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 Sujet du message: Stilicho, Maître des deux milices de l'Empire d'Occident
Nouveau messagePublié: 04 Juil 2009, 18:22 
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Pour présenter en quelque ligne le personnage, Stilicon est un militaire d'origine barbare qui a bénéficié des faveurs de Théodose Ier, dernier empereur de l'empire romain unifié. A sa mort en 395, il devint le tuteur et gardien d'Honorius, le fils cadet de Théodose qui avait en charge la partie occidentale. Cependant, Stilicon affirma que l'Orient d'Arcadius (le fils aîné) dépendait également de sa "régence". Il ne put cependant se consacrer pleinement à ses prétentions. Les années 395-408 (mort de Stilicon) vont être celles d'un terrible duel. Face au barbare Stilicon, défenseur de Rome, va se trouver Alaric, chef wisigoth en lutte pour son peuple de migrants. Les batailles contre les barbares, les intrigues du Sénat et le rôle trouble de Serena, femme de Stilicon, font de la vie de ce Vandale un vrai roman ! La fin de l'histoire est bien moins connue que sa conséquence : la mise à mort de Stilicon en août 408 entraînera la mise à sac de Rome de 410...

Après cette brève introduction (digne d'un synopsis de film hollywoodien :D ) je commencerai en mettant à disposition -via le lien suivant- un article synthétisant la vie de Stilicon. Il fait quelques pages et l'auteur en est Sylvie Valente, de l'université d'Ottowa. S'il est intéressant, il ne donne guère de détails et j'ai contesté quelques points repris par l'auteur (ceci dit, elle ne défend aucune thèse et ne fais que reprendre ce qui a dit par d'autres). Je déconseille fortement la lecture de Wikipedia, lequel comporte d'importantes erreurs tant sur les origines que sur la religion de Stilicon. Pire, l'article de Wikipédia déforme et ment sur les sources !

Article de S. Valente : "Stilicho, le généralissime contesté" : http://www.er.uqam.ca/nobel/c1565/pdf/stilicho.pdf


Je livre ici le sommaire non paginé de mon mémoire, afin de vous donner un aperçu des problématiques que j'ai développé. Cependant, ce site étant surtout consacré à l'Histoire militaire, je détaillerai volontiers cet aspect s'il est sujet à des questions. En effet, en travaillant sur Stilicon on est en premier lieu confronté aux problématiques militaires de la fin du IVème siècle - début Vème.
Plutôt que d'écrire de longs paragraphes qui s'apparenteraient à un monologue, je préfèrerais que ce topic prenne la forme d'un discussion où s'échange les informations et les points de vue en fonction de la curiosité et de l'intérêt de chacun.

Citer:
Introduction

Partie I : Stilicon, origines et parcours

I.1/ La question des origines
I.1.1/ Les sources
I.1.2/ Le fils d’un barbare et d’une romaine…
I.1.3/ …ou un Vandale à part entière ?
I.1.4/ Stilicon, un barbare romanisé

I.2- Le cursus honorum d’un semibarbarus
I.2.1/ Une carrière militaire exemplaire
I.2.2/ Le mariage avec Serena : un acte politique ?

I.3- La légitimité de Stilicon et la question de la régence
I.3.1/ Les véritables responsabilités de Stilicon jusqu’en 394-395
I.3.2/ Le problème de la double régence (394-395) : qu’est qu’une commendatio ?

Conclusion

Partie II : Le régime et ses soutiens

II.1/Beau-frère et gendre de l’empereur : les bases du pouvoir du régent
II.1.1/ L'ombre d'Honorius
II.1.2/ Les enfants et la consolidation du pouvoir
II.1.3/ Serena : soutien et actrice du pouvoir
II.1.4/ L’illustration de l’assise familiale : le Diptyque de Monza

II.2/ Le Sénat et l’aristocratie : une collaboration en demi-teinte
II.2.1/ Clients et partisans : essai de typologie
II.2.2/ Le régent et l’aristocratie occidentale : des relations complexes
II.2.3/ Le régent et l’image de la « restauration sénatoriale »

II.3/ Un magister utriusque militiae entre officier romain et chef des barbares
II.3.1/ Les officiers militaires et leur fidélité
II.3.2/ Les barbares : des alliés nécessaires pour l’empire, un soutien pour Stilicon et un danger pour Rome
II.3.3/ L’armée romaine : un pilier du régime ?

Conclusion

Partie III : La régence : une politique ?


III.1/ Les réformes administratives et le renforcement de l’autorité centrale
III.1.1/ Politique fiscale : l’illustration des difficultés financières
III.1.2/ Les remaniements administratifs et la concentration des pouvoirs
III.1.3/ La Notitia Dignitatum et la surveillance des armées provinciales

III.2/ Une politique religieuse entre apaisement et persécution
III.2.1/ La religiosité du régent
III.2.2/ Une législation religieuse en demi-teinte
III.2.3/ Le virage pro-chrétien de 404

III.3/ L’échec politique du régent
III.3.1/ Stilicon : un homme politique ?
III.3.2/ Le "coup d’Etat" du 13 août 408 : l’illustration d’un nationalisme antigermanique ?
III.3.3/ La "chasse aux sorcières" de 408-409

Conclusion

Conclusion générale

_________________
"Stilicon, le général d'Honorius, un homme qui s'était élevé plus haut que quiconque au faîte de la puissance, et qui avait la jeunesse romaine et barbare sous ses ordres..."
Sozomène, Histoire ecclésiastique, VIII, 25, 2.


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 Sujet du message: Re: Stilicho, Maître des deux milices de l'Empire d'Occident
Nouveau messagePublié: 05 Juil 2009, 13:37 
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Inscrit le: 04 Sep 2008, 19:30
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Evidemment qu'il me vient des questions à la lecture de ce sommaire... Et tout d'abord que savons-nous de sa carrière militaire avant son accession au grade de Magister? (I.2.1)

Dans ton plan il n'apparait pas le questions stratégiques (à moins qu'elles soient évoqués dans le corps de ton texte...) Cependant j'ai plusieurs questions qui sortent du cadre proposé par ton sommaire mais qui doit intéressé ici plus d'un:

-Quelles étaient les forces effectives à dispositon de Stilicho contre Radagaise et Alaric?
-Avait-il bien la main sur les troupes d'Orient comme il a été écrit ailleurs?
-Stilicho en l'état de nos connaissances avait-il bien une stratégie "globale" contre la menace Barbare?
-Et là je devrais intéressé nos amis "Bretons", Stilicho a t'il bien dégarni le "Limes" Rhénan pour sécuriser l'italie et rappelé à lui les forces de Bretagne?
-Enfin, compte tenu de ses origines, quels étaient ses rapports (hiérarchiques - de confiance - partisanes...) entre les troupes dites étrangères et les troupes autochtones de l'Empire?
-La polémique autour du personnage de Stilicho déjà installée chez les contemporains a t'elle de réels fondements?

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 Sujet du message: Re: Stilicho, Maître des deux milices de l'Empire d'Occident
Nouveau messagePublié: 05 Juil 2009, 20:39 
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Oulah! Je vois que je dois dès le début faire face à de nombreuses interrogations. J'essaierai donc de m'y atteler, même si certaines demanderaient des topics entièrement dédiés. Effectivement les questions stratégiques et militaires n'apparaissent pas dans mon plan, même si elles sont présentes ci et là dans le corps du texte). Comme je l'ai dis, j'ai voulu traité Stilicon avant tout comme un Barbare romanisé qui doit gouverner un Occident en difficulté, j'ai donc attaché beaucoup d'importance à montrer que Stilicon n'a pas été qu'un militaire...

- Que savons-nous de sa carrière militaire avant son accession au grade de Magister?

Pratiquement rien. On sait juste par les inscriptions épigraphiques le célébrant et mentionnant ses titres que Stilicon a été protector domesticus. Ceci est tout à fait logique dans la mesure où son père semble avoir été un chef vandale au service de Rome. Je livre ici ma traduction de cette inscription (CIL VI 1730, ILS 1277) :
« A Flavius Stilicho clarissime. A Flavius Stilicho très illustre, maître de la cavalerie et de l’infanterie, comte domestique, tribun prétorien ayant franchi dès son plus jeune âge les étapes d’une très brillante carrière militaire, parvenu au sommet d’une gloire éternelle et entré par alliance dans la famille royale, mari de la petite fille du divin Théodose, comte du divin et auguste Théodose dans toutes les guerres et les victoires, choisi par lui pour faire partie de la famille royale et de même beau-père de sa majesté l’auguste Honorius, qui a libéré l’Afrique par ses conseils et ses prévisions. »

Il semble ensuite avoir été tribunus et notarius (plus précisemment tribunus praetorianus militaris, mais Stilicon est le seul tribunus a être affublé de praetorianus en dehors d'un obscur officier de Valentinien III. On ne connaît donc pas la signification exacte de cette charge). Dès lors Stilicon n'était pas uniquement militaire, mais un fonctionnaire aux responsabilités politiques. Mieux encore, elle accordait à Stilicon le statut de clarissime.

