J'ai traduit le titre pour mieux vous piéger
Je m'apprête à commencer la lecture du livre de Penelope Walton Rogers,
Cloth and Clothing in Early Anglo-Saxon England, et je compte réaliser une petite fiche de lecture pour résumer une partie des points importants du bouquin, qu'Yrwanel notamment nous avait déjà vanté.
Je procéderai chapitre par chapitre, et je précise l'un des biais de ma démarche, un des aspects qui m'intéressent le plus étant la part de technologies, savoir-faire et modes d'origines brittonique et romaine chez les Anglo-Saxons des Ve et VIe siècles, au final largement des Bretons "acculturés". Je m'attarderai sans doute moins sur la partie technique du traitement des textiles, puisque c'est nettement moins mon rayon et que tant ma compréhension du texte en anglais que mon intérêt risquent d'être diminués pour ces sujets.
Histoire de vous mettre en bouche...
Cloth and Clothing in Early Anglo-Saxon EnglandPenelope Walton Rogers
Fiche de lecture de Benjamin Franckaert
Traduction du 4e de couvertureComment reconstruire les vêtements d'une région et d'une époque définie en l'absence d'iconographie et d'habits ayant survécu ? Cet ouvrage rassemble un vaste matériel archéologique et historique pour montrer comment été faits les vêtements des débuts de la période anglo-saxonne.
Il révèle la production de textile comme une partie intégrante de la vie de la plupart des femmes, et, par le biais d'un nouveau protocole quant à l'interprétation des tenues retrouvées dans les tombes, met en évidence les différences sociales, sexuelles et régionales au niveau des vêtements et de leurs accessoires.
Penelope Walton Rogers est née en 1950 au cœur de Newcastle's West End. A 17 ans, elle obtint une place au Girton College de Cambridge pour travailler dans l'archéologie de terrain. Sa première publication parût en 1971, et en 1980 elle mit en place une consultation spécialisée dans la recherche en textiles et costumes de toutes périodes, Textile Research Associates,
http://www.textileresearch.com/Elle est actuellement la propriétaire de l'Anglo-Saxon Laboratory,
http://www.aslab.co.uk/Résumé du résumé (disponible en français dans le livre)Chapitre 1 : introduction et contexte historique.
Chapitre 2 : fabrication du tissu, des matières premières au vêtement.
Chapitre 3 : principaux types de tissu, suivant la base de données internet ADS.
Chapitre 4 : accessoires vestimentaires.
Chapitre 5 : étude des styles de costumes.
Chapitre 6 : analyse thématique des textiles.
CHAPITRE 1 - SETTING THE SCENETextiles et vêtements sont souvent étudiés à part. Si l'étude des textiles est on ne peut plus scientifique, celle des costumes est beaucoup plus abstraite et réfère à des modes dont on a parfois du mal à saisir la logique. La raison permettant de réconcilier les deux sujets se retrouve dans le matériel à notre disposition : l'étude des tombes, en particulier celle des débris liés aux accessoires métalliques comme les broches ou les boucles de ceinture. Une analyse consciencieuse permet d'établir une véritable base de données de ces costumes. Ce travail était à l'origine destiné à fournir des informations aux archéologues et professionnels des musées, mais une autre thématique c'est vite ouverte, l'étude du rôle de la femme dans cette période, intrinsèquement lié au textile et à sa production. L'ouvrage sera certainement utile également aux reconstituteurs.
The historical frameworkCette étude s'appuie sur les inhumations habillées en Angleterre anglo-saxonne entre 450 et 700, du Northumberland au Dorset.
Les Celtes introduisirent de nouvelles races de mouton en Grande-Bretagne, permettant d'obtenir des laines grise, noire, et surtout blanche - pouvant être teinte, notamment par la guède ; ainsi qu'un nouveau type de métier à tisser ("warp-weighted loom"), des tissus à carreaux, du lin...
Arrivèrent les Romains qui développèrent l'industrie textile, introduisant d'autres races de moutons, de nouveaux colorants comme la garance, des textiles de prestiges teints de pourpres ou les dalmatiques. A Venta on note la présence d'un
gynaecum, véritable usine à textiles romaine. Une large partie de la population portait le "manteau gaulois" (gallic coat), une tenue large, ample, avec des manches, descendant aux genoux pour les hommes et aux chevilles pour les femmes. Le "two beams loom" fut également introduit et utilisé conjointement avec le métier à tisser celtique.
Le costume des nouveaux arrivants germaniques au Ve siècle est différent. Les femmes portent le "péplos" et les hommes tuniques et braies.
Je passe un peu sur le contexte de l'établissement des Saxons, qui n'est que rapidement évoqué, vous trouverez de plus amples détails ailleurs sur le forum.
