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 Sujet du message: Par ce signe tu vaincras. De Frédéric Bey.
Nouveau messagePublié: 07 Sep 2008, 23:47 
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Par ce signe, tu vaincras !

Synthèse par Frederic Bey.

Textes essentiellement repris/plagiés (?) des ouvrages de Julien Jerphagnon. Voir biblio.

Affaibli par près d'un siècle de crises, le monde romain ne préserve son existence que grâce aux grandes réformes de Dioclétien et retrouve ensuite une certaine stabilité dynastique, avec la lignée de Constantin. Le IVe siècle, marqué par un rétablissement de la puissance romaine, s'affirme surtout comme celui du christianisme, qui triomphe et devient bientôt la religion dominante de l'empire, malgré le sursaut traditionaliste de Julien, le « dernier des Romains ».
Du 21 au 23 avril de l'année 248, des jeux somptueux marquent la célébration du millième anniversaire de la fondation de Rome. Roma aeterna ? Rome éternelle ? Il y a quelques dizaines d'années à peine, personne n'aurait songé à mettre en doute ce concept. Pourtant, les fêtes du millénaire ont lieu dans une ambiance délétère. L'empereur en titre, Philippe l'Arabe, n'est qu'un modeste soldat syrien sorti du rang. Parvenu au poste de préfet du prétoire, il a revêtu la pourpre en se faisant proclamer Augustus par ses soldats et en assassinant l'empereur légitime Gordien III. Alors à la tête de l'armée en Orient, en campagne contre les Perses, Philippe signe immédiatement une paix infamante et consent à payer un tribut annuel au roi Sapor, pour pouvoir regagner Rome et y affirmer son pouvoir. La Rome éternelle a bien mille ans, mais elle est entrée dans une crise qui ne sera pas loin de provoquer sa chute.

Au cours des cinquante années qui débutent avec l'assassinat en 235 de Sévère Alexandre, le dernier empereur de la dynastie fondé par Septime Sévère, l'anarchie et le chaos gagnent le monde romain. L'empire est le sujet permanent d'attaques des Perses en Orient, des Goths sur le Danube et des Alamans sur le Rhin ; en 251 un empereur, Trajan Dèce, est le premier à mourir au combat contre un ennemi de Rome (en l'occurrence les Goths) ; en 260 l'empereur Valérien est lui capturé par les Perses et meurt en captivité. Au cours de la période, vingt-cinq éphémères empereurs se succèdent au pouvoir et doivent le plus clair du temps lutter contre un nombre d'usurpateurs qui atteint lui le double Malgré l'énergie d'empereurs soldats, tous illyriens, comme Claude le Gothique, Aurélien ou Probus, le déclin de Rome semble inéluctable !

L'arrivée au pouvoir de Dioclétien

L'évolution majeure du pouvoir vient désormais de l'origine sociale des nouveaux empereurs. Ce sont des membres du corps équestre, et non plus des sénateurs, qui forment le gros des officiers de l'armée au troisième siècle. Devenus des militaires professionnels, passant la majeure partie de leur vie à la tête des légions, les officiers issus de cette nouvelle catégorie acquièrent une popularité croissante auprès des soldats. Ils s'appuient sur eux pour des usurpations, qui deviennent de plus en plus fréquentes avec l'augmentation des menaces extérieures. Alors que l'empereur est de plus en plus absent de Rome pour battre campagne, d'autres généraux victorieux aux frontières ont du mal à résister à la tentation de lui ravir le pouvoir, à l'aide de leurs propres armées. C'est dans ce contexte que Dioclétien, né en Dalmatie en 245 dans une famille modeste, a effectué sa carrière de soldat. Très tôt sa valeur est reconnue et le fait admettre dans le cercle étroit des officiers illyriens qui commandent les unités d'élite de l'armée. Dans les années 270 il sert en Mésie et sur le Danube, avant de participer à l'expédition perse de l'empereur Carus en 283. Il commande alors les protectores domestici, la garde rapprochée de l'empereur et conserve ce poste sous Numérien. On ne sait qui de Dioclétien ou du préfet du prétoire Aper est à l'origine du meurtre de Numérien, mais le général illyrien parvient à bien négocier l'affaire et à se faire proclamer empereur à son tour, lors de l'assemblée de l'armée réunie à Nicomédie, en 284. En occident, Carin, le frère de Numérien est encore empereur. Après avoir éliminé un usurpateur en Italie du Nord, il marche vers l'est à la rencontre de l'armée orientale commandée par Dioclétien. La rencontre a lieu en septembre 285, à Margus (Morova, près de Belgrade). Carin est dispose de forces plus importantes, et son attaque initiale met gravement en péril l'armée de Dioclétien. Il a presque bataille gagnée, lorsqu'un événement imprévu survient. Des officiers de son armée, dont les épouses ont été « séduites » de gré ou de force par Carin, laissent éclater leur rancur et mettent à mort leur empereur ! L'armée occidentale se rallie alors à Dioclétien, pourtant battu sur le terrain. Il devient ainsi, par ce coup peu glorieux du destin, le seul empereur légitime de Rome.

La marche vers la Tétrarchie

Dioclétien, arrivé presque par hasard au pouvoir, va surprendre tout le monde romain par la rapidité et l'ampleur de ses réformes. Il est particulièrement conscient des problèmes géostratégiques de l'empire : les menaces barbares sur le Rhin et sur le Danube ouvrent très souvent deux fronts simultanés sur lesquels l'empereur ne peut pas être en même temps ; les Perses pèsent en permanence sur la frontière orientale et des usurpations peuvent enfin ouvrir un front intérieur ! Il décide donc, deux mois seulement après sa prise du pouvoir, de promouvoir un autre général illyrien de cinq ans son cadet, Maximien, au rang de Caesar. Maximien, issu lui aussi d'un milieu modeste (ses parents sont commerçants à Sirmium), est aussitôt envoyé sur le Rhin, alors que Dioclétien se réserve le Danube. Le choix se révèle judicieux. Maximien s'avère en effet d'une loyauté sans faille et reconnaît volontiers la primauté de Dioclétien. Le 1er avril 286, Maximien devient Augustus à son tour et les deux hommes se partagent l'empire, même si Dioclétien bénéficie d'une sorte de « droit de véto ». Les deux hommes sont consuls ensemble en 287 et ils développent une véritable propagande sur leur parfaite entente, en s'appuyant sur des références mythologiques. Dioclétien se place dans le rôle de Jupiter, le maître suprême, et Maximien dans celui d'Hercule, qui travaille fidèlement à son service pour sauver le monde des périls qui le menacent. Les cinq années suivantes, les deux empereurs se lancent dans des opérations militaires simultanées et de grande ampleur, pour restaurer toutes les frontières de l'empire. Dioclétien s'attaque aux Sarmates en 285 et en 289. Entre ces deux campagnes sur le Danube, Dioclétien se lance en 287 dans une démonstration de force contre les Perses. Dans le même temps, Maximien écrase en Gaule les bandes de Bagaudes, constituées de brigands et de paysans déracinés. Il part ensuite combattre les Germains sur le Rhin. Preuve de leur bonne entente politique et stratégique, les deux empereurs montent en 288 une expédition « en pince » contre les Alamans. Maximien passe le Rhin et Dioclétien traverse le Danube pour aller attaquer la plus puissante des nations barbares de Germanie occidentale. Bien que la tendance soit clairement positive depuis l'arrivée de Dioclétien au pouvoir, l'empire subit encore des revers. La sécession de la Bretagne est sans doute la plus lourde menace qui pèse sur les deux empereurs. Depuis 286, Carusius, le commandant de la flotte de mer du Nord s'est proclamé Augustus et a pris le contrôle de la province de Bretagne. En 289, Maximien rassemble des navires pour venir le déloger, mais il est repoussé et subit des pertes importantes. Malgré tout le régime résiste et Dioclétien comme Maximien conservent leurs trônes plus longtemps que tous les empereurs des années précédentes. Pour compléter le dispositif politique en place, Dioclétien décide à nouveau d'aller plus loin. Le 1er mars 293, dans sa capitale de Nicomédie, il adopte Galère et en fait son Caesar, successeur désigné. Il demande à Maximien de prendre une mesure identique. Le même jour, celui-ci adopte Constance pour en faire le Caesar d'Occident. Les deux nouveaux Césars sont également des militaires de milieux modestes, nés dans les provinces danubiennes. Constance est Illyrien et Galère est originaire de Sardique, en Mésie. La Tétrarchie vient d'être inventée.