C'est à ce stade qu'il va se marier avec Serena au retour de l'ambassade en Perse (383-384) et qu'il va devenir comes sacri stabuli. Puis, peu après mais toujours sans réelle datation, il obtient la charge de comes domesticus. Sa charge suivante est le magisteriat, mais les historiens ne sont pas tous d'accord quant à la date où il l'obtient. J'ai formulé l'hypothèse (que je préciserai si besoin) que Stilicon accompagne Théodose en Italie en 389 en tant que comes domesticorum. Il dut se distinguer au cours de la campagne et participa aux opérations de nettoyage en Macédoine aux côtés du magister Promotus (allusions de certains vers de Claudien). A la mort de Promotus en 392, Stilicon dut obtenir sa dignité, à savoir magister militum per Thraciam.

-Quelles étaient les forces effectives à dispositon de Stilicho contre Radagaise et Alaric?

Très difficile à dire (ceci d'autant plus que c'est le genre de question que j'estime quelque peu irrésoluble au vu des sources actuelles). Il semblerait que les forces à disposition de Stilicon aient tourné autour de 30 000 hommes (F. Paschoud, Demougeot dit environ 20 000). Pour Radagaise, les sources évoquent facilement des centaines de milliers de barbares, à la mesure de la panique provoquée par l'invasion. Il semble que -femmes et enfants compris- la migration ostrogothique de Radagaise ait compris un peu plus de 100 000 personnes. Pour Alaric, il me semble d'autant plus difficile à résoudre qu'il faudrait savoir de quelle campagne l'on parle (395? 398? 401-402? 408-410 ?).
Il faut à mon sens garder à l'esprit plusieurs facteurs qui accroissent les difficultés d'évaluation :
-Stilicon a procédé, et cela est clair, à des déplacements de troupes et à de multiples recrutements plus ou moins réussis. -Stilicon a enrôlé nombre de barbares notamment des Alains, des Wisigoths qui ont abandonné Alaric (comme ceux de Sarus) ou encore des Huns en grand nombre. Pour ces derniers, il semble même que leur chef Uldin venait les commander en personne plus en tant qu'allié de Stilicon qu'en tant que subalterne enrôlé (la figure d'Uldin, très obscure, est passionnante et trop souvent oubliée des études sur les Huns).
- Chaque campagne de Stilicon s'est faite dans des modalités différentes. A chaque situation son nombre d'hommes a du beaucoup varier.


- Avait-il bien la main sur les troupes d'Orient comme il a été écrit ailleurs?

Entends-tu par là qu'il avait des prétentions légitimes quant à une régence orientale ou bien simplement qu'il commandait sans problèmes les troupes originaires de l'Orient? Si tel est le cas je dirais que le problème est de peu d'importance. Stilicon se retrouve avec l'intégralité de l'armée de l'empire après la Rivière Froide en 394. Or il renvoie la plupart des troupes orientales (dont une grande proportion de Goths) à Constantinople en 395 (qui le lui réclamait). Claudien dit que ces hommes adoraient Stilicon et ne voulaient pas l'abandonner, ce qui est bien peu probable. Cependant, ces troupes assassinent Rufin -le rival de Stilicon- aux portes de Constantinople à peine arrivée. Ainsi si Stilicon devait considérer avant tout comme un problème cette masse de soldats orientaux, les officiers qui les dirigeaient semble avoir obéi à ses ordres.

- Stilicho en l'état de nos connaissances avait-il bien une stratégie "globale" contre la menace Barbare?

Selon moi, pas du tout. Pour faire simple, les problèmes majeurs auxquels a été confronté Stilicon ne sont pas véritablement les Barbares (paradoxalement). Il a lutté plus ou moins violemment contre la cour d'Arcadius. Son grand adversaire a été Alaric, au service de Constantinople à partir de 397-398 puis au service de Stilicon vers 405. Il a dut écraser la révolte de Gildon, le comes Africae. Et si en Gaule a déferlé la grande invasion de 406, c'est avant tout l'usurpation de Constantin qui l'a préoccupé, surtout lorsque celui-ci s'est implanté en Gaule et en Espagne.
Au final, le seul vrai barbare qu'il a combattu est Radagaise. Des 3 groupes qui composaient l'invasion, Stilicon semble en avoir acheté 2 et avoir écraser le principal.
Stilicon a pris la grande majorité de ses mesures dans l'urgence de situations critiques. On peut néanmoins discerner des constantes :
-une forte résistance du sénat à ses recrutements qui l'obligent à réclamer de l'argent en lieu et place d'hommes. Avec cet argent, Stilicon recrute des Barbares.
- Dès qu'il le peut, Stilicon établit des traités avec les barbares frontaliers (notamment via une inspection rhénane dont on sait très peu de choses en 395). Je rappelle en guise d'exemples que la traversée du Rhin gelée de 406 n'a eu lieu qu'après que les Francs Ripuaires, qui avaient traité avec Arbogast puis Stilicon, aient vigoureusement résisté. Ils tuèrent même le chef Vandale Godégisel et auraient vaincu si les Alains n'étaient pas venus prêtés main forte aux envahisseurs...

Je conclurai cette partie en affirmant que pour Stilicon, le barbare n'est pas vraiment une menace. On peut se l'attacher (l'acheter ou l'intégrer) et s'en servir contre d'autres barbares. Sa garde était hunnique et les faits ont montré que ses fédérés lui ont été plus fidèles que les troupes véritablement "romaines".

-Et là je devrais intéressé nos amis "Bretons", Stilicho a t'il bien dégarni le "Limes" Rhénan pour sécuriser l'Italie et rappelé à lui les forces de Bretagne?

Oui, et plus généralement la Gaule et la Bretagne. En 402 notamment, l'Occident était dans une situation critique. Alaric assiégeait Honorius dans Milan tandis que Stilicon était en Rhétie. Le généralissime y remettait alors de l'ordre (repoussait-il des Vandales?). Stilicon prend en main les troupes locales (donc dégarnira la Rhétie) et recrute des fédérés. Il appelle des renforts de Bretagne et de Gaule (puisqu'il y a apparemment des Bretons je donne là ma source :D , Claudien, Get., 414-422). Toutefois, j'ai noté que l'essentiel des déplacements ont concerné des troupes gauloises. Pour les troupes rhénanes, la frontière semblait tellement sûre que des retraits sont effectués dès 398, notamment dans l'optique de lutte contre Gildon (Claudien, Gild., 370-374).
J'en profite pour dire que le généralissime n'avait pas le choix, et que ces retraits de troupes ont tous permis à Stilicon de préserver l'empire. Son tort a été de ne pas percevoir le formidable coup de boutoir qui allait s'abattre sur le Gaule à l'hiver 406. Son panégyriste, Claudien, n'hésite pas à dire en 399 que le Rhin est pacifié (ainsi que le Bretagne, en faisant allusion à des victoires contre les Pictes). Mieux encore, en 400 Claudien dit que "La Gaule[regarde] sans crainte [...] le Rhin désarmé" (Claudien, Stil, I, 20-21).

-Enfin, compte tenu de ses origines, quels étaient ses rapports (hiérarchiques - de confiance - partisanes...) entre les troupes dites étrangères et les troupes autochtones de l'Empire?

Je comprends mal ta question. Tu veux parler des rapports qu'avaient Stilicon avec les troupes romaines et les fédérés Barbares? S'il s'agit de cela, je consacre une bonne part de mon mémoire à cette question (II.3). Le sujet étant long et complexe, je préférerai que tu me confirme avant de m'y attaquer.


-La polémique autour du personnage de Stilicho déjà installée chez les contemporains a t'elle de réels fondements?

Là encore, je ne suis pas sur de bien comprendre ta question. Tu me reprendras si je n'ai pas compris.
Stilicon escomptait-il usurper? Stilicon a t-il trahi Rome en pactisant avec Alaric? Si les auteurs anciens s'opposent fortement sur ce point, les historiens du XIXème ont vu en Stilicon le reflet d'un empire décadent, avec la figure d'un barbare perfide qui parvient au sommet de l'Etat.
On ne saura jamais quelles étaient les ambitions exactes de Stilicon. Pour ma part, je le pense bien assez prudent pour ne pas convoiter la pourpre pour lui même (sa fin même montre sa fidélité). Cependant, il était visiblement plein d'ambitions, pour son Eucherius notamment. Ce dernier devait être marié à Galla Placidia. Le prénom même de l'enfant le rattacher d'ailleurs à la dynastie théodosienne (c'est le nom de l'oncle de Théodose, d'ailleurs toujours en vie). Sozomène -ou Philostorge je ne sais plus- a néanmoins accusé Stilicon de faite battre des monnaies à son effigie (l'usurpation par excellence!).
Les poèmes de Claudien montre que Stilicon ne prennait guère de gants et qu'il était davantage glorifié qu'Honorius dans les propres panégyriques de l'empereur ! Sa position et ses origines le mettaient dans une posture dangereuse au moindre d'échec, et cela s'est vérifié en 408.
Pour ce qui est des accusations de traîtrise, notamment via l'alliance des dernières années avec Alaric, je rappellerai simplement qu'Alaric était un magister militum et qu'il avait également servi Constantinople (et Théodose aussi d'ailleurs). C'est donc a posteriori, après la prise de Rome de 410, qu'a du se développer cette théorie du complot entre Barbares.

