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 Sujet du message: [Ancien sujet] Les Bretons en Gaule du nord
Nouveau messagePublié: 20 Sep 2008, 16:24 
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Sujet récupéré de l'ancien forum, daté de Février 2007.

Je suis en train de lire Les Origines de la Bretagne, de Léon Fleuriot, ouvrage majeur et indispensable à tous ceux qui s'intéressent à l'émigration bretonne des IVe, Ve, et VIe siècles - seul problème il est devenu très dur à dénicher, tenter éventuellement votre chance sur eBay et autres !

Fleuriot casse l'image que l'on a trop souvent de l'implantation des Bretons dans l'Ouest Armoricain comme un processus ponctuel. Au contraire, elle s'inscrit dans une continuité d'échanges entre le continent et les îles britanniques depuis la préhistoire. Ces échanges ne se sont pas arrêtés avec la conquête romaine.

J'en profite pour tordre le cou à une idée reçue. L'Armorique ne correspond pas à la Bretagne, c'est le quasi ensemble du littoral de la Manche qui forme le tractus armoricani.

Les Romains ont longtemps tiré parti des Bretons, qui malgré la conquête sont restés un peuple guerrier, surtout dans l'Ouest et le Nord de l'île, régions en proie aux raids des Gaëls et des Pictes. Au IVe siècle, des foederati bretons sont installés un peu partout en Gaule du Nord par les autorités romaines. La tendance ira se renforçant avec le passage en Gaule des armées bretonnes de Maximus (en 383) et Constantin III (en 407), l'Ouest Armoricain, composé des cités ossisme et vénète, recevant une grande densité de colons.

Les toponymes, les textes et les noms montrent que la migration, du moins dans la première période qui dure jusqu'à la fin du Ve siècle, n'est en aucun cas limitée à cette région. Toute la région comprise entre la Seine et la Loire présente un fort élément breton. Ces Bretons conservent de nombreux liens entre eux, et même relativement tardivement on notera la venue de Bretons dans ces régions (par exemple l'exil pendant les invasions normandes des moines de Landévennec dans un monastère fondé par St. Samson au VIe siècle).

Les Bretons sont les alliés naturels des Romains. Célèbre exemple, l'expédition de Riothamus (parfois identifié comme Ambrosius Aurelianus ou Arthur) et de ses 12000 Bretons contre les Wisigoths d'Euric, qui se soldera malheureusement par une défaite. Le "royaume" d'Aegidius trouvera un fort appui en eux.

A l'instar des Romains, Francs, Wisigoths et Burgondes, les Bretons forment l'un des intervenants majeurs dans l'histoire de la Gaule à la fin de l'Empire Romain.

Je pense qu'en parler plus ne peut que vous intéresser, surtout les Foederati qui reconstituent cet époque troublée. Si ça vous tente, je peux résumer les éléments importants du bouquin de Fleuriot dès que je l'ai terminé.

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 Sujet du message: Re: [Ancien sujet] Les Bretons en Gaule du nord
Nouveau messagePublié: 20 Sep 2008, 16:25 
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Les toponymes, les textes et les noms montrent que la migration, du moins dans la première période qui dure jusqu'à la fin du Ve siècle, n'est en aucun cas limitée à cette région. Toute la région comprise entre la Seine et la Loire présente un fort élement breton. Ces Bretons conservent de nombreux liens entre eux, et même relativement tardivement on notera la venue de Bretons dans ces régions (par exemple l'exil pendant les invasions normandes des moines de Landévennec dans un monastère fondé par St. Samson au VIe siècle).

Les Bretons sont les alliés naturels des Romains. Célèbre exemple, l'expédition de Riothamus (parfois identifié comme Ambrosius Aurelianus ou Arthur)


Ce n'est peut-être pas une expédition, alors...

Que dit Fleuriot sur les relations Francs-Bretons ? Michel Rouche pense notamment qu'une paix a due être signée vers 496 ou 497...

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 Sujet du message: Re: [Ancien sujet] Les Bretons en Gaule du nord
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Fleuriot parle bien d'un foedus en 497 entre Francs et "Romains" où les Bretons sont largement concernés. Ce traité confirme l'établissement des Bretons dans les civitas ossismi, veneti et curiosoliti, à condition que les Bretons soient dès lors assujetis aux Francs - mais ne sont par contre pas tenus de livrer tribut. Leurs seigneurs sur le continent sont dès lors nommés comtes, et plus rois. Ce traité écarte un dangereux rival des Francs. Les Bretons étaient relativement puissants sur la Loire - Clovis leur a récement repris Blois. Ils sont dès lors confinés à l'Ouest Armoricain. Qui plus est cela donne aux Francs la possibilité de contrôler doublement (de par leurs relations avec les Bretons, mais aussi avec les Jutes du Kent) les affaires de l'Ile de Bretagne. Ainsi Chilpéric trouvera dans les Bretons des alliés de choix contre son frère Clotaire. Mais quand il mourut en 558, Clotaire lança une (voir deux) expédition militaire en Bretagne. Dès lors l'alliance entre Francs et Bretons est brisée - parallèlement les Saxons recommencent leurs grandes avancées dans l'île, et une aide réciproque entre insulaires et continentaux est plus qu'envisageable. Le conflit semble stopper avec la main mise des Carolingiens sur la péninsule, mais ce ne sera qu'une illusion. Après une série de révoltes, et l'établissement d'un Breton pour gouverner les siens - Nominoé - la situation basculera à nouveau avec la mort de Louis le Pieux. S'en suivra la naissance du royaume de Bretagne - Erispoé sera officiellement reconnu roi après sa victoire de Jengland sur Charles le Chauve.

