Salut à toi Remus Lassinus!
Bonne question que celle que tu nous poses, mais difficile en l'absence de documentations précises.
D'abord, tu peux déjà pousser la curiosité en feuillettant les sujets de cette rubrique qui peuvent déjà te donner des éléments concrêts pour alimenter ta réponse, ensuite il faut bien avouer qu'il est très compliqué de donner une définition synthétique sur un siècle complet d'évolution. Je risque de simplifier à l'extrême une vaste question, et donc de me tromper.
Voici tout de même quelques points à la volée qui peuvent t'aider:
Tout d'abord, tu fais bien de distinguer le début du Ve siècle de son milieu ou de sa fin. Dans sa première partie, nous sommes encore dans le prolongement de la fin du IVe siècle. Les cadres de la nomenclature de l'armée romaine n'ont pas changé. Tu trouves aussi bien des légions que des auxilia.
Il n'y a pas de tendance qui se dégage particulièrement depuis le règne de Gratien et surtout celui de Théodose qui vit un enrôlement plus massif qu'alors de recrues gothiques depuis qu'ils obtinrent le titre de Fédérés. Mais cette situation n'est pas à confondre avec les événements ultérieurs qui virent une autonomie de fait des troupes étrangères ayant statut de fédérés (troupes alliées mais commandées par leurs propres chefs...)
Pour le début du Ve siècle, la Notita Dignitatum reste un document de référence parfaitement valable puisque les dernières unités recencées datent des règnes d'Honorius et d'Arcadius. Ce qui répond à la première partie de ta question: Oui, il y a des légions (légions anciennes, palatinae, comitatenses...) des auxiliaires (palatins...) des cohortes, des ailes, des cuneis, des numeri ect... Certaines de ces unités composées ou non d'étrangers fédérés ou autres; les statuts sont variés, on ne peut donc pas généraliser.
Il te faut donc pour comprendre définir à la base ce que sont des Auxiliaires à cette époque, des Fédérés et des légions. Je rappelle au passage qu'on ne peut pas complétement distinguer ces troupes des Limitanei ou Ripenses. En effet, on connait par la Loi la différence de statut entre les troupes Comitatenses et Limitanei. Certaines légions ou unités se trouvent dégradées si on peut dire, au statut de Limitanei mais dans les faits, toutes les troupes sous le commandement d'un général responsable de prinvinces limitrophes bénéficiera de l'ensemble des armées de sa circonscription territoriale, qu'elles soient Limitanei ou Comitatenses. Il te faut aussi comprendre ce que sont les Pseudocomitatenses par rapport aux Comitatenses...
Tu remarqueras une proportion plus importante d'auxiliaires chez le Magister par Gallias par exemple, et plus de légions résidant dans la préfécture d'Italie. Des légions aguerries qui ont une histoire glorieuse que l'on peut retracer, mais cela ne veut pas dire pour autant que les Auxilia ne sont pas elles-même des unités d'élites.
De toute manière qu'il s'agisse d'auxilaires ou de légions nous trouvons une proportion fluctuante de provinciaux et d'étrangers, de germains ou autres, romanisés ou peu romanisés, citoyens romains ou non citoyens dans les deux corps. Car, depuis 212, la question de la citoyenneté ne rentre plus en ligne de compte. Au plus, savons nous que le service est plus dur dans les légions que dans les auxilia, que les auxiliaires sont susceptible de jouer le rôle d'infanterie légère ou de vélites plus certainement que les légions (ça c'est mon hypothèse personnelle...) qui forment l'ossature classique de la "phalange" (Acia romaine...)
La nuance réside dans les proportions provinciaux/barbares qui font l'objet d'études de la part des Historiens qui tentent de définir des mesures et des ordres de grandeur. Mais rien n'est assuré.
Nous savons par les textes que des barbares sont mieux acceptés que d'autres, que des tensions subsistent entre les corps de troupes, qu'il peut exister des réactions anti-barbares dont certaines participent à l'accélération des évenements entre 402 et 410 en Occident.
A titre d'exemple, sous le commandement du Magister Stilicho, à la bataille de Pollentia contre les armées de Radagaise qui entrent en Italie, ce sont les troupes encasernées à Pavie, divisées en trente compagnies qui participent à la bataille. Pour compléter cette armée, Stilicho emploit des renforts de cavalerie Alains et Huns. On ne sait pas qui compose les troupes de Pavie, la seule référence objective est la Notitia Dignitatum. Mais Zosime différencie les armées locales d'Italie des renforts étrangers, ce qui est un indicateur. Claudien lui, nous révélera une cavalerie Alain et Huns peu éfficace. La victoire résidera dans l'action de l'infanterie.
