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 Sujet du message: Le soldat romain du IVe siècle ap. J.-C.
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Titre : Le soldat romain du IVe siècle ap. J.-C.

Par Damianus.

Intégral de l'article Histoire Antique N°20.


Sous titre : Le nouveau visage de la légion.


Chapeau :

Trop souvent perçue sur le déclin, l'armée romaine de l'Antiquité Tardive fut longtemps considérée comme le témoin vivant de l'inexorable dégradation de l'Empire, et ce, jusqu'à sa chute en Occident en 476 de notre ère. Mais aujourd'hui, les historiens reviennent sur cette réputation usurpée d'armée "décadente", nuancent leurs propos, et redonnent sa juste place à la fondatrice d'un héritage militaire qui perdurera bien au delà de l'Antiquité et du Moyen-Age.

Introduction :

Pour bien comprendre l'originalité toute particulière de l'armée romaine du IVe siècle, il faut remonter à l'accession à la pourpre de l'empereur Dioclétien (284-305 ap. J.-C.). De l'extrême fin du IIIe siècle jusqu'au premier tiers du IVe, l'œuvre que lègue ce princeps est colossale. En effet, avec l'instauration de la Tétrarchie, puis la prise de pouvoir progressive de Constantin (306-337), le monde romain se relève d'une crise qui faillit lui être fatale tant par sa durée (presque un demi-siècle) que par ses causes à la fois militaires, politiques, économiques, sociales et religieuses. L'empire dut batailler sur tous les fronts pour sauvegarder ce qu'une multitude de coups de force, de pronunciamentos et d'invasions barbares faillirent emporter par leurs pillages et leurs destructions. De nombreuses réformes sont à l'origine de cette survivance et c'est Dioclétien qui apporta la mutation nécessaire que réclamaient les institutions politiques. Plus rien après lui ne sera comme avant. Le découpage des frontières, les provinces, l'administration, la nature même du pouvoir impérial, l'armée… Dioclétien rétablit l'empire pour un nouveau siècle d'or. Son autorité, sa force et ses conditions sont à nouveau imposées et respectées. Les barbares tempèrent leurs ardeurs et craignent à nouveau Rome. Constantin, au terme d'une longue guerre civile, pérennise ce renouveau en ajoutant aux 20 années de Dioclétien 3 décennies de mesures législatives réformatrices et de victoires stabilisatrices. Il ajouta sa propre pierre à l'édifice en faisant du christianisme la religion d'Etat et de Constantinople la nouvelle capitale du monde romain. C'est à ces deux grands monarques que l'armée romaine doit son renouveau et son aspect quasi-définitif pour les siècles à venir.

La foule de Milan célèbre les restaurateurs de l'empire:
(…)Mais lorsqu'une fois passé le seuil de votre résidence, vous vous êtes avancé tous les deux sur le même char au milieu de la ville, les maisons elles-mêmes, dit-on, furent prêtes de se mouvoir, tandis que tout le monde, hommes, femmes, enfants, vieillards, se jetaient dans les rues par les portes, se penchaient vers vous aux fenêtres des étages supérieurs. Tous criaient leur joie, désormais sans crainte de vous, et sans se cacher vous désignaient de la main: "Tu vois Dioclétien? Tu vois Maximien?" (…) Personne n'eut à son gré assez de ses yeux pour vous contempler (…) La souveraine des Nations, Rome elle-même, transportée d'un excès de jubilation à l'idée de vous savoir si proche, tentait de vous entrevoir du haut de ses collines, afin de pouvoir de plus près rassasier sa vue de vos visages (…)
Extrait du panégyrique du Rhéteur Gaulois Mamertin.

1) Groupe des Tétrarques de la place St Marc à Venise.
La propagande impériale réunit le "Quatuor Principes Mundi" Dioclétien, Maximien, Galère et Constance Chlore à la défense des frontières d'un empire restauré.

Chapitre 1-Titre : A nouvel empire, nouvelle stratégie.

Sous-titre : Une légion périmée en héritage.

L’armée romaine évolua peu jusqu'au milieu du IIIe siècle, campant sur les acquis posés par Auguste puis par Hadrien. A l'apogée de l'empire, 350 000 hommes étaient suffisants pour couvrir une frontière de près de 10 000 km. Cet effectif, réparti en une trentaine de légions et corps auxiliaires, devait s'affairer à réduire une, voire deux forces ennemies sur une zone parfois restreinte. Mais ces conceptions tactiques répondaient de plus en plus mal à l'extrême mobilité des nouveaux ennemis. Au IIIe siècle., une telle force ne suffisait plus à parer à la multiplicité des conflits qui s'ouvraient parfois simultanément sur toutes les frontières de l'empire. Une armée composée essentiellement de fantassins, flanquée d'une cavalerie réduite, restait impuissante face à un ennemi mobile, fuyant, pratiquant la guérilla et refusant le plus longtemps possible la bataille rangée en terrain découvert. La légion de 4500 à 6000 hommes, telle qu'elle pouvait encore apparaître à cette date, atteignait ses limites. Ce qui faisait sa force devenait son principal handicap. Trop lourde, trop lente, l'énorme logistique qu'une légion et ses auxiliaires impliquait la freinait dans ses opérations. Une fois le rideau défensif (limes) forcé, plus rien ne pouvait arrêter les groupes barbares frontaliers dans leurs entreprises de pillage. La surprise, le changement brusque de direction les rendants imprévisibles, des villes entières tombèrent aux mains de l'envahisseur sans même user de poliorcétique! Certains peuples barbares ne négligeaient pas d'observer leurs adversaires romains, et finissaient par pratiquer les mêmes techniques de combat. Tous ces facteurs contribuèrent en partie à rendre la légion ancienne obsolète. A cela, s'ajoutait la crise économique, l'inflation, la lenteur des communications et l'absence de coordination en temps de guerre civile et d'invasion. La nécessité d'une réforme profonde de l'armée devenait indispensable.

2) Encadré sur l'étendue de la crise de l'empire au milieu du IIIe siècle.

Sous-titre : Une armée bipartite et polyvalente.

Contre les pressions continuelles des barbares sur les frontières et l'éclosion incessante de révoltes provinciales au sein de l'empire, une nouvelle défense globale se fit jour. Si la stratégie de barrage frontalier, en faveur sous le Haut-Empire, n'a pas complètement disparue et fut même fermement maintenue sous la politique de César et d'Auguste énergiques (Principat de Dioclétien, de Constantin, de Valentinien Ier), la disposition linéaire des troupes, disséminées sur le limes, se montra vite insuffisante. Le danger de voir se rompre à tout moment et en plusieurs secteurs ce mur défensif, plus symbolique que vraiment efficace, obligea les penseurs militaires du IVe siècle à concevoir un système de contre-mesures paralysant les risques d'incursions massives ou restreintes. La stratégie de défense en profondeur est une des grandes innovations du siècle. Elle se manifeste par la création de nouvelles lignes défensives à l'intérieur des terres, en s'appuyant sur des villes fortifiées assumant tour à tour les fonctions de verrou défensif, de pôle logistique, de point d'appui en vue d'une offensive importante. C'est sur ce modèle que s'appuya Julien César pour sa reconquête des Gaules du Nord et des Germanies dans les années 355-360, face aux Alamans. Pour donner corps à cette nouvelle stratégie, une plus grande flexibilité des contingents s'imposait. Aux anciennes légions, littéralement rivées au limes, se substituait une armée bipartite, divisée entre une armée des frontières et une armée mobile d'intervention. Leurs rôles, ainsi que leurs statuts, étaient radicalement différents. Aux riparienses, appelés aussi limitanei, occupant désormais les fortifications du limes frontalier, revenait, non pas la mission d'arrêter les grands mouvements de troupes ennemies, mais d'assurer une garde suffisante pour décourager les petits raids de pillards. De même, ils assuraient la sécurité des voies de communication et transmettaient les informations stratégiques aux comitatenses, les contingents de l'armée de manœuvre, textuellement "l'armée d'accompagnement" des empereurs. Une armée mobile et très spécialisée capable d'opérer les mouvements nécessaires pour repousser l'avance ou pour couper la retraite des armées barbares de grande envergure. Les troupes d'accompagnements résidaient principalement dans les différentes capitales des empereurs et pouvaient être mobilisées rapidement en quelques endroits que la situation l'exigeait. Les effectifs engagés variaient en fonction de la nature des impératifs guerriers. De 8000 à 20 000 hommes pour les opérations militaires d'envergure moyenne, révoltes et invasions barbares. Le comitatus culminait à 65 000 ou 80 000 hommes lors des guerres civiles, comme ce fut le cas sous Constance II, en 351, lors la bataille de Mursa contre l'usurpateur Magnence, et en 363, sous l'empereur Julien, à l'occasion de l'invasion de l'Empire Perse. C'est grâce à l'efficience de ce dispositif renouvelé que la Rome de l'Antiquité tardive put se garantir des nouveaux envahisseurs et offrir à ses princes les plus beaux succès de leur temps.

3) Carte de la disposition des différents corps militaires à la fin du IVe -Ve siècle ap.- J.C.

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Chapitre 2-titre : Une organisation riche et complexe.