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 Sujet du message: Re: [Ancien sujet] Les Bretons en Gaule du nord
Nouveau messagePublié: 20 Sep 2008, 16:27 
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Réponses de Damianus
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Au IVe siècle, des foederati bretons sont installés un peu partout en Gaule du Nord par les autorités romaines. La tendance ira se renforçant avec le passage en Gaule des armées bretonnes de Maximus (en 383) et Constantin III (en 407), l'Ouest Armoricain, composé des cités ossisme et vénète, recevant une grande densité de colons.


Je faisais référence plus directement à ce passage qui me semble anachronique ou impropre. A cette période il ne peut s'agir de fédérés bretons.

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Les Bretons étaient relativement puissants sur la Loire - Clovis leur a récement repris Blois. Ils sont dès lors confinés à l'Ouest Armoricain. Qui plus est cela donne aux Francs la possibilité de contrôler doublement (de par leurs relations avec les Bretons, mais aussi avec les Jutes du Kent) les affaires de l'Ile de Bretagne. Ainsi Chilpéric trouvera dans les Bretons des alliés de choix contre son frère Clotaire. Mais quand il mourut en 558, Clotaire lança une (voir deux) expédition militaire en Bretagne. Dès lors l'alliance entre Francs et Bretons est brisée - parallèlement les Saxons recommencent leurs grandes avancées dans l'île, et une aide réciproque entre insulaires et continentaux est plus qu'envisageable.


Ce passage est aussi intéressant qu'il est peu connu !

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 Sujet du message: Re: [Ancien sujet] Les Bretons en Gaule du nord
Nouveau messagePublié: 20 Sep 2008, 16:30 
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Je confirme pour le monastère de Samson, c'est bien Pentale.

Maintenant, plus de détails sur les relations entre Bretons et Francs de 410 à 600 - je me base essentiellement sur le chapitre dédié au sujet dans Les Origines de la Bretagne de Fleuriot.

En 410, les Bretons de Iomadus battent les Germains du "consul" Boso, et occupent Blois, renforçant leur contrôle sur la Loire. La même année, l'empereur Honorius autorise les Bretons à prendre les armes pour assurer leur propre défense contre Pictes et Irlandais. S'initie une politique d'alliance forte entre les généraux romains du Nord de la Gaule, qui vont peut à peut constituer leur propre état (Aetius, puis Aegidius et Syagrius). En 451 la présence de Litavii, Bretons Armoricains, est attestée dans la coalition contre Attila. En 461, un évêque breton est présent au concile de Tours.

Vers 465, dans des circonstances qui ne sont pas très claires, Childéric fait tuer le comte Paul, peut être partisan d'une alliance avec Bretons et Wisigoths contre les Francs ? L'alliance des Goths est en tout cas recherchée. Arvandus, préfet des Gaules de 467 à 472, dans une lettre à Euric, roi des Wisigoths, lui dit qu'à fin de partager la Gaule avec les Burgondes il lui faut attaquer les Bretons - Grégoire de Tours est muet, et Fleuriot pense à une rupture entre Francs et Romains. L'empereur Anthemius demande le secours des Bretons contre les Goths. C'est ici que se situe la campagne de Riothamus contre Euric. Riothamus doit joindre ses forces à celles des Romains près de Bourges, mais Euric l'attaque et le défait à Déols. Riothamus doit se réfugier chez les Burgondes, mais ses forces restent respectables comme le révèle sa correspondance avec Sidoine Apollinaire. Les Bretons ne s'opposeront désormais plus aux Goths. Fleuriot démontre cependant que la rupture entre Francs et Romains date d'avant Déols, contrairement à ce que dit Grégoire de Tours qui semble avoir sciemment mélangé sa chronologie.

Ambrosius Aurelianus, dans les versions les plus anciennes de l'Historia Brittonum - attribuée à Rhun fils d'Urien et donc datant du VIIe siècle - ainsi que dans d'autres sources est nommé roi des Bretons Armoricains et des Francs. Ambrosius, qui ne forme sans doute qu'un seul et même personnage avec Riothamus, n'a pu exercé son pouvoir sur des Francs que entre 465 et 481, pendant le recul de Childéric, refoulé sur la Somme. Il est alors l'allié de choix de Syagrius - on comprend mieux comment celui ci a pu maintenir son royaume en Gaule du Nord. En Bretagne insulaire, les Saxons perdent du terrain.

La situation bascule en 486, avec la défaite et la mort de Syagrius contre Clovis. En 491, après une campagne contre les Thuringiens, Clovis reprend Blois aux Bretons. Jusqu'en 497, le conflit fait rage entre les Bretons et ce qu'il reste de "Romains" d'une part, et les Francs de l'autre. Clovis échoue devant Nantes, farouchement défendue par les Armoricains et par des Bretons. Le succès de Clovis ne sera ainsi pas total, vers 530 environ la Vie de St Dalmas mentionne la présence d'une Legio Britannica dans la région d'Orléans. Les Bretons remportent aussi une victoire importante dans l'île : Badon. Notons qu'on n'en sait pas assez sur Arthur pour savoir s'il joua ou pas un rôle important chez les Bretons Armoricains.

