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 Sujet du message: A New History of the Picts - Stuart McHardy
Nouveau messagePublié: 20 Oct 2010, 16:00 
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Stuart McHardy, A New History of the Picts, Luath Press Ltd, April 2010.

FICHE DE LECTURE

Résumé (traduit de l'anglais par mes soins) :
Quand les Romains arrivèrent dans ce qui est aujourd'hui l'Ecosse, ils rencontrèrent une société guerrière, féroce et et fière : les Pictes. Malgré leur manque de discipline et de moyens, les Pictes parvinrent à empêcher une armée romaine jusque là invaincue de s'emparer du nord de la Bretagne insulaire, comme ils repoussèrent plus tard les Angles et les Vikings. 'A New History of the Picts' se veut comme la véritable et plus accessible histoire des Pictes, souvent incompris. Une nouvelle analyse, associée aux récentes découvertes et à une perspective écossaise viennent critiquer des théories depuis longtemps établies à propos de ce peuple indigène. Cet ouvrage cherche à prouver que l'histoire écossaise a depuis longtemps été dominée et déformée par certaines perspectives. 'A New History of the Picts' contredit l'idée selon laquelle les Pictes seraient une étrange anomalie de l'histoire, les réhabilitant comme descendants des premiers habitants de cette région. Vivant à l'intérieur de plusieurs confédérations assez vagues, ils seront amenés à s'unir dans ce qui va devenir l'un des premiers états européens pour mieux résister aux envahisseurs. Un peuple qui va s'unir avec ses cousins, les Scots d'Argyll, pour créer l'Ecosse moderne.

Stuart McHardy est un écrivain, musicien, folkloriste, conteur et poète, et a par le passé tenu des conférences sur de nombreux aspects de la culture et de l'histoire écossaises. Combinant les rôles d'érudit et de performer lui donne une vision très claire de la tradition. Tout aussi heureux de chanter des vieilles balades que d'analyser d'anciennes légendes, il a tenu des postes comme directeur du Scots Language Resource Centre et président de la Pictish Arts Society. McHardy est un auteur prolifique et on lui doit de nombreux ouvrages comme Tales of the Picts, Tales of Edinburgh Castle, The Quest for the Nine Maidens, On the Trail of Scotland's Myths and Legends et Edinburgh and Leith Pub Guide. McHardy vit à Edinburgh avec sa femme Sandra.

Commentaires :
Un ouvrage intéressant sur les Pictes, qui apporte son lot de nouvelles théories en essayant de tordre le cou à un certain nombre d'idées reçues. S'il est difficile d'approuver tout dans cet ouvrage, le point de vue de McHardy reste à prendre en compte. Pour ceux qui lisent l'anglais, son style est agréable et facile à suivre, jusqu'aux chapitres consacrés au Haut Moyen Age où la trame narrative devient plus complexe, ce qui est imputable à la nature fragmentaire des sources. On retrouve tout au long du livre plusieurs idées phares concernant la nature tribale des sociétés picte puis écossaise et le caractère indigène des Pictes. La narration se fait suivant la chronologie. L'auteur n'hésite pas à faire des liens entre les Pictes de l'antiquité et du Haut Moyen Age, et les Ecossais des Highlands du XVIIIe siècle : pour lui, les premiers sont les ancêtres directs des autres. Ces comparaisons apportent un plus, mêmes si certaines feront sursauter. Par exemple, il est peu probable que les épées longues des Calédoniens de Tacite aient quelque chose à voir avec les grandes claymores des Highlanders de l'époque moderne...