Ainsi, Dioclétien, empereur d'origine militaire, pragmatique et réaliste, réforme tous les domaines : institutionnel avec la Tétrarchie, fiscal, pour mettre fin à l’inflation, administratif par le redécoupage des vieilles provinces en diocèse. L’armée n’échappe donc pas à la règle. Tirant parti des leçons acquises au fil d'un IIIe siècle chaotique et bénéficiant des innovations de ses prédécesseurs, il forge un nouvel outil militaire que Constantin, durant son long règne, achève de finaliser. Ainsi, Dioclétien le réformateur et Constantin le stabilisateur lèguent au IVe siècle une armée transfigurée qui vit, au sein de son organisation, l’arrivée de nouvelles titulatures, d’une nouvelle nomenclature.

4) Chronologie des réformes militaires.

Sous titre : Le Comitatus, l' armée d'accompagnement.

Le comitatus impérial fut définitivement institutionnalisé par Constantin vers 325, une fois devenu le seul maître de l'empire suite à sa victoire sur Licinius, le dernier de ses concurrents à la pourpre. Son haut commandement était assuré par le maître d'infanterie (Magister Peditum) et par le maître de cavalerie (Magister Equitum) qui ne dépendaient ni des vicaires, ni des gouverneurs des provinces, mais de l'empereur en personne. Ces deux officiers étaient secondés à leur tour par un ou plusieurs Comes rei militaris, dotés d'une autorité martiale; leur hiérarchie et leurs compétences sont pléthoriques. Hauts-officiers et tribuns, souvent d'origine barbare, sont aussi les chefs militaires des Protectores Domestici dont ils sont aussi parfois issus. Les Protectores étaient, à l'origine, la garde rapprochée de l'empereur, recrutée parmi les fils de l'aristocratie romaine sous lettre de recommandation. L'accès au protectorat se réalisait au préalable par l'entrée au sein de la garde blanche des "50 candidats", pépinière pour jeunes élèves-officiers. Les candidats, comme les tribuns, étaient reconnaissables à leur sagum, le manteau-cape de couleur blanche porté en signe de reconnaissance, si on en croit la Vie de Saint Martin de Tours. Le recrutement s'étendait à la base de l'armée parmi les grades élevés des légions, centurions, vétérans et légionnaires méritants. Mais sous Constantin, après la bataille des rochers rouges et du pont de Milvius en 312, les cohortes prétoriennes sont dissoutes et sont remplacées par les Scholae Palatinae (Scholes palatines) qui constitueront dorénavant l'élite des armées de manœuvre. C'est une nouvelle garde impériale de très haut niveau, commandée par des tribuns. Elles ne quittaient jamais l'empereur et dépendaient du Magister Officiorum. Ces militaires étaient souvent des cavaliers extrêmement spécialisés, d'origine germanique, formés en cohortes de 500 hommes. Les scholes portaient des noms d'unités révélant leur probable spécialisation : Scutari (porteurs de boucliers), Gentiles, Sagittarii (cavaliers archers), Armaturae (cuirassés)... Les Gentils et les Scutaires constituaient, si on en croit l'historien romain Ammien Marcellin, les unités les plus valeureuses des scholes palatines.

Julien César dans sa première campagne contre les Alamans s'emploie à réoccuper les forts désertés du limes rhénan. Cette phrase d'Ammien Marcellin sur les scutaires et les gentils n'est pas anodine, elle démontre la haute estime qu'il porte pour ces scholae :
(…) une multitude d'ennemis vint l'assaillir (Julien César) dans l'espoir d'emporter la place d'un coup de main. Cette audace leur était inspirée par l'absence des scutaires et des gentils, qu'on avait été contraint, pour diviser la charge des subsistances, de répartir dans diverses villes municipales (…)
Ammien Marcellin, Res Gestae, livre XVI, chapitre 4.

En ce qui concerne les fonctions des protectores domestici, il ne faut pas restreindre leur champ d'activité à une simple activité de garde, mais les considérer aussi comme des conseillers au sein du cercle d'état major. Ils peuvent effectuer, notamment sous le règne de Constance II (337-361), les missions de police politique sous la tutelle du comes domesticorum. Ensuite venaient les légions palatines (legiones palatinae), l'élite des fantassins, mais peu nombreuses selon la Notitia Dignitatum; document administratif du Ve siècle listant toutes les légions romaines qui perdurèrent jusqu'à cette époque. Les spécialistes de l'Antiquité tardive, comme Jean Michel Carrié, estiment que leur effectif est important, avoisinant les 4500 fantassins de l'époque du Haut-empire, si on se base sur l'exemple de la IIe légion Herculia et de la Ier légion Iovia, au moment de leur création sous Dioclétien. Cet effectif expliquerait le nombre assez bas de légions palatines recensées si on le compare à celui des légions dites Comitatenses, Pseudocomitatenses, et Auxilia palatinae (auxiliaires palatins) qui renforcent encore le Comitatus impérial. Les historiens ne sont pas d'accord non plus sur le chiffre exact de leur effectif. A titre indicatif, elles tourneraient autour de 500 à 1000 hommes. Il est encore admis, bien que cela ne soit pas systématique, que les Auxiliaires palatins soient dans une certaine proportion des soldats d'origine germanique, réputés pour être d'excellentes unités combattantes. Une autre originalité caractérisant le Comitatus est le fonctionnement en binôme de ses légions et auxilia, comme le souligne les sources littéraires. La IIe Herculia était ainsi associée à la Ier Iovia et les Celtae étaient associés aux Petulantes. Enfin, les légions elles-mêmes étaient appuyées par des corps de cavalerie autonomes de 200 à 500 cavaliers nommés Vexillationes Comitatenses.

Description du Comitatus impérial de Constance II et de son appareil prestigieux lors de son adventus à Rome en 356 :
(…)Tout autour on voyait flotter les dragons attachés à des hampes incrustées de pierreries, et dont la pourpre, gonflée par l'air qui s'engouffrait dans leurs gueules béantes, rendait un bruit assez semblable aux sifflements de colère du monstre, tandis que leurs longues queues se déroulaient au gré du vent. Des deux côtés du char paraissait une file de soldats, le bouclier au bras, le casque en tête, la cuirasse sur la poitrine; armes étincelantes, dont les reflets éblouissaient les yeux. Venaient ensuite des détachements de cataphractes ou "clibanaires", comme les appellent les Perses; cavaliers armés de pied en cap, que l'on eût pris pour autant de bronzes équestres sortis de l'atelier de Praxitèle. Les parties de l'armure de ces guerriers correspondant à chaque jointure, à chaque articulation du tronc ou des membres, étaient composées d'un tissu de mailles d'acier si déliées et si flexibles, que toute l'enveloppe de métal adhérait exactement au corps sans gêner aucun de ses mouvements.(…)
Ammien Marcellin, Res Gestae, livre XVI, chapitre 10.

5) Fragment de l'arc de Galère montrant des légionnaires lourdement équipés assimilés, soit à des cavaliers de la garde de l'empereur, soit à des fantassins du Comitatus.

Sous-titre : les Riparienses, l'armée des frontières.

Ces différents corps d'armée étaient tous mieux équipés, payés et considérés que les légions de couverture disposées aux frontières. Ces troupes, qui n'avaient de légion que le nom, occupaient les castella, castra et burgi du limes. Leurs effectifs oscillaient entre 1000 et 1200 hommes, en se basant sur la superficie des constructions fortifiées de l'époque. Leur appellation varie selon les sources, lorsqu'elles sont stationneés sur la rive d'un fleuve, elles sont appelées Ripenses ou encore Riparienses, lorsqu'elles sont stationnées sur une frontière quelconque, elles sont appelées Limitanei. Des détachements tirés de ceux-ci, ainsi que des cohortes et ailes milliaires et quingénaires, sont basés en retrait des frontières, dans l'intérieur des terres de l'empire, mais leur qualité passe pour inférieure. A l'occasion de grands rassemblements de troupes, en vue d'une campagne ou pour récompenser son mérite, la simple Legio pouvait obtenir le titre de Pseudocomitatus et venir intégrer l'armée de manœuvre. Le commandement des légions des frontières revenait aux Duces et aux Praepositi Limitis Provinciae. Des anciens Legati Augusti Pro Praetores et Pro Consulares délégués à l'administration civile et militaire semblent subsister, mais disparaissent dans le courant du règne de Constantin.

6) Stèle du signifer (porte-enseigne) Lepontius. Musée de Strasbourg- Palais Rohan. Porteur d'une longue lance et d'un grand bouclier rond, il est assimilé au corps des limitanei.

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Chapitre 3-Titre : portrait du légionnaire de l'Antiquité tardive.

Sous-titre : Un recrutement autoritaire.

