Régis Le Gall Tanguy a écrit:
Excellent article en effet,
J.-C. Cassard a raison d'évoquer l'importance du souvenir de Rome. En Bretagne, comme partout ailleurs, celui devait demeurer très présent. J'en veux pour preuve "l'aura" que continuaient à exercer les agglomérations antiques au Moyen Age .
Ce n'est sans doute pas sans raison que les troupes de Louis le Pieux poursuivirent leur chemin dans la péninsule jusqu'à Carhaix en 818 (voir là
http://books.google.fr/books?id=_NMKAAA ... q=&f=false) et que Bili rapporte, dans sa vita Machutis, la célébration d'une messe par Malo dans l'église de Corseul, l'ancienne capitale de la cité des Coriosolites.
Témoigne au Moyen Âge central de cette aura des anciens chefs-lieux des Osismes et des Coriosolites le poème connu sous le titre de
Chanson d'Aiquin, qui en fait mention explicite et les relie au travers de l'épisode consacré à la femme du roi Ohès de Carhaix, laquelle est la fille du roi Corsout. Sur la
Chanson d'Aiquin, voir
le récent CR par Bernard Merdrignac de la thèse de Nicolas Lenoir.
Une petite remarque sur la mention de
Corophesium dans une annale de 817/818 extraite de la chronique du cartulaire de Lausanne et sur l'identification - au demeurant convaincante (*) - de ce toponyme avec Carhaix, sur la base de l'étymologie retenue pour ce dernier nom (
quadrivium, "carrefour"), qui incontestablement correspond à la situation topographique : comme le signale Catherine Santschi, qui rappelle l'hypothèse ancienne de B. von Simson proposant de reconnaître dans
Corophesium une cacographie pour
Coriospitum, l'annale concernée "reste sans parallèle connu" dans les sources "carolingiennes" de cette chronique (cf. notamment les annales de Flavigny).
(*) Il me semble de surcroît que cette identification permet de rendre compte également de l'énigmatique mention du toponyme Carifes, Carofes que plusieurs manuscrits de la Notitia Galliarum associent avec la civitas Diablintum : il doit s'agir de la commune actuelle de Carrouges, dans le département de l'Orne (Quadrugiae chez Orderic Vital, Carrogium dans un acte de 1138).Régis Le Gall Tanguy a écrit:
Je suis plus reservé sur l'analyse des données matérielles proposée par l'auteur. Parler de "collapsus de la civilisation romaine" me paraît un peu excessif. J'ai tendance à penser aujoud'hui (mais peut être suis-je le seul) que la situation de l'habitat dans la péninsule armoricaine entre la fin de l'Antiqué et le haut Moyen Age n'est pas si différente de celle du reste de la Gaule. On retrouve un peu partout les mêmes phénomènes d'abandon de villae et de construction (et reconstruction) de bâtiments et "maisons" en matériaux périssables. Les modes de vie ont changé au cours de l'Antiquité tardive.
Je partage votre point de vue sur la permanence de l'occupation des sites, dont la relative "pauvreté" des vestiges tiendrait essentiellement à l'utilisation de matériaux périssables et je ne crois pas à l'abandon de Carhaix ou de Corseul par leurs habitants.
Je pense également à Locmariaquer où, sans remonter aux temps pré- et protohistoriques, on observe une telle continuité à l'époque gallo-romaine, puis à l'époque carolingienne (où la paroisse de
Chaer fait manifestement partie du
fiscus dont peut disposer Erispoë en vertu de son
mandatum), ensuite à l'époque proto-féodale (où les comtes de Vannes ont conservé localement l'exercice des prérogatives souveraines en tant qu'héritiers des anciens rois de Bretagne), et enfin à l'époque féodale et tardo-médiévale où les seigneurs de Kaër paraissent occuper un rang qui n'est pas strictement proportionnel à l'étendue de leur seigneurie...
Bien cordialement.