Pour McHardy les Pictes descendent en droite ligne des premiers habitants de l'Ecosse, de ceux qui y construisirent les mégalithes et de ceux qui y vécurent aux âges du bronze et du fer. Quant les Calédoniens et les Maetae font face à Rome, il s'agit selon lui de confédérations du peuple picte, et non pas de peuples différents supplantés ou assimilés par les Pictes. Pour mémoire, on rappellera que la première mention des Picti dans une source latine date de 297. Cette continuité chronologique permet de faire fi de nombreuses théories concernant les origines pictes, et de toute une aura mystérieuse concernant leur culture. Il suit les dernières avancées concernant le langage des Pictes : il s'agit manifestement d'une langue celtique en P, comme le Brittonique et le Gaulois, et non pas d'un idiome pré-celtique ou d'une langue gaélique. Il s'avance peut être trop par la suite à propos du Scot, la langue majoritairement parlée en Ecosse à partir du Moyen Age central en proposant des origines plus lointaines. Le Scot a une parenté certaine avec l'Anglais et on ne peut qu'y voir une langue d'origine germanique, importée par les Angles Northumbriens. Concernant le nom même des Pictes, il propose d'y voir non pas un sobriquet latin désignant des hommes peints, mais la déformation d'un mot d'origine indigène : les ancêtres ont longtemps été désignés par le nom de Pechts en Ecosse. On pourrait cependant retourner l'idée, peut être que ce mot vient du nom des Pictes. D'autres spécialistes ont proposé Pritani comme étant le terme par lequel les Pictes se désignaient eux-mêmes, c'est la version celtique en P du terme Cruithni, le nom des Pictes en gaélique, et très proche de Britanni, les Bretons, désignant les autres habitants de l'île.

L'auteur revient sur toute l'importance donnée à la civilisation romaine en Ecosse, et aux succès militaires romains. Pour lui, ces théories sont liées à une vision pro-impérialiste de l'histoire, qui ne serait pas étrangère à l'influence du pouvoir britannique sur les chercheurs d'hier et d'aujourd'hui. Naturellement ses propres idées pourraient paraître nationalistes écossaises. Quant il nie presque totalement les missions diplomatiques romaines et les échanges autres que guerriers entre les deux peuples, peut être vaut il mieux opter pour une opinion plus intermédiaire. Stuart McHardy propose que c'est la structure tribale de la société qui explique toutes les difficultés des Romains à investir l'Ecosse. En dehors de Mons Graupius, on ne connait pas de noms de victoires romaines. L'auteur propose donc que les différentes campagnes ultérieures aient toutes été vouées à un échec plus ou moins relatif. Les Pictes ne vivaient pas en habitats organisés : ils n'avaient alors ni villes, ni grandes forteresses à investir. La société s'articule autour de la famille et du clan : tous les hommes sont des guerriers potentiels. Il n'y a pas de roi, seulement des chefs de clan et des "hauts-chefs" désignés en cas de péril plus important, pour diriger les guerriers des tribus regroupées en confédérations. Les Pictes ne cherchent pas à agrandir un territoire : leurs actions militaires se restreignent aux raids entre tribus, et aux défenses face à ces raids, visant à s'emparer du bétail du voisin. Ils n'auraient donc pas eu d'intérêt à s'allier à Rome ou à accepter des cadeaux.

Ces échecs relatifs des Romains semblent une certitude : l'empire a préféré maintenir une frontière plutôt que d'investir plus de forces pour soumettre un ennemi invisible. Cependant si on compare avec l'exemple du limes germanique - les Germains étant également une société tribale pour McHardy - on ne peut qu'admettre les alliances occasionnelles entre Romains et tribus germaniques, le succès de certaines expéditions militaires à visée punitive dans des territoires où l'habitat n'était guère plus dense que chez les Pictes ; ou encore le fait que le limes n'est pas qu'une frontière, mais une zone d'échange, une sorte de "douane". Traditionnellement, les peuples vivant entre les murs d'Hadrien et d'Antonin ont été présentés comme des tribus pro-romaines. A l'appui, les fondateurs des dynasties de l'Alt Clut ou du Gododdin au Haut Moyen Age ont des noms latins, et on a retrouvé beaucoup d'argent romain sur le territoire des Votadini à Traprain Law. McHardy considère que ces peuples étaient pictes, regroupés sous la confédération des Maetae et anti-romains. Si l'identification avec les Maetae est intéressante, elle présente quelques problèmes, et il resterait à établir pourquoi ces peuples sont avant tout considérés comme Bretons, en opposition aux Pictes, au Haut Moyen Age. Certainement, les divisions ethniques devaient être alors plus floues, surtout sur les zones de frontière.