A cette époque, et pour une armée frôlant les 500 000 hommes, le légionnaire qu'il vienne des Limitanei ou du Comitatus devait passer entre 20 à 24 ans de son existence dans l'armée. Mais si pendant tout le Haut-Empire la base du recrutement se fondait uniquement sur le volontariat et le passage du flambeau paternel au fils de légionnaire; à partir du IVe s., l'armée, ne peut plus se suffire à elle-même. Un service plus dur et une mortalité plus élevée forcent à orienter le recrutement vers de nouvelles modalités. Au volontariat, qui restera toujours en vigueur même après Théodose (379-395), et aux Ex Castris, ses fils de vétérans qu'une loi de 319 oblige de façon systématique à rentrer dans la légion, s'ajoutent un recrutement basé sur une forme inédite d’imposition : la Praebitio tironicum. L’ampleur des besoins était telle que la fourniture des recrues devenait une obligation fiscale reposant sur l'assiette foncière du Capitulum et assurée par les gros propriétaires. Si les propriétaires n’étaient pas assez riches pour supporter à eux seuls l’impôt, ils pouvaient se réunir en consortium et fournir ainsi le nombre de recrues (protostasia) demandées en fonction de l’étendue de leurs propriétés. En effet, les grands latifundia n’accueillaient plus seulement une population servile mais aussi des colons qui y achetaient une parcelle à cultiver tout en s'astreignant à diverses obligations envers le propriétaire. Ce type d'installation se traduisait par la constitution progressive de petits villages ( pagi), mais dépréciait le statut de colon vers celui de quasi-serf soumis à la volonté du «seigneur» local. C’est pourquoi le métier de légionnaire était dès cette époque extrêmement impopulaire. La dureté de la vie et le peu de récompenses qu’elle fournissait, étaient maintenant en contradiction avec les aspirations pacifiques et raffinées des civils romains. Ammien Marcellin se lamentait que la guerre ne fusse plus une valeur dans laquelle ils se reconnaissaient et, en Italie même, les paysans les plus pauvres qui avaient à nourrir leurs familles par le dur labeur des champs préféraient encore se mutiler un membre à l’arrivée des Dilectatores, (les officiers recruteurs…) plutôt que de servir sous une enseigne. Bientôt, les grands propriétaires préférèrent satisfaire l’impôt par un versement en argent, plus classique, qui servit à l’engagement d’un mercenaire barbare ou d'un volontaire. C’est ce paiement (Aurum Tironicum) que préférèrent les autorités du IVe siècle.

Sous-titre : Des hommes d'horizons divers.

Si de manière générale le métier des armes n'était plus en faveur dans l'empire, certaines provinces avaient au contraire la réputation de fournir d'excellentes recrues. La récurrence de l'origine ethnique ou provinciale de certains soldats entraînait la spécialisation de l'armée dans de nouveaux domaines. La provincialisation de l'armée n'était pas un phénomène récent, il y a déjà longtemps qu'il n'y avait plus de "romain" dans l'armée romaine. La "germanisation" progressive des unités n'était pas, dans les premiers temps, un facteur marquant de déséquilibre. Au IIe siècle, Paul Petit estime que la proportion d'italiens dans la légion passa de 61,7% à 1,18%, ces derniers disparaissants peu à peu pour céder la place aux provinciaux. Les provinces rhéno-danubiennes ainsi que les provinces orientales représentaient alors 39% de l’effectif légionnaire, l’Afrique un peu plus de 55%. Au IVe siècle, ce mouvement continua de se perpétuer. Les maures fournissaient des lanciers, les dalmates et les pannoniens des fantassins et des bons cavaliers, l'Osrhoène des archers à cheval à la réputation fameuse, tandis que les provinces de Gaule Belgique et de Germanies fournissaient des fantassins célébrés à plusieurs reprises comme de redoutables soldats en bataille rangée, mais de médiocres défenseurs de places fortes :

(…) Le Gaulois est soldat à tout âge. Jeunes, vieux, courent au combat de même ardeur; et il n'est rien que ne puissent braver ces corps endurcis par un climat rigoureux et par un constant exercice. L'habitude locale en Italie de s'amputer le pouce pour échapper au service militaire, et l'épithète de "murcus" (poltron) qui en dérive, sont choses inconnues chez eux.(…)
Ammien Marcellin, Res Gestae, livre XV, chapitre 12.

Il faut également prendre en compte l'introduction d'un nouveau type de soldats: les fédérés barbares. Ce sont des soldats étrangers à l'empire faisant alliance avec Rome en vertu d'un traité (foedus) contracté avec l'empereur. Ce traité les obligeait en contrepartie à assurer la défense des frontières ou à fournir, quand le prince l'exigeait, des recrues. Ce sont ces hommes que les historiens antiques appellent Lètes (Laeti.) ou Deditices (ceux qui se sont donnés). Incorporés dans les troupes romaines à titre personnel, ils se conformaient aux ordres des officiers romains, suivaient la discipline et l'entraînement des légions. Une fois de plus, le choix de ces hommes se réalise en fonction de leurs qualités et de leurs spécialités. Le Sarmate, habile cataphractaire, est largement enrôlé dans la cavalerie lourde, les Goths sont pareillement reconnus pour leur puissante cavalerie. Plus tard, à l'image des Francs, ces peuples s'installeront à l'intérieur des terres de l'empire et constitueront les élites des futurs royaumes barbares..

L'empereur Constantin était connu pour avoir recruté une cavalerie lourde fameuse, des cataphractaires pesamment armés peut-être d'origine sarmate:
(…) Tu (NDA: Constantin…) avais une masse innombrable de cavaliers immobiles sur leurs chevaux comme autant de statues aux membres articulés (…) Allant de l'extrémité du poignet jusqu'aux coudes et s'étendant de là jusqu'aux épaules, une cuirasse de mailles s'adapte ensuite à leurs poitrines et à leurs dos. Le visage étant garanti par un masque de fer, ils ont l'air d'une statue qui brille et reluit : les jambes avec les cuisses et le bout des pieds ont aussi leur armure, rattachée à la cuirasse par une sorte de tissu fait de minces anneaux, de sorte qu'aucune partie du corps ne se laisse voir à nu; ce tissu en garnissant les mains elles-mêmes, se prête à la flexion des doigts.
Extrait du panégyrique gaulois de Constantin Ier.

7) Haut-relief de l'arc de Constantin à Rome présentant les auxiliaires palatins des Cornuti, reconnaissables aux plumets de leurs casques. Les auxiliaires palatins étaient constitués majoritairement de recrues d'origines germaniques et barbares.

Au milieu du IVe siècle, les barbares traversent toutes les strates hiérarchiques. L'état-major de l'empereur Julien est constitué presque exclusivement d'officiers, certes romanisés, mais dont l'étymologie cache mal des origines germaniques. Les Francs sont déjà très présents dans l'armée romaine d'Occident et la mixité entre provinciaux et barbares est totale.

Aux noms latinisés récemment ou de longue date se mêlent d'autres aux consonances franques et Alamaniques :
(…) Sur ces entrefaites, Julien, qui se disposait à quitter Rauraque, après les mesures indiquées plus haut, envoya Sallustius comme préfet dans les Gaules, et donna à Germanianus le poste laissé vacant par Nébrida. Il nomma aussi Névitta général de la cavalerie en remplacement de Guyomer, qui lui était suspect pour avoir, disait-on, lorsqu'il commandait les scutaires sous Vétranio, sourdement travaillé à livrer son maître. Jovius, dont il est question dans l'histoire de Magnence, fut investi de la questure, et Mamertinus de la charge de trésorier. Le commandement de ses gardes fut confié à Dagalaif. Il fit encore plusieurs promotions d'officiers dans l'ordre de mérite personnel, et sans consulter que ses notes particulières. (…)
Ammien Marcellin, Res Gestae, livre 21, chapitre 8.

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Chapitre 4-titre : Le légionnaire au combat.

Sous-titre : Un armement sous influences.

L'armée, centre névralgique du pouvoir impérial, grève considérablement les caisses d'un empire à la logique centralisatrice. L'état romain pourvoit à tout : casques, cuirasses, armes et protections diverses sont produites en masse pour répondre aux besoins constants de ses nombreuses légions. Dans le cadre de l'annone, l'approvisionnement militaire, les fabriques impériales (fabricae) des quatre coins de l'empire travaillent à fournir l'équipement des troupes. Des effectifs devenus considérables appellent à une production rapide et adaptée. C'est donc par nécessité qu'un nombre d'artisans indépendants furent englobés dans un circuit d'arsenaux à la main d'œuvre moins qualifiée mais plus productive. Ces artisans-militaires sont chapeautés par des cadres de l'armée qui supervisent et surveillent la qualité du matériel. Cependant, si l'armement a vu ses modes de fabrication se simplifier à l'extrême, la qualité reste honorable. A travers son histoire, Rome n'a jamais eu à rougir des emprunts qu'elle effectua aux équipements et techniques de ses ennemis. Ces emprunts vont modeler la nouvelle silhouette du légionnaire tardif. Les casques romains, de facture dite "composite", sont le fruit d'influences provenant d'Orient, au contact de l'empire perse, et d'Europe centrale, au contact de peuples semi nomades tels les sarmates ou les alains. Plusieurs modèles, livrés par l'archéologie, se divisent en deux familles distinctes. L'une adopte un mode de fabrication très simple: deux demi-calottes sont rivetées ensemble par une bande axiale, les couvre-nuques et les paragnathides (protèges-joues) de tailles réduites sont articulées à la calotte par des charnières. L'autre adopte une nature plus complexe : la calotte est composée de plusieurs sections rivetées entre-elles, les paragnathides sont plus couvrantes et un nasal est rajouté en complément. Dans cette famille, des exemplaires très luxueux produits par d'habiles artisans (barbaricarii) pouvaient faire leur apparition. Recouverts d'or, de cabochons de pierreries, ils appartenaient à de hauts officiers. Plus pratique que les casques du Haut-Empire réalisés en une seule pièce, ce nouveau mode de fabrication permet le remplacement rapide des parties endommagées au combat. Ce type de fabrication se poursuivra jusqu'à la période médiévale. De simples camails pouvaient aussi constituer les protections de tête des légionnaires du IVe siècle.

