LA CUISSON DES CERAMIQUES GALLO-ROMAINES TARDIVESEn préambule, il convient de préciser que les opérations de cuisson ne sont pas très différentes aux IVème et Vème siècles par rapport à celles des siècles précédents. En fait, en ce qui concerne les céramiques communes, qu’elles soient claires ou sombres, a été mise au poins à la Tène moyenne ou finale, et celle des céramiques à revêtement argileux grésé (ou vitrifié) se fera vers la fin du Ier siècle av. J.-C. , directement inspirée des techniques italiques. D’ailleurs les premiers ateliers à maîtriser ce processus en Gaule seront souvent des succursales d’ateliers italiques ou padans. Lorsque cela se trouvera nécessaire, je donnerai quelques précisions quant à l’évolution de l’une ou l’autre technique en vigueur aux époques qui nous intéressent.
Je commencerai ce nouveau sujet par résumer un exposé que a été présenté par Philippe Bet, Richard Delage et Paul Van Ossel lors du congrès de la SFECAG ( Société Française d’Etude de la Céramique Antique en Gaule) à St.-Romain-en-Gal en 2003.
Il s’agit de la découverte d’un atelier de production de sigillée de type argonnais du milieu du IVème siècle près de Meaux.
Par le terme « sigillée » il faut entendre une production à revêtement argileux, généralement standardisée sur des formes précises, et de couleur généralement claire due à une cuisson oxydante faite dans des fours à tubulures, c'est-à-dire fonctionnant par rayonnement. Dans l’antiquité tardive, il y a toutefois des exceptions, et les producteurs admettaient dans certains ateliers la commercialisation de pièces flammées accidentellement, ou produites dans des fours à flammes vives, alors qu’au haut-empire, ces pièces accidentellement exposées au feu direct étaient systématiquement mises au rebut.
Le terme « sigillée » provient du « sigillum », c'est-à-dire du sceau portant la marque du potier, souvent apposé au centre de la face interne du récipient. Cela n’implique pas du tout, comme on le croit généralement, que ces productions soient moulées. Aux IV et Vème siècle, elles sons systématiquement tournées. (il est toutefois vrai que lors des siècles précédent on a fait de très nombreuses pièces moulées portant un décor en relief. Cette production sera abandonnée vers la fin du IIIème s.)
L’ATELIER :
C’est lors du contournement autoroutier de la ville de Meaux que Renaud Gosselin, archéologue INRAP a repéré des vestiges de fours gallo-romains à proximité immédiate de bâtiments antiques. Il reçoit bientôt le mandat de la part du Conseil Général d’Ile-de-France de procéder à une fouille d’urgence, qui se déroulera sous sa responsabilité de juin à septembre 2002.
Situé à moins de 5 km. De Latinum, ( aujourd’hui Meaux), sur le territoire de la Première Lyonnaise depuis Dioclétien, puis de la Quatrième Lyonnaise un siècle plus tard, le site se trouve sur un terrain en déclivité situé à moins de 500 m. de la voie reliant Sens à Meaux.
Le site se trouvait dans un enclos de 100 x 228 m., extrêmement arasé, mais dans lequel on a tout de même pu repérer plusieurs étapes de constructions, dont une dernière au IVème siècle, date confirmée par des rebus de cuisson de poteries du IVème sous les fondations.
Cinq fours ont été repérés et fouillés, mais les ateliers et bâtiments se stockage n’ont, au moment de l’exposé, pas pu être formellement identifiés. C’est donc essentiellement sur les fours et les rebuts de cuisson que nous allons nous arrêter.
Ce ces cinq fours, deux sont en excellent état de conservation et méritent que l’on s’y arrête.
LE FOUR No 4 :
Ce four, d’un diamètre intérieur d’1m.10 environ est exceptionnellement bien conservé, et son laboratoire possédait encore une élévation de plus de 90 cm.
C’est une construction assez atypique à plusieurs points de vue. Premièrement c’est un four à flammes nues, ce qui est plutôt rare dans les ateliers fabriquant de la sigillée, et aussi par la faible nombre de ses ouvertures dans la sole, ce que l’on appelle carneaux. 8 carneaux de 60 mm. de diamètre, c’est très peu, et cela implique des cuissons très lentes, probablement pour limiter les « coups de flamme » sur les céramiques.
En comparaison, ce four du même type à Braives ( Belgique) est beaucoup plus proche du standard de ce type d’installations à chargement par le haut.
La sole (c’est ainsi que l’on nomme la dalle de fond percée) comportait ici au moins 60 carneaux. Mais l’installation est un peu plus volumineuse, il convient de le préciser.