Clovis se voit contraint de négocier. Les Wisigoths se font menaçant, et la paix avec les Bretons et le soutien de l'aristocratie Gallo-Romaine sont nécessaires.
C'est le foedus de 497, dont la conversion de Clovis paraît avoir été une clause importante. Les Bretons se voient donc garantir les cités vénète et ossisme, ainsi que l'ajout de la cité curiosolite. Ils sont sujets des Francs et il est dit qu'à partir de Clovis leurs dirigeants sont nommés comtes - mais ils ne payent pas tribut.

Childebert (et non pas Chilpéric comme je l'ai dit plus haut) aura une forte influence dans les affaires bretonnes. On le rencontre fréquement dans les vitae de Saints Bretons, et c'est avec son accord que Samson établira le monastère de Pentale. Conomor, le roi Marc de la légende, sera son praefectus classis. C'est à travers ces comtes bretons que Childebert peut intervenir dans les affaires insulaires - en effet les chefs bretons possèdent fréquemment des terres des deux côtés de la Manche. Il peut donc contrôler l'émigration, qui se renforce fortement vers l'Ouest Armoricain après 500, avec notamment l'établissement du royaume de Domnonée continentale et de la dynastie de Riwall. Childebert trouve des alliés de choix contre son frère Clotaire - il s'adjoint aussi l'appui du fils de ce dernier, Chramme. Sa mort en 558 sera un coup dur pour la coalition.

Francs et Bretons s'opposent à nouveau. Clotaire marche sur la Bretagne. Conoo, comte des Bretons du Bro Waroc (Vannetais), propose à Chramme de combattre de nuit, ce que ce dernier refuse. Conoo est tué dans la bataille, et Chramme est capturé - épisode célèbre et tragique, son père le fera brûler vif avec sa famille dans une chaumière.

En 560 (bien que certains historiens ne voient qu'une campagne contre les Bretons et qu'un seul personnage pour Conoo et Conomor), Clotaire lance une nouvelle campagne en Bretagne. Son but : remettre Iudual sur le trône de Domnonée, que Conomor a usurpé. La rencontre a lieu à Brank Aleg, dans les monts d'Arée. Conomor est tué et ses hommes vaincus.

On observe parallèlement à ces défaites bretonnes sur le continent d'autres en Bretagne insulaire, avec la naissance du royaume de Wessex.

Vers 570, Waroch du Vannetais s'illustre contre les Francs. Il lance de fréquentes excursions en pays Rennais et Nantais, ravage le pays et vendange les vignes impunément. Il remporte plusieurs victoires, et écrase l'armée des ducs Beppolen et Ebrachaire envoyée par le roi Gontrand.

Quelques décennies plus tard, c'est Iudicael que l'on retrouve à combattre les Francs. Il accepte cependant la paix de Dagobert et se rendra à sa cours. Peu à peu la Marche de Bretagne, avec l'établissement de guerches, va prendre forme. Ce n'est qu'au IXe siècle qu'elle sera bousculée.

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 Sujet du message: Re: [Ancien sujet] Les Bretons en Gaule du nord
Nouveau messagePublié: 20 Sep 2008, 16:31 
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Sur le terme de foederati utilisé par Fleuriot pour désigner les colons bretons, je suis d'accord avec toi. Mais Fleuriot était plutôt très bien renseigné sur le sujet même si c'est possible qu'il s'agisse d'un abus de langage. Quelques explications possibles :
- les Bretons vivant entre les vallums d'Hadrien et d'Antonin sont bel et bien considérés comme des foederati par les autorités romaines. C'est de là que viendra la migration de Cunedda, qui au début du Ve siècle, s'implantera dans le Nord du Pays de Galles, fondant le royaume de Gwynedd. Mais ces Gwyr y Gogledd, hommes du Nord, n'ont pas de part importante dans l'implantation de Bretons en Gaule.
- les colons irlandais installés en Démétie et en Cornouailles peuvent être considérés comme foederati. Le royaume du Dyfed, dont la dynastie venait du Munster, joua un rôle certain dans la migration, bénéficiant d'une puissance navale certaine.
- le fait que les Bretons soient dans les faits indépendants à partir de 410 peut amener à les considérer leurs colons comme des foederati. A l'instar d'autres peuples, leur établissement dans certaines régions prend avant tout part dans un processus militaire de défense. L'Armorique était vulnérable avant que les Bretons ne s'y établissent, en proie au pillage des Goths, Frisons et Saxons ; et aux révoltes des Bagaudes. Ils sont bien appelés dans la plupart des textes Britones ou Letavi par opposition aux (Gallo-)Romains.

J'insiste sur les événements de 410. Honorius confère une indépendance de fait aux Bretons, la situation en Gaule étant alors critique. Il n'y a pas eu de "rappels des légions", la plupart des comitatus sont repassés en Gaule avec Maximus en 383 et Constantin en 407. Les limitanei demeurent. Les Romains ne comptaient nullement abandonner la Britannia, et reprendre le contrôle dès que la situation le leur permettrait. Ce qui n'a jamais été le cas. On voit cependant bien le rôle majeur que joua la Bretagne "indépendante" dans les derniers jours de l'Empire.

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 Sujet du message: Re: [Ancien sujet] Les Bretons en Gaule du nord
Nouveau messagePublié: 20 Sep 2008, 16:31 
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Salut Agraes,

pour le Comte Paul...Tu dois savoir que je réunis des notes sur l'Europe à cette époque, et voici ce que j'ai noté pour 469, tiré du les Alains, aux éditions Errance, si je ne m'abuse :
Paul et Childéric battent Euric à Tours et Bourges (...) Paul est tué à Angers en attaquant les Saxons ; Childéric arrive le lendemain et prend la ville ; Adovacrius (Nb.: le chef saxon) et Childéric font un pacte contre les restes des Alains de la Loire, qui sont absorbés par les Francs

Les circonstances sont clarifiées, la date serait 469.

