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 Sujet du message: Petit aperçu sur la vie militaire au IVe et Ve siècle.
Nouveau messagePublié: 05 Sep 2008, 22:04 
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Inscrit le: 04 Sep 2008, 19:30
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Petit aperçu sur la vie militaire au IVe et Ve siècle.

La vie des soldats des frontières hormis le travail propre au métier des armes, se voit ponctué de nombreuses tâches annexes et complémentaires. Nous en avons des exemples très criant dans la compilation des Papyrii du Fayoum, particulièrement dans la correspondance du Préfet Abinnaeus. D'autres sources nous illustre l'étendue de leurs activités et enrichissent nos connaissances sur leur quotidien. La réalité de la vie agricole de ces militaires, sans toutefois tomber dans le mythe du soldat-paysan, est parfaitement attestée autour des places fortes. Une inscription du IVe siècle commémore la fondation d'un Castrum imposant de 50 mêtres de coté sur la piste qui relie Palmyre à Damas. La dédicace mentionne Sylvanus, Duc de Phénicie. Cet haut-officier n'a pas négligé les aménagement agricoles puisque d'un endroit aride et inhabitable, les soldats du Castrum en ont fait une étendue fertile par le mise en place d'un système d'irrigation retenant l'eau de pluie et permettant la culture du blé et de la vigne.
La vie d'Alexandre l'Acémète, fondateur d'un ordre religieux, nous conte les aventures du prédicateur chrétien et de ses élèves dans le désert de Syrie dans les années 410.

Partis sans provision et complètement perdus les religieux furent sauver par des tribuns et des soldats transportant des vivres et du ravitaillement en direction de leur bases du Nord-Est de la province. Les porteurs de la bonne parole furent emmenés dans leur forteresse et purent se rassasier a volonté ce qui n'empêcha par Alexandre de jeter l'anathème sur la garnison parce que les soldats pratiquaient le prêt à usure avec la population. Cet épisode nous rend compte du système d'approvisionnement du limes dans les zones désertiques de Mésopotamie et d'Oshroène ainsi que de la proportion de l'armée à jouer les banquiers…

La vie des troupes encasernées dans les villes nous présente le même panel d'activité parallèle et de phénomène d'embourgeoisement. Les Papyrii nous font connaître deux unités de l'armée "mobile" installés dans la ville d'Arsinoé en Egypte. Les Transtigritani, une légion pseudocomitatenses sous les ordres des maître des milices d'Orient et les Leones clibanarii (les lions cuirassiers; La classe…) une Vexillatio de cavalerie lourde crée après 401. La première unité est attesté dans la région depuis 406, la seconde depuis le milieu du Ve siècle.

Elles disparaissent sous Justinien, entre temps, les soldats s'embourgeoisent, pratiquent des métiers divers souvent liés à l'argent. Une unité d'artillerie, les Ballistarii, placés à Cherson sous Valens fait à tel point partie de la ville qu'elle devient une milice urbaine s'occupant de la police et de la sécurité de la ville. Un décret impérial finira par installer les soldats dans la ville à perpétuité. Il s'agit pourtant d'une unité Comitatenses appartenant au maître de la milice des Thraces. Des séries d'épitaphes militaires indiquent les quartiers fixes de nombre d'unités "mobiles" dans les villes d'Asie Mineure. Même les soldats amenés à partir vers le front passent la plupart de leur temps dans les villes de cantonnement. Ils y développent maintes attaches locales.

L'exemple le plus impressionnant est la véritable dynastie de soldats de la famille des Taurinoï que les Papyrii nous permettent de suivre sur deux cent ans entre 340 et 530 de notre ère. Ces papyrii nous témoignent de la fortune et de l'évolution sociale d'une Vexillatio de "Maure" en garnison à Hermopolis en Thébaïde. Les noms latins des premiers membres de l'unité en date cèdent rapidement la place à des noms gréco-égyptiens. Ces soldats d'abord locataire de chambres et métayers de champs, deviennent propriétaire de maisons et de terres. Nous pouvons suivre le processus d'embourgeoisement avec le militaire de l'unité de cavalerie "Maure" Flavius Taurinos et ses descendants. Simple soldat en 426, il prend sa retraite peu après 452 avec le grade de Primicerius , le plus haut que l'on puisse atteindre par promotion interne. En effet, le grade supérieur de tribun qui suit logiquement celui de Primicerius implique une affectation à l'extérieur de l'unité d'origine.

