En ce qui me concerne, j'abonderai dans le sens évoqué par Damianus. Le plus grand ennemi des céréales, ce n'est pas la souris, mais bien l'humidité.
L'humidité est responsable de trois grands fléaux: Dans le désordre:
- la germination précoce. C'est une catastrophe, en quelques jours les grains deviennent impropres aux semis aussi bien qu'à la mouture, et si ça se passe en février, plus rien à semer en avril et famine l'hiver suivant...
- les moisissures et autres champignons, qui aiment à se développer dans l'humidité et si possible un peu de chaleur. C'est pour cette raison que les greniers sont séparés des habitations
- la fermentation, qui a tôt fait de détruire le germe du grain.
Donc, que ce soit aux âges du Bronze ou du Fer, de l'Antiquité ou du Moyen-âge, on va tout faire pour garder les céréales au frais et au sec!
Les rongeurs, c'est secondaire. Bien sûr, personne n'aime savoir sa récolte grignotée pas quelques familles de campagnols ou mulots, mais il est rare, notamment en plaine, que les dégâts soient très importants. En plus, les rats, comme le précise justement Maelcolm, ne sont pas encore arrivés en Europe. J'y reviendrai plus tard pour l'anecdote.
Et, aux époques qui nous intéressent, il y a les chats. On les oublie, mais ils sont réellement bien présents depuis le premier siècle de notre ère, rapidement répandus par les légionnaires qui sont systématiquement accompagnés de ces redoutables auxiliaires. Au Vème, ils sont donc présents dans toute l'Europe.
Donc, en ce qui concerne mulots et campagnols, pas trop de souci à se faire. Surtout si le terrain est occasionnellement inondable. Et en plus, pauvres campagnols, il y a encore les renards, les rapaces, les furets et les serpents...
Mais revenons aux céréales. Un autre danger très sérieux, ce sont les insectes, qui peuvent proliférer à une vitesse effrayante. Bien sûr il existait des répulsifs naturels, comme les fougères et certainement d'autres plantes que nous avons oublié, qui peuvent par exemple s'utiliser en badigeon sue les poteaux de greniers. Il y a la glu ( ce sera parfois remplacé par une bande de métal poli plus tard) qui empêchera les colonnes de fourmis d'atteindre le grenier.
Or, un grenier au sol, c'est la porte ouverte à toutes les infiltrations possibles. Humidité, fourmis, cafards, moisissures et autres fléaux du même type. Le monter sur poteaux, avec une circulation permanente d'air au-dessous du plancher, avec d'importants avant-toits, c'est se préserver des risques les plus évidents. Pour les rongeurs, les minets et les contrôles périodiques éviteront les plus grands désagréments.
Et revenons aux chats. Et au rat noir
En 1233, une bulle papale stipula que les chats noirs étaient les serviteurs du diable... C'est le début de la grande persécution des chats, qui durera plusieurs siècles.
Puis le pape Innocent VII (1336 - 1415) exigea une intensification immédiate de la persécution des chats, provoquant une augmentation des décès des félins, dont le nombre atteignit plusieurs millions, et aboutira à l'extinction presque totale de l'espèce dans le monde chrétien.
Qu'en résulta-t-il?
Pas de Grande Invasion des Mulots et Campagnols. l'Histoire est muette à ce sujet.
Par contre, une énorme prolifération du rat noir, qui, peu auparavant était revenu avec les Croisés. Or, le rat noir transportait sur lui des puces porteuses d'un très méchant bacille.
Et ce fut la grande peste du XIVème siècle.
De nombreux chercheurs et historiens s'accordent aujourd'hui à dire que si la population féline avait été préservée, l'épidémie aurait été nettement moins meurtrière. Et en plus, le rat noir, ça a un appétit féroce et ça escalade les poteaux de greniers...
Et finalement, en ce qui concerne la conservation des céréales, on doit les brasser et les contrôler régulièrement. Si on observe un début de germination ou de moisisusre, on les torréfie légèrement immédiatement , (Pline explique le procédé dans son Histoire Naturelle),ce qui les stérilise et ce qui permet encore de les conserver quelques temps. Elles ne seront plus bonnes pour les semis, mais restent panifiables. Si la germination est un peu plus importante, on peut les faire fermenter, éventuellewment après torréfaction pour en faire de la bière. Pas une blonde légère comme aujourd'hui, mais un boisson épaisse et nourrissante, que l'on peut recuire pour en faire des soupes ou des gruaux, par exemple.
C'est ainsi que sont nées les bières sombres... On force un peu sur la torréfaction, éventuellement en plusieurs fois si la saison est très humide et les risques de moisissures importants, et on aboutit à une bière une brune, ancêtre des Guiness actuelles...
En fait, les céréales devaient probablement être conservées dans deux endroits distincts. A l'extérieur, dans le greniers, ce qui devait à tout prix être conservé pour les semis de l'année à venir, et ailleurs, probablement à l'intérieur, dans des jarres ou des sacs, la part torréfiée destinée à la consommation humaine à court terme. Dans les greniers, on pouvait aussi conserver des fruits séchés, ainsi que d'autres graines, par exemple, mais dans ce cas de figure je crains fort que la documentation archéologique fasse défaut, tant ce genre de construction laisse peu de traces de son implantation, et encore moins de son contenu.
Valete
Illanua