Mais l'on rejoint ici la question de l'antigermanisme réel ou supposé des Romains du IVème-Vème siècle, ce qui nous sort un peu de la question je suppose...



Ais-je bien répondu (et suffisamment) à tes questions? Pas de prob si on développe un peu plus ou pour d'autres questions...

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 Sujet du message: Re: Stilicho, Maître des deux milices de l'Empire d'Occident
Nouveau messagePublié: 06 Juil 2009, 22:47 
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Inscrit le: 04 Sep 2008, 19:30
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Stilicon a écrit:
-Enfin, compte tenu de ses origines, quels étaient ses rapports (hiérarchiques - de confiance - partisanes...) entre les troupes dites étrangères et les troupes autochtones de l'Empire?

Je comprends mal ta question. Tu veux parler des rapports qu'avaient Stilicon avec les troupes romaines et les fédérés Barbares? (...) Le sujet étant long et complexe, je préférerai que tu me confirme avant de m'y attaquer.

-La polémique autour du personnage de Stilicho déjà installée chez les contemporains a t'elle de réels fondements?

Là encore, je ne suis pas sur de bien comprendre ta question. Tu me reprendras si je n'ai pas compris.
Stilicon escomptait-il usurper? Stilicon a t-il trahi Rome en pactisant avec Alaric?

(...)

Ais-je bien répondu (et suffisamment) à tes questions? Pas de prob si on développe un peu plus ou pour d'autres questions...


Re-Salut!

Oui tu as très bien répondu aux questions que je me posais, celles-ci étant assez réccurentes sur ce personnages, tu clarifies déjà ce qui peux paraitre au premier abord assez embrouillé (sans doute beaucoup moins pour toi...) de par l'enchainement et la complexité des événements sur une chronologie somme toute assez courte.

-Je te confirme que tu peux peux dès maintenant t'atteler à la tache, car c'est bien des rapports entre Stilicho, les fédérés et les troupes romaines auquels je pensais... Si c'est une part importante de tes recherches, l'exposé n'en sera que meilleur. C'est en effet un aspect qui m'intéresse beaucoup.

-Encore une fois oui, c'est bien à cette polémique-ci que je pensais. Stilicho avait-il des prétentions à la pourpre? Tu réponds que non, du moins pas directement...

Enfin y a-t'il eu oui ou non rapprochement, pour ne pas dire compromission avec Alaric? Tout général romain nominatif qu'il était, ces intentions hostiles ou revendicatiosn armées n'avaient échappé à personne à l'époque. Dès lors, certaines situations, notamment en Orient alors que Stilicho avait vraissemblablement l'avantage apparaissent ambigües et se prêtent à la suspicion. Pourquoi un tel attentisme de la part de Stilicho, pour ne pas parler de complaisance envers Alaric?

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 Sujet du message: Re: Stilicho, Maître des deux milices de l'Empire d'Occident
Nouveau messagePublié: 07 Juil 2009, 10:13 
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Inscrit le: 24 Déc 2008, 10:36
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Damianus,
Je ne pense pas qu'il y ait eu compromission avec Alaric, pour sauver Honorius, il le battit deux fois en 401 et 403, et utilisa la méthode romaine typique pour que les Wisigoths ne soient plus un danger en offrant le commandement militaire de l'Illyrie à Alaric, ce que Constantinople faisait également.
Derrière le pillage de Rome en 410, on devrait plutôt voir une histoire de gros sous et un prétexte pour piller les richesses de la cité millénaire.
A-t-il eu des ambitions impériales ? je ne le crois pas non plus. C'est une rumeur qui courrait à la mort d'Arcadius, et on croyait qu'il voulait placer son fils, Eucherius, sur le trône d'Orient. Il faut dire que Stilicon à la mort d'Arcadius tenta de mettre sous son autorité l'Empire d'Orient, mais ce sont surtout des généraux et des conseillers d'Honorius, jaloux de son pestige et de ses succès, qui cherchèrent à le salir.
Merci !


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 Sujet du message: Re: Stilicho, Maître des deux milices de l'Empire d'Occident
Nouveau messagePublié: 07 Juil 2009, 16:19 
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Inscrit le: 16 Mar 2009, 15:05
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Une belle richesse sur ce topic!!!

Histoire d'être plus clair que dans mon premier message, j'aimerais savoir quels éléments nous sont parvenus des rapports entre Stilicon et les gens de son entourage, sa clientèle? D'une manière générale si possible, au delà de ses relations avec les aristocrates... Est-ce que l'on possède des témoignages de son attitude durant la bataille, de ses capacités martiales?
Tout autre chose, peut-on avoir une idée de sa culture personnelle, de son éducation?
Quelles sont les sources que tu as consulté dans ton travail?

En tout cas belle densité dans tes recherches...

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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 Sujet du message: Re: Stilicho, Maître des deux milices de l'Empire d'Occident
Nouveau messagePublié: 07 Juil 2009, 22:26 
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Inscrit le: 12 Juin 2009, 01:59
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Je vois que ce topic promet de longues et passionnantes discussions (déjà que je fouille à plein temps une villa viticole gallo-romaine, maintenant je passe mes soirées à discuter de Stilicon!). Tant mieux! Ce "dernier général romain" (pour reprendre l'expression de Gibbon, pourtant aujourd'hui employée pour Aetius) mérite bien un peu d'attention...

Je continue donc à tenter de répondre à vos questions. Toutefois, je ne mettrai les sources que si elles sont cruciales ou qu'on me les demande. De plus, j'essaierai d'être le plus synthétique et le plus clair possible...

Citer:
- Enfin y a-t'il eu oui ou non rapprochement, pour ne pas dire compromission avec Alaric? Tout général romain nominatif qu'il était, ces intentions hostiles ou revendications armées n'avaient échappé à personne à l'époque. Dès lors, certaines situations, notamment en Orient alors que Stilicho avait vraisemblablement l'avantage apparaissent ambigües et se prêtent à la suspicion. Pourquoi un tel attentisme de la part de Stilicho, pour ne pas parler de complaisance envers Alaric?


Evidemment qu'il y a eu rapprochement, voir compromission de Stilicon avec Alaric (après tout de même trois campagnes ayant opposé les deux hommes). Cependant, il ne s'agissait pas, comme ont pu le dire Burry, repris un peu rapidement par Le Bohec dans son livre de synthèse sur l'armée romaine- de "complot" ou "d'accord secret". La donne est simple : Alaric joue simplement tout au long de ses péripéties guerrières sur les tensions entre la cour de Milan, où l'autorité de Stilicon est bien implantée, et celle de Constantinople, où Rufin puis Eutrope suivis d'autres font tout pour préserver leur influence.
Cependant, l'historien se trouve face à de grands problèmes pour déterminer exactement des réalités des campagnes de Stilicon en Orient de 395 puis 397 face à Alaric. Zosime les mélange, tandis que Claudien les dépeind évidemment sous un angle particulièrement favorable au généralissime.
Quoiqu'il en soit, les deux conflits n'ont pas été fictifs et le fait que Stilicon ne soit pas parvenu -ou ait été empêché- d'achever Alaric ne doit pas faire fantasmer sur un accord éventuel. Lors des deux campagnes, Stilicon n'était pas le bienvenu par l'administration orientale et agissait de son propre chef. Celle de 397 s'est même conclue sur sa mise hors la loi par le sénat oriental! De plus, son retrait de la même année pourrait bien être due à l'arrivée de nouvelles inquiétantes d'Afrique, où Gildon préparait sa révolte (danger mortel pour Stilicon, car privant Rome de ravitaillement...).
Enfin, l'année 401-402 marque un conflit évidemment non factice et très dur. Il semble qu'après que Stilicon ait débloqué Milan et bousculé les Goths, il y ai eu une trêve qui a été brisée (peut être même par Stilicon...). On aboutit alors à la victoire de Vérone, qui renvoit Alaric dans en Illyrie. Stilicon envisageait désormais Alaric comme un outil utilisable car affaibli et "averti", tandis que le Wisigoth dut percevoir les opportunités qu'offrait un accord avec le général Vandale contre l'Orient. Il espérait sans aucun doute la promotion dont il rêva toute sa vie, et qu'il obtiendra en 410...

