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 Sujet du message: Economie agricole et statut du Colon.
Nouveau messagePublié: 07 Sep 2008, 23:41 
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Economie agricole et statut du Colon.

Synthèse par Damianus.

I) Quelques notions sur l'économie du Bas-Empire romain et sur les besoins de l'Etat impérial.

Les découvertes les plus récentes insistent sur le dynamisme du commerce et la diversité de ses axes de transports organisés par l'État comme par exemple ceux pour le blé des armées ou l'approvisionnement de l'annone de Rome et Constantinople. Ces deux grandes activités d'importance pour le bon fonctionnement de l'Empire ne représente en fait qu'un aspect des échanges, dans une économie où les transactions privées restent de loin prépondérantes et ce malgré le dirigisme instauré par Dioclétien et développé plus tard par la dynastie constantinienne. En effet, les interventions impériales se sont bien renforcées au cours du IVe siècle, mais de portées très inégale.

Le prélèvement fiscal en nature s'est d'abord alourdi dans la première moitié du IVe siècle, puisque ses bénéficiaires se sont multipliés en même temps que l'appareil d'état se réformait et se structurait simultanément. Les effectifs de l'armée ont nettement augmenté sous Dioclétien et donc par là même le volume de ce qui représentait la part en nature de leur solde; à cela s'est ajouté la croissance des effectifs de la bureaucratie central et provinciale percevant des salaires également fixés en partie en nature. Les fonctionnaires palatins touchèrent à partir du règne de Constantin, une forme de "salaire" en viande, pain, vin et habits même que la création de distributions alimentaires gratuites pour la ville de Constantinople à l'image de Rome. Mais la levée des produits destinés à ces différentes "annones" se fit dans le cadre de l'impôt foncier réformé par Dioclétien, en élargissant simplement le nombre des provinces soumises au régime de paiement en nature, et sans qu'il y ait nécessairement, une aggravation du total des valeurs prélevées sur les "contribuables".

D'autre part, lorsque la monnaie d'or fut frappée en quantités suffisantes sous Constantin et qu'elle se généralisa comme instrument de transaction après le règne de Julien, la pratique de l'adaeratio s'étendit. Elle remplaçait le paiement des soldes en nature par des versements en espèces, ce qui réduisait l'importance de la ponction sur les productions agricoles. Il est donc probable que l'État ait soustrait au marché une proportion des excès commercialisables. Un deuxième aspect souvent cité de l'étatisation de l'économie est l'extension des domaines et des ateliers impériaux après le début du même siècle . Cela aurait conduit à une importante soustraction de la production agricole et artisanal. l'État producteur aurait ainsi pour partie vécu en autosubsistance, en alimentant ses agents et ses dirigeants avec ses propres produits. En fait, le phénomène des ateliers d'État est limité à certaines activités seulement, choisies pour leur valeur symbolique ou stratégique: mines de métaux précieux, orfèvrerie pour la vaisselle de cour, pour les cadeaux aux dignitaires impériaux ou étrangers; textile pour 1es uniformes des militaires et des fonctionnaires et les costumes destinés au palais et bien sûr, les fabriques d'armement. Mais sauf dans ce dernier cas, ainsi que pour les officines de frappe monétaires et pour certains produits textiles comme la teinture pourpre à partir de 371, et la soie en 384, il n'y eut pas de monopole impérial, et le secteur privé resta prépondérant.

La fameuse question des domaines impériaux a, quant à elle, fait plus l'objet de plus d'un contresens et de sur-interprétation. Leur extension considérable n'est pas à dénier, en Afrique Proconsulaire et en Byzacène, les statistiques de 422 attribuent précisément plus de 15000 km2, soit l/6e du territoire des deux provinces. Des indices de leur accroissement continu entre le IIIe siècle et cette date existent comme la confiscation entre 398 et 405 des immenses biens du Comte Gildo. Ses domaines furent mis en valeur par l'intermédiaire d'intendants impériaux, des actores sans qu'on sache si ceux-ci livraient obligatoirement leur production aux services d'État ou s'ils pouvaient la mettre sur les marchés. Mais il semble que la majorité étaient exploités en faire-valoir indirect par l'intermédiaire de fermiers qui, une fois payés leur loyer et l'impôt, étaient entièrement libres d'agir à leur convenance, donc de vendre leurs excédents. La plus grande part de la production agricole "impériale" parvenait ainsi sur les marchés.

