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 Sujet du message: Les ports de la Manche au cours du haut Moyen Âge
Nouveau messagePublié: 04 Oct 2010, 15:42 
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Localisation: Brest - pagus Legionensis - Civitas Ossismi - Letavia
Je me permet de recopier une discussion du forum des guerriers du Moyen Age, lancée par Arweniah, qui aurait toute sa place ici. Il y a certainement beaucoup à dire pour être exhaustif sur ce sujet.

Le lien :
http://www.guerriersma.com/forum/viewto ... =18&t=7727

Arweniah a écrit:
Je voudrais savoir quelles routes maritimes étaient les plus empruntées à l'époque du haut Moyen Âge (Ve siècle après J.-C.).

J'ai trouvé ce livre ici :
http://www.decitre.fr/livres/Ports-mari ... 2859445386
Je sais que j'y trouverai sûrement les réponses à mes questions, mais le souci c'est que je suis à sec en ce moment niveau finances... :/
Donc si l'un ou l'une d'entre vous peut m'aider, ce serait génial.

Par exemple, au départ de Tintagel, un navire allait-il plutôt vers Cherbourg, Le Havre, St Malo ? Ou bien Brest, Concarneau, Nantes ? Combien de temps fallait-il en moyenne pour faire la traversée ?
Ou alors Tintagel n'était pas le port de départ usuel des navires marchands... Et je me doute aussi que les noms des villes citées au-dessus n'étaient pas les mêmes.
Donc voilà, si vous pouviez m'indiquer d'où partaient les navires marchands et où ils accostaient en Gaule, ça m'aiderait beaucoup. [img]smile/yawn.gif[/img]


le furet a écrit:
Plutôt Brest, le Yaudet, Alet, Vannes pour des sites d'élite côtiers. Mais il ne faut pas sous-estimer le réseau des (micro) monastéres celtiques et les abris naturels formés par les rias permettant parfois de rentrer relativement profondément dans les terres et d'où tu peux atteindre les villes importantes de l'époque par voie de terre Carhaix, Corseul, Rennes. A propos des Rias ou du golfe du Morbihan, ces havres utiles en cas de tempêtes sont très délicat en terme de navigation, souvent avec des têtes rocheuses vicelardes et des courants très forts par moment sur certains passages. Tu peux y caser une scène assez épique mais surtout, cela implique une communauté nautique très bien informée et habituée en local. A titre d'indication plus tardive, Quand Saint-Maurice fonde son abbaye sur le Laïta en 1170 sur cette "terre hostile, marécageuse, envahie de serpents, parcourue par les loups ..." en vérité des Navires de 10 à 20 tonneaux avec jusqu' 10 ou 15 hommes de bord la remontent et attendent l'inversion de flot à 200m de la voie romaine d'Hennebont à Bannalec encore en service ou remontent jusqu'à Quimperlé. Voilà un bon exemple des options offertes à la navigation et du recul de certains ports ou docks dans les terres.

A titre d'estimation, on voit souvent écrit que de Brest à Paris il faut 7 jours de cheval au minimum (et encore, c'est optimiste). A contrario, avec de bons vents 24h suffisent pour rallier la côte sud de la Britannia. Sur un bateau à voile d'époque, bien chargé de Brest à Tintagel, tables plutôt sur 2 à 3 jours.


Si les sites côtiers, refuges par excellence, sont réoccupés au Véme, les villes qui avaient connues un renouveau certain au IVéme sont à nouveau abandonnée par quartiers entiers, les fortifications à l'abandon etc. Donc, une ambiance assez spéciale de "villes quasi fantôme" que tu peux mettre à profit. Et puis tu as aussi les îles avec leurs populations en vase clos. Sans doute, quelques monastères sur les plus invivables d'entre elles qui forment soit de petites communautés familiales dans les "monastères doubles" soit des ermitages d'ascètes et prédicateurs chrétiens à moitié fous. Ouessant est intéressante, Groix ou Belle-île aussi, assez vastes pour y accueillir des aventures intéressantes.

Les routes entre le pays de Galles et les abbayes filles des grandes écoles monastiques le long des côtes de Cornouaille (Tintagel donc) me semblent les plus pertinentes. Mais sur un site d'élite comme le Yaudet tu trouves sans probléme des navires méditerranéens (byzantins apparemment) au moins à certaines saisons qui remontent jusqu'en mer d'Irlande (et ses creux de 3 à 5 m assez fréquents).

Et en mer n'oublies pas les pirates Irlandais et Saxons jusque sur nos côtes de Letavia à bord de chalands voile-aviron rapides...


A+


Arweniah a écrit:
Merci pour ta réponse.
J'ai là en effet de quoi écrire un bon chapitre.

Après une petite étude, je me demandais si Morlaix (Mor-Treleg ou Mons-Relaxum) pouvait entrer dans la liste. Parce qu'elle est bien situé et se prêterait bien à l'histoire. Je pense ensuite à faire aller mes personnages jusqu'à Carhaix (Vorgium), désertique en cette fin de Ve, comme tu l'as dit, et comme j'ai pu le vérifier en faisant quelques recherches.
Que penses-tu de Morlaix ?

