Armes et Guerriers au Temps des Grandes Invasions
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(mérovingien) Les broderies en fil d'or
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Auteur:  Wiomade [ 20 Aoû 2012, 00:39 ]
Sujet du message:  (mérovingien) Les broderies en fil d'or

Je poste en sachant qu'il existe d'autres études plus récentes. Si vous voulez les mettre à la suite, libre à vous ;)

Depuis E.Salin, la civilisation mérovingienne, tome IV, 1959


<< Broderies d'or:

On sait que, répandus en Grèce puis à Rome, les vêtements brodés d'or étaient fort à la mode en Gaule a la fin de l'Empire ( cf l'épouse de Pontieus Léontius, qui sait tisser l'or assoupli des fuseaux garnis de fils à l'éclat fauve), et que cette mode survécut aux grandes invasions, au VI° siècle un cordon tissé de fils d'or retient la cyclade portée par Ste Radegonde, cependant qu'au VIII° Charlemagne porte, aux jours de fête, un vêtement tissé d'or.
Dans la basilique de St-Denis (dont les sépulture donnent matière à la présente étude), un voile orné d'or et de gemmes recouvre le tombeau du martyr quand la soldatesque de Sigebert s'en approche.
Mais de ces broderies on ne connaissait, jusqu’à présent, que bien peu de choses.
Des fils d'or ont étés recueillis en vrac dans quelques sépultures, en Normandie en particulier (Musée de Rouen)
A l'étranger, outre les restes trouvés à Birka et la bourse dite de St Willibrord a Echternach, on a signalé a St Severin de Cologne, dans la tombe de la "femme riche", "vers le front" (de la défunte) un "galon large de 0.7cm encore long de 25.7cm, disposé suivant de nombreux replis qui constitue le reliquat d'un mince bandeau de soie qui ornait le front de la morte; dans la tombe, voisine, du "joueur de lyre", les débris d'un vêtement orné d'une large lisière brodée d'or se trouvaient, sur la poitrine du défunt.
Les restes très important de broderies découvertes à Lindisfarne dans la tombe de St Guthbert et ceux qui sont conservés à Milan dans la basilique Ambrosienne sont un peu postérieurs aux temps qui nous occupe.
Or, dans la basilique St-Denis, les fouilles dont j'eus la responsabilité en 1957, ont permis de recueillir dans huit sépultures mérovingiennes sur vingt-cinq ( du VI° et surtout VII° siècles) des restes de vêtements rehaussés d'or ( cf "les tombes gallo-romaines et mérovingiennes de la basilique St-Denis, même auteur. -Si qqun le trouve.. numérisation? ^^- )
[...]
Les diverses techniques en usage au temps qui nous occupe en matière de broderies d'or purent êtres reconstituées en laboratoire.
Elles s'apparentent de près aux techniques héritées de l'antiquité classique employées en matière de filigranes.

L'artisan préparait les fils entrant dans les broderies à partir de bandelettes d'or d'une épaisseur de 1/20° de millimètre, environ et d'une largeur de 1/1 à 1mm environ, de titre généralement supérieur a 750 millièmes et pouvant atteindre à l'or fin ou presque; ces bandelettes étaient découpées, vraisemblablement par découpes multiples, au moyen d'un appareil approprié ( nous l'avons fait au laboratoire, l'outillage est simple) dans une feuille d'or battue au marteau et bien planée.

Les bandelettes étaient presque toujours torsadées en hélices, de manière à donner des fils épais de 2/10° à 4/10° de mm.
Sur les uns -les plus gros-, l'hélice, à peu près régulière, demeure bien visible. Les autres, plus minces, sont au contraire parfaitement ronds; ils furent sans aucun doute rectifiés au moyen d'une pseudo filière; on a souvent de la peine a s'apercevoir que ces derniers sont creux et à distinguer les spires ossues de la torsion; à la suite du passage, sans tension suffisante, dans la pseudo filière celles ci ne sont plus uniformes, l'hélice fait place parfois à une simple gouttière ( toutes ces opérations ont étés reproduites au laboratoire. Pou préparer une pseudo filière, il suffit de disposer d'une tôle mince dans laquelle on perce un petit trou de diamètre convenable.)

