Armes et Guerriers au Temps des Grandes Invasions
http://schnucks0.free.fr/forum/

Cuire de la céramiqeu tardo-antique en 2008!
http://schnucks0.free.fr/forum/viewtopic.php?f=53&t=423
Page 1 sur 1

Auteur:  Illanua [ 27 Oct 2008, 23:21 ]
Sujet du message:  Cuire de la céramiqeu tardo-antique en 2008!

CUIRE DE LA CERAMIQUE TARDIVE EN 2008


Tout d’abord, il convient de présenter le four. Je le nommerai « Four No 2 » pour tout un tas de raisons pratiques, et parce qu’il y a aussi les Nos 1 et 3, dont je parlerai un autre jour.

Commençons par les comparaisons. Dans le sujet « la cuisson des céramiques antiques » j’ai présenté un atelier des environs de Meaux. J’ai évoqué un four classique, le No 4, non pourvu de tubulures. Il fait 1,10 mètre de diamètre. Tout comme mon « No2 ». Par contre, le mien, au lieu de 8 carneaux de 60 mm, en comporte 24 de 45 mm. Il est donc un plus puissant, ce qui en termes pratiques veut dire qu’il prendra un peu moins de temps pour atteindre les mêmes températures.
Sur cette image, on le voit en cours de construction, sa sole déjà posée. J'ai pris l'option de construire une sole en 8 éléments. Pas tout à fait archéologique, mais après avoir dû reconstruire plusieurs soles effondrées, un vrai travail de chien, on prend quelques précautions. Là, il suffit de changer un élément en cas de casse... ---

Image

Le châssis pour la voûte de l’alandier est posé, cette partie va être incessamment montée, puis viendra la laboratoire. La fosse, tout compris, approche 1,50 m. de profond, dans un terrain en pente pour éviter les inondations.

Ici le laboratoire en cours de montage. Il est constitué de briques crues en torchis (argile mélangée à de la paille pourrie). L’alandier a été assemblé, et le châssis aussitôt retiré. Les briques sont montées à cru. Ainsi on peut les déformer et les adapter à la courbure du laboratoire.

Image

Ces briques sont assemblées au torchis fin. (argile et bouse de vache ou gazon. Pour diverses raisons j’ai choisi le gazon…).

Voilà, c’est fini, on est en train de remblayer. Le poids de la terre maintiendra les parois et assurera une excellente isolation thermique. Préalablement la voûte a été longuement battue avec une grosse spatule, format batte de cricket, pour assurer la meilleure des cohésions possible de l’argile. C’es un gros travail que de construire un tel four, et c’est pourquoi nos l’avons construit et l’exploitons à deux, avec Eric « Pépin » Angehrn, potier médiéviste et inséparable complice dans ce genre d’aventures.

Image

Ce four se charge par le haut, par l’ouverture que l’on voit sur la photo. La fermeture peut se faire soit par une couverture de tessons, ou par une collerette qui se place sur le dôme. C’est une installation qui permet les cuissons claires ou flammées, mais par contre rend difficile les cuissons sombres, la grande ouverture rendant difficile et aléatoire le contrôle et le confinement de l’atmosphère de cuisson. Diablement efficace, c’est un excellent four, idéal pour la tardive claire, mais aussi pour des productions plus précoces allant de la gauloise peinte à la "sigilée claire B", productions du IIème et IIIème de la vallée du Rhône et pour les pièces à revêtement argileux du plateau helvète.

Une construction telle que celle-ci, si on veut qu'elle soit durable et résiste plus d'une saison,doit être très soignée, et demande beaucoup de travail. Entre les travaux de terrassement, la moulage des briques, le moulage de la sole, la construction et le remblai, c'est 120 à 150 heures de travail. ce four a deux ans et une dizaine de cuissons, et jusqu'à ce jour aucune réparation n'a été nécessaire.

Auteur:  Illanua [ 28 Oct 2008, 00:28 ]
Sujet du message:  Re: Cuire de la céramiqeu tardo-antique en 2008!

CUISSON DU 20 OCTOBRE 2008

Voilà, c'était donc lundi dernier, jour de cuisson. Un gros paquet de pièces, le four plein presque à ras-bord.