Reste enfin le problème du dirigisme proprement dit, illustré par ces centaines le lois visant tout au long du IVe siècle, les boulangers, les bouchers, leurs collèges professionnels ou ceux d'autres professions, les armateurs, les colons etc. Mais dans l'artisanat et le commerce, le pouvoir n'a légiféré en fait que sur les métiers directement ou indirectement en rapport avec les services qu'il lui revenait d'assumer avant comme l'approvisionnement de Rome et de Constantinople. Les lois sur les boulangers et sur les bouchers ne concernent ainsi que les entreprises des deux capitales attachées à l'annone, de même que celles touchant les naviculaires ou les bateliers.

Les contraintes pesant sur ces gens n'ont cessé de s'alourdir au cours du siècle pour garantir la stabilité du système par un maintien stricte de leurs effectifs et de leurs équipements, donc le fonctionnement régulier de leur activité. L'Empire eut recours à l'insertion obligée dans des associations professionnelles "Collegia" ou "Corpora", pafois le blocage des biens, ou à l'hérédité imposée du métier. Mais ces professions ont toujours bénéficié de compensations (exemptions fiscales ou d'autres munera), ont pu tirer profit de leurs activités à titre privées quand elles s'exerçaient en sus de ce qui leur était imposé, et n'ont jamais été en situation de monopole. D'autre part, dans les autres villes de l'Empire, grandes ou petites, l'artisanat, le transports et le commerce restaient entièrement libres. Les entrepreneurs exerçaient ou se regroupaient en collèges professionnels, sans cependant que cette structure soit obligatoire. Quant aux lois sur les colons, qui de Constantin à Théodose vont de l'hérédité imposée du métier à l'attache au sol cultivé, leur logique est uniquement fiscale et visait à assurer la stabilité de l'assiette de l'impôt.

Il reste incontestable, au final que l'État romain réformé par Dioclétien et Constantin se montra beaucoup plus attentif au rendement du fisc, à la gestion de ses richesses et à l'activité de tous ceux qui, par leur production ou leur activité, contribuaient aux services publics. Mais le système d'économie d'État du Bas·Empire n'étouffa pas l'activité productive ou commerciale, les travailleurs ne furent pas enfermés dans des corporations. Autant de constatation qui rendent à l'économie de l'empire tardif une nature plus "libérale".

II) Les propriétaires terriens.

L'inégalité de la propriété foncière était un très vieux problème de la société romaine. Ni les tentatives réformatrices des Gracques sous la République, ni la déduction de colonies de vétérans dans les provinces, de César à Trajan, n'avaient permis de freiner le processus de concentration des terres entre les mains de l'élite sénatoriale dont l'opulence était devenue considérable depuis l'époque des Antonins. Et pourtant, même si les comparaisons sont difficiles, les fortunes du Haut-Empire sont très en deçà de celles de l'époque tardive, où les textes donnent une impression d'extrême accumulation des richesses au profit de l'aristocratie.