CHAPITRE 2 - TEXTILE PRODUCTION IN THE VILLAGESLe long processus de la fabrication des textiles s'articulait autour des communautés villageoises. La laine était abondamment utilisée, blanche ou d'autres couleurs naturelles (brun, noir ou gris), les moutons castrés pouvaient d'ailleurs être gardés assez vieux pour leur laine, même si la consommation de viande et de lait de brebis devait avoir son importance. La conquête romaine amena l'introduction de races de moutons sélectionnés pour leur laine fine et plus souvent blanche, coexistant avec les races introduites à l'âge du fer. Ces variétés de moutons persistèrent avec l'adoption de la culture anglo-saxonne.
Le tissu pouvait aussi fait à partir de fibres végétales. Le lin,
Linum usitatissimum requiert un climat assez humide et était connu en Grande-Bretagne depuis l'âge du bronze. Le chanvre,
Cannabis sativa, était quelque peu moins répandu, introduit dans l'île peu avant la conquête romaine, et durant la période romaine majoritairement utilisé pour la fabrication de cordes plutôt que pour le textile, même si cette utilisation est attestée à l'époque anglo-saxonne. On doit noter qu'en fouille il est loin d'être évident de pouvoir distinguer les deux types de fibre étant donné l'état de conservation, et le terme de "tissu de lin" est donc générique, pouvant désigner soit le lin ou le chanvre (note, en anglais le lin s'appelle
flax, le chanvre
hemp, le terme
linen désignant leur textile).
L'utilisation de l'ortie,
Urtica dioica, est par contre assez mal attestée en Grande-Bretagne à l'époque.
Je passerai rapidement sur les techniques de production largement développées dans ce chapitre, avec de nombreux dessins explicatifs par ailleurs. On remarquera la continuité d'utilisation du même type de quenouille depuis l'âge du fer au début de la période anglo-saxonne, ainsi que celle du métier à tisser dit
warp weighted loom, bien que le
two beams loom, technologie romaine, soit aussi semble t'il utilisé de manière ponctuelle.
Une petite mention du nom de la tunique de laine (napped wool tunics, quelqu'un saurait à quoi correspond "napped" en Anglais ? Apparemment un usage d'origine romaine),
tunica pexa, passé en Vieux Gallois sous le nom de
pexa puis
peis en Moyen Gallois pour désigner une tunique.
La laine fournissait donc plusieurs gammes de teintes naturelles, et le lin pouvait être blanchi en le bouillant. Les textiles de laines pouvaient être teints, on retrouve comme couleurs possibles :
- le bleu, issu de la guède,
Isatis tinctoria, bien connu depuis l'âge du fer
- les jaunes, extraits des résédas,
Reseda luteola, ou du genêt,
Genista tinctoria, et le mordant utilisé était probablement de l'alun fixé par certaines plantes, l'alun minéral méditerranéen étant une denrée chère
- les garances étaient utilisées pour teindre les textiles en rouge et en orange, dans leurs variétés sauvages comme
Galium verum, les formes cultivées n'étant attestées en Grande-Bretagne qu'au VIIe siècle même si elles ont pu y parvenir par le commerce avant
- le violet était obtenu à partir de lichens des genres
Ochrolechia et
Umbilicaria, répandus essentiellement sur les côtes et dans les régions plus montagneuses du nord et de l'ouest de l'île, on n'a par contre pas retrouvé de textiles teints avec de la pourpre extraite des coquillages après l'époque romaine
- des tannins extraits de noix et de galles, éventuellement associés avec de la rouille comme mordant, donnaient différentes gammes de brun, du presque noir jusqu'à l'orange.
Je laisse nos spécialistes en textiles détailler ce qui concerne les processus de fabrication, n'ayant pas tout compris par ailleurs et ne pouvant pas bien de ce fait vous restituer le sens exact du texte.
CHAPITRE 3 - THE TEXTILES FROM THE CEMETARIESCe troisième chapitre constitue une analyse détaillée des différents types de textiles retrouvés dans les cimetières anglo-saxons, du Ve au VIIe siècle. Là encore faute des connaissances requises à la compréhension du texte dans son intégralité je ne pourrai m'attarder sur certains aspects qui ne manqueraient pas d'intéresser les spécialistes. Cette étude s'appuie sur une base de données de 3800 fragments textiles, recueillis dans 1730 tombes réparties sur 162 sites. La plupart des fragments ont pu être conservés au contact de pièces métalliques, tendant à les minéraliser. Le biais est évident quant aux tombes féminines, elles contiennent en effet davantage de pièces métalliques. Il n'est pas toujours évident de distinguer les matériaux utilisés. A noter que pour la soie, on a que deux cas certains et deux probables dans la base de données. La spectrophotométrie fut l'une des méthodes utilisées pour reconnaître les pigments utilisés. 2/3 des textiles n'étaient pas colorés, bien que le jaune puisse être difficilement détectable. Les pigments majoritaires reconnus sont des variations de bleu, vert, brun et jaune. Rouge et violet semblent être confinés aux broderies et galons.
