Arthur est également présent dans de nombreux manuscrits gallois et surtout bretons. Mais dans ces sources on doit plutôt voir un héros mythique ou un homme sur qui on a accolé des légendes. Ces textes nous proviennent des bardes, que Gildas décrit comme des amuseurs et des flatteurs dans les cours des rois britanniques. Toutes les cours de Galles et de la Bretagne du Nord eurent leurs bardes "à demeure". Les plus célèbres d'entre eux -
Aneirin,
Myrddin,
Taliésin - ont été cités dans des manuscrits tardifs.
Nous devons donc regarder de plus près ces récits traitant d'Arthur pour voir s'ils s'attachent à un Arthur historique ou mythique.
Taliésin semble très prolifique dans les allusions à Arthur. Il semble avoir oeuvré dans le nord de la Bretagne, notamment dans le royaume du Rheged, à la fin du 6ème siècle. Les souverains du Rheged font l'objet de poèmes élogieux portant sa signature. Cinq de ces poèmes mentionnent Arthur, mais tous les poèmes qui lui sont attribués ne sont pas de lui et sont à dater entre 850 et 1150. Ces allusions à Arthur sont très brèves -
"le retour d'Arthur",
"Arthur le Béni",
"le cheval d'Arthur",
"la valeur d'Arthur" - et témoignent de la renommée et des prouesses militaires d'Arthur. Le poète n'avait pas besoin d'expliquer qui était Arthur à son public, car il avait la place de ses héros - mythiques et historiques - dans le principal sujet de ses poèmes.
Arthur a une place importante dans le
[i]Prieddeu Annw[/i] (
"Le butin d'Annw"). On pense que ce poème pourrait remonter au 9ème siècle. Il parle de l'expédition d'Arthur vers le pays d'Annw, l'au-delà pré-chrétien gallois. Arthur et ses guerriers partent à la recherche d'un chaudron magique et d'une épée merveilleuse mais l'expédition tournera à l'échec car un petit nombre d'hommes reviendront dans leur pays. Un épisode similaire se trouve dans Culhwch et Olwen, où le chaudron se trouve en Irlande. Cette histoire trouve sans doute ses origines des thèmes celtiques des
"raids sur l'au-delà".
D'autres poèmes de
Taliésin désignent Arthur. C'est le cas du
Kader Teymon (
"Le chef souverain"), où il est fait allusion à une bataille à laquelle participe Arthur et où il est blessé au visage. Sa fonction est celle de
Guledig ( fonction bretonne ou romaine ? certains pensent au
Dux Britanniarum), et il viendrait de "la frontière renommée". Est-ce une allusion au Mur d'Hadrien ? Ou un simple effet de style ? Il y a également le
"Marwnat vthyr pen[dragon]" (
"L'Élégie de Uther Pen [dragon ]"), qui se réfère à la vaillance d'Arthur et semble évoquer une relation père - fils entre Arthur et Uther. Ces textes commencent à donner de pistes sur les sources qui auraient pu servir à
Geoffroy de Monmouth.
Les autres sources nous permettant nous permettant d'accentuer nos recherches sont une vastes collection de poèmes intitulé
Trioedd Ynys Prydein (
"Les Triades de l'île de Bretagne"). Les plus anciens manuscrits datent du 13ème et 14ème siècle, eux-mêmes fondés sur des recueil du 11ème et du 12ème siècle. Ces poèmes incluent une tradition orale plus ancienne.
Les Triades présentent Arthur comme
"prince chef" (
Pen Teyrnedd) de l'île, régnant sur le pays de Galles, la Cornouailles et la Bretagne du Nord depuis sa cour cornique de Celliwig. Loué pour ses dons de guerriers, n'est-il pas l'un des trois grands ravageurs de l'île de Bretagne ? Il est servi par des hommes tels Cei et Bedwyr et a pour rival le roi Marc (Marc de Cornouailles), dont il tente de voler les porcs, mais la vigilance de Tristan, porcher du roi Marc l'en empêche. Dans une des Triades ne supportant pas de ne pas être le seul à protéger l'île, Arthur s'en prend à la tête de Bran. Arthur ne semble pas toujours vainqueur, puisque dans une autre Triade, il fait un séjour en prison, même si elle fait partie d'un des trois enchantements de l'île. Cinq Triades mentionnent Camlann, la dernière bataille d'Arthur qui semble ici lié à ses démêlés avec Mordred. Les Triades mélangent le mythique à l'historique, et le portrait d'Arthur y est changeant, car il y est décrit comme un bon et mauvais dirigeant. Ces textes ont sans doute inspiré
Geoffroy et la littérature arthurienne.