Son fils Flavius Iôannès mène lui aussi une longue carrière dans la même unité puis est détaché dans l'administration militaire pour finir par décrocher le même grade que son père, Primicerius chez les "Maures". La carrière de Flavius Taurinos (II) le jeune, fils de Flavius Ioannès se déroule uniquement dans les bureaux militaires. A la fin de sa vie, signe des temps, il se fait ordonner prêtre. Son propre fils, Flavius Ioannès (II) dit le jeune, arrière petit fils du premier Flavius Taurinos devient après ses études avocat à la cour provinciale. L'ascension sociale sur toute cette période se traduit dès lors par l'achat de terres dans différent villages. La notabilité ne pouvant être garantie que par des biens fonciers, les Taurinoï ne deviennent jamais à proprement parler de grands propriétaires fonciers mais ils s'insèrent comme d'autres soldats "Maures" dans la bourgeoisie moyenne de la ville d'Hermopolis. A la question de la valeur combattante d'une unité, plutôt que de répondre arbitrairement par la médiocrité intrasèque du recrutement, il serait plus intéressant de s'interroger sur l'influence des conditions de vie des soldats encasernés.

Le phénomène d'"embourgeoisement" et de sédentarisation des troupes est plus certainement un vecteur d'évaluation des velléités guerrières de ces hommes. L'entraînement, l'exercice aux manœuvres collectives devaient décroître à proportion de l'engagement des soldats dans une vie plus citadine. La discipline militaire dissolue dans nombre d'activités parallèles pour faire de soldats aguerris, une milice locale aussi certainement que l'on n'envoi pas la police municipale faire le travail des forces spéciales. Peut-être s'agit-il là de l'effet pervers du contact des soldats avec les populations civiles, et le signe de l'affaiblissement de troupes peu rompues aux réalités du combat ou bien simplement un fait social parfaitement intégré à la vie militaire?

Sources:

- Thèse de Constantin ZUCKERMAN, "recherche sur le statut social des soldats sous le Bas-Empire et à l'époque proto-byzantine".
-Chapitre de Constantin ZUCKERMAN, "l'armée" pages 143-180. Dans "Le monde Byzantin, Tome I, L'Empire romain d'Orient 330-641, sous le direction de Cécile Morrisson, Nouvelle CLIO, PUF, 2006.

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 Sujet du message: Re: Petit aperçu sur la vie militaire au IVe et Ve siècle.
Nouveau messagePublié: 20 Mar 2009, 16:28 
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Inscrit le: 16 Mar 2009, 15:05
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Pour tenter d'apporeter un approfondissement de cette épineuse question voilà quelques références intéressantes sur le quotidien des soldats du IVe siècle.