Je passerai donc sur les nombreuses pages consacrées aux types de textiles suivant la structure du tissage. Les distinctions sont assez claires d'une période à l'autre, d'une région à l'autre, recoupant d'ailleurs les différences entre contrées identifiés par Bède comme angles, jutes, ou saxonnes
stricto sensu.
On notera l'utilisation de tissus de laine utilisés comme coiffe à l'intérieur des casques anglo-saxons.
CHAPITRE 4 - COSTUME ACCESSORIESLes artefacts présents dans les tombes permettent la plupart du temps de déterminer le genre des individus inhumés, la plupart du temps corrélé avec leur sexe. Ainsi les tombes féminines contiennent fibules, colliers, châtelaines ; tandis que les tombes masculines contiennent des armes.
Fibules1- Saucer shaped broochesIl s'agit de fibules rondes. On distingue les
applied brooches (les plus anciennes sont en général plus petites), les
saucer brooches, également portées par paires sur les épaules pour tenir le péplos, majoritairement présentes dans la vallée de la haute Tamise et les
button brooches, de taille plus réduite, portées par paires ou centrale sur la poitrine.
La décoration est en général réalisée au moulage, mais peut-être complétée par la suite.
2- Disc broochProbablement dérivée de fibules britto-romaines. Les décorations sont imprimées ou incisées.
Elles forment la majorité des fibules retrouvée dans la haute vallée de la Tamise, portées ou non en paires appariées.
3- Kentish disc broochL'influence continentale est palpable. On en distingue 4 sous types.
4- Annular broochesBandes plus ou moins larges, inclues les
quoit brooch à décoration zoomorphe.
5- Penannular broochesConnues depuis l'âge du fer, le plus souvent des types C et G1 portées aux épaules, généralement non appariées.
6- Openwork broochesReprésentant souvent un svastika, presque exclusives aux Midlands, trois premiers quarts du VIe siècle, le plus souvent en paires aux épaules.
7- Cruciform broochesNombreux sous-types. Origine romaine. Portées aux épaules par paires pointées vers le dessus, à la poitrine par paires pointant vers le bas, ou seules à la poitrine.
8- Small long broochesSimilitudes avec les fibules cruciformes.
9- Square-headed broochesIssues à l'origine de Scandinavie, au Ve siècle, atteignant la Grande-Bretagne et le reste de l'Europe vers la fin du Ve siècle. Elles connurent un développement spécifique chez les Jutes du Kent.
10- Supporting-arm and equal-armed brooches11- Radiate-headed and other Continental bow broochesFibules d'origine continentale.
12- Small brooches, KleinfibelnIdem, certaines de formes zoomorphes.
...
Sleeve-claspsOrigine scandinave, probablement arrivés avec les nouveaux venus au Ve siècle. Ces pièces ajustent les manches aux poignets.
BouclesLes boucles féminines étaient souvent portées en dessous des vêtements, et peu ou pas ornées. La plupart des boucles furent retrouvées au niveau des hanches ou du bassin. On connaît aussi des mordants de ceinture.
EpinglesOn connaît quelques exemples en contexte masculin, probablement à but rituel, mais la large majorité appartiennent à des tombes féminines, retrouvées au niveau du haut du thorax, souvent faîtes de fer.
ColliersLes perles les plus fréquentes sont en ambre ou en verre bleu, et la chronologie des colliers est assez précise. Des pendants sont aussi portés en colliers, à l'origine des pièces romaines, voire même des intaglio romains issus de pillages.
Des
lunulae, cercles de métal ressemblant à ceux de l'âge du bronze, sont aussi connus, ainsi que des chaînes portées entre deux fibules.
Bagues, boucles d'oreilles, etc.Aglet and other metal tagsPetites pièces métalliques retrouvées en bout de lacet de chaussure.
Sacs et objets suspendusOn les connaît par la présence d'objets en vrac, souvent sur le côté gauche du corps, parfois jusqu'au mollet mais le plus souvent à la taille, ainsi que par des anneaux d'ivoire, ou de métal, formant la bouche du sac. D'autres exemples d'anneaux étaient utilisés pour suspendre des clés ou des accessoires de toilette.
Artefacts des tombes masculinesEn dehors des boucles, on ne retrouve pas d'autre élément métallique assurant la cohésion des vêtements. Ces dernières d'ailleurs sont parfois utilisées pour la guige d'un bouclier.
Il s'agit par ailleurs des armes. On notera la présence d'un fauchard retrouvé à Dover Buckland.
CouteauxOn remarque 3 types de taille. Les enfants sont enterrés avec des couteaux de petite taille (45-99mm), les femmes avec des couteaux de taille petite ou moyenne, jusqu'à 129mm ; les couteaux de grande taille étant réservés aux hommes, surtout au VIIe siècle. Les couteaux furent souvent retrouvés avec des débris de cuir mais parfois aussi entre plusieurs couches de textile.