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 Sujet du message: Les fours à coupole fixe
Nouveau messagePublié: 10 Déc 2008, 15:15 
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LES FOURS A COUPOLE FIXE

Les précédents fours présentés, on l’a vu, présentent une couverture faite de tessons ou de tuiles. Ils sont très bien adaptés aux cuissons « oxydantes » c'est-à-dire à dominante claire.

Il existe un autre type de four, réservé à des cuissons bien particulières en atmosphère confinée.

Quel avantage ?

Quelles que soient les périodes, durant toute l’Antiquité, et également durant la Protohistoire celtique, et aussi le Haut Moyen-Age, on découvre de nombreuses céramiques grises ou noires lors de fouilles. Toutes ont subi une cuisson en atmosphère réductrice, qui nécessite un confinement.

Sur le principe, ce genre de cuisson provoque une « réduction » de l’oxyde de fer contenu dans les argiles, c'est-à-dire une extraction à chaud des molécules d’oxygène contenues dans les oxydes naturels (Fe2O3, ou Fe3O4, ou encore 2 (Fe2O3)h2O) qui sont de couleur rouge, ou jaune pour le dernier. Débarrassés de quelques atomes d’oxygène, ce matériau reste un oxyde, mais sous forme « monoxyde » FeO de couleur noire. Comme il est tout de même en quantité limitée dans les argiles (3 à 10%), celle-ci, une fois cuite, prend donc une couleur grise. Pour ce faire, il est nécessaire d’atteindre une température de 850 oC, et surtout de confiner l’atmosphère de cuisson jusqu’à l’absence d’oxygène dans le four, qui doit être remplacé par des gaz très voraces, méthane CH4 et surtout monoxyde de carbone CO. Ce dernier surtout, va littéralement « aspirer » les atomes d’oxygène contenus dans l’oxyde de fer, comme il le fait de l’hémoglobine du sang quand on le respire, avec les conséquences que l’on connaît.

Pour confiner cette atmosphère il suffit « simplement » de réduire le tirage du four à sa cheminée, le « registre » pour les initiés, et simultanément de suralimenter le feu. D’où production de monoxyde de carbone ensuite du mauvais tirage. Extérieurement cela se remarque par l’émission d’abondantes fumées noires assez pestilentielles. Mieux vaut éviter d’aller renifler de près…

Ce type de four est connu depuis l’âge du bronze moyen / final, et a été couramment utilisé en Grèce antique. Voici les plus belles représentations antiques que l’on connaisse de ce type de four. Ces plaquettes découvertes dans la région de Corinthe datent du VIème siècle avant notre ère. On remarque les flammes sortant de la cheminée, mais aussi refoulant du foyer. Représentation graphique peut-être, mais diablement conforme à la réalité, c’est exactement ce qui se passe pendant une réduction ! On remarque aussi une porte de chargement latérale munie d’un regard. Extraordinaire aussi la vue du bas, montrant un fournier travaillant son feu, le four vu en coupe !

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Plus ancien encore est ce four découvert à Sévrier dans le lac d’Annecy. Datant de la fin du Brunze Moyen, vers 1100 av. J.-C.

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Ici, pas de porte de chargement, mais une coupole que l’on pose d’un bloc sur la charge à cuire. Probablement un des plus anciens fours de potiers découverts en Europe, mais un système de couverture fragile qui disparaîtra assez rapidement, apparemment, au profit des coupoles fixes plus solides.

Sur le principe du fonctionnement fondamental, on reste donc toujours dans le même principe, un four à deux volumes, foyer et chambre de chauffe au sous-sol, et charge à cuire à l’étage. Ce sont les possibilités de réglage qui diffèrent.

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Et dans la réalité, cela donne ceci :

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Cette installation est mon four principal. Très souple de réglage, il permet toutes les variétés de cuissons antiques. Régime réducteur au moment de la prise de vue, température environ 950oC, la flamme d’échappement est dense, la fumée très noire.

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Et ici, le même en grande réduction pour des pièces à revêtement argileux noirs. Le feu refoule violemment de l’alandier, le tirage est presque totalement fermé.

