Au risque de lancer une
tegula dans la mare j'avais envie de lancer une discussion quand à la fréquence des épées, casques et armures, plus particulièrement pour l'époque qui s'étale du Ve siècle jusqu'à la période carolingienne. Cette réflexion me vient suite à la lecture du bouquin de Paul Mortimer des Wulfheodenas qui porte sur le guerrier anglo-saxon et scandinave des VI-VIIe siècles (voir ici :
viewtopic.php?f=35&t=2090 ).
Beaucoup de spécialistes de la période mettent en avant le caractère rare de ces pièces d'équipement, réservées aux riches et peu retrouvées en contexte funéraire, et une éventuelle dimension culturelle chez les Germains pas forcément enclins à combattre en armure.
Pour l'inhumation accompagnée on peut bien évidement mettre en avant le fait que les objets inhumés avec un personnage donné ne sont pas forcément représentatifs de ce qu'il possédait de son vivant mais sont liés à une dimension rituelle et une signification particulière qui nous échappent en bonne partie.
Voilà quelques arguments que Paul Mortimer développent dans son livre, cités de mémoire, je compléterai ou corrigerai si besoin mais ça m'intéresse d'avoir votre avis là dessus.
Concernant les casques :
- en contexte funéraire on retrouve pour l'essentiel les casques très ornementés (type Vendel ou Sutton Hoo) et c'est peut être ce caractère qui fait toute la dimension rituelle, avec des exemples où seuls les appliques des casques accompagnent le défunt
- certains casques ont pu être passés de main en main avec plusieurs réparations avant d'être inhumés
- il existe des modèles de casques plus simples sans décoration qui auraient été largement plus abordables (les différents types de cervelières par exemple) pour les guerriers ne souhaitant pas se passer d'une telle protection au combat.
Concernant les épées :
- on a une trouvaille majeure récente pour le VIIe siècle, le trésor du Staffordshire, avec dans la centaine de pièces de gardes d'épées richement ornementées (or et grenats), ce qui laisse songeur quand à la fréquence potentielle d'épées de moindre qualité
- une épée peut être un don du chef qui à la mort d'un guerrier, va la réclamer pour la passer à un autre de ses hommes, ou la possession commune d'une famille et passer plus facilement d'une génération à l'autre qu'une arme comme une lance (très fréquente en contexte funéraire et semblant presque indiquer le caractère d'homme libre chez les Anglo-saxons). Un exemple, le pommeau en bois de Cumberland qui date du Ve siècle avec des appliques du VIIe siècle.
Concernant les armures - en l'occurrence la maille :
- le caractère très rare en fouille n'est pas forcément un argument recevable dans la mesure où la maille ne se retrouve pas forcément très fréquemment en fouille pour des périodes où elle est plus fréquente
- la maille est figurée par contre de manière très fréquente sur les représentations de guerriers (en vrac : Frank's Casket, les
pressblechs des casques de Vendel, Valsgarde et Sutton Hoo) et mentionnée souvent dans les textes du Haut Moyen Age (Beowulf, le Gododdin, l'Histoire des Francs...), y compris dans les codes de lois des différents peuples d'Europe de l'Ouest où en posséder une peut être obligatoire pour le service militaire
- la fabrication d'une lorica est un processus très long mais qui a pu être réalisé en série dans des ateliers dédiés avec chaque ouvrier s'occupant d'une partie précise de la fabrication comme à d'autres périodes
- une armure de mailles entretenue peut sans problème traverser le temps, faire partie d'un héritage et être facilement réparée
- la quantité énorme d'armures de mailles romaines n'a pas du disparaître du jour au lendemain.
J'attends vos réflexions