Il y avait certainement des chaudrons, mais vu le prix du métal, ils devaient être réservés aux élites assez fortunées. De plus, dans les milieux militaires, le métal était avant tout réservé à l'armurerie.
Le soldats et les gens "du commun" se contentaient d'ustensiles en terre. Ce n'est pas du tout à considérer comme un gros handicap. et il est nettement plus facile de cuisiner dans des pots en terre que dans des chaudrons, dans lesquels la nourriture attache et brûle très facilement. De plus les oxydes métalliques peuvent altérer le goût et la couleur de ce que l'on cuit. Voire empoisonner si on a apparition de vert-de-gris dans les casseroles en cuivre. En fait rares sont les chaudrons retrouvés en fouille dans les sites de consommation. On en retrouve par contre beaucoup plus facilement dans les dépôts de pillage...
En ce qui concerne les oules, elles existent déjà, en fait puisqu'en latin le pot globulaire à cuire se nomme "
olla". Simplement il a le fond plat, et non bombé comme cela devient le plus souvent le cas dès le VIème siècle.
En fait, la batterie de cuisine se résume pratiquement à trois pièces: Olla, caccabus et patina
Olla, le pot à cuire est généralement haut pourvu d'un col cintré et d'une lèvre recourbée, parfois crochue. Comme ses deux suivants, le type est universel ou presque, on le retrouve partout avec quelques variantes de forme.
L'atelier de la ZAC Charavay à Lyon-Vaise nous en fournit de très bons exemples. Cet atelier a fonctionné jusque dans les dernières années du IVème ou la première décennie du Vème siècle. La monnaie la plus récente retrouvée parmi les rebuts de cuisson est de Magnus Maximus (383-387). Des exemplaires issus de cet atelier, mais retrouvés en sites de consommation confirment cette datation, la portent même durant le premier quart du Vème.
Exemples de pots à cuire de Lyon-VaiseLes types retrouvés en Suisse romande concordent aussi:
Pot à cuire retrouvé dans les fouilles du Castrum d'Yverdon. probablement d'époque valentiniennePot à cuire retrouvé dans la fortification de hauteur de Châtel-Arrufens, Cne de Montricher en Suisse romande. Cet éperon a été occupé jusque vers 425 au moins, des monnaies de Jovin, Jovien et Constantin III figurent à l'inventaire des fouilles.Ce type de pot est de loin le plus courant. On y cuisait les soupes, potées et brouets divers, tout ce qui ne nécessitait pas d'être frit ou sauté auparavant.
Caccabus, notre bonne vieille cocotte, figure en bonne place dans les inventaires de cuisine. Au départ, elle fut plutôt ventrue, encore imprégnée de la tradition grecque, puis elle devient cônique, pour enfin s'arrondir à nouveau petit à petit au cours du IVème et reprendre une forme ventrue aux Vème et VIème.
Lyon-Vaise à nouveau nous en fournit quelques exemplaires:
Jattes et plats à cuire de la fin du IVème, Lyon-vaise. En ce qui concerne les jattes, les formes côniques et ventrues se cotoient. Apparemment les formes ventrues s'utilisent avec un couvercle.Une cocotte issue des fouilles du Castrum d'Yverdon. Ces récipients sont surtout destinés à préparer des plats mijotés, tels que des ragoûts. On peut facilement faire sauter légumes et viandes avant de les laisser mijoter.
Réplique d'une cocotte kaolinique du Vème siècle: très répandue dans la vallée du Rhône où elle est fabriquée en masse, on la retrouve souvent dans la vallée de la Saône, et plus occasionnellement jusque dans le bassin parisien ou la Suisse Romande.Et enfin,les
patinaeMinoritaires avec 5 à 10% seulement d'individus comptés, les patinae sont à la fois des plats à frire et des plats à gratins qui s'utilisent dans un four. Ils sont symboliques de la cuisine méditerranéenne, et disparaîtront vers la fin du Vème siècle avec cette tradition culinaire. Dans le Sud, ils survivent nettement plus longtemps. On la trouve dans l'assortiment fabriqué à Lyon, comme le montre l'image avec les jattes ou cocottes, sans que ce soit une exclusivité lyonnaise, car ces plats à frire se fabriquent un peu partout où l'on est susceptible de trouver une terre suffisamment résistante.
La vallée du Rhône en a aussi fourni en abondance jusque vers l'an 500.
Le type "Kaol C8" Jargon tout à fait barbare pour qualifier ce type de la vallée du Rhône, produit entre 400 et 500Parallèlement à ces récipients, il existe aussi des pichets à feu et des bouilloires (en forme de cruches), mais ils sont rares et de types peu définis.
Et grosse question: Est-ce facile à cuisiner dans ces trucs?
Ben oui!
Il faut tout de même avoir quelques notions de cuisine et une certaine habitude à l'entretien d'un feu. Il ne sert à rien de cuire comme des brutes parce qu'on est pressés. On risque de tout brûler, et en plus de faire éclater le pot. Il faut entretenir un feu régulier et doux, l'idéal étant d'avoir deux feux, l'un pour préparer la braise, éventuellement le charbon de bois si on a pas peur de la fumée, et le deuxième pour cuire avec peu de flammes et beaucoup de braise. Si c'est pas possible on allonge le feu au charbon de bois.
Après, c'est selon les goûts de chacun. L'été dernier je me suis risqué à faire des crêpes dans un plat à frire en terre, je n'en ai pas collé une seule et elles étaient excellentes.
Ici, lors d'une journée d'animations au Musée Romain de Nyon (CH) le GRAPA (groupe de recherche sur l'alimentation protohistorique et antique, UNILausanne) fait frire des boulettes de viande aux pignons, qui seront arrosées d'une sauce au miel qui mijote doucement dans le pot situé juste à côté du feu. La chaleur latérale suffit à faire frémir la sauce. Le gril est histo, mais rare. C'est un type gaulois tardif, plutôt époque Guerre des Gaules. Le plat à frire et le pot sont de mêmes époques, mais les utilisations sont les mêmes, c'est la fonction qui crée la forme...
Sinon, les mets les plus faciles à préparer sont les couscous et autres pot-au-feu, plats plusieurs fois millénaires.