Les Villae tardives sont de véritables palais de campagne comme celles qu'étaient les grandes propriétés d'Aquitaine, de Sicile, ou du Portugal, pourvues, dans leur partie résidentielle non plus désormais appelée Pars urbana mais Praetorium à l'image des palais impériaux ou des quartiers généraux de l'armée. Elles étaient d'un luxe que seules les résidences impériales possédaient. Cette magnificence ne surprend pas au regard des indications chiffrées que nous a laissées l'historien grec Olympiodore dont on connaît l'œuvre par les fragments qu'il nous reste de ses écrits retraçant l'Histoire romaine de la fin du IVe siècle à la fin du Ve siècle. Il nous donne un aperçu hallucinant des revenus fonciers de l'élite romaine: Beaucoup de maisons romaines recevaient de leurs domaines un revenu annuel d'un montant de 4 000 livres d'or, sans compter le blé, le vin et les autres produits qui, une fois vendus, constituaient un tiers du rapport en or. Les maisons de Rome qui après les premières, occupaient le second rang, jouissaient d'un revenu de 1 500 et 1 000 livres d'or. Probus, le fils d'Olybrius, lorsqu'il exerça sa préture dépensa 1 200 livres d'or; l'orateur Symmaque, sénateur déboursa pour sa part 2 000 livres d'or quand son fils Symmaque revêtit la Préture. Maximus, l'un des plus riches, paya 4 000 livres pour la préture de son fils.

De tels chiffres se rapportent aux fortunes dégagées par l'étendue des possessions terriennes des plus grandes Villae découvertes par l'archéologie et attribuées aux familles occidentales, supposant la possession de dizaines de milliers d'hectares. Ils laissent deviner depuis le IIe siècle une aggravation de la concentration des terres au profit de l'aristocratie sénatoriale. Plusieurs facteurs concourrant à ce phénomène sont aisément identifiables: La crise du IIIe siècle d'abord, marquée notamment par les destructions et la dépréciation monétaire, qui contraignirent nombre de petits propriétaires ruinés à vendre aux riches, ensuite, la corruption, ou du moins le laxisme "bienveillant" de l'administration fiscale dans les opérations de répartition des impôts, et surtout des levées exceptionnelles qui permirent aux puissants de détourner vers de plus faibles qu'eux les exigences de l'État; et à partir de la fin du IVe siècle, les patronages sur le modèle du clientélisme traditionnel aboutirent aussi à des abandons de biens au profit des grands qui accordaient 1eur protection. Les deux principaux bénéficiaires du phénomène de concentration le furent cependant en fonction d'autres facteurs: l'Empereur accrut les terres de la Res Privata au sens large par une suite ininterrompue d'héritages ou de confiscations; et les Eglises acquirent au cours du IVe siècle une quantité croissante de terres par l'effet des dons des fidèles, et d'abord de l'Empereur lui-même.

Cependant, si les fortunes foncières des plus riches s'accrurent, il serait faux de réduire la propriété foncière à la seule classe des plus privilégiés. La terre se répartissait en effet selon une stratification sociale très complexe. Au sein même de l'aristocratie sénatoriale, des distinctions entre les grandes familles et les autres se percevaient déjà nettement comme le notait encore Olympiodore. En province, il en allait de même entre les élites curiales parmi lesquels d'importantes inégalités existaient aussi, et les petits propriétaires plébéiens encore bien plus nombreux qu'on ne l'a dit. Un fragment d'un registre foncier du IVe siècle, provenant de la cité d'Hermoupolis en Égypte, illustre bien cette diversité. Ne recensant que ceux qui habitaient en ville et non sur leur terres, 240 personnes en tout, il oppose deux catégories de possédants. D'un côté, une aristocratie locale de sept personnes (3 %), qui contrôlaient 50 % des terres, auxquelles s'ajoutaient sept autres propriétaires ayant en main un quart supplémentaire de celles-ci, soit au total un groupe de 6 % des individus, à la tête de 75 % de l'ensemble du terroir, avec des domaines d'au moins 60 hectares chacun, nettement plus vastes pour quelques uns. Et en face, une masse de 156 petits propriétaires (60 %) qui n'avaient que moins de 5 % du sol, avec des « domaines» de moins de huit hectares ... Encore s'agit-il là d'un exemple égyptien, dans un diocèse où la petite propriété était restée exceptionnellement fréquente. Nul doute qu'ailleurs, là où les domaines sénatoriaux prévalaient, aux côtés de ceux de l'empereur et de l'Église, la répartition de la propriété ait été encore bien plus inégale.