Une ère de réformes rationnelles

Le nouveau système de répartition du pouvoir est réellement novateur. Même si l'Auguste d'Orient (Primus Augustus) garde la primauté absolue sur ses confrères, les quatre empereurs se partagent réellement les responsabilités de la conduite et de la défense de l'empire dans leurs zones géographiques respectives. Les Césars, plus jeunes, sont en « première ligne » : Constance a pour capitale Trèves et surveille le Rhin, Galère réside à Sirmium d'où il peut contrôler le cours du Danube. Les Augustes, dans la force de l'âge, ont des résidences qui se situent plus « en profondeur » : Maximien est installé à Milan, base de départ vers la Gaule ou la Pannonie, Dioclétien gouverne Nicomédie, à mi-chemin du Danube et du front perse. Les tétrarques, ce qui est surprenant au regard des événements des décennies précédentes, vont faire preuve d'une loyauté exemplaire les uns envers les autres : est-ce à cause leurs origines communes, est-ce la conséquence de leur fraternité de soldats, est-ce le prolongement du respect qu'impose le fort caractère du Primus Augustus? Peut-être aussi que les perspectives des successions, déjà organisées par le système, calment les ardeurs. Il est en effet prévu, qu'au bout de vingt années de règne, les deux Augustes laisseront leurs places à leur deux Césars. Les réformes de Dioclétien portent aussi sur les deux piliers de l'empire : les structures administratives et l'armée. Nous allons survoler les premières et analyser plus en détail les secondes. Côté administration, les provinces sont divisées en un grand nombre de provinces plus petites (dans un rapport de trois pour une environ). Ces nouvelles provinces sont ensuite regroupées au sein de douze diocèses, confiés chacun au gouvernement d'un vicaire : Espagne, Bretagne, Viennoise, Gaule, Italie, Afrique, Pannonie, Mésie, Thrace, Asie, Pont et Orient. Point très important, l'autorité des gouverneurs des provinces et des vicaires des diocèses est désormais totalement indépendante et séparée de celle de la hiérarchie militaire. Les grandes unités de l'Armée ne dépendent jamais des diocèses, et rendent ainsi plus difficiles le déclenchement de rébellions contre le pouvoir impérial. Dioclétien confie généralement l'administration provinciale à des hommes issus des classes sociales émergentes. Les grands perdants de ces réformes sont les sénateurs qui doivent abandonner leurs derniers pans du pouvoir politique et les Italiens du nord, qui doivent désormais s'acquitter comme les autres de l'impôt. D'une manière plus symbolique, la ville de Rome, qui n'est plus résidence impériale, se trouve réduite virtuellement au rôle de musée de la grandeur de l'empire. La nouvelle organisation, plus décentralisée, répond parfaitement aux exigences de l'époque. Dans la même veine, les réformes militaires de Dioclétien, vont prouver sa lucidité sur l'ampleur de l'effort nécessaire au redressement des armées de l'empire romain.

Au cours du siècle précédent, le recours à des vexillations légionnaires, s'est généralisé : les légions, qui regroupent théoriquement entre 4000 et 6000 soldats, sont de moins en moins souvent au complet dans leurs cantonnements ou en campagne. Ce sont désormais des vexillations de 1000 légionnaires, couplées avec des unités auxiliaires, qui sont envoyés aux quatre coins de l'empire, en fonctions de besoins. En conséquence, l'unité de base de l'armée romaine change de taille, le « format » des vexillations deviennent la référence. Les nouvelles légions voient leur effectifs tomber converger vers le millier de soldats. Il en découle une multiplication du nombre des légions : il y en a désormais cinquante-trois sous Dioclétien, contre trente-trois sous Septime Sévère. Les anciennes légions, et leurs noms, sont conservées. De nouvelles légions sont également crées à partir de détachement, comme la IIIe Diocletiana. Ces légions affaiblies sont le plus souvent déployées le long des frontières dans le cadre de « brigades » de deux légions renforcées par un détachement de cavalerie. Ce dernier est souvent plus puissant que les anciennes ailes du siècle précédent. Au contraire des légions de fantassins, les unités de montées se renforcent et le rôle de la cavalerie devient plus déterminant. Pour palier la crise de recrutement des années précédentes, le métier de soldat devient progressivement une obligation, de père en fils. Le recrutement tend aussi à devenir uniquement provincial, voire barbare. Le commandement change également. Les chefs d'unités sont maintenant des professionnels. Ils portent le titre de duces (ducs) et leur carrière est totalement séparée de celle des postes administratifs civils. La principale nouveauté, qui voit le jour sous la Tétrarchie, est la constitution d'armées mobiles qui ne sont pas dévolues directement à la garnison des frontières. Deux, puis quatre nouvelles légions d'élites, portant le nom des patrons des empereurs sont formées : ce sont les Ioviani, Herculiani, Martenses et Solenses. Elles forment respectivement le cur du comitatus (armée d'accompagnement) de Dioclétien, Maximien, Galère et Constance. Ces légions sont issues des excellentes légions danubiennes, dont elles conservent l'armement. Pour les renforcer, Dioclétien peut aussi compter sur les Lanciarii, unité constituée de prétoriens et de légionnaires, sélectionnés pour leur valeur et armés de lances. Enfin Dioclétien est à l'origine de la nouvelle force de frappe de l'armée romaine : une cavalerie puissante et nombreuse, attachée au comitatus. Il s'agit des « gardes à cheval » ou Scholae, et des cavaliers d'élites des equites promoti et equites comites. Les effectifs de ces comitatus embryonnaires sont encore faibles, et obligent Augustes et Césars à appeler temporairement quelques brigades de légions auprès d'eux pour mener campagne. Si les unités sont de plus petites tailles, l'effectif global de l'armée de terre à progresser sous la Tétrarchie, pour approcher finalement les 400 000 hommes ! Les réformes militaires de Dioclétien portent enfin sur la logistique et l'approvisionnement de l'armée qui sont rationalisés autant que faire se peut. Un impôt spécifique est dédié à la fourniture de tout ce dont l'armée a besoin, sous l'autorité des préfets du prétoire pour sa gestion et des gouverneurs de province pour sa collecte. Malgré l'énorme bureaucratie engendrée par ce système, le résultat attendu est atteint et les unités retrouvent une situation matérielle acceptable et une efficacité certaine.

La fin du règne de Dioclétien, entre victoires et persécutions

La première Tétrarchie, malgré des apparences trompeuses, va s'achever dans un climat lourd et annonciateur de nouvelles crises. Du point de vue militaire, les succès sont au rendez-vous, malgré des difficultés initiales. Le conflit le plus grave est celui qui oppose l'empire romain aux Perses Sassanides du roi Narsès. Ce dernier après avoir renversé son prédécesseur, Barham III, envahit en 296 l'Arménie, gouvernée par un souverain pro-romain (Tiridate). Narsès marche vers Antioche et bat en route, entre Carrhes et Calinium, l'armée mal préparée de Galère. Nous sommes alors en 297 et une usurpation en profite pour voir le jour en Egypte, sous le regard bienveillant de Narsès. Dioclétien, après avoir sévèrement réprimandé Galère pour sa débâcle, rétabli l'ordre en Orient en écrasant l'usurpateur Achilleus en décembre 297. Galère tire se son côté les leçons de son échec et rassemble une puissante armée, avec des renforts venus du Danube. Il entre en Arménie et inflige une défaite totale à Narsès, qui parvient cependant à s'enfuir. Le traité de paix négocié dans la foulée accorde aux Romains la haute vallée du Tigre. Nous voilà revenu au temps des grandes annexions ! Au même moment, Maximien et Constance combattent avec succès en Occident. Constance s'attache à mettre fin à l'usurpation de Carusius. Il reconquiert le nord de la Gaule et rétabli la base navale de Gesoriacum (Boulogne), où il compte préparer sa flotte d'invasion. Carausius, affaibli par ses défaites en Gaule est assassiné et remplacé par son trésorier Allectus. Constance prépare longuement sa campagne et envahi la Bretagne en 297. Il y fait étalage de ses immenses talents de général et de stratège et ramène l'île dans la mouvance de Rome, après dix ans de rébellion. Au sud, Maximien remporte lui des victoires sur les quinquegentiani (« les cinq peuples »), des berbères révoltés, en Afrique du Nord. Constance va ensuite voler vers de nouveaux succès contre les Alamans sur le Rhin, à l'instar de Galère qui vainc les Carpes et les Sarmates sur le Danube. La puissance militaire de Rome retrouve ainsi un prestige inégalé depuis plus d'un siècle.