8) Reconstitution de l'association "les Herculiani" d'un fantassin lourd équipé du casque à nasal dit de Concesti (Roumanie).
9) Légionnaire portant un camail tel que représenté sur le Codex Vaticanus, fin IVe s..

Economie et fonctionnalité sont une fois de plus les maîtres mots de l'empire. Dans cette optique, les protections corporelles sont principalement des cottes de mailles et des cuirasses d'écailles, particulièrement appréciées, reposant sur un thoracomachus (sorte de gambison). La cuirasse lamellaire, faite de longues mais étroites lamelles de métal superposées, apparaît bien avant cette époque, mais était davantage répandue sur les marges orientales. Des changements remarquables concernent l'armement offensif: le glaive, arme d'estoc par excellence, est remplacé par la spatha, épée longue à une main dotée de deux tranchants parallèles. Elle est utilisable à la fois de taille et d'estoc mais exige un maniement plus complexe.

10) Deux légionnaires emblématiques de l'époque. Le premier, transposition de la figure de la via Latina (Rome) et le second équipé du casque éponyme de Deurne (Belgique/Pays-Bas), sans son plaquage d'or. Tous deux portent le thoracomachus sous leurs cottes de mailles, munis des traditionnels ptèruges.

Les armes de jets se diversifient. A l'emblématique pilum succèdent des dérivés tardifs tels que le spiculum ou le verutum, pénétrés eux aussi d'influences barbares. Une longue lance d'arrêt, hasta ou contus, rentre dans la panoplie du légionnaire de façon plus systématique afin de mieux répondre à la modification des techniques de combat. Les fers de lances sont nombreux et il n'est pas exclu que des piques de chasse soient employés à la guerre. La grande innovation du siècle en matière d'armement se situe dans l'apparition des plumbatae. Ce sont de petits dards plombés logés à l'intérieur des boucliers des fantassins et pouvant être lancés en tir indirect ou en tir direct sur l'ennemi. Ces armes permettaient de décupler la force de frappe du légionnaire à moyenne et longue portée (jusqu'à 60 mètres environ). Le IVe siècle voit aussi l'apparition des premières arbalètes, mais les experts s'interrogent encore sur la réalité tactique de cette arme à la guerre. Pourtant, Végèce l'introduit clairement dans la description de son ordre de bataille. L'utilisation de la hache tend à s'accroître. En Gaule du Nord, plusieurs modèles ont été identifiés comme étant proprement romains. La forme la plus représentative étant la hache-marteau, à la fois outil et arme de combat. Une autre hache au fer réduit et courbe, pratique au crochetage du bouclier a lui aussi été retrouvé . Enfin, le bouclier en tuile de toit, si typique du Haut-Empire, disparaît dès la première moitié du IIIe siècle, et laisse la place à des boucliers ovales, lenticulaires et légèrement convexes, ou à de grands boucliers ronds et plats. Cet équipement, produit par l'Etat, est de loin plus complet et supérieur a celui du simple troupier barbare. Une anecdote rapportée par l'historien Ammien Marcellin et un court extrait du traité d'art militaire de Végèce, compilateur et auteur du IVe siècle, difficile d'interprétation mais historiquement fondamental, nous éclairent de façon saisissante sur la forte impression qu'exerce la cuirasse romaine sur le barbare :

Une ambassade germanique s'émerveille devant le déploiement des armes romaines.
(…)Macrien se voyait, ainsi que son frère, pour la première fois au milieu de nos aigles et de nos étendards; et, frappé d'étonnement par la tenue de nos troupes et la splendide variété des armes, il s'empressa de demander grâce pour les siens. Vadomaire, qui était notre voisin, et dès longtemps en relation avec nous, ne se lassait pas d'admirer notre appareil militaire, mais en homme pour qui tout cet éclat n'était pas absolument nouveau.(…)
Ammien Marcellin, Res Gestae, livre XVIII, chapitre 2.

Extrait du traité d'art militaire de la fin du IVe siècle de Végèce.
(…) Il exigera d'eux (NDA: du centurion aux légionnaires…) que cuirasses, cataphractes, lances, casques soient fréquemment nettoyés, entretenus, fourbis : car l'éclat des armes contribue beaucoup à faire naître la terreur de l'ennemi. Quelle idée donnera-t-il de son aptitude à la guerre, le soldat assez négligent pour laisser ses armes se couvrir de rouille?
Epitoma rei militaris, Vegetius, livre II, chapitre 14.

11) Illustration issue de la Notitia Dignitatum. Au-delà des altérations des copistes médiévaux, on reconnaîtra l'inventaire des fabricae : boucliers, cuirasses, cottes de mailles, lances, haches et spathae.

Sous-titre : tactiques et techniques de combats.

Après le tumulte du IIIe siècle, l'armée romaine dans son nouveau format ne connaît plus de défaites majeures jusqu'à l'extrême fin du IVe siècle, en 378, à la bataille d'Andrinople. Avant cet événement lourd de conséquences, Rome demeure invaincue et aime à le rappeler dans sa propagande officielle. Certes, l'assimilation de nouvelles populations, la refonte de l'équipement militaire et l'adaptation aux techniques indigènes comptent pour beaucoup dans ce renouveau, mais c'est par la tradition des armes des siècles passés que la victoire est acquise par les légions romaines… La discipline, l'entraînement et les manœuvres font systématiquement la différence en bataille rangée et c'est toujours à l'issue de ces batailles, et non par de simples escarmouches, que se décide au IVe siècle l'issue d'une guerre. Les exemples sont nombreux et éloquents, ils témoignent d'une science militaire héritée à la fois des grecs et des anciens romains. Les résultats sont souvent édifiants : lors de la bataille de Strasbourg en 357, sous le commandement du César Julien, un contingent réduit de 13 000 soldats romains mettent en pièce une armée alamanique de 35 000 guerriers. Les légions engagées dans la bataille n'auront à déplorer "que" la perte de 200 hommes et de 6 officiers, alors que le massacre de l'ennemi se prolonge jusque dans le bras du Rhin que les Alamans avaient osé traverser.

La victoire repose essentiellement sur l'ordre de bataille adopté, lui-même issu des traités d'art militaire, et sur la valeur des hommes. L'ordre de bataille classiquement appliqué était le carré long et la triplex acies, la triple ligne de bataille suivie depuis Jules César et sans nul doute avant lui. L'espace était organisé en trois grandes lignes de fantassins, chacune composée de six ou huit lignes de légionnaires déployées en profondeur. Ce dispositif articulé était essentiel, car trop "mince", les lignes de front risquaient de se faire enfoncer par les rangs ennemis. Cela étant, l'originalité du IVe siècle repose plus sur l'équipement propre aux soldats composant ces lignes. A l'inverse du Haut-Empire, les soldats ne sont pas tous uniformément équipés. Les lignes se divisent dès lors entre armati et scutati, fantassins lourdement armés et fantassins légers. Les seconds sont plus mobiles: archers, frondeurs, dardeurs ou porteurs de javelines. Ils sont chargés de venir harceler l'ennemi de leurs traits tout en se retranchant derrières les lignes de fantassins lourds une fois le danger devenu trop pressant. Les armati, eux, attendaient d'être à bonne distance pour utiliser leurs javelots et charger l'ennemi. Ammien Marcellin comme Végèce proposent tous deux une description schématique et personnelle de cet ordre de bataille :

(…)A la guerre, un tacticien habile a soin de garnir de soldats pesamment armés tout son front de bataille; mettant en seconde ligne les troupes légères, en troisième les gens de trait, et derrière eux enfin le corps de réserve, qu'on ne fait donner que comme dernière ressource.(…)
Ammien Marcellin, Res Gestae, livre 14, chapitre 6.

12) Schéma complexe de l'armée romaine en ordre de bataille selon Végèce.
13) Deux vélites, fantassins légers du IVe s. Reconstitution des "Herculiani".

La grande tactique romaine propose alors des déploiements extrêmement complexes, requerrant un entraînement soutenu et une maîtrise des espaces presque mathématique. Deux ordres sont difficiles à réaliser, mais ont une force d'impact dévastatrice. L'ordre oblique (oblica acies) est un ordre de bataille dont la manœuvre principale tend à renforcer une des ailes de l'armée. Celle-ci pèse de tout son poids sur celle de l'ennemi tandis que le centre reste hors de portée, prêt à emporter la décision. Il existait aussi la formation en croissant décrite par Végèce dans ses Epitoma. Les sources qui évoquent leurs efficacités se font aussi laconiques que sans appel…

Importance de la cavalerie et de l'infanterie en ordre oblique à la bataille de Mursa en 351.
"L'empereur divise sa cavalerie en deux corps qu'il place à ses deux ailes. Les uns sont des lanciers couverts de cuirasses en lame de métal et de casques de fer, leurs jambières sont parfaitement ajustées jusqu'aux talons. Chaque homme à cheval a l'air d'une statue (…) La phalange ainsi rangée, notre gauche fait mouvement en avant; toute l'armée ennemie perd contenance et le désordre s'y met. Nos cavaliers l'attaque sans relâche et l'on voit fuir honteusement leur chef "(NDA: l'usurpateur Magnence)
Panégyrique de Constance II par Julien César.

(…)Un corps germain s'y était porté à sa rencontre; (NDA: Julien César) pour le recevoir il forma son armée en croissant, enfermant des deux côtés l'ennemi, qui lâcha pied au premier choc.(…)
Ammien Marcellin, Res Gestae, livre XVI, chapitre 2.

