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 Sujet du message: Etude sur le combat de Charles Ardant du Picq.
Nouveau messagePublié: 07 Sep 2008, 22:52 
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Etudes sur le combat.
Combat antique et combat moderne.


Extrait.

Charles Ardant du Picq
Edition Economica, 2004, collection Stratégie et doctrine.


Absolument fondamental à celui qui voudrait s'asseyer sérieusement à l'étude du combat ancien dans sa technique individuelle et collective. Un incontournable. [Insert de Damianus]

Chapitre V: Mécanisme moral du combat Antique: p71 à 78.

(Ce chapitre V vient clôturer toute une suite d'analyses précises de différentes phases et péripéties de batailles antique célèbres. Comme pour mieux appuyer sa démonstration, Charles Ardant du Picq a sélectionné plusieurs de ces batailles selon lui caractéristiques du combat antique pour en retirer toute la quintessence qu'il se propose ici de retranscrire sous la forme d'un axiome type.
[…])
Voici comment se passaient les choses:

A distance de charge on marchait à l'ennemi de toute la vitesse compatible avec l'ordre nécessaire à l'escrime et au soutien mutuel des combattants. Bien souvent, l'impulsion morale, cette résolution d'aller jusqu'au bout qui se manifeste à la fois par l'ordre et la franchise de l'allure, cette impulsion seule mettait en fuite un ennemi moins résolu.

D'habitude entre bonnes troupes, il y avait choc, mais non point choc aveugle et tête baissée de la masse; la préoccupation du rang était grande, ainsi que le montre la conduite des soldats de César à Pharsale, la marche lente et cadencée par des flûtes des bataillons lacédémoniens (Les camarades du manipule, la compagnie romaine, se donnaient le serment mutuel de ne jamais quitter le rang, sinon pour ramasser un trait, sauver un camarade, un citoyen romain, tuer un ennemi: Tite live). Au moment de s'aborder, l'élan s'amortissait de lui-même, parce que l'homme du premier rang, forcément, instinctivement, s'assurait de la bonne position de ses soutiens; ses voisins du même rang, les camarades du deuxième, et se rassemblait sur lui-même afin d'être plus maître de ses mouvements pour frapper et parer. Il y avait abordage d'homme à homme; chacun prenait l'adversaire en face de lui et l'attaquait de front, car en pénétrant dans les rangs avant de l'avoir abattu il risquait les blessures de coté en perdant ses soutiens. Chacun donc heurtait son homme de son bouclier, espérant lui faire perdre l'équilibre, et dans l'instant qu'il cherche à le reprendre, le frapper. Les hommes du deuxième rang, en arrière dans les intervalles nécessaires à l'escrime du premier, étaient prêts à relever les fatigués; de même du troisième rang, et ainsi de suite.

Chacun s'étant donc de part et d'autre affermi pour le choc, celui-ci était rarement décisif, et l'escrime, le vrai combat de près, commençait.

Si les hommes du premier rang étaient rapidement blessés dans un des partis, les autres rangs n'avaient hâte que d'aller les relever ou remplacer. Si il y avait hésitation, il y avait défaite. Ainsi les Gaulois, dans leurs premières rencontre avec les romains. Le Gaulois, de son bouclier, paraît le premier coup de pointe, et de son grand sabre de fer s'abattant avec furie sur le sommet du bouclier romain, le fendait et allait jusqu'à l'homme. Les Romains déjà hésitants devant l'impulsion morale des Gaulois, leurs cris féroces, leur nudité, signe de mépris des coups, tombaient à ce moment plus nombreux que leurs adversaires et la démoralisation s'en suivait. Bientôt ils s'habituèrent à la fougue valeureuse mais sans ténacité de leurs ennemis, et quand ils eurent garni le haut de leur bouclier d'une bande de fer qui repoussait déformée l'épée gauloise, alors ils ne tombèrent plus, et les rôles furent changés.