Un drame va pourtant se jouer dans un autre domaine, celui de la religion. Les Chrétiens sont désormais de plus en plus nombreux, surtout en Orient. Les empereurs illyriens, des années précédentes s'étaient tournés vers le culte syncrétiste du Sol Invictus (soleil invincible) et s'étaient montrés d'une tolérance absolue envers les Chrétiens. Dioclétien prône par contre un retour aux divinités traditionnelles des Rome. « Trop systématique pour être tolérant », selon les mots de Lucien Jerphagnon, il proclame d'abord un édit en 297 annonçant que « l'ancienne religion ne doit pas être corrigée par une nouvelle ». Il oblige tous les fonctionnaires et les soldats à sacrifier aux Dieux, sous peine de devoir quitter leurs postes. Puis c'est l'engrenage, et le 24 février 303, le Primus Augustus passe aux méthodes de persécution, que les Chrétiens, endormis par un demi-siècle de tranquillité, n'ont pas su anticiper. Dioclétien ordonne la destruction des églises et fait brûler les Livres Saints dans tout l'Empire. Il fait aussi arrêter les membres du clergé qui doivent se soumettre aux anciens Dieux ou finir en prison. En 304, l'empereur passe à la « vitesse supérieure », en condamnant tout chrétien refusant de sacrifier aux dieux à la peine de mort. Si Dioclétien, et surtout Galère, font appliquer ces mesures avec zèle, en Occident, la répression est plus laxiste. Constance notamment, sous l'influence d'Hélène, sa première femme, chrétienne et mère de son fils aîné Constantin, parvient à contourner les mesures de persécution. Les Chrétiens s'en souviendront. En Orient, ce sont les martyrs qui pullulent et avec eux les lions qui les mangent ! Cette politique d'une ampleur sans précédent marque une rupture importante dans l'histoire de l'empire romain, dans le sens ou la population chrétienne est désormais nombreuse et influente et qu'elle trouve des soutiens dans tous les milieux. Les persécutions vont laisser des traces politiques et les années à venir opposeront désormais clairement et systématiquement les empereurs anti-chrétiens aux plus modérés.

Dernière question brûlante, alors que la date de la retraite annoncée de Dioclétien approche : l'efficacité des modalités de succession au sein se la Tétrarchie. A l'épreuve des faits, nous allons découvrir que c'est Dioclétien lui-même qui a gâté la belle mécanique institutionnelle qu'il a mise en place. Après un séjour à Rome en 303 pour son Triomphe, et suite à des prémices de maladie, Dioclétien accélère les choses. Fait exceptionnel, il renonce à son titre d'Augustus le 1er mai 305 et convainc Maximien d'en faire de même. Il se retire alors dans son palais de Split où il va s'adonner, entre autres choses, au jardinage Galère devient Primus Augustus, et Constance est mécaniquement élevé au rang de second Augustus. C'est Galère qui préside au choix des deux Caesar, Sévère pour l'Occident et Maximin Daïa pour l'Orient. Les deux hommes sont des généraux proche de Galère : le premier est un illyrien assez médiocre, mais compagnon de longue date des débauches de Galère, le second est un bon général Dace, qui et également son propre neveu (le fils de sa sur). Maximin Daïa a par ailleurs la réputation d'être plutôt rustre, brutal et borné. C'est bien la fidélité à Galère, plus que le mérite qui a donc présidé à ces choix. Mais, Dioclétien avait tenu, dix ans auparavant, à renforcer la Tétrarchie par des mariages. Constance avait dû répudier sa première femme Hélène, d'origine très modeste, pour la noble Théodora, la belle fille de Maximien. Galère a quant à lui épousé Valéria, la fille de Dioclétien. Le problème évident vient de Maxence, le fils de Maximien, et de Constantin, celui de Constance, tous les deux devenus de brillants soldats et qui sont volontairement « oubliés » par Galère dans la nomination des deux nouveaux Césars. Le vers des liens familiaux est entré dans le fruit juteux de la Tétrarchie, et les années suivantes vont en apporter rapidement la preuve. Chacun va en effet réclamer sa part du pouvoir.

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Constantin et Maxence poussent leurs pions

En 305, Constantin (Caius Flavius Valerius Constantinus) est âgé de vingt-cinq ou trente ans. Il est dans la force de la jeunesse et a déjà fait ses preuves comme soldat. Maxence n'a lui que vingt-deux ans environ. Dioclétien, en abdiquant, était loin d'imaginer que ces deux jeunes hommes allaient bouleverser l'édifice soigneusement mis en place autour de Galère. Constantin, est un solide gaillard d'allure martiale et imposante qui a démontré très jeunes ses exceptionnelles qualités militaires. Dioclétien avait pris soin de l'éloigner de son père, en l'appelant auprès de lui dans les armées d'Orient, puis en le conservant envers et contre tous dans sa garde personnelle. Par la même il montrait son intérêt pour un homme de valeur, mais en profitait aussi sournoisement pour en faire un quasi-otage, lui garantissant la fidélité de Constance. Plusieurs fois Constance, de santé fragile a demandé que Dioclétien lui renvois son fils aîné. Jamais l'Augustus n'a cédé. Constance souffrait probablement d'une forme de leucémie, d'où son sobriquet de Chlore, relatif à son teint pâle. Une fois Galère Augustus à son tour, Constance n'hésite plus à évoquer sa santé de plus en plus défaillante pour obtenir le retour de son fils. Au début de l'année 306, une révolte des Pictes de Calédonie menace à nouveau la Bretagne. Constance Chlore s'imagine mener contre eux sa dernière campagne. Il insiste à nouveau sans pudeur auprès de Galère, qui comprend cette fois qu'un refus de laisser partir Constantin serait interprété par l'armée des Gaules et par l'opinion comme une déclaration de guerre. Constantin est donc libre. Il entame alors une « chevauchée fantastique » jusqu'à Trèves où il doit retrouver son père. Sa mère l'avertit des embûches probables que Galère et Sévère vont sans aucun doute lui tendre au cours de son long voyage. Constantin doit en effet traverser tout le territoire sous la juridiction du César d'Occident, son rival désigné. Il ne pouvait imaginer pire, tant ce dernier est conscient du danger qu'il représente pour lui. Tirant parti de sa parfaite connaissance des régions illyriennes, Constantin traverse le Norique puis longe le Rhin jusqu'à Trèves. Malheureusement son père a déjà quitté les lieux pour passer en Bretagne. Constantin parvient à le rattraper au port de Boulogne. Il retrouve aussi ses trois demi-frères et ses trois demi-surs, ainsi que sa belle-mère Théodora. Après avoir célébré brièvement leurs retrouvailles, Constance Chlore et son fils n'ont d'autre choix que de partir en campagne, à la tête des meilleures troupes romaines d'Occident, secondées par des contingents Alamans commandés par leur chef tribal Crocus. L'armée débarque près de Londres, rallie les troupes cantonnées en Bretagne et se met en marche vers le mur d'Hadrien. Des combats se déroulent rapidement dans la zone du mur et les Pictes sont très vite refoulés vers le Nord. Ces premiers succès permettent à Constance de se porter vers le mur d'Antonin, plus septentrional, abandonné depuis des lustres. Son dessein est sans aucun doute de soumettre définitivement toute l'île à la loi romaine. Mais au début de l'été, Constance est de plus en plus affaibli. Il interrompt la campagne et retourne en juillet au camp d'Eburacum (York). Il y meurt le 25 juillet 306. Les principaux officiers d'une armée désormais sans chef évaluent très rapidement la situation. Craignant, en pleine campagne, la démoralisation de leurs hommes, ils décident sans attendre de proclamer empereur Constantin, qui est très populaire auprès de la soldatesque. Il semble d'ailleurs que cette proclamation ne soit pas seulement le fruit des circonstances mais ait été soigneusement préparée par Constance et ses conseillers, dans l'hypothèse où il lui arrivait soudainement malheur. Quoi qu'il en soit, Constantin accepte sans la moindre hésitation la décision de l'armée. Pour ne pas faire de demi-mesure, il est directement proclamé Augustus, en prenant sans scrupule la place réservée théoriquement à Sévère, Caesar légitime d'Occident. À cette nouvelle, Galère éclate dans une colère terrible.