Citer:
-Je te confirme que tu peux peux dès maintenant t'atteler à la tache, car c'est bien des rapports entre Stilicho, les fédérés et les troupes romaines auquel je pensais... Si c'est une part importante de tes recherches, l'exposé n'en sera que meilleur. C'est en effet un aspect qui m'intéresse beaucoup.


J'essaierai de synthétiser au maximum, car j'ai développé des dizaines de pages sur cette question (à moins qu'il y ai moyen de mettre en ligne mon mémoire, ce qui serait pratique).

Tout d'abord les fédérés : J'irai droit au but en disant qu'ils étaient nécessaires à Stilicon, mais que le généralissime accrut encore leur utilisation. Mobilisables et démobilisables facilement, permettant de faire lutter des adversaires éventuels entre eux, possédant leur propre équipement et n'ayant aucun intérêt à contester son autorité, ils étaient sans doute plus fiables à ses yeux (et à mon sens il avait raison).
J'ai montré que les poèmes de Claudien sont positifs dans leur présentation du barbare, lequel pouvant être assimilé et vivre sous l'autorité (évidemment bénéfique) de Rome.
Dès 395-396, Stilicon passe des accords avec les Francs, les Sicambres, les Suèves et les Alamans. CLaudien évoquent également les Bastarnes, Bructernes, Cimbres et Chérusques. Vous devinez le problème : ces appellations sont littéraires et Claudien sembler peiner à reconnaître clairement les peuples, ces noms correspondant davantage au paysage du Barbaricum du IIème siècle qu'à celui de la fin du IVème !

Reste que si l'on croise Claudien avec Zosime, Prudence ou Orose, on constate une prédilection de Stilicon pour l'emploi d'Alains, de Huns et de Goths ralliés.
Stilicon utilise les Barbares de la même manière que Théodose : en première ligne, comme "chair à canon". Cela est notamment visible pour la bataille de Vérone en 402, où l'on devine dans les vers de Claudien que le général a envoyé les Alains bousculer Alaric, lesquels commencent à fléchir lorsque Stilicon intervient finalement avec le gros de l'armée, probablement l'infanterie lourde. Trois chefs barbares servant alors Rome sont à noter : l'Alain Saul, Les Goths Sarus et Gaïnas. Saul meurt pour Stilicon à Pollentia en 401. Sarus semble avoir été un chef ayant contesté l'autorité d'Alaric après sa défaite de 402 et ayant rallié Stilicon. Il sera envoyé en Gaule en 406-407 pour la reprendre à Constantin III. Malgré des succès initiaux, il échouera et reviendra en Italie. Il accompagne Stilicon lorsque celui-ci marche pour écraser la mutinerie de Ticinum. Cependant, devant les hésitations de Stilicon qui apprend qu'Honorius est en vie et semble suivre la mutinerie, il massacre les Huns de Stilicon! Il errera pendant plusieurs années, rejetté par Honorius qui ne veut pas employer un ancien officier de Stilicon, et ennemi juré d'Alaric qu'il harcelera à plusieurs reprises ! Gaïnas, lui, est envoyé à Constantinople dès 395 pour assassiner Rufin. Il va assoir là bas son influence avant de devoir s'enfuir de la cité en 400 et être tué par le Hun Uldin.
Uldin est lui un cas à part. Roi hun, il a tué Gaïnas pour plaire à Constantinople. On le retrouve néanmoins en Italie en 405 pour combattre aux côtés de Stilicon et en 408 il est en train de piller la Thrace, avant de battre en retraite!

Avec ces exemples, on perçoit assez facilement les relations étroites qu'entretenaient Stilicon avec des chefs barbares qui le secondaient. Ceux-ci espéraient de l'or lorsqu'ils étaient là temporairement (Uldin) ou espéraient des promotions, voir à terme la charge de généralissime, comme Sarus ou Gaïnas.
A partir de là, on commence à discerne le clientélisme barbare sur lequel s'appuyait Stilicon. Cependant, c'est l'évocation de la condition de sa mort par Zosime et quelques lignes de Sozomène (voir ma signature) qui appuient le plus cette idée.
En 408, TOUS les chefs barbares sont aux côtés de Stilicon. TOUS le suivent tandis que l'armée se révolte à Ticinum. Après les tergiversations de Stilicon et la "trahison" de Sarus (peu claire dans le texte de Zosime), Stilicon se retire à Ravenne "avec une foule nullement médiocre de familiers et des Barbares". Alors qu'il va être exécuté, Zosime réinsiste sur le fait que ses clients et barbares (la juxtaposition des deux termes souligne leur proximité) sont prêt à se battre pour empêcher la mise à mort de celui qui est sans aucun doute leur patron. Après sa mort, ils seront nombreux à rejoindre Alaric. J'ajoute enfin que Stilicon constituait un modèle et une illustration vivante de ce que j'appellerai le "roman dream". Alaric rêvait sans aucune doute d'être un nouveau Stilicon...

D'où ma conclusion (après cette présentation succincte) : " Avec la mort du généralissime et les événements immédiatement postérieurs, on mesure combien était précaire l’équilibre que ce dernier maintenait. Gouvernant à la place d’un empereur qui était davantage un symbole qu’une autorité, il sut utiliser son statut et ses origines pour s’entourer de nombreux barbares qui lui restèrent fidèles. Des clients ou des jeunes pages de différents peuples durent graviter autour du Vandale qui exerça sur eux son mund . Comme l’a dit assez justement J. B. Bury, « The Germans looked up to Stilicho as the most important German in the Empire, their natural protector and friend » . Ceci explique sans doute la mise sur un pied d’égalité des clients du régent avec les barbares par Zosime. Mêlant ainsi clientélisme romain, traditions barbares proches du tribalisme et son autorité de généralissime, Stilicon disposait d’un pouvoir atypique et assurément formidable . Ce faisant, il avait renforcé sa position tout en permettant à l’empire romain de repousser les assauts extérieurs. Cependant, la réussite de ce système mêlant intérêt personnel et nécessité politique résidait dans son maintien en tant que magister militum. En éliminant un Vandale visiblement trop proche de ses « congénères », Olympius ébranla le lien essentiel qui maintenait la fidélité de ceux-ci envers Rome. Les désastres successifs menant à la prise de l’Urbs en 410 allaient tristement le montrer."

Pour l'armée romaine à proprement parler, je tenterai d'être le plus bref possible.
J'ai analysé ce problème en séparant nettement les officiers de la troupe (que j'ai estimé être très largement constituée de gallo-romains).
J'ai montré que Stilicon a sur laisser une place mesurée à des subalternes. Ainsi on trouve à deux reprises des maîtres de cavalerie, charge pourtant revêtue par le généralissime (maître des deux milices). On retrouve également des officiers tels que Chariobaude, auparavant duc de Mésopotamie et désormais Magister Equitum per Gallias. A mon sens, celui-ci faisait partie de la clientèle du régent (il était en poste en Orient en 383, comme par hasard l'année où Stilicon est partie en ambassade en Perse). Il est d'ailleurs une victime directe de la mutinerie de Ticinum de 408. Stilicon place Bathanaris, son beau-frère, comme comes Africae après l'exécution de Gildon.
Cependant, aucun de ses officiers ne devaient faire de l'ombre au généralissime dont l'autorité reposait sur la victoire. Mascezel, envoyé en avant-garde (à mon sens) remporte une victoire trop spectactulaire sur Gildon pour plaire au régent. Mascezel "chute" malheureusement d'un pont non loin de Rome quelques semaines après son retour...
Reste que la mutinerie a été accompagnée d'officiers, lesquels devaient avoir leur propre raison de détester Stilicon (ses origines? La place qu'il leur laissait? La solde? L'ambition?...).
Enfin, je discerne en Constantius puis Aetius certains de ces jeunes officiers entourant le régent (évoqués furtivement par un vers de Claudien). Cette sorte de "jeune garde" suivra d'ailleurs exactement les mêmes preceptes diplomatiques que le régent (surtout Aetius vis-à-vis des Barbares). Je note de plus que le père d'Aetius, Gaudentius, est un officier sous Stilicon, peut-être victime de l'usurpation de Constantin III. MIeux encore, c'est sous Stilicon qu'Aetius est envoyé comme otage chez les Goths (et plus tard les Huns). Pour Constance, celui-ci met inexplicablement à mort Olympius (l'homme qui a renversé Stilicon) près d'une décennie après et alors qu'Olympius n'avait plus aucun rôle et vivait en retraite. Ceci sens (à mon sens) à plein nez la vengeance ou un conflit de factions. Constance préparait d'ailleurs une expédition en Orient lorsqu'il mourut...
Ainsi, je pense que le rapport de Stilicon aux officiers était dans l'ensemble bon. Sa faiblesse venait principalement du fait qu'il avait un statut fragile qui nécessitait des succès constants et répétés qui justifiaient son autorité.