Les Gaulois, en effet, ne pouvaient tenir contre les armes meilleures et l'escrime d'estoc des Romains, contre la ténacité individuelle supérieure, presque décuplée par le relais possible des huit rangs du manipule, et les manipules se renouvelaient; tandis que chez eux la durée du combat se limitait aux forces d'un homme, à cause de la difficulté en des rangs trop serrés ou tumultueux , et souvent de l'impossibilité voulue du relais, comme par exemple lorsqu'ils s'attachaient.

Si les armes étaient à peu près égales, en conservant ses rangs, briser, refouler, confondre ceux de l'ennemi c'était vaincre. L'homme en des rangs désordonnés, rompus, se sent non plus soutenu, mais vulnérable de toute part, et il fuit. Il est vrai qu'on ne peut guère briser les rangs sans briser aussi les siens; mais celui qui brise avance; il n'a pu avancer qu'en faisant reculer devant ses coups, en tuant même ou en blessant; il fait une chose à laquelle il s'attend, voulue, qui hausse son courage et celui de ses voisins; il sait, il voit où il marche; tandis que l'ennemi dépassé par suite du recul ou de la chute des gens qui le flanquait est surpris, se voit découvert de coté; il recule lui-même pour aller reprendre soutien, niveau de rang en arrière. Mais l'adversaire pousse d'autant, ce niveau ne se retrouve plus. Les rangs suivant cèdent au recul des premiers, et si le recul à une certaine durée, s'il est violent, la terreur commence des coups qui refoulent ainsi et peut être abattent le premier rang. Si, afin de faire plus rapidement et plus facilement place à la poussée, de ne point s'acculer et tomber en arrière, les derniers rangs pour quelques pas tournent le dos, il y a peu de chances qu'ils représentent la face. L'espace les a tentés; Ils ne se retournerons plus.

Alors par cet instinct naturel du soldat de s'inquiéter, de s'assurer de ses soutiens, par contagion de la fuite en un mot, celle-ci va remontant des derniers rangs jusqu'aux premier qui, d'aussi près engagé, était tenu de faire face cependant, sous peine de mort immédiate; et ce qui suit n'a plus besoin d'être expliqué, c'est la tuerie (Coedes).

Revenons au combat.

Il est évident que l'ordonnance en ligne droite des troupes qui se sont abordée existe à peine un instant. Mais chaque groupe de files formé par l'action ne s'en relie pas moins au groupe voisin, les groupes comme les individus, s'inquiétant toujours de leur soutien. Le combat se fait le long de la ligne de contact des premiers rangs de chaque armée, ligne droite, brisée, courbe, infléchie en sens divers suivant les chances diverses de l'action sur tel ou tel point, mais toujours limitant, séparant parfaitement les combattant des deux partis. Sur cette ligne, une fois engagé de bon cœur ou non, il fallait rester de face sous peine de mort immédiate, et chacun, naturellement, nécessairement, mettait dans ces premiers rangs toute son énergie à défendre sa vie.

Nulle part la ligue ne se perd enchevêtrée tant qu'il y a combat, car, du général au soldat l'application de chacun est de conserver la continuité de soutien le long de cette ligne, et de rompre, couper celle de l'ennemi, car alors c'est la victoire.

Nous voyons donc qu'entre hommes armés de glaives, il peut y avoir, il y a, si le combat est sérieux, pénétration d'une masse dans une autre, mais point confusion, mélange, mêlée des rangs, des hommes qui forment ces masses. Cela ne veut pas dire qu'une petite troupe tombant dans un guêpier ne puisse figurer une sorte de mêlée. D'une seconde, le temps de son égorgement. Cela ne veut pas dire que dans la déroute il ne puisse en quelque endroit de la tuerie y avoir combat, combat de quelques gens de cœur qui veulent vendre leur vie. Mais rien de cela ne constitue une mêlée réelle. On est entouré, submergé, non mêlé.