Il ne se résout pas à croire Constantin, qui tente de le convaincre dans un courrier que l'armée de Bretagne lui a forcé la main. Mais Galère n'a guère les moyens d'aller déloger Constantin, tout comme ce dernier n'a pas les forces nécessaires pour aller combattre directement Galère. À l'automne 306, le Primus Augustus met au point un compromis qui va satisfaire temporairement tout le monde : il nomme Sévère Augustus et reconnaît officiellement Constantin comme Caesar. Malgré sa « rétrogradation », c'est une grande victoire pour Constantin qui se voit ainsi réintégré légitimement dans la Tétrarchie, dont il avait été le principal oublié ! Cette habile combinaison, qui démontre le sens politique de Galère, provoque immédiatement de nouvelles complications. Maxence, qui réside près de Rome profite de la réaction de mécontentement des Romains et des Italiens, à la décision de Galère de tous les soumettre à l'impôt, pour réussir une usurpation. Avec les restes de la Garde Prétorienne et le soutien de la plèbe, il se fait proclamer empereur le 28 octobre 306. En position de faiblesse, il s'adresse à son père Maximien pour le faire sortir de sa retraite et il lui offre également la pourpre impériale. Maximien, qui n'avait accepté qu'à contre-cur de démissionner, rejoint volontiers son fils et se fait également proclamer Augustus. Les deux hommes recherchent l'alliance de Constantin, maintenant solidement installé en Gaule. Celui-ci accepte en mars 307 d'épouser en secondes noces Fausta, la seconde fille de Maximien (la sur de la femme de feu Constance son père). Il demeure cependant sur la réserve pour ne pas froisser Galère. Ce dernier ordonne de son côté à Sévère d'aller écraser Maximien et son fils ! Sévère marche donc sur Rome sans attendre le soutien éventuel des armées de Galère, trop éloignées. Arrivé sur place il est piteusement battu par un Maxence en manque de soldats, mais pas de moyens : le fils de Maximien soudoie les soldats de Sévère, qui doit s'enfuir précipitamment vers Milan. Pour l'Augustus officiel d'Occident, la situation s'aggrave rapidement. Milan se révolte et aucun soutien n'arrive de la part de Galère. Sévère accourt à Ravenne, où il se laisse assiégé puis piégé par une offre de négociation de Maximien. Sévère, en se rendant avec une faible escorte vers Rome, où devaient avoir lieu des pourparlers de paix, tombe dans une embuscade soigneusement préparée, au lieu dit les Trois Tavernes. Il est immédiatement étranglé sans autre forme de procès, le 16 septembre 307.

Galère arrive alors en Italie avec ses troupes pour tenter d'y remettre de l'ordre, mais il est déjà trop tard. Galère pourrait se monter indulgent envers Maxence, qui est le mari de sa fille Galèria, mais il ne peut tolérer ni l'assassinat de Sévère, ni le retour de Maximien dans l'arène du pouvoir. Le Primus Augustus ne parvient pas militairement à obtenir de résultats tangibles. Il doit même, devant le fiasco de son offensive à la tête des troupes danubiennes, songer à une retraite précoce devant la solidité de la résistance de Maxence. Ce dernier est désormais le maître solide de l'Italie. La reculade de Galère tourne même à la débandade et l'oblige à faire des offres de paix à Maximien et Maxence. De retour à Nicomédie, en plein désarroi, Galère n'a d'autre idée que de demander à Dioclétien de reprendre la pourpre. Celui-ci dédaigne l'offre d'un revers de la main : « si vous pouviez voir les légumes cultivés de mes mains, vous ne feriez pas une telle tentative », aurait-il dit.

L'année des sept empereurs

Dépité, Galère tente une nouvelle manuvre en proclamant unilatéralement son ami, le général Licinius, comme Augustus d'Occident. Personne n'accepte de bon cur cette nomination et Licinius doit se contenter de prendre la tête des troupes cantonnées dans les Balkans. Constantin se proclame immédiatement Augustus, en successeur légitime de Sévère. Pour compléter ce tableau incroyable de l'année 308, Maximien et son fils se brouillent définitivement en avril. Maxence, craignant un rapprochement unilatéral de son père avec Constantin, son nouveau beau-frère depuis qu'il est marié à sa sur Fausta, prend les devants. Il s'empare seul du pouvoir à Rome, devient Augustus d'Italie et d'Afrique et chasse son père qui, persona non grata en Orient, se réfugie auprès de sa fille et de son gendre Constantin. Ce dernier accueille à bras ouvert celui qui, après tout, n'est que le cinquième Augustus du moment. Pour faire bonne mesure, Lucius Domitius Alexander, vicaire d'Afrique se proclame empereur, tout comme Maximin Daïa en Orient, vexé qu'il ait d'avoir été « oublié » par Galère au profit de Licinius dans les promotions de l'année.

Nous voilà maintenant à sept Augustus Cette fois, à la demande de Galère, Dioclétien accepte une dernière bonne oeuvre en proposant sa médiation dans le cadre d'une conférence devant se tenir à Carnuntum, en novembre 308. Il propose comme solution la reconnaissance de trois Augustes : Galère en Orient, Maximien en Occident et Licinius dans les Balkans, avec trois Filius Augustus, Constantin, Maxence et Maximin Daïa, comme successeurs désignés. Alexander est lui passé par pertes et profits. Les trois « rétrogradés » refusent immédiatement le « compromis de Carnuntum ». Vexé par ce manque de discipline, Dioclétien regagne sa retraite de Split, laissant à Galère une situation ne pouvant plus se régler que par les armes. Il s'éteindra tranquillement dans son repère, en décembre 311, sans plus jamais s'être mêlé des affaires de l'empire. C'est une première dans l'histoire de Rome de voir un empereur mourir « à la retraite ».