III) Les modes d'exploitation.

Le problème, surtout juridique, de la propriété était cependant moins important à cette époque que celui de la dimension des unités d'exploitation, et surtout de celui des modes d'exploitation. Or, nous constatons d'abord que les biens aristocratiques, loin d'être géographiquement groupés, se subdivisaient en fait en des dizaines, voire des centaines de domaines, et qu'ils étaient souvent très dispersés. Mélanie la Jeune et son mari Pinianus étaient ainsi immensément riches, mais leurs terres, au début du Ve siècle, se disséminaient en Italie, Sicile, Espagne, Afrique, Numidie, Maurétanie, et Bretagne. Moins riche, Symmaque, à la fin du IVe siècle, possédait pareillement au moins douze Villae en Italie, ainsi que des terres en Sicile et en Maurétanie. La dispersion des domaines était également la règle pour l'empereur et pour les Églises. Au IVe siècle, après les dons de Constantin, celle de Rome, outre les revenus tirés de terres réparties dans vingt-cinq cités d'Italie, contrôlait deux grands groupes de domaines en Sicile, sept en Afrique, deux en Achaïe, et d'autres encore en Syrie et en Asie Mineure.

Les superficies de ces domaines étaient très variables, de quelques dizaines, en Égypte surtout à quelques milliers d'hectares. On pourrait peut-être ranger dans la catégorie des grands latifundia le domaine que donne Mélanie la jeune à l'Église de Thagaste, en Afrique "plus étendu qu'une cité", ou ces Saltus décrits dans la même région par l'arpenteur Agennius Urbicus, "domaines privés aussi vaste que le territoire des cités". Mais le plus souvent la grande unité domaniale de base, appelée Villa ou fundus, était plus modeste, de l'ordre de 200 à 300 hectares, comme le montre l'exemple bien connu du patrimoine du poète bordelais Ausone, membre du sénat et précepteur de l'empereur Gratien. Parmi ses biens, celui-ci distinguait d'abord ce qu'il appelait son "petit héritage" dans la région de Bazas, un domaine composé de 50 hectares de terres labourables, 25 de vignes, 12 de prés, et 176 de bois, soit un ensemble de 264 hectares. Il avait également hérité de son beau-père la propriété de Lucaniacus, dans la région de Saint-Émilion, et possédait aussi un grand groupement de terres dans le Pagus Novarus (dans les faubourgs de Bordeaux), et trois autres ensembles fonciers en Poitou en Saintonge et en Bigorre. Tous semblent avoir été de dimensions assez semblables. Ausone, fils d'un médecin de Bazas, était un nouveau riche dont le cas ne peut être assimilé à celui des plus grandes dynasties romaines. Mais cet exemple s'accorde avec l'essentiel de la documentation, qui révèle, pour des notables régionaux une fragmentation des biens fonciers telle qu'elle implique nécessairement une taille souvent relativement limitée des domaines les composant.

Citons concrètement l'inscription de Volcei en Lucanie, datée de 323, qui attribue à la famille des Turcii pas moins de 70 fermes dispersées dans plusieurs régions d'Italie ou le fragment .cadastral de Tralles en Asie Mineure où est évoqué un décurion de Cité, Tatianus. riche de quatorze domaines taxés de manière très différente ce qui, même en tenant compte des inégalités des sols, laisse deviner une disproportion considérable des superficies. Dans les régions plus occidentales le phénomène se retrouvait aussi, même si son appréhension est parfois compliquée; l'ambiguïté des termes villa et fundus, le premier pouvant désigner un groupe de fundi définis alors comme des unités autonomes et dispersées à une échelle locale.