Le combat de glaive à glaive était le plus meurtrier, celui qui pouvait présenter le plus de péripéties, parce que c'est celui dans lequel la valeur individuelle du combattant comme courage, dextérité, sans froid, comme escrime en un mot, avait l'action la plus grande et la plus immédiate.

Après celui-là, les autres combats sont faciles à comprendre.

Prenons les piques et les glaives.

Les poussées à la lance d'hommes serrés, forêt de piques vous tenant à distance (les piques avaient 15 à 18 pieds: Phalanges grecs) étaient irrésistibles. Mais on avait le loisir de tout tuer, cavaliers, fantassins légers, autour de la phalange, masse impuissante comme destruction, marchant d'un pas mesuré, et qu'une troupe mobile pouvait toujours éviter. Il pouvait se faire des ouvertures par la marche, par le terrain, par les mille accidents de la lutte , par des braves, des blessés à terre qui allaient couper les jarrets du premier rang en rampant sous les lances à hauteur de poitrine, lesquels n'y voyaient guère, puisque celles des deux premiers rangs à peine avaient des yeux et la libre direction pour frapper; à la moindre ouverture faite, ces hommes aux longues lances inutiles de près, qui ne prévoyaient que le combat à longueur de bois (Polybe), étaient frappés presque impunément par les groupes se jetant dans les intervalles. Les Romains ne perdent personnes en pénétrant par centuries dans l'ouverture de la phalange. Et alors, l'ennemi dans le ventre de la phalange, elle devenait, par l'inquiétude morale, masse sans ordre moutons se renversant, s'écrasant sous la pression de la peur.

Que dans une foule, en effet, des hommes trop pressés piquent de leurs couteaux ceux qui les pressent, et la contagion de la peur change la direction du flot humain, lequel revenant sur lui-même s'écrase en masse pour faire le vide autour du danger. Si donc l'ennemi fuit devant la phalange il n'y a; si il lui cède seulement par tactique et profitant des vides la pénètre par des groupes, encore là il n'y a point mêlée, mélange des rangs. Le coin entrant dans un bloc ne se mélange pas.

De phalange armée de longues piques à phalange semblable, encore moins de mêlée; mais poussée mutuelle et pouvant durer longtemps, si l'un des partis n'arrive à faire prendre l'autre en flanc ou en queue par un corps détaché de troupes; quelconques. Nous ne voyons du reste, dans presque tous les combats antiques, la victoire enlevée par des moyens de ce genre, moyens éternellement bons, parce que leur action est morale surtout et que l'homme ne change pas.

Inutile d'expliquer à nouveau comment, pourquoi, dans tous les combats, la démoralisation, puis la fuite commençaient par les rangs postérieurs.

Nous avons essayer d'analyser le combat de l'infanterie de ligne parce que lui seul était le sérieux dans le combat antique, les infanterie légères se mettant réciproquement en fuite comme le constate Thucydide. Elles revenaient poursuivre et massacrer les vaincus. Les vélites romains de la légion primitive, avant Marius, avaient très certainement la mission de tenir un instant dans les intervalles des manipules, en attendant les princes. Ils maintenaient, ne fussent qu'un instant, la continuité de soutien.

Pour la cavalerie, de cavalerie à cavalerie, l'impulsion morale, représentée par la vitesse de la masse et son bon ordre, avait une action des plus grandes, et nous voyons qu'infiniment rarement les deux cavalerie pouvaient résister à cette action réciproque de l'une sur l'autre. On le voit au Tessin, on le voit à Cannes, combats cités parce qu'ils sont la bien rare exception. Et encore n'y eût-il pas choc à toute vitesse, mais arrêt face à face et combat.