Sans rentrer dans les détails, on peut réaliser, outre les productions claires comme montré dans le sujet (la cuisson des céramiques tardo-antiques », deux types principaux de cuissons réductrices :

1.) La « commune sombre » qui comprend de nombreux types gaulois, antiques, tardo-antiques et haut-médiévaux, cuite à des températures allant de 750 à 900oC. Pour ces types. La réduction est longue, et le four totalement scellé, foyer compris, pour interdire toute entrée d’air atmosphérique. On y procède souvent à un enfumage, qui imprègne les argiles de carbone et donne une couleur noire à certaines d’entre-elles. La réduction améliore la tenue et la résistance mécanique des argiles. Elles est aussi relativement économe en combustibles. On peut utiliser ds bois morts ou de très mauvaise qualité, et pratiquer la phase finale aux écorces ou aux copeaux, ce qui permet le recyclage de nombreux déchets inutilisables autrement, en particulier si on procède à un enfumage final qui requiert précisément des combustibles humides. Une telle opération demande 12 heures de cuisson, puis 36 h. au moins d’enfumage en cours de refroidissement.
Donc on y trouve :
Les gauloise sombres.
Les commune gallo-romaines sombres, précoces et tardives.
La terra nigra précoce et tardive
Les mérovingiennes, les burgondes et certaines alamanes, en ce qui concerne les variantes à dominante sombre.

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Une belle fournée en technique « terra nigra » en aperçu depuis la porte de chargement, située à l’opposé du foyer.

De la même fournée, le cliché ci-dessous à gauche montre bien que toutes les argiles ne sont pas égales devant la réduction et l’enfumage : le vase gaulois noir a très bien pris l’enfumage, alors que l’écuelle, en pâte calcaire ne l’a pas pris du tout et est restée grise clair. Les deux autres pièces sont des pichets ampuritains munis d’un revêtement calcaire prenant très peu l’enfumage. Et à droite un pot à cuire tardif gris du IVème /Vème Ce genre de céramique doit impérativement être cuit à relativement basse température pour conserver une certaine élasticité qui le fera résister aux échauffements lors des cuissons culinaires, la réduction améliore la résistance mécanique et l’étanchéité de l’argile.

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Et ici, au premier plan, un groupe de pièces alamanes et mérovingiennes. ( Mes chats sont toujours extrêmement intrigués par les opérations de défournement. Toutes les pièces sont soigneusement reniflées, et si une pièce est suffisamment grande, l’un d’entre eux ne tardera pas à s’y loger, surtout si elle est encore tiède…)

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2.) La céramique a revêtement argileux sombre, dite aussi « métallescente », qui comprend aussi la sigillée noire, et la plupart des DSP grises ou noires. La température est dans ce cas dictée par le point de vitrification des revêtements qui peut varier de 950 à 1100oC selon leurs qualités. Dans ces cas de figure, la durée de la réduction, qui est pratiquée en fin de cuisson, est déterminée par les dimensions du four et par le coloris de revêtement que l’on souhaite obtenir. En fin de réduction, on retire parfois la braise et réouvre très légèrement le tirage pour procéder à une réoxydation, ce qui colorera à nouveau les pâtes en rouge ou beige, mais laissera le revêtement, entretemps solidifié, avec les effets de la réduction.

Ici, le four à l’ouverture. De rouge sombre à brune, souvent tachetée, cette fournée a subi une réduction d’une heure, puis une réoxydation.

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Cette pièce, issue d’une autre fournée, un gobelet de chasse de Colchester dont le revêtement noir est parfaitement vitrifié, a subi une réduction de 2 heures 30, puis réoxydation progressive légère. Le revêtement, relativement épais, est parfait. A droite, de la même fournée, une DSP. Son revêtement, beaucoup plus fin, laisse voir la pâte réoxydée rose claire par transparence.

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On le voit donc, en jouant sur les argiles, sur les températures, sur les durées de réduction, les possibilités sont innombrables. Ceci explique l’immense variété de types, de techniques et de coloris que l’on peut retrouver dans la céramique antique et tardo-antique.

Je ferai d’ailleurs souvent référence à ce type de four, j’y réalise 75% de mes cuissons, Mais il faut dire que, se trouvant dans mon jardin à deux pas de la maison, cette proximité est bien pratique, les autres se trouvant à 200 m. et 2 km. respectivement…

L’exploitation de ce type de four se poursuivra jusqu’au XVIème siècle au moins en Europe continentale.

Voilà. Maintenant que, Chers Forumistes, vous savez presque tout sur le pourquoi et le comment des céramique claires et sombres, nous pourrons passer aux détails techniques et des présentations plus archéologiques et historiques.

A bientôt donc !