La diversité des modes d'exploitation était aussi forte que la dispersion des domaines. Le registre d'Hermoupolis révèle que même parmi les petits propriétaires. qui avaient moins de huit hectares, un groupe ne cultivait pas directement les terres et recourait à un faire-valoir indirect. Cette situation était la plus courante sur les domaines des curiales, même si l'exemple du grand-oncle de Libanius, ancien soldat qui dirigeait lui-même son exploitation avec 11 esclaves, montre que la règle n'était pas générale.

À un niveau supérieur, sénateurs, Église et empereur n'organisaient évidemment pas les cultures, mais pouvaient recourir à différentes formes de délégation de leur pouvoir de propriétaires, qui compliquent la notion de faire-valoir. Dans certains cas en effet. ils confiaient les domaines à des intendants, "actores" ou "villici" qui dirigeaient l'exploitation des terres et leur rendaient directement des comptes avec pour les domaines impériaux un échelon intermédiaire, celui des procurateurs, supervisant la gestion d'un groupe de fundi. Le plus souvent cependant, du moins en Occident c'est l'affermage des fundi qui prévalait. L'ancienne pratique de la location avec bail de cinq cinq ans par un "Conductor" (fermier) se maintint durant toute la période. Mais dès le IIIe siècle se répandit, sur les domaines impériaux essentiellement, un autre type de bail, le contrat emphythéotique, d'une nature totalement différente: Contre l'engagement de verser un loyer annuel fixé une fois pour toutes, le fermier se voyait confier un domaine à perpétuité, avec faculté de "léguer" son bail ou même de le vendre. Le but de l'autorité impériale était, par ce système, à la fois d'assurer la régularité de sa rente foncière (en évitant les aléas des appels d'offres tous les cinq ans), et aussi de garantir le rendement de l'impôt sur ses terres: car le fermier emphythéotique, débarrassé de la menace d'un non-renouvellement de bail, était encouragé à investir sur le fundus (d'autant que tous les gains produits par une amélioration lui revenaient), donc à produire, et par là à être capable de payer les taxes foncières. Dans les faits, il s'agissait d'une forme de quasi-privatisation des domaines impériaux, qui compensait le poids apparemment excessif de la Res Privata dans la propriété du sol. Le succès de ce type de contrat semble avoir été considérable au IVe siècle, notamment en Afrique. Y souscrivirent parfois des colons, des petits propriétaires, mais surtout des curiales et des sénateurs, qui seuls avaient vraiment les moyens d'une mise en exploitation. Tous trouvaient là un moyen d'arrondir leurs propres fonds patrimoniaux.

Mais intendants ou fermiers eux-mêmes n'exploitaient qu'assez rarement leurs terres de manière directe. On ne connaît quasiment plus de grandes possessions mises en culture, sous leurs ordres, par des troupeaux d'esclaves-ouvriers comme sous la République. Et la bipartition domaniale du Haut-Empire semble aussi effacée. Le fundus se divisait souvent alors en deux ensembles: l'un fragmenté en une série de métairies cultivées par des tenanciers, les colons, qui versaient au propriétaire, à son "actor", ou au "conductor", une part des récoltes; et l'autre qui formait une réserve "Pars Dominica", dont la mise en valeur était effectuée, sous la direction du propriétaire, de l'actor ou du conductor, par des esclaves, des ouvriers agricoles, et par les "corvées" de tenanciers, limitées en Afrique, sur les terres impériales, à six jours par an.

Or la documentation sur ce système se tarit aussi après le IIIe siècle, donnant au domaine du Bas-Empire une forme originale, qui rompt la continuité. En Afrique Proconsulaire, on a aussi proposé de voir dans le paysan célébré par l'inscription du Fundus Aufidianus un fermier emphythéotique qui, sur un domaine couvrant peut-être 1 600 hectares, aurait dirigé une unité centrale, à côté de petites fermes de 4 hectares en moyenne aux mains de tenanciers-colons. Mais d'une manière générale, le recours aux tenures semble avoir été généralisé.