Arthur apparaît également dans d'autres poèmes et notamment dans le
Livre Noir de Carmarthen, qui daterait du 11ème siècle, même si les manuscrits que nous avons datent du 12ème siècle. Dans
Eynglynion y Beddau (
"Le couplet des tombes"), un poème sur les sites funéraires des héros gallois, il est dit que la tombe d'Arthur est un grand mystère car personne ne sait où elle se trouve. Il se peut très bien qu'on ne sait pas où il est enterré si cela s'est fait en grand secret. On peut opter pour un personnage mythique, car s'il n'a pas de tombe il aura une figure messianique. Dans d'autres poèmes, il est le père de Llachau, tandis que dans le
"cri de l'hôte des guerriers d'Arthur" il est utilisé comme une comparaison poétique.
Arthur fait une simple apparition dans un poème, sans titre, dont le premier vers est
Pa gur yv y porthaur ? (
"Quel homme est-ce gardien ?"). C'est un dialogue entre Arthur et le portier d'une forteresse, Glelwyd Gafaelfawr. Ce portier défend la forteresse contre Arthur et ses hommes. Arthur doit se présenter, mais aussi ses hommes, et notamment la bravoure de Cei et Bedwyr. On y trouve la mention du Cath Palug (
" le chat de Palug"), tué par Cei, Uther pendragon et Emrys Wledig (Ambrosius Aurelianus). Et la présence de dieux celtes comme Mabon, fils de Modron ( Apollon Maponius ), Manawydan, fils de Llyr ( Manannan ) et Lluch Lamhfadjan ( Lug ). Peu de cour royale brille d'un tel éclat. Ce passage rappelle celui de La Seconde bataille de Mag-Tured où Lug est obligé de se présenter devant Tara pour qu'on lui ouvre. Ou bien on peut y voir un chef de guerre essayer de négocier son entrée, mais le côté mythique du récit est plus évident.
Nous devons finalement voir les
Mabinogion. Il s'agit d'une erreur de transcription, et aujourd'hui les spécialiste préfèrent le terme
Mabinogi. Ce sont des contes gallois. Le plus ancien conte arthurien est Culhwch et Olwen. La copie manuscrite la plus ancienne date de juste avant le 11ème siècle. Dans ce récit Arthur va aider son
"parent", Culhwch à gagner Olwen, la fille du géant Ysbaddaden ui impose à tous les soupirants douze épreuves surhumaines avant que l'heureux élu puisse prétendre à la main de sa fille. Tel Hercule Arthur devra affronter le sanglier magique Trwyth, et partir à la découverte d'un chaudron magique lui aussi, où sera cuisiné le repas de noce. Le château d'Arthur y prend forme, que les habitants du village de Cadbury près de Glastonbury ( Somerset ) revendiquent son emplacement. Arthur y apparaît comme le héros d'un
"récit merveilleux", accompagné de ses compagnons, notamment Cei et Bedwyr, voguant sur son navire Pryden. Certains veulent y voir des expéditions en Ecosse et en Irlande, sinon dans la Cornouailles. Mais ces récits ressemblent plus à ceux des dieux irlandais ou des héros gallois comme Bran.
Breuddwydd Rhonabwy (
"Le rêve de Rhonabwy") est un autre conte arthurien souvent associé aux
Mabinogi, datant du 12ème siècle. Le récit est celui du voyage fictif du personnage de Rhonabwy, parti à la recherche de son frère le roi de Powys, Madog ap Marredudd ( 1130 -1160 ). La nuit, il reçoit une
"vision" qui le transporte au temps d'Arthur. Il trouve Arthur et ses hommes campant en attendant la bataille de Badon. Arthur est plongé dans un jeu de dame avec Owain ab Urien, et il n'arrive pas à s'en arracher malgré les messages lui annonçant sont en train d'être massacré par les corbeaux d'Owain ! Une trêve est conclue et la bataille n'aura pas lieu, et Arthur part en Cornouailes rassembler ses forces. Là dessus, Rhonabwy se réveille. C'est un poème qui donne d'Arthur un visage mauvais, mais peut être sert-il seulement à donner une morale au lecteur. Malheureusement l'auteur ne nous donne pas le but de ce rêve.
Alors on peut se demander si à travers ces récits Arthur n'est pas le mythique roi des chasseurs entouré par ses compagnons, partant à la chasse et à l'aventure, osant aller dans l'autre monde pour conquérir l'univers. Ou un Arthur historique qui a pu voir les récits des dieux et héros celtes lui être accolé.
Maintenant à vous de voir si tout est mythique dans ces récits, ou s'il y a quelques informations permettant de trouver l'Arthur historique ?
Merci !
Pour vous faire une autre idée, je vous met l'article de mon blog :
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