Cette évolution, précisons-le, n’a pas de rapport avec l’époque de construction des fours. In le faut en aucun cas en déduire que le tirage des fours était moindre au Bas-Empire. A Braives, on a choisi de construire une installation puissante, à Meaux, plutôt lente. Ce genre de chaoix est en règle générale dicté par la qualité des argiles utilisées pour confectionner les céramiques, certaines terres exigeant absolument une montée en température très lente.
Ce type de four est généralement presque complètement enterré. Non seulement la terre du remblai améliore l’isolation thermique, mais en plus elle bloque les parois et évite que les inévitables fissures dues à la dilatation n’aboutissent à des effondrements.
Ces fours de Meaux sont construits en argile et torchis, et les supports de la sole sont fait de tegulae, les grandes tuiles plates à rebords communes à tout l’Empire Romain. Le garnissage de la sole peut âtre fait d’argile sablonneuse ou de torchis, cela dépend des matériaux de construction et de la qualité des terres à disposition.
Le feu est pratiqué dans un foyer souterrain, puis amené dans la partie inférieure du four par un canal que l’on nomme « alandier ». Un fois la chambre de chauffe (la partie inférieure du four) atteinte, il filtre lentement au travers des carneaux et chauffe les céramiques en cours de cuisson.
Ce type de four se charge donc par le haut, et une fois les céramique à cuire empilées, on installe une couverture faite généralement de tessons
LE FOUR No 3 :
Ce type de four, lui aussi très bien conservé, quoique l’élévation au-dessus de la sole n’est que de quelques centimètres, correspond bien aux ateliers de sigillée tardo-antiques. Sa spécificité se trouve dans l’intégration des canaux de chauffage dans les parois du laboratoire, ainsi que dans quatre tubulures internes. Pour autant que l’on n’ait pas de fuites, ce type de four fonctionne comme un four électrique, c’est à dire par rayonnement, les tubulures agissant comme corps de chauffe. Les flammes ne sont donc plus en contact direct avec les céramiques, ce qui assure une couleur parfaitement uniforme du revêtement. Le four No 3 fait environ 1,40 m. de diamètre intérieur. Compte tenu des éléments manquants, il était équipé de 56 conduits de chaleur dans les parois, et 4 traversant le laboratoire.
On peut voir le principe de fonctionnement dans le dessin ci-dessous, bien que le nombre de tubulures internes soit plus grand :
On le voit donc, il s’agit d’un système assez perfectionné, demandant un entretien rigoureux. La moindre fuite amènera des gaz de combustion dans le laboratoire, et les coloris qui devraient être orange ou rouge vifs vireront au brun. Dans les faits, c’est un accident assez fréquent, qui peu « griller » une fournée dans que l’on puisse s’en apercevoir en cours de cuisson.
Mais que produisait-on dans cet atelier ?
Eh bien, le parfait standard de la sigillée d’Argonne et de ses dérivées vers le milieu du IVème siècle :
Des assiettes, des mortiers (6 et 7), des bols moulurés grands et petits, et, ce qui fera plaisir à Hengist, des cruches peintes dans le style de celle découverte dans la sépulture de la Dame de Fécamp ! En ce qui concerne les bols et mortiers, ce type dit « à bandeau » est typique de l’antiquité tardive.
Et bien entendu les inévitables bols décorés en damier à la molette, inévitable parce qu’il s’agit là d’un des incontournables de la céramique antique tardive. L’image est peu parlante, le grisé figurant le décor a disparu au scan. Il se situe sur la partie inférieure du bol, entre les sillons que l’on remarque bien sur les plans.
Une assiette Ch. 304. Elle ne provient pas de Meaux, mais correspond parfaitement au genre de productions de cet atelier.
Un petit bol à décor en damiers. Bien que l’argile soit trop rouge pour être celle de Meaux, la forme est parfaitement concordante. Cet exemplaire pourrait bien provenir d’Avocourt.
Compte tenu des styles de vases produits à Meaux, une datation dans le courant du second tiers du IVème siècle a été proposée. Cete production a surtout été diffusée en Ile-de-France, mais quelques pièces ont été repérées dans le Nord et en Picardie.
Cette découverte st considérée comme exceptionnelle par la qualité de conservation de ces deux fours, mais aussi parce que cela faisait longtemps que l’on suspectait une production de dérivées de sigillées d’Argonne en Ile.-de-France, céramiques à pâte siliceuse beige et revêtement orangé.
Cette présentation illustre un type de production de l’antiquité tardive, et deux genres de fours qui lui correspondent, et qui sont assez typiques des productions claires. Pour la déramique sombre, que ce soit en technique « terra nigra », c'est-à-dire plutôt basse température (800-900oC) ou a revêtement argileux sombre (950-1100oC), il faut un autre type de four comportant une coupole fixe. Ces couvertures permanentes permettent de mieux régler le flux des gaz de combustion dans le laboratoire et ainsi de faire des cuissons en atmosphère confinée. Ceci fera l’objet d’une prochaine présentation.
Valete !
Illanua