Premiers tours sur une roue à bâton
1. les sources :
Les origines du tour à bâton sont très anciennes, on l'a vu plus haut. Peut-être datent-elles de la Grèce antique, assurément de l’époque romaine. Preuve en est cette fresque de Pompei, ici redessinée parce qu’en tellement mauvais état qu’une photographie serait illisible.
On y voit une représentation d’un atelier de potiers, dans lequel 4 tourneurs au moins sont au travail, et une cliente venant y faire ses emplettes. Curieusement, les tourneurs travaillent en position assise, très peu pratique pour tourner sur de telles installations. Peut-être sont-ils occupés à des travaux de finition ? Les bâtons servant à lancer l’installation sont bien visibles. Les roues sont ici de gros disques très épais, donc très lourds. Terre cuite, pierre ou bois, ils seront suffisamment pesants pour assurer une inertie correcte et pourront tourner une minute ou deux sur leur lancée.
Un tel tour a été retrouvé en fouille à Speicher, en Allemagne. Il est constitué d’une meule de moulin hydraulique, aussi de 60 à 70 cm. de diamètre. Montée sur un moyeu en bois, elle constituera un très bon volant d’inertie pesant un soixantaine de kilos probablement. Des encoches ont été aménagées sur son bord externe ou y accrocher le bâton qui la lancera telle une toupie.
De telles découvertes sont rares, malheureusement, si rares qu’on en est venu à admettre que la majorité des volants d’inertie devait être faire de bois. Roues de chariots, disques spécialement construits à cet effet, tout est possible. Des archéologues allemands militant actuellement pour la solution de la grande roue à rayons de sur un axe fixe. L’hypothèse est séduisante, d’autant plus qu’on a retrouvé de nombreuses fosses de tournage, vides malheureusement ou éventuellement conservant quelques traces seulement du poteau qui faisait office d’axe. Installations entièrement en bois qui n’ont hélas pas survécu aux vicissitudes du temps…
La position du tourneur est ici vraisemblablement plus correcte que celle figurée sur la fresque de Pompei. En plaçant les jambes au-dessus de la roue, la position est bien meilleure et permet plus facilement le tournage de grandes pièces. Les jambes croisées en demi-lotus (Siddarthasana, la « posture parfaite » des adeptes du Hata Yoga) est tout à fait envisageable dans le monde gallo-romain, les exemples en statuaire gauloise sont nombreux montrant des personnages assis dans de telles postures. Néanmoins travailler ainsi limite la force latérale que l’on peut exercer sur la balle de terre et pose quelques problèmes pour le centrage.
Les meilleures illustrations de la roue de tournage proviennent du Moyen-âge, telle cette miniature parisienne de la fin du XIIIème siècle. Ici le tourneur travaille déjà jambes écartées, les pieds reposant sur des barres latérales. Pratique parce que très stable, la position est néanmoins dangereuse pour qui souffre de vertèbres lombaires peu solides.
2. La construction:
Par chance, l’automne dernier, j’ai pu récupérer une grosse roue de char. Diamètre environ 1 mètre pour un poids de 60 Kg environ. L’idéal pour envisager une telle installation. Un axe en chêne soigneusement tourné et poli sur lequel viendra reposer la roue préalablement équipée d’une crapaudine en bronze en forme de coupelle, placée juste sous la girelle. L’axe, ordinairement un pieu fiché en terre au fond d’une fosse est ici monté sur un socle bien robuste. Le banc est fait d’une branche courbée de chêne refendue dans la longueur et montée sur pieds. Un plateau fait office de banc.
La courbure de la branche est positionnée de manière à faire office de cale-pieds.
3. La pratique :
La posture que j’ai choisie est mixte, une jambe repliée et l’autre reposant sur la cale permet à la fois une bonne stabilité et une grande force de tournage, et évite les contraintes dans mes vertèbres déjà bien abîmées par le temps. Elle nécessite tout de même une certaine souplesse dans les genoux…
Première opération, lancer la roue au moyen du bâton! Geste millémaire que de nombreux potiers d'Asie pratiquent encore aujourd'hui.
Centrer la balle d'argile. Geste qui terrorise les apprentis potiers, mais indispensable pour obtenir un tournage bien régulier. Une balle mal centrée, et c'est un pot qui assurément ressemblera plus à une patate géante qu'à la belle cruche ou jarre dont vous rêvez! Centrer une balle d'argile demande beaucoup d'énergie, et il faudra déjà relancer la roue après cette opération...
Une fois que la balle est bien centrée, on la creuse et on forme un cylindre à parois épaisses.
Une première passe permet ensuite de monter le cylindre à la hauteur presque définitive de la future pièce.
On forme la panse...
et on amorce le col en une seule passe.
Et enfin le col est resserré pour obtenir une cruche.
Un petit coup d'estèque puis un lissage à l'éponge est l'ébauche de la cruche sera terminée. Un petit temps de séchage, et la pièce sera polie sur sa partie supérieure, puis détachée du rondeau pour affiner et terminer le fond. L'anse se colle en dernier lieu.
Un peu acrobatique? On peut le considérer ainsi. pas évident pour qui a pris l'habitude de travailler sur des installations modernes. Et même pour moi qui habituellement travaille sur un tour à pied, cela reste assez compliqué, tant il faut repenser chaque geste, et aussi penser à son propre équilibre. gare à qui viendrait à chuter dans la roue en mouvement...
Autre opération acrobatique: caser tout ce matos dans le coffre de ma voiture. Des fois que j'aurais l'intention de prendre ce tour à Grand...
Mais elle en a vu d'autres, mon auto, et tout est démontable. Faudra ruser quand même...