Pour la petite histoire, certains essaient d'identifier Odoacre à Adovacrius, mais cela me semble peu probable...

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 Sujet du message: Re: [Ancien sujet] Les Bretons en Gaule du nord
Nouveau messagePublié: 11 Nov 2008, 10:10 
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Je place dans ce fil de discussion les éléments d'un travail déjà ancien sur L’espace breton au haut Moyen Age. L'apparat critique de cette étude comprend 34 notes.

Il s'agit d'une synthèse et en même temps d'une ébauche. Commentaires et compléments bienvenus.

L'espace breton aux temps mérovingiens
Il est assez souvent question de la Cornouaille et de la Domnonée dans l’hagiographie bretonne : le premier nom, employé dans la vita de saint Guénolé par Uurdisten, vers 880 , désignait encore à la fin de l’Ancien régime le ressort territorial du siège épiscopal de Quimper : encore faut-il distinguer entre Cornubia qui, dans les textes continentaux, s’applique à la seule Cornouaille armoricaine — mais que l’on trouve également dans les textes insulaires, appliqué cette fois au Cornwall britannique — et Cornugallia qui, sur la foi d’une interprétation erronée, paraît avoir servi à certains auteurs, bretons ou non, continentaux ou insulaires, pour désigner toute la péninsule armoricaine, la « corne de la Gaule ». Le nom Domnonée figure déjà, sous la forme Domnonia, dans la vita la plus ancienne de saint Samson, composée sans doute dans le second tiers du VIIIe siècle , mais il n’a pas laissé de postérité moderne sur le continent ; en revanche, le nom du Devon insulaire est son héritier direct.
Un autre vocable géographique, plus tardif que les deux précédents, mais lui aussi absent du lexique post-médiéval, se retrouve dans plusieurs ouvrages hagiographiques : il s’agit de Létavie (Letavia) , dont les auteurs insulaires paraissent s’être servi pour désigner la Bretagne armoricaine ; utilisé par les auteurs continentaux, il s’est appliqué à la partie septentrionale de la péninsule, avant d’être restreint au seul Léon, comme on peut le constater notamment à la lecture de la vita tardive de saint Goulven . A l’inverse, le vocable Domnonée s’était un temps dilaté jusqu’à être appliqué à la plus grande partie du territoire occupé par les Bretons, à une double exception : d’une part la Cornouaille, dont on voit les habitants s’opposer souvent à ceux de la Domnonée, comme c’est notamment le cas dans un épisode miraculeux relatif à la possession des reliques de saint Mélar ; d’autre part le Broérec, dont le nom désigne en breton le pays Vannetais.
Non seulement nous ne connaissons pas avec précision l’étendue territoriale et les limites de ces différentes entités, mais nous ignorons presque tout de leur organisation politique, même si elles sont souvent décrites comme étant des « royaumes », ce qui paraît très vraisemblable ; en outre, leur histoire externe nous échappe presque complètement, un peu moins cependant que leur histoire interne. Il va de soi que les affirmations des hagiographes doivent être reçues avec beaucoup de précaution et de prudence ; la mort de L. Fleuriot nous a malheureusement privé de l’étude qu’il envisageait de consacrer à « la vie intérieure des petits Etats bretons » et que ne peut remplacer l’ouvrage hautement fantaisiste de C.Y.M. Kerboul .
Dans le première moitié du VIe siècle, le nord de la péninsule relevait probablement au spirituel du siège épiscopal de Rennes et le sud de celui de Vannes . Rennes, chef-lieu de la civitas gallo-romaine des Riedones, était situé hors de la zone d’implantation des immigrés venus de Bretagne insulaire. C’était à l’origine le cas de Vannes, chef-lieu de la civitas des Vénètes, mais les flots de l’expansion bretonne, déferlant depuis l’ouest, venaient chaque jour battre ses murailles, les contournaient pour s’étaler beaucoup plus loin vers l’est ; d’ailleurs, vers le milieu du VIe siècle, la dynastie comtale était elle-même d’origine bretonne. Une longue et sanglante querelle à l’intérieur du lignage comtal déboucha en 577 sur la partition de ce vaste territoire : la partie orientale, revendiquée comme son héritage par Guérec (Uuarochus) , fut placée officiellement sous l’autorité de ce dernier qui lui donna son nom, Broérec, *Bro Uuaroch, « patrie de Guérec » ; en outre, Chilpéric confia expressément à Guérec la garde de Vannes, « ville royale » , où le nouveau potentat établit sa capitale . Les limites de la civitas des Vénètes ont connu à cette occasion des modifications importantes qui ne permettent plus d’en fixer avec certitude le tracé originel, ni à l’est, ni à l’ouest. C’est sans doute vers la même époque que l’autre branche de la dynastie comtale se fixa de façon permanente à Quimper ; commença dès lors de s’affirmer l’autorité spirituelle des abbés qui dirigeaient le monastère du lieu, à l’emplacement de la future abbaye de femmes de Locmaria et dont le fondateur pourrait bien avoir été plutôt saint Tudwal que saint Corentin .
Au nord de la péninsule, la situation est moins bien connue : le territoire qui s’étendait de l’embouchure de la Penfeld à celle du Léguer semble avoir constitué la partie continentale d’une sorte de principauté établie des deux côtés de la mer bretonne, principauté contrôlée par la puissante famille des Marci Aurelii, lesquels trustaient la charge de « préfet de la flotte » depuis la fin du IIIe siècle ; l’un des membres de cette famille n’était autre que le fameux Commor (*Marcus Aurelius Commorus), personnage qui joue le plus souvent le rôle du « sale type » dans l’hagiographie bretonne médiévale, mais que Grégoire de Tours nous décrit pourtant plein de sollicitude à l’égard de Méliau (Macliauus), le père de Guérec . A la suite d’un conflit intervenu, toujours vers le milieu du VIe siècle, entre Commor et un autre potentat local, Judual , le territoire en question semble avoir perdu son statut particulier car une ancienne charte, conservée à Saint-Pol-de-Léon à la fin du IXe siècle encore, indiquait, au dire de Uurmonocus, que l’autorité de Judual s’était étendue jusqu’en Léon . Cependant, à partir de la seconde moitié du VIIe siècle, on observe que la zone autrefois contrôlée par les Marci Aurelii retrouve son autonomie, au fur et à mesure que s’affaiblit le lignage qui dominait ce qu’on appelait alors la Domnonée . Cet affaiblissement progressif s’est peut-être accompagné d’une perte d’influence du principal sanctuaire de la dynastie « domnonéenne », Saint-Jean de Gaël, monastère fondé par saint Méen, où le roi Judicaël, personnage emblématique de la dynastie, aurait fait retraite ; perte d’influence opérée au profit de Dol, monastère fondé par saint Samson, et surtout d’Alet, qui avait été au bas Empire le chef-lieu de la civitas gallo-romaine des Coriosolites. Pour autant, Saint-Jean de Gaël faisait encore l’objet de toutes les attentions de la part des premiers monarques carolingiens et le regretté H. Guillotel l’a désigné comme « le plus important monastère de Bretagne au IXe siècle » lors du colloque de Landévennec de 2002.

