possible. Même les parties de l’Empire qu’il ne pourra voir devront encore ressentir les effets de sa sollicitude; voici surtout comment il peut la témoigner. 26. Les ambassadeurs ont un caractère sacré; mais de quel secours précieux ils sont en outre pour un prince! En conversant avec eux il se rendra présentes les choses lointaines; ses soins vigilants ne se renfermeront pas dans les étroites limites qui bornent ses regards; sans avoir vu de ses propres yeux les misères qu’il soulage, il relèvera tout ce qui tombe, il adoucira par ses largesses les besoins des populations souffrantes, il allégera les charges de ceux qui succombent sous le poids de l’impôt; il préviendra la guerre avant qu’elle n’éclate; ou, si elle a éclaté, il la mènera promptement à bonne fin; en un mot il prendra toutes les mesures nécessaires au bien public. Ainsi, par l’intermédiaire des ambassadeurs, il pourra, comme un dieu, "tout voir et tout entendre.[29]" Qu’il se laisse aisément aborder; qu’il se montre, pour les députés des villes lointaines aussi bien que pour ceux des cités voisines, "facile comme un père: [30]: ce sont les expressions dont se sert Homère quand il fait l’éloge d’un roi pacifique. Commentaire: Quelques infos supplémentaires que j'apprécie, notamment sur le statut des ambassadeurs…
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