Dès 13 heures, chargement. C'est une opération délicate, les pièces sont crues, et donc très fragiles. A revêtement argileux, elles sont très sensibles aux rayures et aux chocs.

Image

Pour se faire une idée de l'échelle, les plats du centre font environ 28 cm. de diamètre.

Ensuite, on pose la collerette et on allume le feu. le chargement se fait toujours à froid. Déjà que l'opération est assez pénible, si en plus la chaleur fait transpirer, on risque de petits accidents dûs au gouttes de sueur tombant sur les pièces, ce qui provoque de grosses taches après cuisson à cause du sel...

19 heures, la cuisson suit son cours, la pénombre annonce la longue nuit...

Image

Nuit noire. On bombe un max. Dès 300oC, on charge le combustible au maximum de la capacité du four. pas une minute à perdre, tout relâchement se paie cher en heures de cuisson...

Vers minuit, la couleur d'incandescence vire lentement à l'orange. Comme je suis un intégriste-fondamentaliste, je n'utilise aucun moyen de mesure autre que la vision des couleurs d'incandescence et de la flamme d'échappement. C'est très précis comme moyen d'évaluation, et pas de risque de panne d'instrument de mesure...
Vue par le cheminée du four. Deux grosses briques plus ou moins écartées permettent de faire les réglages du tirage.

Image

Rappelons-nous que, avant Lavoisier au XVIIIème siècle, la notion de quantification des températures était absente de la pensée humaine.
On qualifiait les températures.
A chacun ses critères, et personnellement, je cuirai de la terra nigra au "rouge cerise sombre", des revêtements argileux au "orange pâle à jaune". Chez les Gaulois d'Esse, qu'on a évoqué lors des palabres concernant les greniers à poteaux, on cuit "gorge de pigeon". Cela peut paraître surprenant et déroutant, mais ce sont des méthodes qui ont fait leurs preuves. Demandez à l'Alaman, il pourra certainement en raconter long sur cette question des températures à vue, très importante en forge et en trempe des aciers...
Mais, revenons à nos moutons. Vers 2 heures du matin la température est atteinte, le tirage est fermé à 95% pour éviter un refroidissement trop rapide qui risquerait de faire écalter les plats par chocs thermiques. 12 heures de cuisson au total. ce qui représente, en fait, une cuisson plutôt courte. Dans mon four "No 1", je compte en général environ 18 heures.

Et commence la longue attente...

48 heures, c'est long. Après 200 cuissons, je ne m'y ferai jamais. Deux jours à me bouffer les ongles et à me demander si la température était suffisante, ou au contraire trop élevée. C'est bien joli, de travailler à la couleur du feu, mais on n'agit que par mémoire. Qui n'est pas infaillible...

Mais le résultat à été bon. Parfait même.

Image

94 pièces, une seule cassée, quelques surcuites.

Vue de détail sur une série de plats et assiettes de la vallée de l'Argonne. Ce sont les équivalents des deux premières positions du corpus des productions de l'atelier de Meaux.

]Image

Et ci-dessous, autre vue de détail sur des cruches, de la sigillée claire B, et tout à gauche des gobelets à écailles en luisante tardive

Image

Voilà. D'autres images arriveront bientôt sur cette fournée, et je présenterai à l'occasion quelques pièces particulières dans la section "fabricae".

Valete!

Ilanua

Auteur:  Magister [ 28 Oct 2008, 09:57 ]
Sujet du message:  Re: Cuire de la céramiqeu tardo-antique en 2008!

Je trouve le résultat et le four excellent! o'
Ça doit être une beau moment que de sortir la vaisselle après la cuisson. "O"

Auteur:  Damianus [ 28 Oct 2008, 11:29 ]
Sujet du message:  Re: Cuire de la céramiqeu tardo-antique en 2008!