Aux déploiements à grande échelle s'adjoignent des formations spécifiques que seule la division des légions en cohortes et son articulation manœuvrière rendent possibles. Il s'agit principalement de la célèbre formation dite en tortue, encore largement pratiqué au IVe siècle et que l'argot militaire appelle à présent fulcum.. Puis le triangle, encore dénommé coin ou tête de porc. La première formation avait la particularité d'être simultanément offensive et défensive, alors que la seconde était spécifiquement offensive. Les boucliers sont joints et levés au dessus de la tête, ils forment comme une toiture de protection contre les flèches et autres armes de jet que les fantassins recevaient en abondance, tout en permettant aux troupes d'avancer sous le déluge de fer. La seconde formation, elle aussi très resserrée, s'agence comme un triangle dont l'extrémité était tronquée. Cette pointe, composée d'hommes armés de boucliers, de lances, et de javelots, pouvait sectionner la ligne de front ennemie en concentrant les tirs et la pression de l'attaque sur un point précis de cette ligne. Chez Ammien, l'utilisation de cette technique et ses suites mortelles reviennent comme une litanie.

Campagne de Constance II contre les Limigantes.
(…)On lève les enseignes, et nos soldats abordent l'ennemi avec la fureur d'un incendie. De leur côté, les Limigantes serrent leurs rangs, et se précipitent en masse compacte vers le tertre où j'ai déjà dit que se tenait l'empereur, le menaçant du geste et de la voix. L'indignation de l'armée éclate à cet excès d'audace : en un clin d'œil elle adopte l'ordre de bataille triangulaire appelé, dans l'argot des soldats, tête de porc, fond sur l'ennemi, et le culbute. À la droite notre infanterie fait un grand carnage de leurs gens de pied, tandis qu'à la gauche nos escadrons enfoncent leur cavalerie. La cohorte prétorienne préposée à la garde du prince avait d'abord vaillamment soutenu l'attaque; elle n'eut bientôt plus qu'à prendre à dos les fuyards.(…)
Ammien Marcellin, Res Gestae, livre XVII, chapitre 13.

14) Formation en tortue par le groupe de reconstitution "les herculiani"

De même, le corps à corps répond à une science des armes qui ne laisse rien au hasard. Le légionnaire, rompu à l'exercice, combat principalement avec sa lance en ordre serré et en phalange, comme l'a démontré récemment l'historien Everett L. Wheeller sur la persistance des Arts grecques à la guerre. La spatha est ensuite employée. Longue de 70 à 90 cm, elle permettait une "escrime" complète, de taille et d'estoc. Si cette dernière a la faveur des instructeurs romains, c'est à cause de son caractère mortel quasi-instantané, alors que la taille provoquait de graves commotions, souvent elles-mêmes létales sur le long terme. L'intérêt pour le combattant étant moins la mort immédiate de l'ennemi que sa rapide mise hors d'état de nuire. C'est pourquoi les membres étaient tout autant recherchés par le légionnaire que les centres vitaux du corps, souvent largement protégés. Les jarrets et l'artère fémorale étant des cibles privilégiées. Mais l'élément de première importance dans les techniques de combat romaines reste encore le bouclier, qui, bien que servant à parer les coups, n'en demeure pas moins une arme active et offensive. De par l'effet coup de poing que procure l'umbo, bosse centrale et métallique protégeant la main du légionnaire. Par la frappe que permettait sa tranche et sa position par rapport à l'adversaire, le bouclier romain décuplait les possibilités de passes d'armes, qui ne sont pas sans rappeler les pratiques de l'art gladiatorial. Une fois de plus, Végèce et Ammien se font l'écho de cette "escrime" ancienne.

(…) La gymnastique habituera aussi les soldats à franchir des fossés à la course; si leurs quartiers se trouvent dans le voisinage de la mer ou d'un fleuve, on les soumettra tous à la natation durant l'été. Ils marcheront le long des sentiers abruptes, à travers les broussailles, abattrons du bois, le dégrossiront, abattront des tranchés; ils occuperont un poste et le disputeront en faisant assaut de boucliers.
Vegetius, Epitoma rei militaris, livre III, chapitre 4.

(…)Attentifs à parer les coups, et s'escrimant du bouclier à la manière des "mirmillons", nos soldats perçaient aisément les flancs de leurs adversaires,(…)
Ammien Marcellin, Res Gestae, livre XVI, chapitre 12.

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 Sujet du message: Re: Le soldat romain du IVe siècle ap. J.-C.
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Chapitre 4-titre : La mentalité du légionnaire et le traumatisme d'Andrinople.

Sous-titre : Une armée capricieuse et flamboyante.

Particulièrement choyés par les empereurs, les légionnaires bénéficiaient de privilèges qui palliaient aisément leur maigre solde. En des temps de dévaluation monétaire constante, les anniversaires de la famille impériale, les victoires et les commémorations en tout genre étaient autant d'occasions pour l'armée de recevoir des donativa en or et des cadeaux en nature souvent très luxueux. Ceinturons, fibules d'or et d'argent, armes d'apparat, étoffes précieuses et décorations militaires renchérissaient un équipement standard qui se personnalisait au fur et à mesure de leur carrière. Selon l'Histoire Auguste, dès la fin du IIIe siècle, sous Probus (276-282) l'équipement fourni aux tribuns était astronomique. Rien n'était oublié pour le confort des élites : cuirasse ornée de métaux précieux, vêtements de soie, cuisinier et esclave courtisane ! Les soldats bénéficiaient dans une moindre mesure du même traitement, auquel ils pouvaient ajouter le butin personnel pris sur l'ennemi.

15) Reconstitution d'une plaque-boucle de la fin du IVe siècle aux formes zoomorphes affrontées. Les éléments décoratifs des ceinturons pouvaient être révélateurs des statuts et des fortunes personnelles.
16) Tribun et soldat en tunique. Les tuniques, en lin d'Egypte ou en laine, étaient décorées de riches broderies tissées à même la masse du tissu. Leurs prix dépassaient largement la paye du simple soldat et étaient fournies par les fabriques rattachées à l'Etat.

Toutes ses commodités tendaient à renforcer une puissante conscience de classe et contribuaient à tisser un lien très étroit vis à vis du pouvoir temporel. A cet égard, le légionnaire n'hésitait pas à prendre à parti l'officier ou à interpeller directement son empereur. Alors que Julien César hésitait à engager le combat contre les Alamans à Strasbourg en 357, un porte-enseigne l'exhorta à mener la troupe à la bataille. Cette liberté de ton et cette audace étaient typiques du comportement du légionnaire, à tel point que le nom d'Insolentia Militum était donné à cette attitude.

(…) un porte-étendard s'écria soudain ; « En avant, César, ô le plus heureux de tous les hommes. La fortune elle-même guide tes pas. Nous comprenons seulement depuis que tu nous commandes ce que peut la valeur unie à l'habileté. Montre-nous le chemin du succès en brave qui devance les enseignes; et nous te montrerons, nous, ce que vaut le soldat sous l'œil d'un chef vaillant, qui juge par lui-même du mérite de chacun"(…)
Ammien Marcellin, Res Gestae, livre XVI, chapitre 12.

Si le rapport à l'autorité est obéissance consentie, elle n'est pas soumission et l'armée peut refuser d'obéir à un ordre considéré comme injuste. Le départ des troupes vers une autre frontière de l'Empire et la crainte de laisser les familles, femmes et enfants, en proies aux destructions barbares étaient des motifs de soulèvement au sein de l'armée. Un cas de ce type se produisit au milieu du IV e s. Une demande de renforts adressée par l'empereur Constance II, alors en guerre contre les perses, au César Julien, stationné en Gaule, fut à l'origine d'un casus belli . A cette occasion, le mécontentement des légionnaires prit l'aspect d'une revendication syndicale.

A l'annonce du départ des renforts ordonnés par Constance II, les soldats se mobilisent pour emporter l'opinion de l'armée.
(…) un pamphlet fut jeté au pied des enseignes des Pétulants. Entre autres excitations il contenait ce qui suit: "On nous relègue aux extrémités du monde, comme des proscrits, des malfaiteurs; et nos familles, que nous avons, au prix de tant de sang, arrachées à la servitude, vont retomber sous le joug des Alamans."
Ammien Marcellin, Res Gestae, livre XX, chapitre 4.

A l'inverse, ce que les hommes refusèrent à Constance II, ils l'offrirent de bonne grâce à leur César Julien. Ce paradoxe tient à la fidélité au chef reconnu et au code d'honneur dont semblent se prévaloir les légionnaires dans les textes. Un lien symbolique très intime s'instaure entre le soldat et son chef, ce dernier parfois porté jusqu'à la dévotion. C'est aussi à l'occasion des serments que des pratiques traditionnelles barbares s'immiscent et s'installent au cœur des coutumes militaires romaine de cette époque.

Démonstration spectaculaire de dévotion au chef. Manifestation jusqu' alors inconnue des mœurs romaines traditionnelles.
(…) Ce discours de leur empereur eut sur les soldats l'effet d'un oracle. Une émotion passionnée s'empara de tous les cœurs, et l'enthousiasme pour le règne nouveau se manifesta par un tonnerre d'acclamations, mêlées au retentissement des boucliers. De tous côtés on n'entendait que répéter les noms de grand capitaine, de chef sans égal, et le titre, mérité sous leurs yeux, d'heureux dompteur des nations. Tous, approchant de leur gorge la pointe de leur épée nue, jurèrent, suivant la formule consacrée, et sous les plus terribles exécrations, d'offrir, s'il le fallait, tout leur sang en sacrifice à leur empereur. Les chefs de l'armée, et les gens attachés à la personne du prince, en firent autant.
Ammien Marcellin, Res Gestae, livre XXI, chapitre 5.