Quand à l'armée à proprement parler, je dirai pour faire court que ses salaires durent être très médiocre (je soupçonne même Stilicon d'avoir procédé à des distribution en nature et non pas en argent, comme c'est la coutume). Outre la préférence de Stilicon pour l'utilisation de barbares (même si les troupes gallo-romaines constituent toujours l'infanterie lourde d'élite), les troupes de Ticinum se trouvaient dans une situation à leur sens insupportable.
Je m'explique :
- On avait retiré de larges contingent des provinces pour combattre en Orient, en Italie et même en Afrique (pour quelques unes). En 406, on avait envoyé les Goths de Sarus combattre Constantin III en Gaule (et non les envahisseurs barbares contre lequel Constantin III combattait plus ou moins victorieusement). En 408, les mauvaises nouvelles s'accumulent, Alaric réclame un tribut qu'il obtient via le "forcing" de Stilicon et la paye est ridicule. Troubles. Stilicon intervient et menace même de la décimation les mutins. Le calme revient. Stilicon se préparer à partir en Orient avec ses fédérés barbares, tandis qu'Alaric devait partir avec les troupes romaines (et ses Goths) reprendre les Gaule à Constantin III, lequel combattait tout de même pour défendre les familles des soldats de Ticinum (depuis Septime Sévère, les légionnaires peuvent se marier je le rappelle). Grave erreur à mon sens! On avait là réunis tous les éléments d'une mutinerie. De plus, le Sénat venait d'être plus ou moins piétiné par Stilicon qui est venu en personne plaider devant lui et, à mon sens, le mettre en pas (j'ai relevé des indices qui montrent la pression qu'exerçait le généralissime sur les sénateurs et la peur qu'il leur inspirait).

Bref, Stilicon a malheureusement cru avoir bien repris en main et le sénat et l'armée (et même Honorius, mais je ne m'étends pas sur son cas). Reste qu'il aurait pu tenter d'écraser la mutinerie, mais que son hésitation -ou sa fidélité- l'ont empêché de le faire...


Voilà en gros les idées que j'ai développé à ce propos.
Citer:
-Histoire d'être plus clair que dans mon premier message, j'aimerais savoir quels éléments nous sont parvenus des rapports entre Stilicon et les gens de son entourage, sa clientèle? D'une manière générale si possible, au delà de ses relations avec les aristocrates... Est-ce que l'on possède des témoignages de son attitude durant la bataille, de ses capacités martiales?
Tout autre chose, peut-on avoir une idée de sa culture personnelle, de son éducation?
Quelles sont les sources que tu as consulté dans ton travail?


Tu me demandes en somme l'essentiel de mon mémoire ! :D
Je pense qu'à ce niveau là autant te l'envoyer quand je le pourrai, où parvenir à le mettre à disposition.
Je répondrai néanmoins de manière générale à ces questions :
- Stilicon bénéficie des réseaux de clientèle orientaux qui ont suivis Théodose en Occident en 394. Nombre d'entre eux sont restés. En 395, Stilicon est devenu le dirigeant réel de l'Occident, alors qu'il s'y trouve depuis quelques mois à peine et qu'il n'y possède aucune clientèle, aucun réseau. Il s'appuie donc sur des Orientaux, lesquels lui sont a priori fidèles et qu'il a eu l'occasion de connaître tout au long des années précédentes
- Il s'appuie également sur l'ancienne coterie gauloise, mais surtout hispanique, propre à Théodose qui le suit car il représente, d'une certaine manière, la légitimité. Stilicon est marié à Serena, nièce et fille adoptive de Théodose, elle aussi espagnole (Serena est un personnage hors-norme et au moins aussi important que Galla Placidia à mes yeux).
- A ceci s'aditionnent les clientèles traditionnelles. Celle dont il peut bénéficier dans l'armée, celle de barbares bien sûr.

Le rapport de Stilicon avec l'aristocratie occidentale est cruciale. Le sénat est devenu, avec l'éloignement des empereurs de Rome et l'accroissement de l'emprise foncière des sénateurs occidentaux- un vrai "lobby" à contenter ou tenir en laisse.
Honorius est jeune, faible et velléitaire. Stilicon, pour gouverner efficacement, doit donc trouver un terrain d'entente avec le sénat de Rome, beaucoup plus riche et traditionnaliste que celui de Constantinople. Pour ce faire, il va se montrer tolérant envers le paganisme, encore fortement ancré au sénat.
Cependant, les relations seront toujours tendues et la méfiance réciproque. Contrairement à d'autres historiens, je pense que les relations n'étaient pas bonnes et que Stilicon a a plusieurs reprises voulu forcer la main du sénat, ou lui refiler la "patate chaude" (je n'ai pas tellement le temps de développer, peut-être le ferai-je plus tard si ce point intéresse particulièrement).
De plus, Stilicon semble s'être appuyé sur une foule de jeune aristocrates ambitieux (notamment trois frères gaulois). Ceux-ci sont redevables de leur élévation au généralissime et sont censés lui être fidèles (évidemment par intérêt). La vieille aristocratie est en fait utilisée politique à titre symbolique, et consultée lorsque le trésor impérial à besoin de fonds (autant dire très souvent).


Pour l'éducation de Stilicon, j'ai traité ce point mais nous avons très peu de pistes. A mon sens, il bénéficia surtout de l'éducation et de la culture de sa femme Serena, laquelle dut lui conseiller notamment d'employer Claudien (ce qui nous permet encore aujourd(hui de parler de Stilicon)!
Il devait parler grec, car né en Thrace et ayant passé l'essentiel de son existence en Orient. Cependant, ses charges et son poste au sein de l'armée ont évidemment du l'amener à parler latin. Il semble qu'il connaissait des rudiments de droit, puisque Claudien n'hésite pas à dire que personne ne s'y connaît mieux que lui en la matière. Si ceci relève évidemment de la louange, je ne pense par que le panégyriste prenne le risque de couvrir de ridicule le régent en évoquant des qualités complètement imaginaire, et ceci devant un public averti (les sénateurs notamment). On sait que Stilicon était très bien entouré par un personne qualifié (Claudien n'était pas que poète mais également tribunus et notarius, est notable aussi la présence de Justinien, un célèbre assessor de l'époque).
Enfin, la graphie de son nom est étonemment variable et montre que différentes prononciations et écritures coexistaient en son temps. Stilicon et Stilicho sont les principales (Stilicho semble avoir été la préféré du généralissime car la plus employée dans les textes "officiels". Elle faisait plus grec, et donc plus "chic" et intégré). Cependant on trouve "Steleco" sur le tombeau de sa fille Marie. J'ai trouvé une unique autre inscription en Gaule et datant du Vème siècle d'un autre "Steleco". Ce nom semble être très proche du Stelika ou Stilika qui dut être le nom barbare d'origine...




- Mes sources : longues et diverses !
J'ai traité et produit la traduction de l'intégralité de l'épigraphie le concernant (y compris une stèle milanaise du IXème siècle complètement inédite).
L'étude repose sur une triologie de base : Claudien, Zosime (qui compile Eunape puis Olympiodore) et la correspondance de Symmaque.
Prudence, Orose, Jean d'Antioche, Sozomène, Philostorge, Grégoire de Tours, Paulin de Milan, Gerontius...
La patristique : saint Jérôme, saint Augustin, saint Ambroise de Milan...
Le fameux diptyque de Monza (dit de Stilicon) que j'ai bien évidemment analysé.

et évidemment, une longue bibliographie de livres et articles...

- Les qualités martiales et Stilicon au combat : sujet passionnant ! En effet des historiens notables et récents relativisent bcp ses talents guerriers. Une sommité, A. Cameron, a même affirmé qu'il ne combattait pas en personne, qu'il ne parvenait pas à se faire obéir et qu'il a en fait été incapable de lutter contre Alaric! Je ne suis pas d'accord... Malheureusement j'ai très mal aux doigts et j'arrête là pour le moment afin de m'y consacrer pleinement dans un prochain post. Si vous avez des questions plus précises sur ses campagnes ou Stilicon en tant que général, j'y répondrai en même temps.


J'espère que je parviens toujours à répondre correctement, assez longuement et de manière compréhensible. N'hésitez surtout pas à me reprendre, à me demander des précisions ou poser d'autres questions!
Promis Pedro, je parlerai de Stilicon "homme de guerre" (stratégie et comportement au combat). Je ne referrais peut être pas le récit intégral de ses campagnes. Vous pouvez l'avoir dans l'artcle de Valente que j'ai mis à disposition dans le premier post ;)

_________________
"Stilicon, le général d'Honorius, un homme qui s'était élevé plus haut que quiconque au faîte de la puissance, et qui avait la jeunesse romaine et barbare sous ses ordres..."
Sozomène, Histoire ecclésiastique, VIII, 25, 2.