L’empreinte carolingienne
L’histoire de la Bretagne à l’époque carolingienne s’articule en trois temps.
Tout d’abord, celui de la marche frontalière de la Bretagne, circonscription de nature militaire, constituée par les comtés de Nantes et de Rennes, d’origine gallo-franque, et par celui de Vannes, lequel « occupait une situation ambiguë », car « le Vannetais appartenait indéniablement à la Bretagne du point de vue linguistique, même si la fortune politique du moment lui valait d’être rattaché à un autre ensemble » . La dynastie d’origine cornouaillaise qui dominait le Broérec en avait sans doute perdu le contrôle lors de l’expédition de Pépin le Bref en 753 ; au début du IXe siècle, le comte de Vannes était issu d’un puissant lignage de l’aristocratie carolingienne : il s’agit d’un certain Frodald , lequel, à la fin du règne de Charlemagne, avait été remplacé par Gui, probablement son fils .
Vint ensuite le temps de la pacification : plusieurs rébellions, qui furent à chaque fois réduites, intervinrent en Bretagne sous les règnes de Charlemagne et de Louis le Pieux. S’il n’est pas sûr que le premier soit venu personnellement sur place, sinon en 811, on sait que Louis prit la tête des expéditions de 818 et de 824 ; l’un et l’autre en tout cas ont complété leurs interventions militaires par des dispositions d’ordre administratif relatives à l’organisation diocésaine de la Bretagne. Ces dispositions aboutirent à la création des évêchés de Dol, Alet, Léon et Cornouaille, ou du moins à ce que ces évêchés fussent désormais « alignés sur le modèle gallo-franc » . Malgré l’attention que leur témoignaient les Pippinides, les abbés de Gaël ne parvinrent pas à obtenir l’érection de leur monastère en évêché territorial ; le ressort du siège d’Alet se dilata dans le cadre de la création d’un comté plus ou moins intégré à la marche bretonne, comté dont le titulaire vers 820 était un certain Rorgon , « l’un des membres de l’une des plus illustres familles de l’aristocratie carolingienne » . La marque des Pippinides se voit également au travers du développement local du culte du saint tutélaire de la dynastie, Servais.
Enfin, dernière étape du processus, le temps du royaume breton : d’abord simple missaticum confié par Louis le Pieux à un membre de l’aristocratie bretonne, Nominoë, lequel avait été précédemment investi de la charge de comte de Vannes (pour être issu de l’ancienne dynastie qui dominait le Broérec ?), la Bretagne, au terme du conflit engagé par ses princes contre Charles le Chauve, à la fois sur le terrain politique et sur le terrain ecclésiastique, est devenue une puissance régionale à part entière, consacrée en 851 par la concession faite à Erispoë, fils et successeur de Nominoë, qui reçut « tant les insignes royaux que la puissance jadis dévolue à son père étant ajouté en outre le Rennais, le Nantais et le Retz » .
Au moment de sa reconnaissance officielle, le royaume de Bretagne comptait donc sept diocèses ainsi répartis sur son territoire :
- au nord-ouest, le diocèse de Léon, dont la limite pouvait s’étendre à l’est jusqu’au Léguer, englobant ainsi le Pougastel, lequel formera par la suite la partie occidentale du diocèse de Tréguier ;
- au sud-ouest, le diocèse de Cornouaille ;
- au sud, le diocèse de Vannes ;
- au sud-est, le diocèse de Nantes ;
- à l’est et au nord-est, les diocèses de Rennes et de Dol ;
- au nord, le diocèse d’Alet, dont la limite pouvait s’étendre à l’ouest jusqu’au Léguer, englobant ainsi le Penthièvre, le Goëllo et le Trégor, éléments constitutifs des futurs diocèses de Saint-Brieuc et de Tréguier.
Sous le règne de Salomon, ces sept sièges épiscopaux ont formé la métropole de Bretagne, placée sous l’autorité du prélat qui siégeait à Dol : on sait que cette métropole, qui est comme le prolongement naturel du schisme provoqué quelques années auparavant par Nominoë, n’a jamais eu d’autre légitimité que le fait du prince. D’ailleurs, répondant aux requêtes que lui avait adressées Salomon de conférer le pallium à l’évêque Festien de Dol, le pape Nicolas Ier avait indiqué à ce dernier que, jusqu’à plus ample informé, il tenait l’Église de Tours pour la métropole des Bretons ; mais le pape n’en proposait pas moins à Festien, si celui-ci voulait poursuivre en justice, de trancher l’affaire à Rome (17 mai 866) . Le 18 août de la même année, les évêques francs réunis en concile à Soissons avaient souligné « que les évêques bretons vivaient en marge de la métropole de Tours, que les églises de Neustrie souffraient des pillages perpétrés par les Bretons et insisté sur le triste état de l’Église de Nantes » ; cependant, le 29 septembre suivant, Electranne, nouvel évêque de Rennes, était consacré « par Hérard, archevêque de Tours, assisté de deux de ses suffragants, Actard de Nantes et Robert du Mans » : les évêques de Nantes et de Rennes étaient donc déjà revenus à l’obédience tourangelle, ce qu’il faut sans doute interpréter à la suite de H. Guillotel, comme la conséquence directe et immédiate de la position adoptée par Nicolas 1er, tout à la fois ferme, conciliante et pragmatique. « Sur un seul point la démarche diplomatique du pape allait avoir des conséquences durables : son offre de trancher lui-même au fond sur qui de Tours ou de Dol devait être métropolitain, bien qu’il sût la justesse des prétentions tourangelles et la vanité des espérances doloises, encouragea ces dernières » .