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Illanua, potier-archéocéramiste

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 Sujet du message: Re: Les fours à coupole fixe
Nouveau messagePublié: 11 Déc 2008, 00:01 
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Je suis rarement impressionné, mais là je le suis doublement. o' o'
C'est superbe. Après toute cette fournaise, de belles réalisations qui en sortent.
Faut ramener sa tente pour voir cela de près. C'est sûr. :mrgreen:

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 Sujet du message: Re: Les fours à coupole fixe
Nouveau messagePublié: 11 Déc 2008, 09:33 
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Inscrit le: 08 Sep 2008, 14:05
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Si tu es de passage en Suisse, ce sera bien volontiers!
Et c'est de même pour les autres forumistes. Il suffit de m'avertir suffisamment à l'avance pour programmer une cuisson lors de votre passage. -"-

En plus on a un joli petit musée à Yverdon avec quelques très belles pièces tardives. Des petites, comme des fibules incroyables, et aussi des grosses, comme une barque du IVème de 18 m.

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 Sujet du message: Re: Les fours à coupole fixe
Nouveau messagePublié: 15 Déc 2008, 09:16 
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Inscrit le: 04 Sep 2008, 18:59
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C est incroyable la qualité de tes ceramiques!!!!! Je suis scotché!

J ai une petite question, c est quoi la réduction en poterie?
Varie t elle selon le mode de cuisson?

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 Sujet du message: Re: Les fours à coupole fixe
Nouveau messagePublié: 15 Déc 2008, 21:43 
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Inscrit le: 08 Sep 2008, 14:05
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La réduction est une opération qui peut s’appliquer à toutes les argiles contenant de l’oxyde de fer, c'est-à-dire presque toutes de celles que l’on trouve dans la nature. Les argiles blanches font exception, précisément parce qu’elles n’en contiennent pas, d’où leur couleur blanche.

Les argiles contenant des oxydes de fer peuvent être de toutes les couleurs ou presque. Jaunes, rouges, brunes pour celles qui contiennent des oxydes ferriques de type Fe2O3, nommés usuellement hématites, ou encore du Fe3O4, appelé magnétite (parce qu’il est magnétique).
Les argiles à dominante verte à grise contiennent une dominante d’oxyde ferreux FeO. qui ne subsiste en tant que tel seulement dans les sols étanches ou très mal drainés. Exposé à l’air, il tend à se transformer lentement en Fe2O3 par « suroxydation ». Donc ces argiles tendent à brunir avec le temps, c’est ce qui donne la couleur des terre végétales que l’on voit dans les labours.

Lorsqu’on les chauffe, les argiles passent un peu par les mêmes stades qu’un minerai que l’on va transformer en métal. La dessication se produit entre 100 et 550 degrés environ, avec des phases « explosives » vers 180-220 et 500-550 degrés, stades ou la production de vapeur peut induire une réaction en chaîne et faire éclater par surpression les objets en cours de cuisson. Durant toute cette phase, et jusque vers 8 à 900 degrés, les oxydes tendent tous à se réunir sous la formule ferrique Fe2O3, principalement à cause de l’apport d’air atmosphérique dans le four. Donc, naturellement toutes les argiles contenant des oxydes de fer deviennent plus ou moins rouges, comme toutes les briques ou tuiles, anciennes ou modernes!

Ce n’est que vers les 900 degrés que peut intervenir, comme dans un bas-fourneau, le processus de réduction. Cette transformation des oxydes par perte d’un atome d’oxygène tend à les réunir tous sous la forme FeO, l’oxyde ferreux noir, ce qui est en fait la première étape de la réduction du minerai par la réaction suivante : Fe3O4 + 4CO → 3Fe + 4CO2.
Par cette formule, on voit qu’il est impératif de produire du monoxyde de carbone CO pour obtenir cette réaction. Dans un bas-fourneau, on va pousser ce processus à son terme,jusqu’à l’apparition de la loupe métallique. Dans un four de potier, la teneur en oxydes n’est pas suffisante pour obtenir la réaction totale, même par gros accident de surchauffe.
Une fois cette réaction de réduction démarrée, il faut la maintenir suffisamment longtemps, et cela peut considérablement varier selon le type et la porosité des argiles, les dimensions du four, pour obtenir un effet en profondeur, jusqu’au cœur du tesson. C’est l’expérience du potier qui définira cette durée en fonction de l’étanchéité de son four et des terres qu’il utilise. Ensuite, il faut impérativement maintenir cette atmosphère en mode réducteur ou neutre pendant tout le refroidissement (Avec du CO2), car cet état réduit est très instable. Le moindre filet d’oxygène va « brûler » l’oxyde ferreux FeO pour en refaire du Fe2o3, et les vases redeviendront rouges !