La grande guerre civile et la réunification de l'empire (308-324)

Les seize années suivantes vont voir l'irrésistible marche en avant de Constantin, éliminant, directement ou non, ses six rivaux. Une première simplification s'opère entre 309 et 311. Licinius, officiellement Augustus d'Occident, ne tente pourtant presque rien contre Maxence en Italie. Ce dernier, un moment gêné par l'usurpation d'Alexander en Afrique, envoie le chef de la Garde Prétorienne, Rufius Volosianus, liquider son rival. Il faudra cependant dix-huit mois de combats pour y parvenir, fin 309. de son côté, Maximien, réfugié sous la protection de Constantin à Arles, tente le « coup » de trop. Il entreprend d'usurper par tromperie et surprise les pouvoirs de son gendre, alors en campagne contre les Francs. La réaction de Constantin est rapide et Maximien, réfugié à Massalia sans soutien ou presque, y est capturé avant de se suicider. Cette disparition à la vertu de réconcilier un temps Constantin et Maxence. La mort violente de Maximien, grand persécuteur de Chrétiens laisse cependant deux autres persécuteurs en fonction : Galère et Maximin Daïa qui rivalisent de zèle dans ce domaine. Galère est malade d'un cancer. Les Chrétiens influents veulent lui faire croire que c'est une sorte de sanction divine causée par ses persécutions systématiques envers leurs coreligionnaires. Souffrant le martyr, Galère finit par s'en convaincre, et signe sur son lit de mort (en mai 311), un édit annulant toutes les mesures anti-chrétiennes qu'il avait mises en place avec ses collègues de la première Tétrarchie. Il ne reste alors que deux Augustus en Occident, Constantin à Trèves et Maxence à Rome, et deux en Orient, Licinius à Sirmium et Maximin à Antioche. De nouvelles rivalités sont inévitables et en 311, Maximin Daïa marche avec son armée contre Licinius. Les deux hommes préfèrent se partager l'Orient plutôt que de se battre : Maximin Daïa contrôle maintenant l'Asie Mineure et les provinces orientales et Licinius tous les Balkans.

Des vraies batailles, il va-y en avoir en Occident. Maxence tente de ramener aux affaires l'aristocratie romaine et de valoriser le peuple de Rome. N'a-t-il pas en ce sens appelé ses deux fils Romulus et Remus ? Mais il perd sa popularité par des exactions financières et une certaine débauche qui s'avère impopulaire. Il demeure par ailleurs dans une attitude ambiguë, vis-à-vis des Chrétiens. À l'inverse, Constantin, en qui les philosophes de l'école néo-platonicienne de Plotin voient un nouvel Horus, ou un Apollon solaire, appelé à gouverner seul le monde, regarde avec bienveillance les anciens cultes comme les nouveaux. Sous l'influence de sa mère Hélène et de son mentor l'évêque égyptien Hosius, il se montre compréhensif, comme l'avait été son père, vis-à-vis des communautés chrétiennes de Gaule. Sa popularité est au beau fixe, surtout après sa victoire totale sur les Francs et ses travaux gigantesques pour transformer Trèves en une vraie capitale impériale. Sentant la situation favorable, Constantin traverse les Alpes en 312, à la tête de l'armée de Gaules. Il veut en finir avec Maxence, dont il bat les troupes près de Turin, puis aux environs de Vérone. Maxence fuit vers Rome, pour s'y retrancher avec ses meilleures troupes. Constantin n'hésite pas un instant, et s'élance droit vers l'antique capitale. En chemin, lui et ses hommes peuvent contempler dans le ciel l'extraordinaire conjonction de trois planètes, Jupiter, Mars et Saturne, qui forment au milieu des étoiles du Capricorne un très lumineux X, dont l'un des sommets est recourbé en forme de crosse. Est-ce le décan de Saturne, ou les initiales grecques superposées (XP) de Christos ? Constantin n'a probablement pas encore choisi de se placer définitivement sous la bannière du Christianisme. Il reste ouvert aux arguments de ceux qui voient en lui un nouvel Apollon, comme à ceux qui l'imaginent comme le levier politique de l'avènement universel de la religion du Christ. Constantin ordonne donc à ses hommes d'arborer ce signe, annonciateur de sa victoire et de son destin exceptionnel, sur leurs boucliers : in hoc signo vinces ! Une chose est bien certaine, Constantin croit fermement en son étoile et à la prochaine victoire de son armée Maxence aussi consulte les augures, qui lui indiquent que « le 28 octobre devrait périr l'ennemi du peuple romain ". Il en déduit hâtivement que Constantin est condamné, et décide de sortir de Rome pour combattre au lieu de rester à l'abri de ses murailles ! Constantin est alors établi sur une colline à quelques kilomètres de Rome, d'où il contrôle les voies Flaminia et Cassia. Maxence fait doubler le Pont Milvius d'un pont de bateau pour que ses cinquante mille hommes traversent le fleuve et avancent le long de la via Flaminia. À peine arrivée à Saxa Rubra (Les Roches Rouges), l'avant-garde de Maxence rencontre les éclaireurs de Constantin qui sonnent l'alarme.

Les deux armées se déploient dans la plaine. Les cavaliers Gaulois, Bretons et Germains de Constantin attaquent sur les deux ailes et repoussent les Maures et Numides de Maxence, avant d'attaquer au centre son infanterie et les Prétoriens désormais sans protections. Maxence et ses hommes se voient rapidement perdus et ils refluent vers le pont Milvius. Celui-ci, encombré et surchargé s'effondre. Maxence périt noyé dans le Tibre. La guerre éclair de Constantin en Italie s'achève par une victoire totale. Le corps de Maxence est retrouvé et l'on amène bientôt à Constantin sa tête sur une pique ! Par précaution, Constantin fait étranglé Remus, le seul fils encore vivant de Maxence et Galèria, quelques semaines plus tard. Il est maintenant le seul empereur d'Occident. Cette victoire précipite les évènements en Orient. Licinius qui a épousé Constantia, la demi-sur de Constantin en 313, est devenu son allié. Maximin Daïa s'est emparé la même année de Byzance, relançant les hostilités, et rencontre le 30 avril l'armée de son rival à Ergenus, près d'Andrinople. Maximin a avec lui soixante-dix mille hommes, mais la supériorité tactique des trente mille soldats danubiens de Licinius suffit à emporté la décision. Là encore, les soldats de Licinius arborant aussi la croix, viennent à bout de l'armée de Maximin Daïa, persécuteur invétéré qui avait juré d'éradiquer le Christianisme de l'empire. Le IIIe siècle aurait-il choisit le camp du Christ ? Maximin parvient à s'enfuir mais est rattrapé et assiégé à Tarse, où il se suicide en août 313. Licinius inaugure sa conquête de l'Orient par un bain de sang en assassinant Candidianus, le fils illégitime de Galère et Severianus, le fils de Sévère, faisant le vide autour de lui.

Il met également fin aux persécutions des Chrétiens. Le tête-à-tête Constantin - Licinius peut maintenant commencer. Deux empereurs seulement, voilà longtemps que Rome n'avait pas vu cela. La rupture entre les deux beau-frères va être rapide. Elle naît du choix successif par Licinius de Césars que Constantin n'a pas choisit. D'abord Bassianus, que l'Auguste d'Occident fera assassiner, puis Valens. Constantin intègre maintenant clairement le Christianisme dans sa politique. Il refuse de sacrifier aux jeux séculaires de Rome et installe, sur le conseil de sa mère Hélène, l'évêque de Rome dans la somptueuse villa du Latran ! Plus tard il financera sur ses deniers la construction d'une gigantesque basilique. Il veut aussi éliminer son dernier rival, qui l'inquiète depuis qu'il a aussi un fils, et donc un héritier. Le 8 octobre 316, Constantin défait Licinius à Cibala (Laibach, en Carinthie), puis à Andrinople, avec une armée pourtant moins nombreuse. Constantin se contente pour l'instant d'un compromis et ne réclame que l'annexion les Balkans (sauf le Bas Danube et la Thrace). Cet ajustement territorial est validé par le traité de Sardique du 1er mars 317. L'accord entre les deux Augustus stipule également que Licinius doit livrer à Constantin le Caesar Valens en victime expiatoire. Enfin, pour stabiliser la répartition de pouvoir, Constantin nomme Caesar ses deux fils aînés, Crispus et Constantin II (qui ne sont que demi-frères), tout comme Licinius élève Licinianus son fils au même rang. Le dernier acte se joue en 324 pour des motifs autant religieux que politiques. Licinius, sans être un persécuteur, s'est éloigné des Chrétiens et exécute quelques évêques. Constantin se saisit de l'occasion pour aller à la bataille. Cette fois Constantin est à la tête d'une armée largement plus puissante que son rival et il écrase Licinius à Chrysopolis (près d'Andrinople), le 18 septembre. Ce dernier capturé est exilé à Thessalonique avec Licinianus, âgé de neuf ans. Ils sont tués au printemps 325 seulement, tout comme Martinianus, un nouvel et éphémère Caesar nommé par Licinius, réfugié lui en Cappadoce. L'empire est enfin réunifié. Constantin le doit essentiellement à sa nouvelle armée.