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 Sujet du message: Re: [Ancien sujet] Les Bretons en Gaule du nord
Nouveau messagePublié: 11 Nov 2008, 14:49 
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Merci André-Yves pour cet article. Il mériterait probablement un sujet dédié plutôt que de figurer à la suite de mes réflexions en vrac.

Je rajoute justement quelques notes que j'avais posté sur un autre forum, concernant le nom de la Cornouaille :

Citer:
Les Cornovii n'ayant pas occupé le Cornwall.

La première mention du Cornwall sous ce nom ci date de 705, quand Aldhelm de Malmesbury se voit attribué un poème où il est mentionné usque diram Domnonium per carentem Cornubiam, à ce propos Pierre-Roland Giot écrit "on comprend mal pourquoi quelqu'un de Malmesbury trouverait la Domnonée sinistre ou barbare, et aimerait davantage le Cornwall." Donc peut être une autre preuve de l'existence de la Domnonée continentale.

La forme Cornewallas est attestée en 931, et au XIe siècle on trouve Cornwallia.

Pour la Cornouaille continentale,
les annales de Flodoard donnent en 919 Britanniam in Cornu Galliam et en 931 Brittones in Cornu Galliam.
La Vita Maglori donne desertum Cornugallium, Cornubia, in Armorica regionis, Domnoniae et Cornubiae.

Dans le même ouvrage Bernard Merdrignac voit lui un lien direct entre les deux Cornouailles, avançant entre autres l'étymologie de Plougerneau, Plebs Cerniu.

Source : Les Premiers Bretons d'Armorique, Pierre-Roland Giot, Bernard Merdrignac et Philippe Guigon.


La discussion sur les origines de la Cornouaille, de la Létavie et de la Domnonée est aussi intéressante que problématique.
Soazick Kerneis évoquait l'installation d'une tribu irlandaise de Cerniu, littéralement "les Cornus" dans le sud est du Pays de Galles, ainsi qu'en Cornwall, expliquant les origines des noms de Cerniw, Cernow, et Cornubia ; et aussi de Cornugallia avec leur passage sur le continent suite à l'usurpation de Maxime.
Elle explique aussi le nom du Léon et de Letavia par celui des Ui Liathainn irlandais. Je n'y crois que peu personnellement, notamment pour le Léon dont il me semble qu'il dériverait d'un pagus Legionensis connu par un texte médiéval, l'analogie de Caerleon au Pays de Galles, Urbs Legionensis, la ville de la légion.

Letavia est parfois superposable au Léon. Cependant, ne peut on accepter le terme dans un sens plus large, comme englobant les établissements bretons continentaux dans leur ensemble ? A voir la mention des Litavi aux Champs Catalauniques chez Jordanès, et le terme Letavia lui même que Fleuriot expliquait comme "l'étendue", peut-être en relation au continent ?

Le thème de la partition de la cité des Ossismes est aussi très intriguant : faut il y voir la création du Léon (avec pour capitale Brest ou Saint-Pol), du Trégor (avec pour chef-lieu l'éperon barré du Coz Yaudet), et la Cornouaille (avec Quimper que j'oserai appeler Aquilonia pour que vous nous rappeliez les sources médiévales de ce nom latin) ?
Je pense effectivement que l'on doit voir dans ce schéma une alliance entre Armoricains et dynasties bretonnes, pic d'un processus débuté dès le IVe siècle.