La fierté, le courage et la recherche du haut fait d'arme caractérise encore ce soldat professionnel, ce dernier n'hésitant pas à braver le danger et défier la fortune si son geste est reconnu par ses pairs et par son général en chef. Ces comportements peuvent apparaître étranges à nos yeux mais ils rappellent pourtant des attitudes propres aux corps militaires d'élite de nos armées modernes…

Des légionnaires fanfaronnent au siège de la ville fortifiée de Singare, tenue par les Perses sassanides.
(…) Combattant sous les yeux de leur empereur, quelques-uns allaient jusqu'à désarmer leur tête du casque pour être plus sûrement reconnus, et devenaient ainsi des points de mire pour les flèches des Perses.(…)
Ammien Marcellin, livre XX, chapitre 11.

Mais la gloire et la bravoure n'appartiennent pas au charisme d'un seul homme. C'est grâce à un effort collectif de la troupe que l'éclat rejaillit sur chacun. Cette démonstration de force n'existerait pas sans un entraînement rigoureux, une discipline tenue par des officiers compétents et aguerris. Au siège de la place forte d'Amida en 359, les Perses torturent devant les yeux de l'armée romaine les prisonniers capturés lors de leurs précédentes conquêtes. Les légions gauloises venues en renforts décident alors une sortie audacieuse, de nuit, afin de faire payer à l'ennemi leur cruauté. Les légions en sous effectif vont faire montre d'un sang froid et d'une maîtrise impressionnante contre une armée estimée à 100 000 hommes. Dans leur retraite exemplaire, ils ne perdront que 400 des leurs.

(…)Cependant les Gaulois, aussi vaillants de cœur que robustes de corps, ne laissèrent pas de faire bonne contenance, abattant de leurs épées tout ce qui osait les affronter de près.(…) Ils commencèrent donc à faire retraite, mais sans qu'un seul d'entre eux tournât le visage. Ils reculaient pied à pied, marquant le pas comme en mesure. C'est ainsi qu'ils repassèrent le fossé du camp, essuyant charges sur charges, et assourdis par un effroyable bruit de clairons. Aussitôt les trompettes sonnent également du côté de la ville, et les portes s'ouvrent pour recueillir les nôtres s'ils avaient le bonheur d'arriver jusque-là (…).
Ammien Marcellin, livre XIX, chapitre 6.

La maîtrise des cadences, les attitudes de défi sont à la fois l'exemple d'une science des armes éprouvée et une conception de la guerre bien différente de notre vision contemporaine…
(…) Dès que les deux armées sont en présence, les Romains agitent leurs aigrettes, secouent leurs boucliers et s'avancent avec lenteur, marquant le pas comme sur une mesure d'anapeste. L'action commence par quelques traits lancés hors des rangs, et déjà du sol battu s'élèvent des tourbillons de poussière. (…)
Ammien Marcellin, Res Gestae, livre XXIV, chapitre 6

Sous-titre : La défaite Andrinople ou la fin de l'armée romaine…

La bataille d'Andrinople fait partie de ces rares évènements dont les répercussions viennent fléchir l'Histoire pour la changer à jamais. L'affaire commence en 376, lorsque Valens (364-378), frère de Valentinien Ier et dirigeant de la pars Orientalis de l'Empire, accorde le droit d'asile aux Goths du Danube, chassés de leurs frontières par la menace expansionniste des Huns. Alliés ou ennemis, ils sont avec les Francs, les barbares les mieux intégrés et ceux qui ont tiré le plus d'avantages des faveurs impériales. Mais le traité tourne court. Les exilés se rebellent et deviennent à leur tour une menace réelle. Deux ans s'écoulent sans que l'un des deux partis ne prennent l'avantage, mais c'est en 378 près de la ville d'Andrinople, en province des Thraces, à 200 Kilomètres au Nord-Ouest de Constantinople, que l'acte décisif de cette guerre allait se jouer. L'empereur Valens est là en personne, avec l'élite du comitatus oriental. Mais l'armée, mal renseignée, mal commandée, sous-estime l'adversaire et engage la bataille dans les pires conditions, sans se garantir de la cavalerie gothique. C'est un désastre, l'armée romaine est écrasée. L'empereur périt dans les combats, le comitatus est saigné à blanc.

17) En pillant les fabricae de la ville d'Andrinople, les Goths purent s'équiper en abondance d'un armement romain. Casques et cuirasses devaient sans doute donner un aspect similaire aux deux forces antagonistes.

C'est une coupe sombre dans les effectifs qui change définitivement la donne dans l'équilibre des forces. Bon nombre d'officiers et de vétérans méritants des meilleures troupes palatines ont disparu. Ce sont autant d'expériences et de connaissances qui ne pourront plus être transmises. Une armée de qualité prend des années à s'aguerrir et le choc d'Andrinople emporte avec lui aussi bien ses meilleurs hommes que ses cadres. Pour la première fois, afin de combler les pertes, des barbares vainqueurs sont enrôlés en nombre dans les légions. Le rapport de force s'inverse, c'est le début de la barbarisation massive. Ceux-ci refusent la discipline et de fortes tensions apparaissent entre l'armée "régulière" romaine et les barbares mercenaires. En 379 et en 386, au sein de la même armée, des barbares et des romains s'affrontent dans de véritables règlements de comptes pour la défense de civils maltraités. Sous Gratien (375-383) et Valentinien II (375-392) une mesure capitale entérine la décadence de l'outil militaire romain. La réforme du casque et de la "cataphracte" autorise le soldat à ne plus porter entièrement sa cuirasse. Dès cette époque, l'infanterie lourde commence à se faire rare. Les vélites, en accord avec une tactique barbare de plus en plus dominante, deviennent, avec la cavalerie, les deux armes tactiques d'importances. Zosime, historien contemporain de la fin du IVe siècle, nous décrit le comitatus de Théodose Ier à la veille de la bataille de la rivière froide en 394. Une armée hétéroclite et bigarrée, majoritairement composée de barbares enrôlés avec leurs rois et leurs princes. Des cavaliers Huns soutiennent même l'empereur dans sa campagne.

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Conclusion:

A la lumière de ce développement, il faut donc adopter une attitude plus réservée vis à vis de la prétendue décrépitude de l'armée romaine après la "crise" du III e s. A la fin de ce siècle, d'importants remaniements ont été effectués par Dioclétien, puis pas Constantin, afin de sauvegarder l’œuvre que tant d'empereurs avaient édifié avant eux. Les réformes ont remodelé le découpage des provinces, les systèmes défensifs, l'organisation de l'armée, les équipements militaires. Cet important train de mesures a permis à l'armée du IV e s. d'être beaucoup mieux adaptée pour contrer avec efficacité les périls intérieurs et extérieurs. Cette tradition guerrière multiséculaire se retrouve encore dans la personnalité de l'empereur Julien (361-363) et ne s'éteint pas avec le désastre d'Andrinople, bien au contraire. Cependant les parties occidentale et orientale de l'Empire ont davantage évolué indépendamment l'une de l'autre. Alors que la partie occidentale laisse la part belle aux fédérés et à leurs chefs dans les structures de commandement, la partie orientale limite la part des fédérés et donne une place majeure à l'armée régulière. L'Occident se meurt, mais l'Orient survit et maintient une machine de combat mobile et compétente. Au VI e s. l'Empire byzantin, au travers des conquêtes justiniennes et du traité d'art militaire (Stratégikon) de l'empereur Maurice (582-602), démontre une fois encore l'efficacité d'une science militaire sans cesse renouvelée.


Texte de Damien Deryckère en collaboration avec Alexandre Colot, membre de l'association de reconstitution historique "Les Herculiani".


2-Encadré sur l'étendue de la crise au IIIe siècle.

Depuis la fin de la dynastie des Sévères (193-235) et jusqu'au milieu du IIIe siècle, la crise de l'Empire atteint son point culminant. Sous le règne de l'empereur Gallien (260-268) le monde romain est terriblement ébranlé, la situation géostratégique chaotique. Incapable d'endiguer la pression de ses ennemis, le pouvoir central de Rome laisse s'effriter la cohésion de l'Empire. En Orient, sous les Auspices du Prince Odenath de Palmyre une principauté quasi indépendante se constitue afin de lutter contre l'invasion des Perses Sassanides du roi Shapur. Au Nord, un général talentueux du nom de Postumus finit par faire sécession pour sauvegarder les frontières du Rhin et des Gaules contre les incursions des Francs. Il s'érige en véritable compétiteur de Gallien. Celui-ci, coupé des deux tiers de son Empire, subit les assauts répétés des barbares. Les peuples Quades, Yaziges et Roxolans du Nord du Danube attaquent les Pannonies en force, ravageant les provinces d'Est en Ouest. Une nouvelle coalition enflamme l'Empire. Le Limes du Bas-Danube, dégarni d'une partie de ses forces pour combattre les Germains occidentaux donne l'occasion aux Hérules, aux Wisigoths du Danube et aux Goths de pontide de descendre en grand nombre sur la Grèce et l'Asie. De nombreuses provinces sont menacées, des villes prestigieuses sont pillées; Sparte, Corinthe, Athènes, Milet, le célèbre sanctuaire d'Artémis d'Ephèse. Gallien se trouve donc particulièrement affaibli; prit en étau entre des provinces sécessionnistes, menacé par des usurpateurs multiples, en guerre constante contre des barbares d'une virulence sans précédent. L'Empire romain se disloque alors littéralement.