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 Sujet du message: Re: Stilicho, Maître des deux milices de l'Empire d'Occident
Nouveau messagePublié: 08 Juil 2009, 15:52 
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Inscrit le: 16 Mar 2009, 15:05
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C'est vrai qu'il y a tellement à dire... Je ne me suis pas autant documenté pour le Ve siècle que pour le IVe. Dans mon mémoire plutôt axé sur les années 350-378, je me suis intéressé au comportement martiaux des empereurs et hauts dignitaires de l'Etat au combat et je me posais pas mal de question concernant Stilicon. Je ne connais que ses victoires sur Alaric dans le contexte troublé que l'on connait et il me semble exclu de voir en lui un simple homme politique étranger aux activités militaires...
Mais une chose me chiffonne... En ce début de Ve siècle, il semble que le noeud du pouvoir se soit déplacé de l'armée aux réseaux de clientèlisme... Durant l'époque que j'ai étudié, se sont encore les troupes qui déterminent le pouvoir des souverains mais la place grandissante de l'intrigue et le nouveau rôle du Sénat me semblent être des points important qui peut-être montre un glissement dans la légitimité des chefs?
En tout état de cause, le régne charnière de Théodose doit être fondamental pour comprendre les transformations qui s'opèrent alors.
En tout cas, pour moi, l'entrée des Goths sur le sol romains en 376 est un évènement fondamental pour comprendre la nouvelle géopolitique du Ve siècle...

Au plaisir de lire ton mémoire!!! :mrgreen:

_________________
Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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 Sujet du message: Re: Stilicho, Maître des deux milices de l'Empire d'Occident
Nouveau messagePublié: 12 Juil 2009, 14:52 
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Cela parait évident que Stilicho devait être non seulement un tacticien et un stratège habile mais aussi un soldat compétent et aguerri. Il est même étonnant qu'on puisse en douter. Tous les officiers de haut niveau devaient maitriser l'enseignement et les aspects pratiques de l'art du combat. A l'échelon supérieur, les empereurs du IVe et même certains du Ve n'y coupèrent pas, alors que leur présence sur le terrain était bien moins effective que pour leurs généraux. Nous avons des exemples chez Ammien Marcellin où l'empereur Julien, encore César en Gaule, subit un entrainement accéléré, qui de son propre aveux le fait souffrir. Un mal neccessaire, qui au final lui profitera bien. Nous connaissons par le portrait de Constance II, porphyrogénète par excellence, les armes auxquelles il excella. Inutile de s'attarder sur Valentinien Ier (qui s'amusait à inventer des armes nouvelles...) Le "doux" Gratien, son fils, marchait à la tête de sa ligne de bataille contre les Alamans. Enfin Théodose Ier, ancien général ne devait rien ignorer des réalités du combat d'homme à homme. Si on en croit Claudien, les fils de Théodose auraient suivit leur père à la guerre, bénéficiant ainsi de l'apprentissage de la rude vie des camp. Propagande peut-être pour des empereurs bien peu martiaux, mais penser que les générallismes ne puissent être que des soldats en dentelles, ne me semble pas être une hypothèse très sérieuse.

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 Sujet du message: Re: Stilicho, Maître des deux milices de l'Empire d'Occident
Nouveau messagePublié: 14 Juil 2009, 12:28 
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Inscrit le: 12 Juin 2009, 01:59
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Je suis tout à fait d'accord avec toi Damianus. Seulement il me semble nécessaire de marquer une différence entre 3 types de commandement :
-par délégation : exemple Stilicon commande les troupes de l'empereur Honorius, lequel n'a jamais vu un champ de bataille.
-en personne : L'empereur est présent avec ses troupes. Il reste en seconde ligne pour être vu de ses hommes sans pour autant prendre trop de risques. I lset de corps de réserves. C'est le plus courant. (Notons toutefois qu'avec Honorius s'ouvre une période d'environ deux siècles où jamais un empereur ne sera présent sur le champ de bataille. Il faudra attendre l'empereur Heraclius dans la première moitié du VIIème siècle pour retrouver un empereur combattant).
- l'empereur présent sur le champ de bataille et combattant. Assez rare mais apprécié (malgré les critiques justifiées d'auteurs qui y voient une prise de risque inconsidérée). Je pense notamment à Julien.

Pour le cas de Stilicon, l'historiographie récente a cru bon de souligner sa soit disante médiocrité en matière militaire. A. Cameron a même pu dire qu'il lui semblait que Stilicon ne savait pas se faire obéir et qu'il ne semblait pas avoir pris part aux batailles. Ces considérations sont pour moi plus proches de la volonté -trop souvent affichée- de vouloir à tout pris remettre en cause certains faits établis. Certes, le principal -si ce n'est unique- témoignage de Stilicon au combat nous ait donné par Claudien, son panégyriste. Mais d'autres auteurs comme Zosime signifient clairement que Stilicon accompagnait ses troupes au plus près, comme c'est d'ailleurs le cas en 408 alors qu'il marche avec les fédérés dans le but d'écraser la mutinerie de Ticinum.

Les premiers faits d'armes assurés de Stilicon semblent avoir eu lieu dans la décennie 390 en luttant contre la percée barbare dans les Balkans. Claudien nous évoque des victoires contre les Bastarnes ou des Alains. A. Cameron a toutefois raison en affirmant qu'il faut prendre des précautions sur ces prétendues combats victorieux. En effet, Claudien nous dit que Stilicon, qui lutte dans le but de venger le Maître de Milice Promotus, tué dans une embuscade, avait bousculé les barbares et les avait encerclé. Malheureusement, des conseilleurs malveillants (en l'occurrence Rufin, l'instigateur de l'embuscade qui a tué la vie à Promotus selon Claudien) conseillent ) Théodose de traiter avec les barbares au lieu d'autoriser Stilicon à les achever. Or, c'est exactement la même "excuse" que donne Claudien à Stilicon en 395 et 397, lorsque Stilicon avait apparemment réduit Alaric et ses hommes à sa merci et les avait encerclé.
En 395, Stilicon, après avoir passé les Alpes et réduit des troupes en Illyrie, avait marché contre Alaric et l'aurait encerclé. Arcadius (Rufin) aurait alors ordonné à Stilicon de quitter la partie orientale où il n'était pas convié et de leur faire parvenir les troupes d'Orient. Stilicon aurait obtempété (en renvoyant Gaïnas à la tête des troupes orientales, lequel tuera Rufin dès son arrivée à Constantinople)
En 397, Stilicon embarque avec un corps expéditionnaire pour la Grèce ravagée par Alaric. Il y a combat et encerclement d'Alaric au Mt Pholoé. Ici nous avons différentes versions. Zosime nous dit que les troupes de Stilicon se livrent à la débauche et qu'Alaric parvient à s'enfuit et à passer l'isthme de Corinthe. Claudien est lui encore plus flou, mais insiste sur le fait qu'Eutrope fait tout pour convaincre Arcadius d'ordonner le départ de Stilicon. Ce que l'on sait de sûr, c'est que Stilicon rembarque (peut être à cause du début de la révolte de Gildon, le comte d'Afrique qui s'est déclaré sous obédience orientale) et que Stilicon fut déclaré hostis publicus alors même qu'Alaric sera finalement nommé magister militum per illyricum par Arcadius.

A. Cameron a donc raison de souligner que -comme par hasard- Stilicon est toujours représenté comme prêt à donner le coup de grâce, mais qu'il est à chaque fois empêché par un rival malveillant.
J'aurai adhéré à cette remarque s'il n'y avait un autre élément à prendre en considération, et que tait Cameron.
En 405 débute l'invasion de Radagaise et ses Ostrogoths. Il semble qu'il y ait eu 3 groupes d'invasions de l'Italie. Cependant, on ne suit que l'une d'entre elles (on a supposé ou que Stilicon avait réduit ou acheté les deux autres, ou qu'elles étaient passé en Gaule ou ailleurs, ce que me semble moins sûr). Quoiqu'il en soit, on sait (épigraphie à l'appui) que Stilicon parvint -avec les moyens limités que l'on sait- parvint à bloquer l'armée de Radagaise près de Florence et à l'affamer par un blocus sur un colline. Les Ostrogoths commencent à se désorganiser, à se débander et Stilicon n'a qu'a cueillir Radagaise pour le mettre à mort dans un triomphe à Rome. Il recrute même 12 000 optimates barbares de Radagaise (chiffre à prendre avec méfiance, mais qui traduit bien l'urgence qu'avait Stilicon à recruter où il le pouvait).