J'en profite pour m'adresser au spécialiste : dans quelles mesures peut on utiliser l'hagiographie médiévale pour l'étude des origines bretonnes ? Quelles vitae sont utilisables ?

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 Sujet du message: Re: [Ancien sujet] Les Bretons en Gaule du nord
Nouveau messagePublié: 11 Nov 2008, 15:51 
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Inscrit le: 09 Nov 2008, 10:52
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Morcant a écrit:
J'en profite pour m'adresser au spécialiste : dans quelles mesures peut on utiliser l'hagiographie médiévale pour l'étude des origines bretonnes ? Quelles vitae sont utilisables ?


Bonjour Morcant,

Le recours au matériau hagiographique médiéval, ainsi qu'à d'autres textes connexes (ex.: le Livre des faits d'Arthur dont l'auteur, au début du XIVe siècle connaît et utilise la vita de saint Goëznou, mais surtout le Chronicon Briocense, qui constitue un véritable gisement de textes hagiographiques) pour l'étude des origines bretonnes doit s'inscrire dans le cadre d'une démarche extrêmement prudente et mesurée : ainsi, à l'exception des sources qu'ils ont eu le mérite de publier, et sous réserve du contrôle de la qualité de ces éditions, contrôle qui n'a pas encore été systématiquement entrepris, les auteurs antérieurs à l'époque de la publication des travaux de F. Lot ou F. Duine, ne peuvent être d'aucun recours pour les études actuelles (je pense notamment à A. de la Borderie) ; mais cela n'empêche pas certains "auteurs" modernes de continuer à utiliser les conclusions largement erronées de ce dernier...

L'époque, le contexte et les circonstances de la composition de chaque texte hagiographique, les conditions dans lesquelles s'est effectuée sa transmission jusqu'à nous, etc., sont autant d'éléments à connaître et à apprécier avant toute utilisation dans la perspective que vous privilégiez. Je donne ci-dessous un extrait du CR consacré au récent ouvrage de B. Merdrignac (B.M) sur Les saints bretons entre légendes et histoire — Le glaive à deux tranchants, Rennes, PUR (collection Histoire),

Citer:
Dans l’introduction et le premier chapitre, l’auteur a « récapitulé le mode d’emploi des sources hagiographiques bretonnes » : à l’instar de B. Guenée qui souligne que « ... tout le Moyen Age admettait ainsi les rapports privilégiés que la religion avait tissés entre l'hagiographie et l'histoire », B.M. rappelle que « la distinction entre “historiographie” et “hagiographie” n’a du reste guère de signification à l’époque médiévale ». Pour autant, l’utilisation précoce, dès le XIVe siècle comme il se voit par le Chronicon Briocense, et durable de ce matériau particulièrement abondant aux fins d’écrire l’histoire des origines bretonnes, est une tentative ruineuse à laquelle les historiens de la Bretagne ne renoncèrent que tardivement, surtout après que l’œuvre du plus célèbre d’entre eux, A. de la Borderie, eût fait l’objet de critiques, salutaires souvent, néanmoins un peu stérilisantes parfois, de la part de l’équipe de chercheurs groupés autour de F. Lot, à la IVe section de l’École pratique des hautes études. De surcroît, ce débat sur l’utilisation des sources hagiographiques bretonnes a longtemps été biaisé par une critique insuffisante de ces sources et en particulier de leur datation : à l’exception bien sûr des vitae qui peuvent être incontestablement datées de l’époque carolingienne (en particulier celles de saint Guénolé, saint Malo, de saint Paul Aurélien, de saint Magloire, de saint Lunaire) et de la vita ancienne de saint Samson, pour laquelle il semble se ranger plutôt du côté de l’opinion de P. Flobert que de celle de J.C. Poulin, B.M. adopte dans son « essai de périodisation » presque toutes les conclusions des travaux récents, en particulier ceux du regretté H. Guillotel, sur la nécessité d’abaisser au XIe siècle au plus tôt, sinon au XIIe , quand ce n’est pas au bas Moyen Âge, la datation de la plupart des textes hagiographiques relatifs aux saints bretons, notamment saint Cunwal, saint Tugdual, saint Ronan, saint Goëznou, saint Corentin ou encore saint Hervé.
Cet aggiornamento, très en retrait de la vulgate aujourd’hui encore en usage chez nombre de ceux qui traitent de l’histoire des origines bretonnes, ne signe pas pour autant la fin du recours aux sources hagiographiques par les historiens de la Bretagne ; mais il définit les conditions dans lesquels ce recours peut s’exercer au mieux, aussi bien en ce qui concerne une approche renouvelée de l’histoire événementielle — dont la conception est désormais moins anecdotique et s’efforce de reconnaître, au travers de critères pertinents, la possibilité que ces textes aient conservé, comme un palimpseste, le souvenir de faits avérés — qu’en ce qui concerne les approches institutionnelle et socio-culturelle : comment par exemple les textes hagiographiques constituent un véritable gisement de culture populaire et comment les motifs qui s’y décèlent se présentent comme les résultats d’une adaptation, voire dans certains cas d’un véritable « recyclage » par les clercs à destination des autres classes de la société. En s’efforçant de définir « ce qu’on doit entendre par hagiographie bretonne », B.M. cherche moins à tracer les contours géographiques du territoire où sont localisées les œuvres en question ou à établir si leurs auteurs peuvent exciper de leur appartenance à une commune natio (dont tous manifestement ne maîtrisaient pas la langue, laquelle au demeurant n’a pas laissé de véritables traces dans les œuvres en question et moins encore de textes), qu’à caractériser la dimension plus spécifiquement bretonne du culte des saints concernés : culte le plus souvent dépourvu de reliques corporelles et pour lequel le saint ne se voit guère attribuer de miracles post-mortem. Au-delà de la possible destruction de certains « livres de miracles », attestés dans la documentation, au-delà de l’exode des reliques consécutif aux incursions scandinaves et d’une forme de « délocalisation du culte des saints dont l’écho est perceptible dans l’hagiographie », il est manifeste que les saints locaux sont honorés en Bretagne dans un contexte particulier de sacralisation de l’espace qui vient se substituer à une logique de sanctuarisation d’un lieu et dont témoigne un sous-genre littéraire qu’on pourrait qualifier, à la suite de B. Tanguy et de B.M., « topo-hagiographique », parfaitement illustré par la vita composite de saint Hervé.