C'est absolument génial! J'imagine que tu vends tes réalisations à Pontoise? Dans ce cas, si tu as opéré ce type de reconstitution, peux tu me mettre de coté un plat, un gobelet et l'équivalent tardo-antique d'un "pichet" (je ne connais pas le nom exact) d'origine "romaine" du moins provinciale (gallo-romain serait idéal...) Je pense que je ne te louperai pas parmi les stands des artisans... Encore bravo, voir la quantité de céramqiue sortir du four, on se croirait vraiment dans une fabrique antique. j'attends la présentation des modèles dans la rubrique "Fabricae" avec impatience.

Auteur:  Illanua [ 28 Oct 2008, 12:12 ]
Sujet du message:  Re: Cuire de la céramiqeu tardo-antique en 2008!

Merci pour tant de louanges....!

Je te mets tout ça de côté, Damianus. J'essaierai de prendre le plus possible de choix à Pontoise, et tu verras sur place. je serai à l'extérieur avec quelques complices helvètes.

C'est vrai, Magister, le défournement est toujours un grand moment. En fait, une grosse fournée, c'est une pression qui montre progressivement les quelques jours qui précèdent. Les derniers décors, l'engobage, dix fois par jours consulter les bulletins météo, etc. Puis vient la fournée, et surtout la fin de la cuisson, savoir quand il faut tout arrêter. Une cuisson est toujours un point culminant. C'est un long processus propice à toutes sortes de rêveries, propice aussi aux rencontres et aux belles soirées, que je sois seul ou parmi des amis ou des visiteurs. Mais en même temps il faut toujours surveiller le feu, toujours plus attentivement avec la montée de la température. Vers la fin, savoir quand stopper une cuisson au bois est une question qui a toujours torturé les potiers de tous les temps. En ce qui me concerne je suis généralement incapable de tenir quoi que ce soit comme conversation durant les deux dernières heures tant je suis concentré sur l'observation de la couleur du feu. Puis, comme je l'écrivais plus haut, commence la longue attente et les incertitudes qui vont avec, et la pression qui monte au fur et à mesure qu'approche le moment de l'ouverture.

Un potier suisse, Daniel de Montmollin, une sorte de légende vivante, a bien résumé le problématique de la cuisson en ces quelques mots:

"Le potier soumet un problème au feu, et le feu rend son ordalie."

C'est exactement ça. C'est l'attente du verdict, et lorsque le jugement du feu est favorable, c'est dans un premier temps un immense soulagement, puis une sorte d'effervescence, souvent solitaire, qui peut me tenir des heures à contempler le résultat et à échafauder les projets les plus extraordinaires.
Puis, souvent, le lendemain c'est la décompression, un spleen évoquant une sorte de traversée du Désert des Tartares... mais je suppose que cela doit faire partie du jeu...

Heureusement ça ne dure jamais très longtemps. D'ailleurs, faut que je retourne à l'atelier. La pression monte, une grosse fournée dans mon No 1 en fin de semaine si la météo est bonne, et si la météo est toujours bonne, l'inauguration du No3 samedi, four que j'ai terminé il y a quelques jours et qui sera dédié aux cuissons "germaniques" et parfois de gauloises. Et pour ça, j'ai tout un lot de méro et alamanes en cours de finition...

Valete!

Illanua

Auteur:  Illanua [ 28 Oct 2008, 12:17 ]
Sujet du message:  Re: Cuire de la céramiqeu tardo-antique en 2008!

Ah! Hengist! Tu as posté pendant que j'écrivais!

Tes gobelets sont prévus dans la prochaine fournée. Ils sont terminés mais pas encore cuits. Les revêtement sombres nécessitent une procédure de cuisson différente, dans un autre four qui permet les cuissons en atmosphère confinée. Mais la météo est exécrable, on annonce des pluies diluviennes et le four est inondable. je touche du bois...
Qui invoquer?
Taranis? _____

Vale!

Auteur:  Bran map Maclou [ 28 Oct 2008, 12:57 ]
Sujet du message:  Re: Cuire de la céramiqeu tardo-antique en 2008!

J'adore ce reportage.

A+

Auteur:  Clovis [ 28 Oct 2008, 16:52 ]
Sujet du message:  Re: Cuire de la céramiqeu tardo-antique en 2008!

Ah ben voilà... 3 lectures, 3 crises cardiaques...

Bravo !