Dans la pratique, les réductions profondes sont assez rares. Ce phénomène étant très mal connu, on a systématiquement classifié les céramiques grises ou noires sous l’appellation « céramiques cuites en réduction ». Dans les faits, les températures atteintes ne permettaient souvent pas d’atteindre le stade de cette réaction. Mais pourtant elles sont grises ou noires !
Cherchez l’erreur…
En fait, bien souvent ces coloris gris, bruns-gris ou noirs sont obtenus par imprégnation de carbone, dont la couleur très sombre va simplement couvrir le rouge des oxydes, et ceci sans la moindre réduction… A noter cependant que cette imprégnation de carbone nécessite les mêmes opérations de confinement de l’atmosphère du four, sans quoi, le carbone va rapidement brûler et les céramique redeviennent à nouveau rouges. Dans la pratique, la réduction doit être activée par un flux continu de monoxyde de carbone CO durant toute a durée de l’opération, puis le four doit être scellé et pressurisé durant toute la phase de refroidissement qui peut durer deux à trois jours. Cette pressurisation n’est certes pas très importante en valeur absolue, quelques dixièmes de millibars tout au plus, mais juste suffisante pour éviter l’infiltration d’air atmosphérique qui contient le fatal oxygène. La combustion lente d’écorces peut suffire, pour autant que l’on soit assuré qu’elle dure suffisamment longtemps…

Dans les faits, on doit impérativement se rappeler que les potiers antiques n’avaient aucune idée de ces phénomènes reconnus seulement depuis Lavoisier vers les années 1780. Leur raisonnement était de type alchimique. Il s’agissait de transmettre le feu comme élément distinct d’une matière ignée (le bois) vers l’argile, pour la durcir, la transmuter en pierre. Le feu que l’on entretient peut être d’esprit clair (avec un bon tirage, donc très oxygéné) et produire une céramique claire, ou au contraire être d’esprit sombre (peu de tirage, flammes sombres et lourdes) et produire de la céramique sombre.
Dans la pratique, je cuis mes céramiques sombres le plus haut possible pour obtenir réduction ET enfumage, ce qui les rend très solides et plus durables. Ceci est valable pour la céramique commune, par exemple les pots à cuire, la terra nigra ou encore les céramiques germaniques et mérovingiennes.

La céramique à revêtement argileux, c’est une autre histoire. Cuites vers 1050 degrés, je procède à une réduction limitée dans le temps, 30 minutes à deux heures. Ceci permet la transformation partielle (tons bruns) ou totale (tons noirs) des oxydes de fer contenus dans le revêtement. Comme le tirage est coupé lors de cette opération, la température descend rapidement dans la chambre de cuisson, et le revêtement en cours de vitrification se solidifie, emprisonnant les molécules de FeO. Une fois le revêtement solidifié, partiellement ou totalement, on peut réoxyder, ce qui d’une part éclaircit le cœur du tesson, permet les effets de transparence, et est nettement moins difficile à maintenir qu’une réduction totale.

Pour les forumistes qui auront survécu jusqu’ici, petit exemple pratique pour illustrer la réduction des vernis vitrifiés. (qui, rappelons-le encore, sont toujours issus d’argiles naturelles)

Considérons la scène ci-dessous, un tesson grec du VIème siècle avant notre ère

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Cette scène, tout à fait attendrissante, où l’on voir une dame grecque arroser un jardinet où poussent de vigoureux légumes, est issue d’une céramique attique dite « à figures rouges ».
Techniquement, son élaboration est assez futée. Après tournage et polissage du vase, les motifs, le personnage, les légumes et la frise inférieure sont peints à la cire, puis incisés à la pointe sèche pour figurer les drapés. On laisse sécher, puis on plonge la céramique dans un bain constitué d’une suspension d’argile spécifique pour les revêtements vitrifiés. Cette suspension accrochera uniquement sur les surfaces vierges de cire, un peu comme la technique actuelle du batik sur les tissus. Lors de la cuisson, dans un premier temps, la cire brûlera, puis, une fois la température de vitrification atteinte, le potier procédera à une réduction de quelques heures, le temps de fixer son vernis en noir. A ce moment, le fond sans revêtement sera gris. Le potier retire alors la braise du foyer et procède ainsi à une réoxydation qui redonnera un ton rouge aux parties exemptes de peinture, et obtiendra une céramique aux figures rouges détourées sur fond noir.

