A la relecture de l'article en lien, je trouve le jugement de l'auteur très sévère concernant le règne de Valentinien Ier. Il est vrai que prit en sandwich approximativement entre les règnes de Julien et Théodose Ier, celui de Valentinien Ier frappe moins les imaginations. Paradoxalement, on retiendrait presque plus facilement son frère Valens, ne serait-ce que pour la célébre défaite d'Andrinople...
Malgré tout, qualifier le règne de Valentinien et sa politique militaire d'échec est franchement abusif. Quelque part, je peux comprendre l'embarras de l'auteur si on considère au contraire que la période qui voit gouverner Valentinien en Occident est en rupture avec l'hypothèse centrale du rédacteur du site. En effet, il n'échappe à personne l'aspect inexorable de sa démonstration, comme si le sens de l'Histoire ne pouvait être inversée. Nous sommes dans une perspective classique de l'Historigraphie, celle de la "Décadence". Autrement dit on nous explique dans cet article les raisons des lacunes handicapant l'armée romaine (ici le postulat est le manque d'effectif... chez Le Bohec on parlerait de la médiocrité des recrues...) Sous jacent à cette lecture, le chute de l'Empire en Occident...
Or, Sous Valentinien Ier ce ne sont pas les difficultées qui sautent aux yeux, mais la pluralité des réponses de cet empereur très compétent (mais non sans défaut...) Comme je l'évoquai rapidement dans mon dernier méssage, franchement, la question des effectifs ne semble jamais vraiment transparaitre. Ammien ne dit pas non plus que les manoeuvres de Théodose l'Ancien en Britannia puis en Afrique empèche Valentinien d'opérer les siennes. L'exemple de la législation du code théodosien est intéressant mais n'est pas unique. Déjà Constantin Ier légifèrait sur l'armée et évoque les valets qui accompagnent les soldats. Par exemple, un fils de soldat qui venait au dilectus avec son propre cheval et un valet personnel passait directement au grade de Circitor... Dans la loi du du 14 février 367, ce n'est pas la pénurie d'homme qui chagrine Valentinien Ier c'est l'excès de l'emploi de valets au service des soldats. Imaginez donc, l'armée et ses hommes possèdent trop de valets!!! On pourrait discuter des intentions de la Loi, mais à partir de là on comprend parfaitement que Valentinien préférerait voir ces hommes comme recrues actives plutôt que comme serviteurs...
Cette loi en revanche cadre bien avec le témoignage d'Ammien Marcellin qui indique que l'armée sous le règne de Valentinien se voit octroyée un regain de privilèges et de largesses considérées par cet historien-vétéran comme excessif et indigne. Zosime réitera l'exercice avec Théodose Ier. Cependant, Il est possible que Valentinen Ier ait voulu modérer quelque peu l'aisance de l'armée dans ses aspects les plus extrêmes. En tout état de cause et à considérer cette loi pour elle même, si il y a pénurie d'hommes, c'est que l'Etat le veut bien ou laisse faire...
On pourrait aussi mettre en parallèle cette loi avec celle de 376 ratifiée par Valens sur la protostasia, la conscription fiscale où cette fois, les juristes s'en prennent aux propriétaires qui préfèrent payer un volontaire germanique que de désigner au service un colon de leurs terres. Valens, ici, veut mettre fin au trafique qui s'opère avec les 36 solidii de "dédomagement" que verse les caisses impériales et insiste pour que la recrue soit provinciale et non barbare. C'es après tout, d'après Jean Michel Carrié le premier souci de Dioclétien quand il inventa le système.
Militairement, Valentinien à la tête de ses hommes ne connait que des succès. Ses généraux qui connaitront, eux, un ou deux revers, reprendront toujours l'avantage. Les batailles sont gagnées, les ennemis repoussés. La grande affaire étant le conflit qui oppose l'empire en Occident aux Alamans Lentiens. Certe, la diplomatie joue son rôle mais le conflit se résout sur le champ de bataille.
Je pense que l'auteur de l'article du site n'a pas comprit le sens du programme de constructions défensives de Valentinien Ier. La politique militaire de Valentinien Ier est dans la complète continuité de celle de Julien. Julien étant l'artisan de la reconquête en Gaule et en Germanies jusqu'au Rhin, Valentinien est celui de la consolidation. Il use de deux solutions; La guerre, et la fortification. Ce que n'a pas saisit l'auteur, c'est que lorsque les romains se mettent à construire ce n'est pas uniquement pour se protéger, c'est aussi une démonstration de puissance. Or, pendant l'Antiquité, on ne construit pas sur un terrain dont on n'est le maitre. Ce sont les acquis de Julien, qui ne pu aller jusque là, que Valentinien valorise pour parachever l'oeuvre militaire en Occident. Ce n'est donc pas une politique par défaut (celle du manque d'hommes ou le mur économise le bras armé...) mais un signe de bonne santé et de confiance en soi. C'est dailleurs par excès de confiance que la guerre avec les Alamans est relancée lorsque Valentinien décide de construire du coté du Rhin occupé par les Alamans, chaque camp en appelant à ses droits.
N'oublions pas non plus qu'a cette époque l'Armée occidentale est encore la meilleure des deux armées dans le sens où celle-ci compte le plus de victoires sur cette période. Valentinien possède aussi des troupes aguerries et un état major hérité en grande partie de celui de Julien. Les noms qui gravitent autours des deux empereurs, Valens et Valentinien sont ceux qui étaient déjà en grande partie en service sous Constance II et Julien et ce, jusque sous Théodose Ier. Encore sous Gratien, l'armée occidentale est de qualité indéniable. Le fils de Valentinien envoit des renforts à Valens à la veille d'Andrinople. Et, au final, ce sont ces mêmes renforts qui couperont la voie vers l'Occident aux Goths qui se baladent dans l'Empire d'Orient au tout début du règne de Théodose.
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