4-Chronologie des réformes militaires.

Sous Gallien (260-268): Développement de la cavalerie. Embryon d'une armée mobile d'intervention. Création des Protectores. Disparition du Tribun laticlave d'ordre sénatorial. Dislocation de l'unité de l'empire.
Sous Aurélien (270-275): Accroissement de la cavalerie comme arme tactique. Développement de l'armée de manœuvre. Réunification de l'empire.
Sous Probus (276-282): Vaste politique d'assimilation des barbares. Entrée significative des barbares dans l'armée romaine. Les barbares sont repoussés aux frontières.
Sous Dioclétien (284-305): Refonte complète de l'armée romaine. La sécurité est à nouveau assurée.
Sous Constantin (306-337): Obligation pour les fils de vétérans de rentrer dans l'armée. Instauration définitive du Comitatus. Politique favorable envers les barbares. Les frontières sont renforcées.
Sous Constance II (337-361): Guerre contre les Perses sassanides.
Sous Julien (355-363): Guerre contre les Alamans. Dernière grande campagne de conquête de l'Orient Perse par l'Empire romain. Mort de Julien en campagne.
Sous Jovien (363-364): Perte d'une partie de la Mésopotamie romaine. Partition officielle de l'Empire en empire d'Orient et en empire d'Occident.
378: Défaite d'Andrinople. Destruction du Comitatus d'Orient.
Sous Gratien et Valentinien II (375-383) – (375-392): "Réforme du casque et de la cataphracte".
Sous Théodose (379-395): Entrée massive des barbares dans l'armée romaine. Décadence de la science militaire romaine.
Sous Honorius (395-423): Premier sac de Rome en 410 par le roi Wisigoth Alaric. Dernière réformes militaires en Occident suite à la prise de Rome. En Occident, la seule puissance militaire au service de Rome est celle des fédérés barbares. Les grands généraux sont tous Barbares.
Sous Arcadius (395-408): Violente réaction antigermanique suite à la trahison du général Goth Gainas. Les Barbares sont chassés de l'armée d'Orient. Le recrutement s'effectue à nouveau en majorité dans les provinces comme en Isaurie ou en Arménie. Stabilité de l'armée romaine d'Orient persistance des arts militaires romains.
Sous Valentinien III (425-455): En Occident; grande victoire "romaine" en 451, en Gaules, sur la confédération Hun d'Attila. Le commandant en chef de l'armée romaine, Aetius, est le dernier général romain de l'histoire de l'Empire. L'armée romaine est quasi exclusivement composée de fédérés.
Sous Romulus Augustule (475-476): Chute de l'empire romain d'Occident.
488-552: Constitution progressive en Occident des royaumes barbares.
Sous Justinien (527-565): Reprise de l'Afrique par l'empire d'Orient sur les Vandales. Tentative de reconquête de l'Occident par Justinien. Fin théorique de l'antiquité tardive.

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 Sujet du message: Re: Le soldat romain du IVe siècle ap. J.-C.
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Glossaire:

La pourpre: La pourpre impériale est la couleur réservée exclusivement à l'empereur. Revêtir un manteau ou un vêtement de pourpre était sacrilège et pouvait marquer le début d'une usurpation.
Princeps: Textuellement "le prince". Désigne à l'instar du nom Auguste ou César, la personne impériale.
Tétrarchie: Partage du pouvoir à quatre et régime politique instauré par Dioclétien. Chaque Auguste ayant préséance possédait son César qui l'assistait dans son gouvernement.
Pronunciamentum: Désignation d'une personne civile à la dignité impériale. A partir du IIIe siècle la désignation revient quasi systématiquement à l'armée qui élève un commandant au titre d'Imperator, faisant de lui le nouvel empereur. Le Sénat à qui revenait aussi ce droit ne faisait plus qu'entériner une situation de fait.
Limes: Terme désignant les frontières des marches de l'empire. Si idéologiquement l'empire n'avait aucune frontière, les forts, camps et fortins protégeant ces limites deviennent synonymes.
Poliorcétique: Art d'entreprendre le siège d'une ville. La poliorcétique désigne aussi l'ingénierie des armes de sièges; balistes, catapultes…
Vicariat: Fonction administrative gérant le diocèse, circonscription regroupant plusieurs provinces. Le Diocèse a été créé par Dioclétien.
Adventus: Entrée triomphale à l'intérieur d'une ville importante. A ne pas confondre avec le triomphe romain proprement dit qui ne s'effectuait qu'à Rome et se terminait par la montée au Capitole.
Castella/Castra/Burgi: Termes latins désignant les forts romains protégeant le limes. Ceux-ci de différentes tailles, étaient construits en dur à l'inverse des camps de marche construits en bois.
Ailes milliaires/Ailes quingénaires: Unités de cavalerie regroupant pour l'un un total de 1000 cavaliers et pour l'autre, 500.
Thoracomachus: Terme latin désignant un vêtement de protection fait de lin et de laine rembourrée recouvert de cuir et se portant sous la cotte de maille ou autre cuirasse. Une description précise du Thoracomachus est donné par l'auteur anonyme du De rebus bellicis. Sa fonction était d'amortir l'impact des coups donnés par l'adversaire.
Ptèruges: Lambrequins de cuir prolongeant les défenses de la cuirasse. De tradition Grec, les ptèruges étaient rattachées au thoracomachus. On ignore si au IVe siècle les ptèruges étaient encore portées, mais les nombreuses représentations de la statuaire et des arts monumentaux de l'époque peuvent le laisser raisonnablement penser.
Donativum: Donation impériale en argent prodiguée aux troupes lors des anniversaires ou de l'accession à la pourpre d'un nouveau prince.
Pars Orientalis: formule latine désignant la partie orientale de l'empire et qui ne survient officiellement qu'après sa partition, dans le courant du court règne de l'empereur Jovien.
Tribun laticlave: Grade supérieur issu de l'ordre sénatorial. Ce grade disparaît en conséquence de la désaffection de la chose militaire par les grandes familles patriciennes.

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Bibliographie:

-Histoire (Res Gestae) d'Ammien Marcellin.
-Traité d'art militaire (Epitoma rei militaris) de Végèce.
-La fin de l'armée romaine, de Philippe Richardot, 2e édition, Economica. 2001.
-L'armée Romaine de Dioclétien à Valentinien Ier. Collection du centre d'études Romaines et Gallo-Romaines. Rassemblés et édités par Yann Le Bohec et Catherine Wolff. Diffusion De Boccard. 2004.
-REMA. Revue des Etudes militaires Anciennes, N°1, sous la direction de Yann le Bohec. Edition Picard. 2004.
-Anthologie mondiale de la stratégie, de Gérard Challiand. Collection Bouquin. Edition Robert Laffont. 1990.
-La hiérarchie (Rangordnung) de l’armée romaine sous le Haut-Empire. Collection du centre d'études Romaines et Gallo-Romaines. rassemblés et édités par Yann Le Bohec. Diffusion De Boccard. 1995.
- L’armée romaine tardive dans quelques travaux récents. 1re partie : l’institution militaire et les modes de combat, de Sylvain Janniard en collaboration avec Jean-Michel Carrié, dans Antiquité Tardive N° 8. Brepols Publishers. 2000.
-L’armée romaine tardive dans quelques travaux récents. 2e partie : stratégies et techniques militaires, de Sylvain Janniard, dans Antiquité Tardive N° 9. Brepols Publishers. 2001.
-L'équipement et le matériel militaires au Bas-Empire en Gaule du Nord et de l'Est, de Michel Kazanski, dans Revue du Nord-Archéologie, Tome LXXVII, N°313.
-Atlas des Guerres. Les Guerres romaines (281 av. J.-C._476 ap. J.-C.), d'Adrian Goldsworthy. Editions Autrement. 2001.
-Les armes des Romains. De la République à l'Antiquité tardive, de Michel Feugère. Collection des Hespérides. Editions Errance. 1993.
-Casques Antiques. Les visages de la guerre. De Mycènes à la fin de l'Empire romain, de Michel Feugère. Collection des Hespérides. Editions Errance. 1994.
-Le soldat, de Jean-Michel Carrié, sous la direction d'Andrea Giardina, dans L'homme romain. Point Histoire. Editions du Seuil. 2002.
-L'Empire romain en mutation. Des Sévères à Constantin (192-337), de Jean-Michel Carrié et Aline Rousselle. Point Histoire. Editions du Seuil. 1999.
-Histoire générale de l'Empire romain, Tome 3. Le Bas Empire (284-395), de Paul Petit. Point Histoire. Editions du Seuil. 1978.
-Rome dans l'Antiquité tardive (312-604 après J.-C.), de Bertrand Lançon. Civilisation et Sociétés. Hachette. 1995.