J'en déduis que Stilicon avait bel et bien comme tactique d'encercler son aderversaire dans un blocus destiné à l'étouffer. J'ajouterai que cette tactique est le fruit de la nécessité, au vu des moyens que l'on devine limités, dont il dispose.
Aussi les mentions de ses campagnes passées doivent être considérés avec une grande attention et, s'il est impossible de déterminer dans quelle mesure Claudien excuse les échecs de son maître à réduire Alaric, on ne peut cependant en déduire qu'il ne s'agit que de mensonges. A titre personnel, et sans rentrer davantage dans les détails, je pense qu'en 395 Stilicon a bel et bien obtempé à un ordre oriental. La priorité était alors d'organiser la succession de Théodose et d'assurer à l'Orient les moyens de sa défense, et non pas de combattre un Alaric à ce moment peu menaçant. En 397, Stilicon a sans doute échoué à réduire Alaric, mais il est très probable que de mauvaises nouvelles lui soit parvenus d'Afrique et que, se sachant mal perçu en Orient, il n'est pas cherché à le poursuivre. Je rappelle que le moindre échec militaire de Stilicon lui aurait été fatal (non seulement au vu de ses effectifs, mais au vu de sa position).


Cependant, Stilicon a put faire preuve d'audace, au moins à deux reprises.

- Par sa stratégie. En 398, alors qu'il revient à peine d'Orient, Stilicon doit mater la révolte de Gildon. Gildon dispose de forces importantes (entre 15000 et 20 000 hommes environ). Stlicon donne un commandement au frère de Gildon, lui confie 5 légions gaulois d'élites et le fait embarquer en Novembre ! La flotte, en prise à la tempête, fait escale en Sardaigne avant de débarquer en Afrique. Finalement, Mascezel remportera une victoire trop rapide pour plaire à Stilicon. En effet, Stilicon continuait à recruter à rassembler des troupes dans le même temps, en Italie.
Quoiqu'il en soit, le choix d'envoyer très rapidement des troupes alors que le mer est fermée (normalement de novembre à mars) traduit une volonté d'effet de surprise qui a réussi. Gildon -et Constantinople- sont pris de court...

- Par sa tactique. En 401-402 Alaric a passé les Alpes (il semble avoir remporté une victoire contre les Romains au Timave, peut être contre le maître de cavalerie Jacob, mais dont on ne sait rien). Il assière Honorius et la court à Milan. Honorius souhaitait se replier en Gaule mais Stilicon insiste pour que la court reste tandis qu'il part pour rassembler des renforts. En Rhétie il rassemble des troupes, appelle des troupes de Gaule et de Bretagne. Il revient finalement et attaque nuitamment. A partir de là seul Claudien nous décrit les évènements, il faut donc être prudent.
Apparemment, Alaric et ses troupes campaient au delà d'un pont qui passait sur l'Adda (Lombardie). Stilicon n'attend pas le gros des troupes et choisit d'attaquer avec sa cavalerie sur le pont, et de nuit. Claudien nous dit qu'il participe en personne à la charge. Je suis tenté de le croire via le cursus de Stilicon, en effet le Vandale a bénéficié d'une assez longue carrière militaire et Claudien insiste fréquemment sur ses talents martiaux, notamment à l'arc et à l'équitation.
Les Goths sont bousculés par cette charge nocturne. Finalement, Stilicon bouscule peu après les Goths à Pollentia. Il est accueilli à Milan comme un héros (petit détail que j'apprécie malgré son inutilité, Claudien évoque le fait qu'on le reconnaisse grâce à l'aigrette de son casque et ses "cheveux blancs prématurés" ;) ).
Les semaines qui suivent sont troubles. Il semble qu'Alaric ait espéré passer en Gaule et que les manoueuvres de Stilicon l'en ait empêché. Une trêve est finalement signée. Alaric se retire. Cependant les combats reprennent près de Vérone (Alaric tente-t-il une dernière manœuvre? Personnellement je suis pour le coup plutôt tenté d'imaginer que Stilicon ait voulu en finir avec le Goth et lui ait tombé dessus). Alaric est assez sévèrement battu à la bataille de Vérone. Il perd son butin oriental et ses femmes. Cependant; il parvient à s'enfuir.
A. Cameron utilise l'évocation que fait Claudien d'un Alain trop pressé qui aurait permit malgré lui à Alaric de fuir pour dire que Stilicon ne tenait pas ses troupes. Ceci me semble très exagéré. Comme le faisait Théodose, Stilicon a en fait envoyer la cavalerie barbare dont il dispose. Il n'envoie ses propres troupes gallo-romaines qu'au moment critique.


Voici (en bref) ce que je pense pouvoir dire de Stilicon au combat. J'ai choisi de ne pas m'étendre trop longuement sur les exemples évoqués et n'ai pas citer mes sources. Il va de soi que s'il y a des passionnés je suis prêt à leur communiquer par MP ;)

Pedro, je n'ai pas bien compris. Tu souhaitais que nous parlions de la légitimité impériale? En tout cas je suis encore tout disposé à vous embêter encore avec Stilicon :)

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"Stilicon, le général d'Honorius, un homme qui s'était élevé plus haut que quiconque au faîte de la puissance, et qui avait la jeunesse romaine et barbare sous ses ordres..."
Sozomène, Histoire ecclésiastique, VIII, 25, 2.


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 Sujet du message: Re: Stilicho, Maître des deux milices de l'Empire d'Occident
Nouveau messagePublié: 15 Juil 2009, 18:41 
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Un peu plus concrètement, j'ai l'impression que la base du pouvoir impérial se déplace de l'armée vers les intrigues de cours. Comme si ce n'était plus la troupe qui décide mais bien d'autres forces.

En tout cas je trouve très intéressant le comportement de Stilicon, et surtout ses relations avec ses rivaux. Ces oppositions entrent dans le cadre d'une lutte à mort pour le pouvoir entre dignitaires et empereurs, ce qui fragilise fortement la direction des troupes, puisque les personnages capables sont perpétuellement empêchés par les rivalités de mener une véritable politique efficace. Je peux ici rapprocher le sort de Stilicon avec celui par exemple d'Urcisin qui, soupçonné de vouloir briguer la pourpre est destitué de sa fonction laissant un incapable diriger la guerre contre les Perses. Il en va de même avec Julien, qui est placé en temps que César à la tête de la Gaule mais sous une surveillance très étroite. Le fait que Stilicon finisse assassiné et qu'auparavant ses opérations soient contrariées montrent qu'il existe une continuité entre des problèmes du IVe siècle et ceux du Ve. Si tu le souhaite je peux t'envoyer mon mémoire dans lequel une partie concernant les hauts dignitaires décrit ces situations.

Le fait que Stilicon se montre à la tête de ses troupes et combat également à leur coté me rappelle beaucoup le comportement de Julien qui passe son temps à montrer à ses hommes qu'ils peuvent avoir confiance en lui car il vit et agit comme eux tout en étant LE général.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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 Sujet du message: Re: Stilicho, Maître des deux milices de l'Empire d'Occident
Nouveau messagePublié: 16 Juil 2009, 11:48 
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Inscrit le: 12 Juin 2009, 01:59
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Je serais enchanté de lire ton mémoire. Je l'attends à vincentgoncalves@hotmail.fr (en format pdf, je pense qu'il devrait passer sans prob).
Je tiens le mien à disposition, mais il nécessite encore quelques remaniements et corrections finales avant d'être envoyé.

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"Stilicon, le général d'Honorius, un homme qui s'était élevé plus haut que quiconque au faîte de la puissance, et qui avait la jeunesse romaine et barbare sous ses ordres..."
Sozomène, Histoire ecclésiastique, VIII, 25, 2.


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 Sujet du message: Re: Stilicho, Maître des deux milices de l'Empire d'Occident
Nouveau messagePublié: 18 Juil 2009, 16:41 
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Inscrit le: 04 Sep 2008, 19:30
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Pour revenir un instant sur les qualités martiales des haut-officiers, nous pouvons encore citer ces empereurs Marcien ou Léon à la carrière militaire affirmée avant d'accéder à la pourpre en Orient avec l'appui de puissant généraux ou de la famille impériale. Issus de milieux modestes, ceux-ci devaient avoir fait leurs preuves comme soldats... On pourrait en fait multiplier à tout va les exemples pour appuyer l'idée que les grands généraux n'étaient pas retirés des réalités de la guerre. Pourquoi en serait-il différent pour Stilicho?

Cela m'amène justement au nouveau point soulevé. C'est à dire aux luttes d'influences des milieux proches du pouvoir. L'influence des militaires en Occident serait-elle contrecarrée par celle des offices palatins, de l'oligarchie en place, de la famille impériale elle-même? Cette action de contre-balancement d'une toute puissance militaire, nous la retrouvons justement à la même époque en Orient. A la différence notable que cette convertion semble tout à fait réussie. Dès la mort d'Arcadius, l'administration et la famille impériale impose sa régence, mais c'est surtout après celle de Théodose II que nous voyons presque se mettre en place une forme d'élection du candiat "idéal" par la réunion des forces qui font l'institution impériale en Orient. Certe la parité n'est pas de mise, mais entre l'intervention du peuple dans l'hyppodrôme, la pression de grands personnages, de l'influence des impérarices (décisive!) de l'avis des offices palatins et meme des sénateurs de Constantinople, les organes du pouvoir de l'empire d'Orient sont réunis dans ce qui adviendra le protocole traditionnel d'avénement au pouvoir des empereurs légitimes.