Ce processus de fabrication assez subtil était nécessaire pour obtenir les fils bien ronds, car à cette époque l'on ne pouvait, faute d'un outillage suffisant, construire de véritables filières permettant, à partir d'un lingot, puis de fils de diamètre décroissant, de tréfiler des fils suffisamment fins.
Cette manière de procéder devait être générale car nous en avons retrouvé la trace sur tous les fils d'or provenant de gîtes différents que nous avons examinés.

Les fils d'or ainsi préparés étaient employés comme suit:
Les fils torsadés non rectifiés étaient appliqués sur le tissu par des points de surjet dont la trace (elle provoque une déformation légère) demeure visible; on en faisait des décors plus ou moins compliqués, le plus souvent, repliés en accordéons, ils ornaient des galons de 2 ou 3 cm.
Les fils rectifiés entraient dans les broderies en même temps que des fils de textiles, de soie en particulier.
Ils permettaient, par exemple, l’exécution de travaux au point de tige: dans la sépulture princière de St-Denis (Childéric III? inhumé en 673), ils formaient la chaîne d'un galon large et épais dont la trame était constituée par des fils de textile assez gros ( f 193); après tissage l'or de ce galon avait été bruni ( l'écrasement au brunissage de la partie vue des fils demeure bien visible.)
Quelquefois, cependant, il était fait usage de fils plats utilisés pour fabriquer des galons lamés.
Ces techniques héritées de celles des barbaricarii d'origine orientale et aussi des plumarii, évoques en particulier par l’édit de Dioclétien qui étaient spécialisés dans m'ars plumaria c'est à dire dans la broderie.
On sait qu'après la chute de l'Empire d'Occident, cet art continua à être exercé avec maîtrise à Byzance (voyez les broderies d'or d'une extrême richesse qui ornent les vêtements de Justinien et Théodora sur les mosaïques célèbres de St-Vital à Ravenne.)
Je ne saurais dire si les broderies dont les restes furent retrouvés à St-Denis étaient importas d'Orient ou fabriqués sur place. (Je penche pour la seconde hypothèse).
Quoi qu'il en soit, elles constituaient des décors relativement simples: galons en accordéon, semis de carrés du milieu de chaque côté desquels jaillit une croix à double traverse, la crois de Lorraine d'aujourd'hui, ce dernier décor provient d'un pallium qui recouvrait entièrement le corps d'un jeune enfant ( peut être le jeune Dagobert, fils de Chilpéric et Frédégonde, inhumé à St Denis en 580); le pallium était brodé de galons faits de fils ronds rectifiés (donc tissés) disposés en accordéon.
Par ailleurs, la sépulture 23 contemporaine de Clovis a fourni des restes -uniques jusque 'ici à ma connaissance - d'une substance organique (du feutre? c'est l'hypothèse la plus probable) doré à la feuille (fib 194); là encore l'influence orientale est sensible: j'ai vu récemment dans le commerce, au cours d'une mission à Rome, des carreaux de revêtement de verre provenant d'une église syrienne du VI° siècle, dorés à la feuille et offrant un décor identique.
On sait, par ailleurs, qu'au X° siècle, lors d'un festin offert à Byzance par l'évêque Luitprand, il était fait ,usage de cordes enveloppées de peau dorée.
>>




<< Tantôt tissés avec le lin ou la soie, tantôt fixés au tissu par points de surjet ou au point de tige, les fils d'or qui ornèrent tant de vêtement précieux offrent une technique très proche de la technique des filigranes gréco-pontiques, quant aux émaux mérovingiens, je ne saurais dire s'il font suite aux émaux romains ou si, comme les émaux de Mostchina, ils sont pontiques d'origine.>>


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Auteur:  Damianus [ 28 Aoû 2012, 14:06 ]
Sujet du message:  Re: (mérovingien) Les broderies en fil d'or

Merci pour ces informations qui complèteront à merveille mes actuelles recherches sur "costûme". Elles sont très utiles.

Auteur:  Wiomade [ 28 Aoû 2012, 22:51 ]
Sujet du message:  Re: (mérovingien) Les broderies en fil d'or

De rien. Remercions plutôt Salin ;)

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