IV) Du statut du Colon et de l'usage de l'Esclave.

Les tenures, souvent exploitées par des colons, pouvaient l'être aussi par des esclaves "chasés", dont la situation reste cependant assez mal connue au Bas-Empire. L'emploi du personnel servile sur les champs resta en effet, comme auparavant, très inégal d'une région à l'autre. Il était assez peu répandu en Égypte, comme probablement en Afrique. En revanche, des esclaves sont couramment mentionnés en Asie Mineure, dans les îles grecques, et en Italie, mais sans que l'on sache clairement s'il s'agissait d'ouvriers agricoles ou de tenanciers. Pour ces derniers, on peut penser que les contraintes devaient être assez semblables à celles des colons, une loi de 369, C. Th. IX, 42, 7, les associe d'ailleurs clairement, mais les documents précis qui les concernent sont rares au IVe siècle, et leur condition échappe encore largement au Historiens.

Les sources sur les colons non serviles sont beaucoup plus abondantes, mais elles laissent apparaître une grande diversité, et aussi une grande complexité des situation: En principe, les choses étaient simples: le colon est un homme libre qui loue une terre à un propriétaire en lui versant une part, en nature ou en espèces, de ses récoltes. Au Haut-Empire, ce contrat s'apparentant au métayage devait théoriquement être périodiquement renouvelé, mais dans les faits le bail tendit à être à vie, sauf volonté de 1'un ou l'autre partie de le rompre. À partir de Constantin, pour des raisons fiscales, l'État inventa un droit du colonat "ius colonatus" (en 342…) et fit du contrat à vie une règle, qu'il renforça en imposant l'hérédité de la tenure pour les enfants de colons, et l'attache des familles aux domaines dont ils dépendaient sans remettre en question pour autant leur appartenance, sur le plan juridique. aux hommes libres.

La difficulté est que ces principes ne s'appliquèrent pas uniformément à toutes les provinces de l'empire, à tous les types de domaines. (privés/impériaux), et que l'État distingua lui-même très tôt plusieurs catégories: Les colons appelées "inquilini", "originarii", "adscripticii", entre lesquels les différences sont loin d'être toujours claires. Sur le fond, le facteur essentiel de distinction doit à la possession ou non par le colon d'autres terres que sa tenure domaniale, aussi plusieurs cas existaient. En Afrique, certains colons, en vertu de la Lex Manciana du Haut-Empire, avaient défriché pour leur compte, sur les marges des domaines des terres jusque-là stériles dont ils étaient devenus dès lors, moyennant remise d'une partie des récoltes quasiment propriétaires (ils pouvaient les vendre ou les léguer), tout en cultivant en même temps des tenures domaniales. Ailleurs, des propriétaires, n'ayant pas assez pour vivre, étaient simultanément colons sur les terres de l'empereur, de l'Église, ou d'aristocrates. Dans tous les cas, ces gens gardaient leurs biens propres, une indépendance relative que ne pouvaient revendiquer les autres. C'est donc sur ces derniers, qui furent désignés par l'expression colons adscrits "adscripticii" et même à la fin du siècle par celle d'esclaves de la terre (à partir de 393…) que pesa le plus la législation impériale, pour les raisons fiscales, directes ou indirectes, leur fixité garantissait à l'État le paiement régulier de la capitation, et, par la production régulière que cette fixité permettait, le rendement de l'impôt foncier levé sur le propriétaire.

Comme les lois reviennent constamment sur le cas de colons fugitifs accueillis illégalement par des propriétaires, il faut cependant relativiser l'efficacité ces contraintes. Le prélèvements subis par les colons, la rente foncière payée aux propriétaires pouvait être en nature (cas le plus général) ou en espèces, ou encore fondée sur une combinaison des deux, mais son taux n'est pas clairement connu pour le IVe siècle.

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