Auteur:  Damianus [ 28 Oct 2008, 20:16 ]
Sujet du message:  Re: Cuire de la céramiqeu tardo-antique en 2008!

Oui nos réponses sont laconiques, mais ces petits reportages/documentaires d'Illanua, depuis les débuts, sont énormes!

Auteur:  Rudéricus [ 29 Oct 2008, 12:45 ]
Sujet du message:  Re: Cuire de la céramiqeu tardo-antique en 2008!

c'est beauuuu , je passe te voir à Pontoise

Auteur:  Efflam [ 29 Oct 2008, 12:49 ]
Sujet du message:  Re: Cuire de la céramiqeu tardo-antique en 2008!

Bravo c'est magnifique _____
Nous serons plusieurs Letavi à Pontoise le dimanche j'espère qu'il restera du stock ---

Pour info :

Dans la collection "grands détectives" chez 10-18 il y a une série très très sympa en 5 opus se déroulant au 1er siècle après JC, dont le personnage central est un avocat Gallo-romain. Celui ci t'intéressera certainement ;)

Marcus Aper chez les Rutènes
4ème de couverture
Marcus Aper est sur le point d'accepter d'être nommé juge à Gergovie quand Floris, le patron d'une grande officine industrielle de vaisselle en terre cuite de Millau, vient supplier de le défendre contre l'accusation de meurtre qui l'oppose à son ancien potier, dont la fille a disparu. Les Rutènes connaissent alors une activité économique florissante, non seulement par leurs activités de poterie, mais aussi par le marché aux esclaves qui approvisionne les comptoirs romains d'Afrique. Marcus enquête et découvre bientôt que plusieurs jeunes filles ont disparu de Millau et que le potier vient de ruiner Floris, en installant sa propre officine un peu plus loin...

Auteur:  Damianus [ 29 Oct 2008, 15:22 ]
Sujet du message:  Re: Cuire de la céramiqeu tardo-antique en 2008!

Rudéricus a écrit:
c'est beauuuu , je passe te voir à Pontoise


Et oui... ça me fait penser que je devrais faire passer l'info sur notre liste de diffusion car les talents d'Illanua rentrent dans le cadre d'un point que nous avons débattu dernièrement.

Auteur:  perethir [ 29 Oct 2008, 19:22 ]
Sujet du message:  Re: Cuire de la céramiqeu tardo-antique en 2008!

Superbe reportage, étonnant je ne connaissais pas ce parallèle avec les couleurs de chauffe de la forge, et dire qu'en plus certains voient le rouge cerise orange ou le gorge de pigeon violet... Bref pas évident.

Auteur:  Illanua [ 29 Oct 2008, 20:13 ]
Sujet du message:  Re: Cuire de la céramiqeu tardo-antique en 2008!

La perception des couleurs d'incandescence est un gros problème qui, autrefois, se transmettait de maître à élève. Chacun a une perception différente, et là n'est pas vraiment le problème, pas plus que la dénomination. L'important est de mémoriser la bonne couleur, puis de pouvoir la retrouver lors de la répétition de l'opération afin d'en asurer le succès.
Personnellement je suis daltonien. ça ne m'empêche pas de saisir les nuances de la plupart des couleurs, mais c'est la communication qui pose problème, parce qu'il n'y a pas de référent commun avec les non-daltoniens. A une bien moindre échelle, lorsqu'il s'agit de nuances infimes, la communication devient difficile même au sein d'un même corps "socio-visuel", car on ne peut fixer la limite entre un mauve et un violet, entre orange pâle et jaune par exemple, sauf si on s'aide d'un nuancier normalisé, comme la palette RAL. L'informatique a permis de calculer la part des couleurs fondamentales dans une teinte et il serait certes possible d'analyser une couleur d'incandescence et la traduire en température quantifiée. Mais c'est dans cet objectif beaucoup plus simple d'utiliser directement un laser de mesure qui est très précis.

Mais voilà, je préfère travailler en traditionnel, avec les bonnes ou mauvaise surprises qui en découlent...

Page 1 sur 1 Heures au format UTC + 1 heure [ Heure d’été ]
Powered by phpBB © 2000, 2002, 2005, 2007 phpBB Group
http://www.phpbb.com/