On peut multiplier les exemples au début du Ve siècle où les légions participèrent aux opérations militaires sans amoidrisement de leur fontion. C'est encore le cas dans l'expédition contre le Comte Gildo en Afrique ou même encore contre Ataulphe, frère d'Alaric où fut dépéchée l'infanterie et la cavalerie sous les ordres du préfet Olympius.
Mais les légions ne ont pas toutes cantonnées en Italie. On en trouve dans le diocèse de Bretagne aussi qu'en Illyrie ou en Espagne. Elles sont réparties dans toute la Pars Occidentalis
Le manque d'informations concrêtes commencent à se faire sentir après le sac de Rome en 408 et l'établissement des Goths en Gaule. Entre deux, la grande invasion par le Rhin pendant l'hiver en 406 désorganise considérablement la coordination aussi bien du pouvoir central que des commandement généraux provinciaux. A cela s'ajoute, et on l'oubli trop souvent l'usurpation de Constantin III qui dès 407 pour rémedier en Gaule à l'effondrement des défenses passe sur le continent et ponctionne sa part en effectifs militaires.
La crise durera en fait tout le long du règne d'Honorius. L'actvité militaire romaine bat son plein, connait quelques belles défaites malgré le rétablissement opéré par l'action du général Constance (futur Constance III) C'est la diplomatie qui permet un retour au calme mais entre deux, l'Empire n'est plus tout puissant et perd complétement la maitrise de ses frontières, même si les forces impériales continuent de circuler grâce au jeu des alliances, ou du charisme de certains personnages. Avec Olympiodore, le détail concernant la nature des troupes est quasi-inexistant. Celui-ci s'intéresse aux généraux dont on devine l'origine barbare et étrangère. C'est un autre indicateur même si les états-majors dès le milieu du IVe siècle sont largement pourvus en officiers germaniques.
La nouveauté du second tiers du Ve siècle, c'est que Rome ne peut plus faire sans les royaumes barbares qui se dessinent sur les anciennes provinces. Ces fédérés détachent des troupes en faveur de Rome mais en tant qu'alliés non assujettis, malgré les apparences, et sous les ordres de leurs chefs. Une armée romaine ne se conçoit plus en Occident sans les Fédérés qui la compose. Cette politique, contrairement à l'Orient, est irréverssible et ne peut plus être contenue. Si un noyau provinciale existe, il est de moins en moins perceptible même dans la garde impériale ou des Huns cotoient des Alains. Les Huns d'ailleurs se posent souvent en alliés de l'Occident, et cela très tardivement même sous le règne d'Attila.
Mais au milieu du Ve siècle on ne peut pas réduire l'Empire d'Occident à l'Italie. Cela serait oublier que les institutions romaines fonctionnent, comme en Gaule (c'est bien documenté grâce à Sidoine Appolinaire) quasiment en parallèle avec les royaumes Barbares qui imposent leur autorité sans miner pour autant les institutions. On est dans une transition très longue qui ne prendra fin rééllement qu'au VIe siècle où l'appareil d'Etat romain sera au service exclusif du conquérant.
Militairement où en sommes nous? C'est très difficile à dire... Des milices privées montées par quelques grands des cités fidèles à Rome, une armée italienne à l'image d'une garde élargie composée malgré tout de divers nationalités. On ne peut même pas se référer à l'Orient qui a choisi un autre voie. Des fédérés tantôt alliés, tantôt ennemis. Des Provinces fidèles mais minoritaires et quasi-autonomes. Enfin des généraux d'origine étrangère aux ambitions personnelles toujours croissantes. La formule peut être efficace ponctuellement comme aux Champs catalauniques mais limité par essence et très fragile jusqu'à la disparition de l'Empire en Occident...
Des Fédérés oui, des auxiliaires ont-ils encore un sens? Des légions, nous ne pouvons supposer leur existance que par ces troupes des frontières qui se démobilisent d'elles-même étonnées de ne plus recevoir leur salaire, ou par ces troupes encore "romaines" qui, orphelines se cherchent de nouveaux chefs parmi les royaumes maintenant installés. C'est l'annecdote de Procope de Césarée au VIe siècle mentionnée plus haut, mais l'information objective manque cruellement. Sont-elles vraiment des légions? Des cohortes, d'autres unités? Ce sont les papyrii en Orient qui nous permettent d'affirmer que les légions existaient encore au VIe siècle sous Justinien Ier avant qu'il ne les supprime.
_________________ https://www.facebook.com/LesHerculiani
Damianus/Damien.
|