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La nouvelle armée de Constantin

Du point de vue des effectifs, les totaux restent importants : cent mille pour Constantin et cent quatre-vingts mille pour Maxence pendant la campagne de 312. Mais, sur ces chiffres, le véritable corps de bataille est bien plus réduit et n'est que de l'ordre de vingt-cinq mille pour l'armée de Constantin à la bataille de Saxa Rubra, face aux cinquante mille de Maxence. Le reste des troupes demeure aux frontières. À Cibala, Constantin aurait aligné vingt mille hommes contre trente-cinq mille pour Licinius, qui en perd vingt mille dans la bataille !
Après des évolutions progressives, de 313 à 324, Constantin inscrit dans le marbre ses réformes via l'édit du 17 juin 325 qui réforme officiellement l'armée. Celle-ci est désormais partagée en trois groupes : les forces d'intervention ou « d'accompagnement du Prince » (comitatenses), les gardes-frontière (ripenses) et les soldats des ailes et des cohortes (alarmes et cohortes). Ces dernières vont d'ailleurs bientôt se fondre aux ripenses. Les meilleures troupes, qui forment le comitatus, sont elles-même réparties en trois classes, de qualité décroissante : en haut de l'échelle, les Palatins (garde impériale et troupes d'élite), les comitatenses réguliers et les pseudo-comitatenses (troupes retirées de la garde des frontières pour le besoin d'une campagne donnée). Les Prétoriens ont disparu avec Maxence à Saxa Rubra et Constantin a dissout leur unité. Ils sont remplacés par les unités d'élite que sont les onze Scholes Palatines (Scholae Palatinae). L'Occident dénombre trois scholes de Scutaires (cavaliers armés d'un bouclier), numérotées de un à trois, et une schole d'Armatures seniors (cavaliers légers). L'Orient rassemble les sept autres scholes : quatre scholes de Scutaires, la première, la seconde, celle des Scutaires-archers et celle des Scutaires-clibanaires ; deux scholes de Gentils (barbares) seniors et juniors et une schole d'Armatures juniors. Le reste du comitatus est composé de légions et d'auxiliaires (auxilia palatina) pour l'infanterie, et de vexillations pour la cavalerie. Au quotidien, l'armée évolue dans le cadre de « brigades » regroupant des unités associées en binômes et d'un effectif compris entre deux et cinq mille hommes. En Occident, on trouve souvent les trois brigades d'auxilia palatina suivantes : Celtes et Pétulants, Bracchiates (porteurs de braies) et Cornus (casques à cornes), Bataves et Hérules. L'empereur est en général suivit par les quatre brigades de légions palatines : Joviens et Herculiens, Victorieux et Joves, Pannoniens et Mésiens, Lanciers et Mattiaires et enfin Divitiens et Tongriens. C'est l'ensemble de ces forces qui est appelé à livrer les batailles et à effectuer les manuvres stratégiques.

Le comitatus peut compter jusqu'à quatre-vingt mille hommes lorsque des circonstances dramatiques l'exigent. Ce sera par exemple le cas pour l'armée de Constance II à la bataille de Mursa (355), livrée contre l'usurpateur Magnence. L'effectif moyen de l'armée de manuvre se situe donc autour de quarante mille pour chaque moitié de l'empire. Pour les grandes expéditions, comme celle de Julien en Perse en 363, on transférera des unités d'Occident en Orient, pour rassembler une armée de campagne de soixante à soixante-cinq mille hommes. Les unités de ripenses, qui prendront le nom de limitanei après Constantin, sont formées de moins bonnes recrues et ne combattent que dans un cadre défensif régional. Ces gardes-frontière totalisent peut-être plus de trois cent mille hommes. La conséquence, au niveau de la grande stratégie de l'empire, est la mise en avant désormais sur la défense en profondeur, le comitatus intervenant pour livrer une bataille décisive, sur les arrières du rideau frontalier formé par les ripenses, lorsque ceux-ci sont débordés. L'armement lui aussi évolue. Pour l'infanterie, l'équipement comprend un casque à cimier métallique, une cotte de maille, un bouclier ovale portant l'emblème de l'unité, une épée longue et une lance d'arrêt. Les cavaliers Scutaires portent un bouclier, une cuirasse d'écailles, un casque segmenté à nasal une lance et une épée longue. Les cavaliers lourds, cataphractaires ou clibernaires sont cuirassés de la tête aux pieds et leur cheval est caparaçonné.

Le concile de Nicée

L'autre acte majeur du règne de Constantin, qui va demeurer seul Augustus jusqu'à sa mort en 337 est d'ordre religieux. Constantin est en proie à des problèmes familiaux. Son fils aîné, Crispus, vaillant soldat qui l'a épaulé de manière décisive contre Licinius est jalousé par Fausta, la seconde femme de l'empereur, qui veut ouvrir la voie de la succession à ses fils. On parle aussi d'une affaire amoureuse entre Crispus et Fausta qui aurait mal tourné... Quoi qu'il en soit, Constantin se laisse aller en 326 à condamner à mort son fils et peut-être rival, sous l'influence de Fausta. Helena convainc par la suite Constantin de condamner à son tour Fausta, qu'elle accuse d'intriguer. Perclus de remords et déjà chrétien convaincu depuis sa victoire sur Maxence, Constantin va se tourner de plus en plus vers le soutien à la nouvelle foi, autant pour expier moralement sa faute que par réalisme politique. Il fait restituer tous les biens de l'Eglise confisqués par ses prédécesseurs, puis fait interdire les sacrifices païens et les combats de gladiateurs. Constantin fait piller en Orient les trésors des temples païens pour financer la construction les constructions chrétiennes. Il autorise aussi les legs en faveur de l'Eglise, ce qui contribuera à développer sa prospérité. Il contribue à la mise en valeur des lieux saints, où Hélène ira bientôt en pèlerinage. La mère de l'Augustus y retrouvera la Sainte Croix, ce qui lui vaudra la canonisation ! Sans exclure les dignitaires païens de son entourage, Constantin donne un rôle plus important, au sein de sa cour, aux Evêques. Le régime évolue progressivement vers une monarchie héréditaire de droit divin. Constantin inaugure même le Césaro-Papisme en se mêlant de la résolution de la crise théologique, née de l'hérésie arienne. En 318, un prêtre Egyptien, Arius développe une théorie instituant une hiérarchie entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Seul le premier est totalement divin, Jésus n'étant divin que par « ressemblance » (homoiousia en Grec) et non par consubstantialité comme l'orthodoxie chrétienne l'affirme. Soucieux d'avancer vers la formule qui fera ensuite recette, « un Empire, une Religion », Constantin convoque tous les évêques d'Occident et d'Orient à Nicée, en 325. Il obtient le vote quasi unanime d'un credo officiel, réaffirmant la consubstantialité de la Sainte Trinité (homoousia en Grec, langue très subtile !).

Constantin, comme beaucoup d'évêques occidentaux, s'est énervé des querelles plus que fumeuses des évêques orientaux. Il a donc forcé la main de tout ce beau monde et abrégé les débats : « Il eût fallu commencer par ne pas poser de telles questions et par n'y point répondre ! Car de telles recherches, qui ne sont prescrites par aucune loi mais suggérées par l'oisiveté, mère des vaines querelles, peuvent bien servir à l'exercice de l'esprit, mais doivent être renfermées en vous-mêmes et non lancées à la légère dans des réunions publiques ou confiées inconsidérément aux oreilles du peuple », lance-t-il au Concile. C'est un magnifique résumé de son caractère, plein de bon sens militaire. L'intérêt de l'état avant tout ! Le concile s'achève par la fixation officielle de la date de célébration de la Pâques chrétienne, que Constantin veut clairement démarquer de la Pâques juive. Malgré ces « querelles byzantines » qui peuvent paraître futiles, la foi de l'empereur est désormais sincère et il franchira la dernière étape de son parcours initiatique en demandant le baptême sur son lit de mort, le dimanche de Pentecôte 337. Enfin, après sa victoire sur Licinius il fait bâtir Constantinople, sur le site de Byzance, en six ans seulement (de 324 à 330). Une nouvelle capitale éclipse désormais à la Rome du Sénat comme la Nicomédie de Dioclétien. Par là, Constantin marque son siècle. Bien qu'il embellisse également Rome, l'Augustus indique clairement que l'avenir de l'empire s'écrit désormais ailleurs : dans la foi chrétienne comme dans sa nouvelle capitale, située au cur de son nouveau centre vital.