L'aspect "tribal" de la société picte mis en avant par l'auteur est certainement celui qui m'a fait le plus réagir. Il nie l'existence d'une "aristocratie guerrière" chez les Pictes et dans les autres sociétés comme celle des Irlandais ou des Germains. L'institution royale ne se serait développée qu'à partir du VIIe siècle, pour résister à la poussée des Angles Northumbriens, puis avec l'union avec les Scots. Et sous la forme d'une royauté bien différente de la royauté féodale. On ne peut rejeter l'archaïsme de ces sociétés, et l'importance qu'elles accordent à la famille et aux clans. Cependant on a des preuves évidentes et très nombreuses de l'existence d'aristocratie guerrière chez les Celtes - continentaux comme insulaires - et chez les Germains. La complexité des lois irlandaises met très bien en avant la hiérarchisation de la société, et on ne peut que rappeler l'aspect théorique trifonctionnel (sacerdotal, guerrier/royal, artisans) des sociétés de langue indo-européenne. Il semble tout à fait possible que les Scots et les Pictes n'aient pas eu de rois et de grandes forteresses avant le VIIe siècle, il semble improbable qu'ils n'aient eu aucune forme d'élite jusque là. On pensera à toute la littérature héroïque, aux données archéologiques sur leurs bijoux et accessoires de luxes, ou l'import de vin et de céramiques depuis la Gaule.

D'autres points méritent d'être évoqués. L'auteur cite les travaux d'Ewan Campbell pour prouver le caractère indigène des Scots du Dal Riada. Depuis ces derniers les spécialistes admettent qu'il n'y a pas eu d'invasion massive depuis le nord-est de l'Irlande vers l'Argyll, et que l'arrivée d'une nouvelle dynastie au début du VIe siècle résulte d'un probable mythe de fondation, une propagande royale des X-XIe siècles cherchant à prouver une origine irlandaise. Les contacts se faisant très facilement par la mer, c'est sans doute par ce biais que les populations de l'Argyll ont adopté la langue gaélique des Irlandais et une partie de leur culture. McHardy avance cependant que le terme de Scotti dans les sources latines et médiévales ne désignerait que ces gaélophones d'Ecosse. Ce serait nier tous les raids en provenance d'Irlande vers la Britannia romaine, et des zones de culture ailleurs dans cette île comme en Démétie : il semble bien que le terme de Scot, Scotti ait désigné des populations gaélophones, qu'ils s'agissent de vrais Hiberni - d'Irlande - ou de Gaels implantés en Bretagne insulaire. McHardy ignore manifestement les travaux de Philipp Rance quant aux Attacotti, souvent cités aux côtes des Scots et des Pictes dans les raids contre la Bretagne. Il propose qu'il s'agisse d'un peuple germanique : Rance a établi que les Attacotti étaient des tribus pariahs venus d'Irlande, dont certains s'implantèrent en Britannia comme fédérés - les Deisi et Ui Liathain - et d'autres donnèrent leur nom plusieurs unités de l'armée romaine.
Il parle à plusieurs reprises de l'installation des Angles Northumbriens par Rome : là encore c'est sans preuve, s'il y eut des Germains sur le mur d'Hadrien ils ne sont pas forcément à relier avec ce royaume plus tardif, d'ailleurs tout aussi breton qu'anglo-saxon dans sa genèse.

Les chapitres concernant les origines et la création du royaume d'Alba - l'Ecosse - ont eu aussi leur part de théories. McHardy est en faveur d'un rapprochement des Scots et des Pictes, plutôt que de la destruction pure et simple du peuple picte par les Scots. Cette vision de continuité est en tout cas convaincante. Il fait aussi la part sur les méthodes de succession chez les Pictes : la succession matrilinéaire (par les femmes) semble à peu près établie, à quelques exceptions, et on aurait même occasionnellement des noms de femmes dans les listes royales, au lieu de l'habituel nom du père du roi.

Globalement, un livre très intéressant et qui fait parler de lui, reprenant certaines des dernières avancées sur le sujet et proposant ses propres théories (parfois trop) audacieuses, de l'origine des Pictes à la création de l'Ecosse. On regrettera peut être le manque d'impartialité de l'auteur vis-à-vis des Romains, et on lui reprochera parfois de s'aventurer sur des terrains qu'il ne maîtrise pas.

_________________
"O niurt Ambrois ri Frangc ocus Brethan Letha."
"Par la force d'Ambrosius roi des Francs et des Bretons d'Armorique."
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