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 Sujet du message: Re: Le soldat romain du IVe siècle ap. J.-C.
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Correction et remarques de Sylvain Janniard:

1. Nuances et corrections sur le fond :

Page 1 : introduction. Bien que le terme soit très commode, trop peut-être, j’éviterai de parler de crise pour le IIIe siècle. La crise est par définition une période brève et il paraît ainsi difficile de concevoir une crise d’un demi-siècle, à plus forte raison quand l’organisation qui est supposée en être frappée s’en relève sans trop de dommages.

Page 2 : premier paragraphe. Les évolutions dont vous parlez ont commencé pour certaines dès le début du IIIe s.

Page 2 : deuxième paragraphe. Je ne crois pas vraiment à une stratégie de défense en profondeur pour l’Empire tardif et ai donné des arguments en ce sens dans ma seconde chronique (Antiquité Tardive 9, 2001). Pour ces questions, je vous invite à vous reporter à J.-M. Carrié, 1993 : ouverture des frontières de l’Empire romain ?, dans A. Rousselle (éd.), Frontières terrestres, frontières célestes dans l’Antiquité, Perpignan 1995, p. 31-53.

Page 3 : deuxième paragraphe. Votre paragraphe sur le comitatus est entièrement à revoir. (Note de Damianus: ce qui a été fait…)

· Le terme de comitatus, attesté bien avant Constantin, renvoie simplement à l’entourage administratif et militaire de l’empereur (du latin comes : « compagnon »). C’est donc improprement que l’on réserve son usage aux seules forces armées. Au IVe s., pour désigner les unités à proximité du prince dans sa capitale, mieux vaut parler de troupes palatines. Vous pouvez continuer à employer le terme de comitatus pour désigner l’escorte militaire de l’empereur en campagne, tout en sachant que sa composition est alors fluctuante.
· Vos idées sur les protectores semblent confuses, je vous envoie des notices que j’ai rédigées pour le corpus des inscriptions de Salone qui pourront vous aider.

· Les scholes palatines sont exclusivement des cavaliers, bien qu’elles soient capables de démonter à l’occasion. L’empereur prend l’habitude de détacher certaines des ces scholes sous l’autorité de magistri militum régionaux. Vous pouvez traduire scutarii par porteurs de boucliers, sagittarii par archers et pour les armaturae, cf. mon texte sur Végèce.

Page 3 : troisième paragraphe. Il ne me semble pas que J.-M. Carrié ait jamais donné le chiffre des effectifs des légions palatines. (N.D: Si, en fait; je lui ais renvoyé la référence depuis…) Il pense, et tout le monde le reconnaît, que les légions instituées sous la Tétrarchie ont comporté le même nombre d’hommes que celles du Haut-Empire au moment de leur création. Ensuite, il estime comme Jones que les légions frontalières – et donc non palatines – ont pu conserver des effectifs élevés mais pour les légions centrales, il se rallie aux idées communes sur la diminution des effectifs, cf. son manuel au Seuil, p. 175-176. Je ne pense pas en outre que les auxilia palatins aient été exclusivement de recrutement germanique et je vous invite à vous reporter à Constantin Zuckerman, Les « Barbares » romains : au sujet de l’origine des auxilia tétrarchiques, in Fr. Vallet et M. Kazanski (éd.), L’armée romaine et les Barbares du IIIe au VIIe siècle, Rouen, 1993, p. 17-20.

Page 4 : paragraphe 4. Votre paragraphe sur le recrutement est partiellement à revoir. Le volontariat n’a jamais disparu. Le capitulum n’est pas un impôt, c’est l’assiette foncière sur laquelle repose la levée d’une recrue. L’impôt s’appelle la praebitio tironum ou sous sa forme monétaire l’aurum tironicum (l’équivalent grec est protostasia). Il repose sur l’ensemble des contribuables soumis à l’impôt foncier. Il n’y a pas de lien entre cet impôt en particulier et le système colonnaire ou les modifications des implantations rurales, je vous invite à vous reporter au manuel de Carrié au Seuil p. 170-174 et 680-687. Je ne pense pas non plus que le service ait été « extrêmement impopulaire », au contraire, surtout à partir du moment où, vers le milieu du IVe s., l’armée fut largement payée par des donatiua en métal précieux (or). La très grande majorité des acquéreurs de terres que nous connaissons dans la papyrologie égyptienne pour les IVe et Ve s. sont des militaires …

Page 5 : paragraphe 2. Je vous rappelle que depuis la Constitution antonine de 212 apr. J.-C., tous les habitants libres de l’Empire sont citoyens romains … l’armée est donc composée, jusqu’à ses ultimes phases de barbarisation, de « Romains ». Paragraphe 3 : il faut distinguer entre les fédérés qui combattent avec leur propre organisation, les déditices qui sont incorporés dans les unités romaines et les lètes qui sont fournis par des colonies agricoles barbares installées dans l’Empire et qui servent avec des officiers romains, cf. Carrié, p. 639-640. Par ailleurs, rien n’indique qu’il s’agisse de Sarmates dans le paragraphe du panégyrique de Constantin que vous citez. De le même façon, le passage d’Ammien (XXI, 8) que vous reprenez n’est pas un bon exemple de barbarisation, la plus grande partie des officiels qui y sont nommés sont de « vrais romains ».

Page 6 : paragraphe 2. Les fabricae ne travaillent pas pour « l’annone », celle-ci désigne en amont l’impôt foncier prélevé pour l’armée et en aval les versements de bouche pour les unités. Il n’est absolument pas assuré que les fabricae aient fonctionné de façon « quasi –industrielle » ni qu’elles aient beaucoup prélevé sur le vivier des artisans indépendants ni à plus forte raison que leur main-d’œuvre ait été moins qualifiée.

Page 7 : Premier paragraphe. Pouvez-vous m’indiquer quelles sont les références à l’arbalète au siège d’Amida, je ne les ai pas retrouvées. Quatrième paragraphe : Je serai moins optimiste que vous sur « l’invincibilité » de l’armée romaine du IVe s. et pense que Strasbourg fut une rude affaire où Julien est passé bien près de la catastrophe, cf. ma chronique dans Antiquité Tardive 8, 2000 (CR de Elton). Cinquième paragraphe : je ne crois pas que l’armée tardive ait employé la triplex acies de César. Nous n’en trouvons aucune trace dans les sources littéraires sérieuses ni dans le livre III de Végèce, je suis plutôt favorable à l’idée d’une duplex acies (ligne principale + réserve). (N.D: C'est un point qui peut encore se discuter…)
Page 8 : cinquième paragraphe. Je ne partage pas vos idées sur le coin sur lequel je suis en train d’écrire un article à paraître dans les MEFRA et dont je vous enverrai une copie si vous le souhaitez. Je pense aussi qu’il faut distinguer le fulcum de la tortue (N.D: Je crois que Sylvain Janniard fait référence au mantelet aussi bien qu'à la formation dites de la tortue. Malgré tout elle est pourtant bien attestée par les textes sans mention des particularités du fulcum lors des batailles rangées…): la véritable tortue n’étant employée que pendant les sièges à l’inverse du fulcum qui est une formation pour les batailles d’infanterie en ligne. (N.D: Je ne suis pas d'accord sur ce point…)

Page 9 : quatrième paragraphe. Faites attention à l’Histoire Auguste, c’est une source piégée et malicieuse. En particulier, les traitements qu’elle donne pour les fonctionnaires et les soldats sont tous fantaisistes.

Page 10 : quatrième paragraphe. Je n’utiliserai pas le terme inapproprié de « code d’honneur » pour l’armée romaine. Vous avez en revanche raison de souligner l’attachement des troupes à leurs chefs (les soldats sont toujours qualifiés de devoti, dévoués à l’Empereur), ce qui d’ailleurs montre bien que le refus des troupes gauloises d’aller en Orient était dû à la défiance – probablement bien entretenue par Julien - qu’elles vouaient à Constance II.

Page 11 : paragraphes 3 et 4. Je serai moins catégorique que vous sur les effets d’Andrinople. L’armée qui a le plus souffert est celle d’Orient, or c’est elle qui a survécu aux siècles suivants … Il n’est pas assuré non plus que la barbarisation ait entraîné une baisse des standards de discipline et d’efficacité de l’armée romaine. En particulier, il n’y eut « aucune réforme » décidant de l’abandon de l’équipement défensif et tout montre au contraire que les fantassins romains du Ve s. continuent à pouvoir agir comme de l’infanterie lourde. Il me semble en revanche que les éléments les plus décisifs dans la disparition de l’outil militaire romain au Ve s. en Occident ont été le pis-aller commode de l’emploi massif de fédérés de plus en plus mercenarisés et les pertes importantes subies par l’encadrement militaire au cours des multiples guerres civiles de 387 à 411 apr. J.-C.

Page 13 : Conclusion. Postume chercha à être un véritable empereur romain mais depuis les Gaules et non uniquement un « empereur des Gaules ». La mort de Julien n’a rien de mystérieuse (cf. récit d’Ammien Marcellin). Pour la réforme sous Gallien, cf. supra. Le volontariat ne disparaît pas sous Théodose et ce n’est pas flatteur pour Végèce de parler de « décadence de la science militaire » au moment où il écrit … Pour la date de la fin de l’Antiquité, le débat fait rage ; les plus raisonnables, dont je suis, la place plutôt vers le milieu du VIIe s.

Page 14, Limes : votre définition est assez confuse. Reportez vous à l’article mentionné plus haut de Carrié sur les frontières romaines. Le vicaire est l’administrateur civil du diocèse, si vous voulez parler de la fonction, écrivez vicariat.

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