Il n'aura échappé à personne que l'institution impérial en Orient, ce, malgré des déboires importants sera toujours beaucoup plus solide qu'en Occident...

Les grands militaires en Occident auraient-ils nuits à la convertion des pôles d'influence en sapant les bases civiles de l'institution impériale? Stilicho aussi honnête soit-il dans son gouvernement manifeste ou déguisé sous la signature d'Honorius, qu'Aetius dans son souci du maintien des royaumes fédérés dans le giron impérial n'auraient-ils pas été les agents malgré eux de la destruction de la figure impériale? (Ne parlons même pas de Ricimer!!!)

Stilicho devenant l'exemple de puissant Avatars à des périodes toujours charnière de l'Empire d'Occident. Bien sûr comme nous le voyons avec Olympius, la réaction (violente...) des instances civiles a toujours pu se faire. Or, la tutelle militaire restera toujours écrasante en Occident.

En Orient, même si cette tutelle eut elle-aussi de puissants représntants (Gainas, Aspar ...) un équilibre souvent précaire se mit en place, elle aussi avec de violente décompréssion, mais un équilibre quand même. Si l'Orient est loin d'être le reflet en mirroir de l'Empire d'Occident, comment expliquer autrement l'échec de la pérénité impériale en Occident?

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 Sujet du message: Re: Stilicho, Maître des deux milices de l'Empire d'Occident
Nouveau messagePublié: 18 Juil 2009, 21:26 
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Inscrit le: 16 Mar 2009, 15:05
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C'est précisément le point que je voulais aborder (avec peu de clarté :oops: ) lorsque je parlais du glissement dans l'origine de la légitimité des princes et des grands en général. En effet la place grandissante accordée aux fameux "bruits de cours" déjà visible chez Ammien par exemple dans l'épuration de la cours de Constantinople par Julien dans les affaires. Autre fait troublant ; l'investiture des deux fils de Théodose à sa succession sans, à ce que je sais, le concours de l'armée et contrairement aux pratiques anciennes (Valentinien Ier présente Gratien à l'armée et le fait acclamer dans une cérémonie très ritualisé pour en faire son successeur), me fait dire qu'il a dû se produire un changement majeur dans la nature même des troupes ou de leur perception... Est-ce la place de plus en plus importante accordée aux fédérés qui sont à l'origine de ce changement??? Toujours est-il qu'il ne me semble pas y avoir comme dans les siècles passés, un place aussi grande accordée au domaine militaire dans les affaires intérieurs de l'Empire...??
Mais en tout cas la lutte à mort que se livre les grands "partis" aristocratiques qui sont en plus souvent des chefs militaires, fini de déstabiliser l'édifice romain en le privant parfois et comme s'est le cas avec Stilicon (on peut penser à la fois à Silvain, Urcisin et même Aetius), de ses têtes les plus capables... Pouvoir quand tu nous tiens...

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 Sujet du message: Re: Stilicho, Maître des deux milices de l'Empire d'Occident
Nouveau messagePublié: 20 Juil 2009, 22:59 
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Inscrit le: 12 Juin 2009, 01:59
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Je dois dire que , sur ce point, je ne pense pas être d'accord avec toi Pedro (au fait, j'attends toujours ton mémoire! ;)).

L'étude du IVème siècle en particulier ne doit pas nous conduire à ne plus regarder les élévations impériales antérieures.
La participation de l'armée à la nomination de l'empereur est ancienne, je dirais même qu'elle est naturelle (le principat d'Auguste n'est elle pas après tout le triomphe d'un imperator et ses troupes face à ses concurrents?).
A partir de là, on note une continuité remarquable : chaque fois que le pouvoir central est fort, la transition d'un empereur à l'autre se fait sans problème (de manière héréditaire ou par désignation, notamment au cours de la période antonine). Cependant, dès qu'un empereur meurt dans des circonstances difficiles s'engage une lutte que l'on pourrait presque rapprocher d'une certaine forme d'élection (par "élimination").
Dès 69 et la mort de Néron on avait assisté à semblables troubles avec le fameux tryptique Othon/Galba/Vitelius.

Ce rôle de l'armée s'est donc mécaniquement accru avec les crises du IIIème siècle (on renverra aux ouvrages de Christol ou -pour le domaine militaire- au dernier livre de Y. Le Bohec L'armée romaine dans la tourmente). S'ensuit alors une foule d'empereur soldats dont les plus brillants parviennent à stabiliser peu ou prou la situation (Claude II, Aurelien, Dioclétien et enfin Constantin). Avec Constantin, on note un "retour à la normale". J'entends par la un retour aux transitions plus ou moins claires et sans contestation.

Ce n'est donc pas un changement majeur qu'on observe, mais un signe de bonne santé du pouvoir (au moins du point de vue de la légitimité). Ce point me semble notable, puisque l'on voit autrement la succession de Théodose Ier en 395. Aucun trouble, pas d'usurpation. Ainsi cette date apparemment fatidique n'est en aucun cas une année de crise.

Quant au rôle des "intrigues", on peut effectivement faire quelques observations :

-l'armée s'étant davantage barbarisée (à quelle vitesse et selon quelle modalité, cela est encore âprement discuté nous en conviendrons), elle peut moins participer à la prise de décision quant à la désignation d'un empereur. Ajoutons en plus le développement des armées privées et des buccellaires, et l'on comprend mieux qu'au lieu de telle ou telle légion de Germanie ou de Bretagne, on ait des troupes liées à leur patronus. Restent que les tentatives d'usurpations subsistent (Sylvanus ou Constantin III par exemple).
- le Sénat, principal noeud d'intrigues du Ier au IIIème siècle, a perdu une large part de son importance politique et militaire au sens propre (je distingue là les sénats à proprement parlé des sénateurs et aristocrates, lesquels restent une puissance foncière essentielle à l'empire). A l'inverse, l'administration s'est beaucoup développé. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles les intrigues sont davantage du fait de tel ou tel ministre et non plus du milieu sénatorial. On n'a pas davantage d'intrigues, mais les intrigants ont changé.
Pour reprendre l'exemple de Stilicon, un des enjeux de sa mort et de déterminer sa cause. Zosime désigne assez clairement le ministre Olympius, et la plupart des historiens voient là le jeu de la faction chrétienne du sénat. Personnellement, je pense que Zosime insiste sur ce personnage pour des motifs religieux (Zosime est païen). La cause première est une mutinerie (dont les prémices sétaient fait auparavant ressentir). Stilicon est mort avant tout parce que la situation se dégradait rapidement, et qu'il devait lutter contre un usurpateur (Constantin III), un empereur hostile (Arcadius, puis Théodose II), le tout alors même qu'Honorius semble moins accepter sa "protection".

Je pense qu'il faut bien dissocier (surtout à partir de 395) Orient et Occident. Certes, la séparation est -sur de nombreux points- fictives. Cependant, le statut impérial va rapidement se dissocier dans chacun des partes. Constantinople aura un empereur incontesté et presque sacralisé, qui ne bougera pour ainsi dire pas de son trône. En Occident, le pouvoir impérial va peu à peu perdre toute substance sous l'effet conjugué de :
- La dépossession de sa fonction militaire, désormais revêtue par les généralissimes ( Citons notamment Stilicon, Constance, Aetius, Ricimer...)
- La dislocation progressive de l'Occident romain, qui relègue le pouvoir impérial à une autorité symbolique qui "légitime" tel ou tel chef Wisigoth, Franc ou autre...

Damianus, je te rejoins lorsque tu évoques la mécanique funeste enclenchée inconsciemment par Stilicon qui dépouille l'empereur sa fonction essentielle, à savoir le pouvoir militaire. A mon sens, on a là un élément essentiel à l'explication "accidentelle" de la fin de l'empire d'Occident (soutenus notamment par P. Weather et B.W. Perkins). Je veux dire par là qu'il aurait suffit que Théodose ait des (ou un!) fils un peu plus "belliqueux" pour changer beaucoup de choses. Car notons bien que l'essor occidental des généralissimes est permis à cause de l'apathie d'Honorius puis de valentinien III!
Quelques bref exemples, tels que Constance devenu empereur (Constance III, 421) ou Majorien (457-461), montrent que des empereurs énergiques peuvent reprendre en main le pouvoir militaire et tenter de changer la donne. Malheureusement, leurs règnes furent brefs et leurs moyens s'amenuisèrent rapidement.

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