On peut en reparler sur un fil dédié, où l'on se livrerait à ce travail de critique pour chaque dossier hagiographique.

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

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 Sujet du message: Re: [Ancien sujet] Les Bretons en Gaule du nord
Nouveau messagePublié: 17 Nov 2008, 23:53 
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Excellente idée.

Je tâcherai de présenter les pistes évoquées par Léon Fleuriot et Bernard Merdrignac notamment, pour que vous puissiez nous apporter vos lumières sur le sujet.

Qui plus est nous aurons peut-être dans la troupe un personnage de "saint", au vu de l'importance de ces derniers dans l'histoire des origines bretonnes.

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 Sujet du message: Re: [Ancien sujet] Les Bretons en Gaule du nord
Nouveau messagePublié: 22 Nov 2008, 17:31 
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Morcant a écrit:
Je tâcherai de présenter les pistes évoquées par Léon Fleuriot et Bernard Merdrignac notamment, pour que vous puissiez nous apporter vos lumières sur le sujet.


A défaut de lumières, je m'efforcerai d'apporter de nouveaux éclairages :idea: , partagés pour la plupart avec mon ami Bernard Merdrignac et dont l'ouvrage du regretté L. Fleuriot, paru il y a près de trente ans, ne pouvait évidemment rendre compte.

En plus du matériau hagiographique, je serai partisan, si vous le l'acceptez, d'envisager la critique de textes comme le Livre des faits d'Arthur (dont on ne conserve que quelques vestiges, que d'ailleurs peu d'historiens ont étudiés, sinon même lus), afin d'éviter de redoutables et regrettables confusions sur l'histoire des événements des IVe-Ve siècles.

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès
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 Sujet du message: Re: [Ancien sujet] Les Bretons en Gaule du nord
Nouveau messagePublié: 22 Nov 2008, 18:19 
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Et bien, voilà un developpement qui risque de m'intéresser grandement. J'ai toujours tendance à rester circonspect face aux raccourcis qui font d'informations plus ou moins cryptiques et partiels des faits qui s'incrivent dans l'Histoire globale des IVe et Ve siècle. Concernant des évenements localisés comme ceux comtés par les auteurs plus ou moins contemporains de l'Histoire de la Bretagne à l'époque tardive, la frontière est parfois mince entre étude historique et Histoire fantasmée par les spécialistes qui l'étudient. Une perspective critique ne peut qu'aider à s'y retrouver, je suis certain qu'elle passionnera les lecteurs de ce forum.

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 Sujet du message: Re: [Ancien sujet] Les Bretons en Gaule du nord
Nouveau messagePublié: 22 Nov 2008, 19:14 
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Citer:
En plus du matériau hagiographique, je serai partisan, si vous le l'acceptez, d'envisager la critique de textes comme le Livre des faits d'Arthur (dont on ne conserve que quelques vestiges, que d'ailleurs peu d'historiens ont étudiés, sinon même lus), afin d'éviter de redoutables et regrettables confusions sur l'histoire des événements des IVe-Ve siècles.


Ça, ça m'intéresse au plus haut point...

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 Sujet du message: Re: [Ancien sujet] Les Bretons en Gaule du nord
Nouveau messagePublié: 22 Nov 2008, 21:45 
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Damianus a écrit:
Et bien, voilà un developpement qui risque de m'intéresser grandement. J'ai toujours tendance à rester circonspect face aux raccourcis qui font d'informations plus ou moins cryptiques et partiels des faits qui s'incrivent dans l'Histoire globale des IVe et Ve siècle. Concernant des évenements localisés comme ceux comtés par les auteurs plus ou moins contemporains de l'Histoire de la Bretagne à l'époque tardive, la frontière est parfois mince entre étude historique et Histoire fantasmée par les spécialistes qui l'étudient. Une perspective critique ne peut qu'aider à s'y retrouver, je suis certain qu'elle passionnera les lecteurs de ce forum.



Maelcolm a écrit:
Ça, ça m'intéresse au plus haut point...


Merci de ces messages encourageants. Faut-il créer un fil de discussion dédié ? Sur le forum "Culture bretonne, picte et gaëlique" ou sur un forum plus général ? Avec un titre explicite du style "Critique des sources" ou plus précisément (mais plus réducteur) "Critique des sources littéraires" ou plus largement "Critique des sources écrites" ?

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