En effet, les ouragans de cavalerie qui se rencontrent c'est la poésie, jamais la réalité. Le choc à toute vitesse, hommes et chevaux s'y briseraient, et ni les uns ni les autres ne le veulent. Les mains des cavaliers sont là, leur instinct et l'instinct des chevaux, pour ralentir, arrêter si l'ennemi n'arrête lui-même et faire demi-tour s'il fonce toujours. Et si jamais on se rencontre, le choc est à ce point amorti par les mains des hommes, le cabré des chevaux, l'évité des têtes que c'est un arrêt face à face; on s'envoi quelques coups de sabre ou de lance, mais l'équilibre est trop instable; le point d'appui trop mobile pour l'escrime et le soutien mutuel; l'homme se sent trop isolé, la pression morale est trop forte, et, bien que peu meurtrier, le combat ne dure qu'une seconde, précisément parce qu'il ne saurait durer sans mêlée et que dans la mêlée, l'homme se sent, se voit seul et entouré. Aussi les premiers hommes qui ne se croient plus soutenus, qui ne peuvent plus supporter l'inquiétude, tournent bride et le reste suit; et l'ennemi alors poursuit à plaisir, à moins que lui aussi n'ait tourné bride; il poursuit jusqu'à rencontre de cavalerie nouvelle qui le fasse fuir à son tour.

De cavalerie à l'infanterie jamais il n'y avait choc. La cavalerie harcelait de ses traits, de ses coups de lance peut-être, en passant rapidement, mais jamais n'abordait.

A vrai dire, la lutte de près à cheval n'existait pas. Et en effet, si le cheval ajoutant si fort à la mobilité de l'homme lui donne le moyen de menacer et de courir sus avec vitesse, il lui permet de s'échapper avec une vitesse semblable quand la menace n'ébranle pas l'ennemi, et l'homme en use, selon son penchant de nature et le sain raisonnement, pour faire le plus de mal possible en risquant le moins possible. En résumé, avec cavaliers sans étriers ni selle, pour lesquels lancer le javelot était chose difficile (Xénophon), le combat n'était qu'un suite de harcèlement réciproques, de démonstration, menaces, escarmouches à coup de traits, où l'un et l'autre parti cherche son moment pour surprendre , intimider, profiter du désordre, et poursuivre soit cavalerie, soit infanterie; et alors Vae Victis; l'épée travaille.

L'homme, de tout temps a la plus grande peur d'être foulé par les chevaux, et bien certainement, cette peur à culbuté cent mille fois plus de gens que le choc réel , toujours plus ou moins évité par le cheval, n'en a renversés. Quand deux cavaleries antiques veulent combattrent réellement, y sont forcées, elles combattent à pied. Tessin, Cannes, exemple de Tite-Live. Je ne vois guère en toute l'antiquité de vrai combat à cheval que celui du chevalier Alexandre au passage du Granique. Et encore? Sa cavalerie qui traverse une rivière à berge escarpées défendues par l'ennemi, perd 85 hommes; la cavalerie perse 1000; et toutes deux étaient également bien armées!

Le combat moyen-âge renouvelle, moins la science, les combats antiques. Les chevaliers sabordent peut-être plus que la cavalerie antique, par la raison qu'ils sont invulnérables; il ne suffit pas de les renverser, il faut les égorger une fois à terre. Ils savaient, du reste, que leurs combats à cheval n'étaient pas sérieux comme résultats, et quand ils voulaient combattre pour de vrai, ils combattaient à pied. (Combat des Trente, Bayard, ect.)

Les vainqueurs de haut en bas vêtus de fer, ne perdent personne, les vilains ne comptent pas; et si le vaincu démonté est atteint, il n'est pas massacré, parce que la chevalerie est venue établir une confraternité d'armes entre les noblesses, les guerriers à cheval des diverses nations, et la rançon remplace la mort.

Si nous avons surtout parlé du combat d'infanterie, c'est que celui-ci était le plus sérieux et que, à pied, à cheval, sur le pont d'un navire, au moment du danger, on retrouve toujours le même homme, et, qui le connaît bien, de son action ici conclut à son action partout.


Fin du chapitre…

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