La succession de Constantin

Après de dernières campagnes victorieuses, contre les Alamans en 328, les Goths en 332 et les Sarmates en 334, Constantin consolide l'empire, au point de récupérer la plus grande partie de la Dacie. Il laisse à sa mort, en 337, un état réunifié et une situation militaire saine. Il laisse aussi trois fils encore très jeune : Constantin (né en 316, César en 317), Constance (né en 317, César en 324) et Constant (né en 320, César en 333). Constance est alors le seul de ses fils présent à Constantinople. Il organise rapidement l'élimination physique de toute les autres mâles de la famille : les cousins, Dalmatius, éphémère César et Hannibalianus, éphémère « roi du Pont » et les oncles (Dalmatius le père et Jules Constance). L'objectif est, bien entendu, d'éviter qu'ils se mêlent durablement au partage du pouvoir qui commence. Seuls deux fils de Jules Constance, Gallus et Julien, échappent au massacre et sont exilés en Cappadoce. Quelques mois plus tard, en septembre 337, les trois fils de Constantin prennent le titre d'Augustus et se partagent l'empire. Constantin II, l'aîné reçoit la Gaule, l'Espagne et la Bretagne. Constant II récupère l'Italie, l'Afrique et les provinces danubiennes d'Occident. Constance II hérite de tout l'Orient. Les querelles ne vont pas tarder. En 340, Constantin II envahit l'Italie mais est vaincu et tué à Aquilée par son frère Constant. Ce dernier règne désormais sur tout l'Occident. Dix ans plus tard, Constant succombe à une conspiration et est détrôné par le général Magnence qui se proclame Augustus d'Occident à sa place. Constance II, victorieux des Perses au cours des années passées, ne tergiverse pas, il prend la tête de son armée et marche à la rencontre de l'assassin de son frère.

La rencontre à lieu à Mursa, en septembre 351, et c'est la plus grande bataille rangée du siècle d'où Constance sort brillamment vainqueur. Magnence se replie en Gaule, il est battu et éliminé après une nouvelle défaite devant Lyon, en 353. Constance II, comme son père treize années auparavant, se retrouve seul Augustus d'un empire réunifié. Constance II est un étrange personnage, chrétien arien dévot, très secret, qui gouverne au travers d'une lourde administration aux mains des eunuques et de ses « services secrets » omniprésents. L'usurpation de Magnence a déstabilisé Constance II qui ressent le besoin d'être épaulé dans sa tâche. En 351, Il rappelle son cousin Gallus et en fait son Caesar le 15 mars. Le jeune Julien est autorisé également à quitter son exil, pour rejoindre Nicomédie. Gallus, après avoir rendu quelques services à son maître en Orient, commet trop d'imprudences pour « durer ». Bien que d'une piété exagérée, il est à l'origine de nombreuses exactions et atrocités à Antioche, où il réside. Il sombre également dans la débauche, avec le concours actif de sa jeune épouse Constantinia, une des surs de Constance II. En 354, l'Augustus, avec sa froideur habituelle, le fait traduire en conseil de guerre en Dalmatie et le fait décapiter. Gallus, âgé seulement de 29 ans serait mort, selon Ammien Marcellin, écuré de sa propre personne Sans héritier direct, Constance II pare au plus pressé en convoquant Julien à Milan, où il se trouve alors avec l'Augusta Eusebia.

Le 6 novembre 355, Constance II fait de Julien, le dernier survivant avec lui de la lignée de Constantin, son nouveau Caesar. Julien n'a alors pas encore vingt-quatre ans. Pour faire bonne mesure, il est marié à Hélène, la plus jeune sur de Constance. Pour le tester (ou pour déjà tenter de l'éliminer ?), l'empereur décide d'envoyer son César en Gaule, qui vient d'être envahie par les Alamans et les Francs. Pour entreprendre cette mission essentiellement militaire, Julien n'a pourtant aucune expérience de soldat. Bien au contraire, il a passé ses années d'exil à Marcellum, en Cappadoce, puis les années récentes de liberté surveillée à Nicomédie ou à Athènes, à étudier la philosophie ! Qui plus est, élevé comme un Chrétien, à l'instar de tous les membres de sa famille, Julien est fasciné par l'antique religion de Rome et par les néo-platoniciens. Confié en exil à l'évêque arien Georges de Cappadoce, Julien consacre son temps à dévorer les nombreux ouvrages de la riche bibliothèque de celui-ci. À Nicomédie, Julien passe sous la coupe d'un autre évêque arien, Eusèbe, mais il est surtout sensible aux cours d'un eunuque chrétien, Mardonios, qui est aussi passionné d'hellénisme. Il rencontre ensuite le philosophe Maximos d'Ephèse, néo-platonicien de la tendance Jamblique, qui prend l'ascendant sur tous ses autres précepteurs. Avec Maximos, Julien trouve son chemin, celui du retour à la religion traditionnelle et du rejet du christianisme auquel il n'a adhéré jusqu'alors que par pure façade. Mais Maximos, tout en étant un flamboyant philosophe spécialiste d'Aristote, a aussi un goût immodéré pour des pratiques sectaires, secrètes et mystérieuses, qui vont impressionner Julien plus que tout. La foi sincère de Julien pâtira d'ailleurs longtemps des superstitions hors de propos de Maximos. Julien méritait sans doute mieux comme conseiller qu'un philosophe aux penchants charlatanesques. Thémistios, un autre de ses philosophes-conseillers, joua heureusement auprès de lui un rôle plus avisé.

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L'aventure fugace de Julien dit l'Apostat

En dehors de ces questions de religion encore secrètes, Julien va devoir son ascension rapide à de fabuleux et inattendus succès militaires. Après Marc-Aurèle, Rome vient de se trouver un second empereur soldat et philosophe : une vraie génération spontanée.

Arrivé en Gaule, Julien, qui arbore une barbe démodée et ne paye guère de mine avec son physique râblé et ses tenues négligées, s'avère un incroyable entraîneur d'hommes. Les limitanei de la frontière du Rhin sont à ce moment totalement débordés. Les Alamans sont installés sur la rive gauche du fleuve, les villes de Cologne, Autun, Troyes ou Reims sont occupées et les barbares ravagent le pays. Julien quitte Vienne et remonte vers le nord avec sa petite armée. Il s'attache rapidement la confiance et la fidélité des généraux, notamment le Gaulois Saloustios, et des soldats de l'armée. Fait incroyable, il accompli l'exploit de reprendre Cologne au terme de sa première campagne ! Il s'installe ensuite à Lutèce, ville qu'il aime entre toutes et dont il vante le fleuve pour la pureté de son eau En 357, il remporte un succès qui va faire pâlir de jalousie Constance II. Au cours de l'été, Julien entreprend une manuvre en tenaille contre les Alamans. Barbation, un général envoyé par l'Augustus pour le surveiller, plus que pour l'aider, est dirigé sur Bâle avec vingt-cinq mille hommes. Julien marche vers Saverne avec treize mille hommes d'élite. Après avoir séjourné un temps à Saverne, et réalisant que Barbation ne viendra pas le secourir comme prévu, le Caesar décide de prendre la situation en main avec ses seules forces. Il lance son armée contre les trente-cinq mille Alamans de Chnodomar et Serapio, rassemblés près de Strasbourg. Julien range ses troupes peu nombreuses sur deux rangs et emploie ses réserves avec calme et discipline, en fonction de l'évolution de la situation. Malgré des moments difficiles, notamment la retraite de ses cavaliers qui vont se reformer à l'arrière, l'armée romaine, notamment les Cornuti et les Bracchiati, tient bon et finit par faire craquer la ligne de bataille des Alamans. Les barbares s'enfuient et déplorent de très lourdes pertes au cours de la poursuite. Julien, général par la force des choses, parvient grâce à cette victoire décisive à rétablir Rome dans ses frontières occidentales. Il devient le héros de ses soldats et se conduit à Lutèce en « bon roi des Gaules ». Constance II cède maintenant à l'inquiétude et à la méfiance, devant la popularité croissante de son Caesar. Pour affaiblir son beau-frère et cousin, il lui réclame ses meilleures troupes sous le prétexte de la préparation d'une campagne contre les Perses. Les auxiliaires Gaulois, les Celtes et les Pétulants, ne voient pas d'un bon il leur exil oriental. Les soldats se mutinent pour éviter de quitter la Gaule. Mieux, ils proclament Julien Augustus par une nuit de février 360. Julien hésite, songe aux Dieux qu'il veut rétablir et se résigne à accepter la pourpre. Il tente d'expliquer la situation à Constance et de calmer le jeu.