Et nouvelle question :
Qu'exportaient les îles de Bretagne, à cette époque, vers la Gaule ?
Des métaux ? Des chevaux ? des vêtements ?


Morcant a écrit:
Pour compléter l'intervention de mon Furet préféré :mrgreen:

Les sites côtiers, ou éperons barrés, sont en effet réoccupés à partir du IIIe siècle dans certains cas et au Haut Moyen Age pour d'autres. C'est à temporiser cela dit. A ce jour on a finalement peu de preuves archéologiques pour ces réoccupations alto-médiévales en Bretagne. D'un côté tu as les forteresses du Tractus armoricanus, le réseau de défenses romain contre les pirates germaniques, s'étendant de la Belgique à l'Aquitaine. Pour la région qui t'intéresse cela comporte Brest (la plus imposante) et le Yaudet (Vetus Civitas/Coz Civit) chez les Osismes, Alet en territoire curiosolite, et Vannes (Venetis) chez les Vénètes qui est une ville fortifiée. On peut compléter cette liste par des localisations probables : le promontoire de Cesson près de Saint-Brieuc (le nom de Cesson faisant référence aux Saxons), Morlaix comme tu l'indiques, Saint-Pol-de-Léon ou Roscoff si l'en on croît la vie de Pol Aurélien, Castel-Coz et Castel-Meur en Cap Sizun.

Certains de ces sites étaient sans doute occupés au Haut Moyen Age également : c'est une assurance pour le Yaudet qui a fourni des vestiges montrant une occupation continue de la fin du IVe aux IX-Xe siècles (et une occupation discontinue avant et après du paléolithique à nos jours !). Cette forteresse contrôlait l'embouchure du Léguer. Les deux éperons barrés du Cap Sizun mentionnés ci-dessus ont livré il me semble de la céramique carolingienne ou du Moyen Age central - c'étaient initialement des habitats protohistoriques.

Ce ne sont par contre pas les sites exclusifs d'arrivée des voyageurs en provenance des îles britanniques. On en a beaucoup sur toute la côte nord et en Cornouaille. On s'accorde par exemple pour donner une certaine importance à Plouguerneau, un ancien Plebs Cerniu ou Plou Cerniu, qui possède d'ailleurs des éperons barrés et des dunes ayant livré du mobilier gallo-romain. Non loin, à Guissény les dunes ont livré de la céramique du VIIe siècle. La liste est bien plus longue et je doute que l'ouvrage que tu évoquais ait pu t'importer les bons renseignements sur cette période ! Une astuce assez simple pour toi serait de trouver la cartographie des voies romaines, dont certaines se prolongent vers des sites côtiers pas encore corroborés archéologiquement. Mais si on s'est donné le mal de construire une route, c'est qu'il y avait un intérêt : reste à relever les bons toponymes et les vestiges sur place.

A propos de l'abandon des villes : c'est largement débattu ! Si c'est probablement le cas pour les agglomérations périphériques comme Locmaria-Quimper, Douarnenez ou Kérilien ; des indices tendent à prouver une certaine persistance des agglomérations comme Carhaix (Osismis, et non plus Vorgium alors) ou Corseul (Coriosolitis). Les universitaires ont longtemps pensé que Carhaix avait été abandonné au profit de Brest au Bas-Empire comme chef lieu de la civitas des Osismes, mais les discussions récentes reviennent là dessus. La ville était déjà redevenue importante à l'époque carolingienne, et les vestiges du IVe siècle sont nombreux. Elle n'a pas reçu de fortifications - du moins dans l'état actuel de nos connaissances. La toponymie atteste l'établissement d'une communauté bretonne non-loin de Carhaix, au Plouguer (le Plebs du Caer, de la ville), et la ville a donné son nom à un pagus entier, le Poher ou anciennement Pou Caer, le pays de la ville. Il est cependant possible que la ville ait perdu de son importance pendant un temps : il s'agissait d'une capitale artificielle, fondée par les Romains pour contrôler la vaste civitas des Osismes, qui ne tardera pas à éclater au Haut Moyen Age entre trois pays correspondant peut être à des divisions plus anciennes : Cornouaille, Léon et Trégor.
Quant aux villes de l'est de la péninsule, elles sont dans la zone gallo-romaine puis franque et restent bien vivantes : Vannes, Rennes et Nantes. Le cas de Vannes étant le plus particulier, il s'agit d'une enclave gallo-romaine qui va se retrouver ceinturée d'établissements bretons, elle passe sous leur contrôle avec Waroch à la fin du VIe siècle.

Enfin, si les îles sont importantes - particulièrement Ouessant/Ouxissama au vue des fouilles du Mez Notariou, les établissements monastiques ne sont sans doute pas encore très denses au Ve siècle. Le phénomène commence tout juste à la fin du Ve siècle, et il est à placer essentiellement aux VIe et VIIe siècles, notamment pour les fondations les plus importantes. Les saints bretons les plus prestigieux comme Paul Aurélien, Samson, Brioc et Gwénolé sont des personnages du VIe siècle.