A travers les écris d'Ammien, on peut parvenir à dégager cetains éléments constitutifs de la vie militaire des Romains au IVe siècle:
« Depuis longtemps, nous endurons par les neiges et les morsures cruelles des gelées des épreuves presque insupportables ; mais aujourd’hui – quel sacrilège !- quand nous réduisons l’ennemi aux dernières extrémités, nous sommes minés par la famine, le genre de mort le plus lâche ! Et que nul ne voie en nous des fauteurs de troubles : nous attestons que c’est pour notre vie seule que nous parlons, sans réclamer l’or ni l’argent, que depuis longtemps nous n’avons pu ni toucher ni voir, et qu’on nous a refusés, comme si on nous avait convaincus d’avoir accepté tant de peines et de dangers pour nuire à l’Empire ».
Amm., XVII, 9, 4-5.
C'est en ces termes en effet que l'ancien militaire rapporte les paroles d'exaspération des soldats de Julien qui se révoltent contre la décision de Constance II, qui souhaite les expédier en Orient.
Il y a énormément à dire sur cette citation. Tout d'abord, la mention du froid, mal que connaissent toutes les armées jusqu'à celle de Napoléon en Russie ou même d'Hitler. Les soldats romains sont soumis à la surveillance des berges (Danube et Rhin) où le gel pouvait entraîner des passages de pillards barbares. La guerre à cette époque et dans cette configuration géo-stratégique implique une activité et une attention de tous les instants. On travail ici dans ces fameux silences de l'histoire que même Ammien n'éclaire pas ; lors de l'incursion des Isauriens de 354, il dit qu'une fois vaincus, ils n'accomplissent « aucune action digne d'être mentionnée » Amm. XIV, 2, 20. soulignant implicitement que son travail ne mentionne que des évènements qu'il juge d'une importance capitale. Donc le quotidien des combats est passé sous silence. Il faut sans doute imaginer l'armée romaine accomplir des opérations de « police frontalière » visant à empêcher des groupes limités de barbares de piller les terres proches. L'activité du soldat est donc beaucoup moins sédentaire que ne laissait penser les théorie du « soldat-paysan ». Les combats en hivers n'étaient pas impossible, comme s'est le cas avec les Sarmates Limigentes qui « projetaient sous un voile d’amitié d’envahir les Pannonies, pour les dévaster par surprise au plus dur de l’hiver, au moment où les neiges n’étant pas encore fondues par les chaleurs du printemps, le fleuve est partout franchissable, et où nos soldats supportaient avec peines les longues stations en plein air, à cause des gelées » Amm., XIX, 11, 4.
La famine, mentionnée par Ammien comme mort la « plus lâche » est une nouveauté au IVe siècle, car « depuis le Ier siècle avant notre ère, et surtout depuis César, la logistique a été parfaitement bien organisée et, si les soldats du Principat ont eu faim, c'était en général très passager » Y. Le Bohec, 2009, p 40. On peut sans doute y voir des difficultés dans l'approvisionnement d'une armée plus nombreuse et plus mobile que par le passé.
On retrouve aussi dans ce passage une référence au non paiement des soldes, présent aussi chez Julien : « un César [lui-même] impuissant à récompenser ses sueurs prolongées et ses incessantes victoires. A cette colère des soldats, qui n’obtenaient ni aucun avancement ni même leur solde annuelle, s’est ajouté un grief nouveau… » Julien, Lettres écrites en Gaule 17b. Le manque d'argent implique une impossibilité pour le soldat de se procurer ce que la logistique ne peut lui fournir, autrement que par la violence.
Quoiqu'il en soit dans la réalité, et en dépit des exagérations littéraires, on peut néanmoins relever que Julien parvenu au sommet de la hiérarchie impériale « veilla avec soin à ne laisser manquer ni d’armes ou de vêtements, ni de solde ou de ravitaillement les troupes réparties le long des rives du Danube » Amm., XXII, 7, 7. Ces problèmes que le nouvel Auguste se propose de faire disparaitre devaient donc être présent et récurant pour qu'il décide aussi spontanément de le régler.
En outre, Ammien et Julien utilisent le même terme pour désigner la rudesse des conditions militaires ( Amm., XX, 8, 7 et Julien, Lettres écrites en Gaule 17b) est asperis aetatem signifie littéralement qui « rabote son temps de vie », montrant de manière imagée que cette existence érode lentement les combattants. La dureté de la vie exposait d'autant plus les corps aux épidemies (on pense en partculier à celle de peste ramenée dans l'Empire depuis la Perse par les troupes de Verus), comme Ammien le mentionne avec pitoresque lors du siège d'Amida : « dans la cité [d’Amida], la multitude des cadavres dispersés dans les rues dépassaient les possibilités d’inhumation ; alors, à tant de maux s’ajouta une peste, nourrie par la putréfaction des corps rongés par les vers, les chaleurs brûlantes et diverses formes de faiblesses qui affectaient les populations » Amm., XIX, 4, 1. Le terme de peste est ici générique et désigne toute maladie contagieuse dans l'antiquité.
Ces conditions de vie difficiles jouaient sur le moral des combattants, ainsi, Constance faisant campagne en Perse: « alors que le mauvais temps s’aggravait considérablement, et qu’on s’attendait à des embuscades dans ce territoire dépourvu de routes ; en pareil conjoncture, il redoutait même une mutinerie de la troupe poussée à bout » Amm., XX, 11, 31.
Mais une vie de privations quotidienne n’est pas sans danger pour la stabilité de l’armée. De ce fait, lors de l'offensive perse de l'été 359, environ sept cents hommes, affectés à la surveillance de points stratégiques en Mésopotamie, manquent à leur mission et laissent passer vingt mille Perses car « ils étaient écrasés de vin et de sommeil » Amm., XVIII, 8, 3, ce qui conduit directement aux évènements d'Amida. Cela se remarque encore mieux lorsque les troupes sont laissées sans affectations, qui plus est dans une grande cité ; ici Constantinople, peu après l’installation de Julien, « les soldats menaient une vie fort indisciplinée, et qu’abrutis par leur ivrognerie, ils étaient transportés sur les épaules des passants jusqu’à leurs logements » Amm., XXII, 12, 6.
Donc comme la plupart des armées à travers l’Histoire, celle de Rome au IVe siècle offre à ses soldats des conditions de vie très dures ; froid, chaleur extrême, peu de perspectives d'enrichissement... Ils sont sous-alimentés, sous-équipés, en permanence sur la brèche, ils vivent souvent dans le froid ou la chaleur, soumis aux épidémies mais également prêts à tous les excès dès lors que les évènements les leur permettent. Il n’y a donc guère d’originalité dans ce domaine mais un constat de dénuement qui se rencontre aussi bien dans des récits de guerre antiques que modernes. Compte tenu des résultats des unités de combat de l'époque sur le terrain, on peut tout de même constater que les conditions d'existence des troupes ne sont pas forcément en lien direct avec leur combativité ce qui ne remet en rien en cause leurs capacités martiales.

_________________
Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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