A la fin du IVème siècle de notre ère, une patricienne romaine âgée de cinquante et un ans tient son journal, ou plutôt une sorte d'agenda. Elle consigne sur des tablettes de buis des achats qu'elle projette, des rentrées d'argent, des plaisanteries, des scènes qui l'ont touchée. Pendant vingt ans Apronenia Avitia se consacre à cette tâche méticuleuse, dédaignant de voir la mort de l'Empire, le pouvoir chrétien qui s'étend, les troupes gothiques qui investissent à trois reprises la Ville. Elle aime l'or. Elle aime la grandeur des parcs et les barques plates chargées d'amphores et d'avoine qui passent sur le Tibre. Elle aime descendre aux cuisines et dévorer tout à coup. Elle aime l'odeur et la politesse du plaisir. Elle aime boire. Elle aime les hommes qui oublient de temps en temps le regard des autres hommes. Elle aime les vantaux aux fenêtres qui ne laissent pas passer le jour.

C'est ainsi que Pascal Quignard présente brièvement celle qui écrivit ces sortes de "mémoires" sur une petite montagne de tablettes

Elle naquit en 343, quand Constant gouvernait l'Empire. Possédait un palais à Rome et une villa sur le Janicule. Elle vit la mort de Magnence ou l'ascension de Julien, entendit parler de la terrible défaite de Valens. Elle vit Alaric dans Rome, et ne se soucie que de noter que l'épaisseur grenue et lumineuse d'une brume qui s'élève...

Apronenia a commencé à tenir ces éphémérides en 395, l'année de la mort de Théodose. Elle s'interrompent l'année du mariage de Galla Placidia avec Athaulf, en 414. le 24 aoùt 410, elle était déjà brouillée avec Anicia Proba, son ancienne amie qui fit ouvrir discrètement la Porta Salaria pour laisser entrer les troupes d'Alaric...

Il n'existait qu'une édition, en latin, de 1604. Pascal Quignard en a fait une belle et délicate traduction et mise en lignes, accompagnée d'un préface très bien documenté historiquement.

Un pur délice, à réserver pour une soirée d'hiver...

LES TABLETTES DE BUIS D'APRONENIA AVITIA

* Auteur(s) : Pascal Quignard
* Éditeur : Gallimard
* Collection : L'IMAGINAIRE
ISBN 2-07-071520-5

prix. 6 ou 7 €

ÉNORMISSIME! Un témoignage de première main... et complètement subjectif, 100% personnel! C'est inésperé un trésor pareil!

Ce livre m'intéresse beaucoup. En plus, il n'est pas cher, alors on va pas se priver!

C'est vrai, à ce prix, ce serait dommage de s'en priver.

Pascal Quignard a reçu le Goncourt pour "Les Ombres Errantes" il y a quelques années, livre que je présenterai un de ces jours, et a aussi publié quelques essais sur d'autres périodes de l'antiquité. C'est un immense auteur, mais ses oeuvres ne sont pas toujours d'un accès facile.

J'ai fait quelques recherches sur la correspondance d'Apronenia Avitia, mais j'ai bien peur qu'elles ne soient toujours pas traduites. Quel dommage!

Commandé, reçu et je le dévore en ce moment, j'adore le côté un peu cru des commentaires.

A+

A y est fini !

Vraiment c'est très instructif sur plein d'aspects de la vie romaine et notamment sur cet humour paradoxal, désabusé presque dandy de ce groupe de patriciens aux relations complexes le tout sur fond de nihilisme de la fin d'un monde et de révolution ou de putsch chrétien (comme on veut).

Très très intéressant ! Mais les amateurs de militaire seront déçu. Y'en a pas. Sauf une mention de prima pila, qui dans la légion signifie un peu l'élite semble t-il. Alors que Quignard nous donne pour sens de l'expression employée par Safeius que "prima pila" est en fait un manequin d'osier et de linge jeté en premier au taureau dans l'arène pour le surexciter. Par extension, cela signifie en loques, en miette, le plus dégradé.

A+

Je suis convaincu, je le commande!