Question routes maritimes, il y en a plusieurs à envisager. Des itinéraires relient directement la péninsule sud-ouest de la Grande-Bretagne avec l'ouest armoricain, en gros du Cornwall/Devon à la côte nord. Il existe une route transpéninsulaire passant par Padstow-Fowey en Cornwall : les navires provenant du sud du Pays de Galles accostent après avoir traversé la mer de Severn, et sont parfois embarqués sur des chariots avant de traverser la Manche. Une autre route partant des côtes galloises ou du Cornwall (Tintagel inclus) passe par les Iles Scilly puis au sud, contournant la pointe armoricaine pour soit aller sur la côte sud-armoricaine, soit vers Nantes et l'Aquitaine, l'Ibérie en traversant l'Atlantique ou la Méditerranée. Il existe aussi des routes plus orientales, mais ce ne sont pas les mêmes peuples qui empruntent ces voies qui vont se retrouver réservées aux échanges des peuples germaniques, notamment Saxons et Francs.

Quant aux marchandises exportées depuis la Bretagne insulaire, on a les métaux avec l'étain du Cornwall-Devon (Dumnonia) en tête, l'une des premières sources à l'époque, mais aussi l'argent, le cuivre et le plomb, des esclaves, des peaux et des marchandises dérivées du travail du cuir comme les chaussures, des fourrures plus nordiques, etc. Les imports en provenance de Gaule vers la Bretagne insulaire sont sans doute dominés par le vin et la verrerrie de luxe ; et en provenance de la Méditerranée orientale des céramiques de luxe, du vin et de l'huile.


Et pour compléter, une carte des principales voies romaines de l'ouest armoricain, la première que j'ai trouvée sur Google Images :
Image
On remarquera les voies se dirigeant vers la pointe Saint Matthieu, Plouguerneau, le Yaudet, Penmarc'h et Cesson.

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"O niurt Ambrois ri Frangc ocus Brethan Letha."
"Par la force d'Ambrosius roi des Francs et des Bretons d'Armorique."
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 Sujet du message: Re: Les ports de la Manche au cours du haut Moyen Âge
Nouveau messagePublié: 05 Oct 2010, 12:21 
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Inscrit le: 24 Déc 2008, 10:36
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Je lui conseille également la thèse de Stéphane Lebecq sur les Frisons.
Les Vénètes permettent sans doute de voir ces routes maritimes sur la Manche. Au départ de Bordeaux et de Nantes les navires longeaient les côtes en faisant du cabotage vers Vannes et tous les autres ports pour alimenter la grande péninsule jusqu'à atteindre la région malouine à Alet. De ce port les marchandises étaient convoyées vers les côtes sud de la Bretagne insulaire et notamment vers l'emporion d'Hengistbury Head non loin de Bournemouth dans le Dorset actuel, où l'on a retrouvé quantité de tessons d'amphores à vin romaines et de céramiques osismes et coriosolites et beaucoup de monnaies de la grande péninsule armoricaine, pour la plupart coriosolites. Ensuite les Romains reprirent ces routes commerciales et les Bretons firent de même. Sauf que les sites et certains lieux changèrent.
Merci !


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 Sujet du message: Re: Les ports de la Manche au cours du haut Moyen Âge
Nouveau messagePublié: 05 Oct 2010, 18:31 
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Inscrit le: 09 Nov 2008, 10:52
Messages: 295
Bonsoir,

Le second volume de la publication de la thèse de S. Lebecq, consacré aux sources, est partiellement accessible en ligne ici.

A propos de la Vie de saint Mélar (le passage cité est tiré de la seconde vita du saint, qui a été composée à la fin du XIIe siècle au plus tôt) et de l'éventuelle présence de Frisons à Corseul à l'époque tardo-antique, voir la seconde partie de la notule intitulée Noms anciens de Carhaix et de Corseul : onomastique et hagiographie.

Cordialement.

_________________
André-Yves Bourgès
www.hagio-historiographie-medievale.org


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 Sujet du message: Re: Les ports de la Manche au cours du haut Moyen Âge
Nouveau messagePublié: 05 Oct 2010, 19:13 
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Inscrit le: 04 Sep 2008, 11:55
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Localisation: Brest - pagus Legionensis - Civitas Ossismi - Letavia
En complément : Seán McGrail, Maritime Celts, Frisians and Saxons, CBA Research Report No 71 (1990) - http://ads.ahds.ac.uk/catalogue/library/cba/rr71.cfm

La géographie de Ptolémée doit également fournir quelques éléments quant aux ports de l'ouest armoricain au IIIe siècle.

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 Sujet du message: Re: Les ports de la Manche au cours du haut Moyen Âge
Nouveau messagePublié: 08 Nov 2010, 11:19 
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Inscrit le: 25 Mar 2010, 00:24
Messages: 30
Localisation: La Loire, mais plus pour longtemps
Merci pour le lien vers la thèse de Stéphane Lebecq. Je vais étudier ce document avec attention.
Et merci aussi pour la carte des voies romaines de l'ouest armoricain. Très utile.
De quoi préciser et compléter mes indications géographiques.


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