Celui-ci ne veut rien savoir. L'empire est mûr pour une nouvelle guerre civile. Julien rassemble donc son armée et se dirige en ligne droite vers Constantinople, pour une nouvelle guerre éclair. Cette fois les troupes gauloises acceptent de quitter leurs terres. Julien atteint Sirmium, puis Naïssus dans l'Illyrie de ses ancêtres. Les villes se rallient sans combat. Constance fourbit ses armes, mais meurt subitement et opportunément à Tarse, le 3 novembre 361. Sans héritier, et sans doutes par réflexe familial, il désigne Julien comme son unique successeur ! Voilà ainsi le nouvel empire chrétien qui passe dans les mains d'un philosophe néo-platonisant ! Pour le peu de temps qu'il lui reste à vivre, Julien tente comme il peut de rétablir les droits de l'ancienne religion romaine, qu'il réorganise sur le modèle de l'église catholique. Julien étale maintenant au grand jour son attachement aux cultes traditionnels. Pour cela les Chrétiens le traiteront d'Apostat, bien qu'il n'ai jamais auparavant adhéré à leur foi. Par riposte, Julien joue sur les divisions entre orthodoxes et ariens, pour affaiblir l'Eglise et favorise également les revendications de Juifs, qui souhaitent reconstruire leur temple. Mais Julien, honnête, actif, brillant et finalement bon empereur ne comprend pas que les temps ont changé. L'heure n'est plus à l'ancienne Rome et rien ne viendra plus contrarier la communion de plus en plus profonde entre les aspirations morales et religieuses des sujets de l'empire et avec la foi chrétienne. Sa tentative n'est qu'un combat d'arrière-garde, sans réel espoir de victoire. Pour augmenter son aura, et donc sa popularité et sa marge de manuvre, Julien confie de nouveau son destin à l'armée. Il rassemble en 363 l'élite des unités romaines, soit plus de soixante-cinq mille hommes venus d'Occident et d'Orient, pour se lancer à la conquête de la Perse comme l'avait fait Trajan en son temps. Julien veut punir le roi sassanide Sapor II de ses incessantes incursions contre les villes romaines frontière d'Amida et Singara.

L'expédition démarre plutôt bien et l'armée atteint sans encombre Ctésiphon, la capitale d'hiver de l'ennemi. Julien fait traverser de force le Tigre à ses soldats. Pour la première fois, les Perses acceptent le combat et font subir des pertes importantes aux Romains. Après avoir tenté un moment d'assiéger la capitale, Julien change de cible et tente de pousser l'armée ennemie à une bataille décisive. L'histoire se répétant, les Perses esquivent la lourde armée romaine, qui a brûlé sa flotte d'accompagnement pour remonter vers le nord. D'une posture désormais offensive, l'armée de Julien voit son moral faiblir de jours en jours. Elle subit difficilement le harcèlement incessant des archers à cheval perses. Julien cherche alors à rejoindre la colonne de renfort, venant d'Arménie qui est conduite par les généraux Procope et Sébastien. Il n'en aura pas le temps. Au cours d'une des escarmouches quotidiennes imposées par les Perses, Julien est blessé à mort par un coup de lance. Dans la confusion, certaines mauvaises langues, affirme que le javelot aurait été l'arme d'un soldat chrétien de l'armée romaine. Il est plus probable que le coup soit venu des Perses, qui n'en sont plus à leur premier empereur romain comme trophée de guerre L'armée désemparée offre la pourpre au Gaulois Saloustios qui la refuse, avant de la proposer à Jovien, un fade général chrétien qui l'accepte. Jovien signe la paix au plus vite et cède la rive gauche du Tigre aux Perses, avant de mourir en février 364 sans avoir pu rejoindre Constantinople. Toutes les conquêtes de Dioclétien sont abandonnées. Le règne de Julien n'aura donc été qu'une parenthèse dans un siècle dominé par la figure de Constantin, mais quels que soient leurs Dieux protecteurs, les deux hommes auront écrit l'un comme l'autre, à la tête de l'armée romaines des pages magnifiques de l'histoire militaire de Rome.

Mutations?

De ce grand siècle de mutations, ce n'est pas l'abaissement de Rome, mais au contraire sa résurrection militaire et morale que l'on retiendra. Trois empereurs d'exception marquent chacun de leur empreinte particulière l'empire renaissant. Dioclétien, organisateur, administrateur et politique de génie, parvient à sortir l'état de l'impuissance chronique des cinquante années précédentes. Mais l'Augustus Illyrien est de caractère aussi rigide que la stricte Tétrarchie qu'il instaure et qui ne lui survivra guère. Par rigorisme encore, il se fera même persécuteur. Julien, aussi studieux philosophe que grand général évitera cette dérive, mais il gâtera ses victoires sensationnelles par un conservatisme religieux presque caricatural. À l'inverse, Constantin, lui aussi capitaine magnifique et politicien sans scrupule, prend la mesure de son époque, avec bon sens et pragmatisme, pour capter au profit de l'empire et du salut de son âme la modernité sociale, la puissance morale et le dynamisme du Christianisme de son siècle. Julien et Constantin se sont tous deux appuyés sur la valeur incomparable de l'armée romaine des Gaules. C'est pourtant bel et bien le second et lui seul qui a bâti, au cours de son long règne, une nouvelle Rome, à la fois dans l'Eglise Catholique et dans les splendeurs de sa nouvelle capitale, Constantinople.

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 Sujet du message: Re: Par ce signe tu vaincras. De Frédéric Bey.
Nouveau messagePublié: 07 Sep 2008, 23:58 
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Bibliographie indicative :
Sources :Ammien Marcellin, Histoires, Les Belles Lettres 1978 à 1999
Sur les empereurs :
Christian Y.M. Kerboul, Constantin et la fin du monde antique, Editions du Pontig 1996
Claude Fouquet, Julien, la mort du monde antique, Les Belles Lettres 1985
Lucien Jerphagnon, Julien dit l'Apostat, Seuil 1986
Lucien Jerphagnon, Le divin César, étude sur le pouvoir dans la Rome impériale, Taillandier 1991
Guy Gauthier, Constantin ou le triomphe de la croix, France Empire 1999
Chris Scarre, Chronique des empereurs romains, Casterman 1995
Sur l'armée et les campagnes :
Peter Connolly, Greece and Rome at War, Greenhill Books 1998
Adrian Goldsworthy, Les guerres romaines, Autrement 2001
Lucien Jerphagnon, Histoire de la Rome antique, les armes et les mots, Taillandier 1987
Edward Luttwak, La grande stratégie de l'empire romain, Economica 1987
Philippe Richardot, La fin de l'armée romaine (284-476), Economica 1998

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