Simple dans le principe, mais un peu moins à réaliser, on peut s’en douter…

Et donc, lorsque je cuis des céramiques à revêtement noir comme le gobelet de chasse illustré plus haut, c’est exactement le même principe, mais sans réserves à la cire.

C’est tout simple...

Il m’a fallu à peu près dix ans d’essais pour y parvenir… :mrgreen:

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 Sujet du message: Re: Les fours à coupole fixe
Nouveau messagePublié: 15 Déc 2008, 22:37 
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Merci pour cette réponse on ne peut plus précise!

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 Sujet du message: Re: Les fours à coupole fixe
Nouveau messagePublié: 16 Déc 2008, 02:35 
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Et voilà céramomaniaque à encore frappé. :mrgreen:

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 Sujet du message: Re: Les fours à coupole fixe
Nouveau messagePublié: 03 Fév 2009, 22:02 
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Une cuisson de céramique communes sombres

29 janvier 2009. Un vieux reste de neige durcie. Temps couvert, -2oC et une petite bise assez rafraîchissante. Qui a dit que ce n’est pas un temps à mettre un potier dehors ?

Donc, jour de cuisson ! Yaka s'habiller chaudement!

Aujourd’hui, c’est un temps parfait pour une belle fournée de céramiques « communes sombres » Au programme, des pièces en terra nigra (c’est une céramique fine très polie d’époque gallo-romaine), quelques plats à frire tardifs, un petit lot de coupes mérovingiennes ou burgondes, une cruche à bec tubulaire, et un gros lot de gauloises

En fait, toutes ces pièces, d’époques bien différentes se cuisent de la même manière.

Tout d’abord le four. Il doit pouvoir de fermer le plus hermétiquement possible pour éviter les intrusions d’air atmosphérique une fois la cuisson terminée. On choisira donc un modèle à coupole fixe, mon bon vieux four installé depuis huit ans dans le jardin. Sa coupole, méchamment fissurée par une centaine de cuissons peut tout de même encore être correctement scellée et étanchée.
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Les céramiques se chargent par une porte située à l’opposé du foyer, ouverture qui sera scellée à la brique et au torchis une fois l’enfournement terminé. Pour obtenir des beaux noirs, pas de « touche-touche », toutes les pièces sont montées sur des séparateurs en forme d’étoile, ce qu’on nomme dans notre jargon des pernettes ou encore pattes de coq.
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10 heures le matin, le feu est allumé. Démarrage très lent, le four a été complètement inondé les jours précédents lors de la fonte de grosses quantités de neige tombées vers le nouvel-an. Il faut le sécher, cela prendra du temps. Pas grave, certaines pièces sont fragiles, et une montée en température trop rapide pourrait les faire éclater. Il faudra 4 heures environ pour atteindre 250 à 300 oC, palier au-delà duquel on peut commencer augmenter la puissance.

La montée en température se déroule comme toute cuisson au bois. L’atmosphère dans la chambre de cuisson est constituée essentiellement de gaz de combustion, avec un part résiduelle variable, mais faible d’oxygène résiduel si le feu tire bien. La réduction se fait seulement lorsque la température maximale de 900 oC est atteinte, et que la charge est rouge cerise, ce qui demande une douzaine d'heures, y compris le palier d’une à deux heures pour une bonne maturation de la cuisson. C’est un peu comme le rôti que l’on met dans le four de la cuisinière électrique. Ce n’est pas parce que la température du four a atteint son maximum que le rôti est cuit à cœur…
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Une vue par la cheminée du four, L'appareil photo n'a pas apprécié la différence de température entre l'air ambiant et l'intérieur du four. les couleurs sont complétement faussées...

Une fois ce palier passé, c’est là que les choses sérieuses commencent. Il faut d’abord procéder à la réduction. C'est-à-dire qu’il faut « désoxyder » l’oxyde de fer pour obtenir une argile grise (Pour plus de détails sur le principe de réduction, voir le post ci-dessus)
Pour ce faire, on ferme presque totalement la cheminée (le registre) du four et on suralimente le feu. L’objectif est d’obtenir une forte production de monoxyde de carbone qui grillera les oxydes. Attention à ne pas renifler de trop près….
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Ici, le monoxyde de carbone de réenflamme à l’échappement par toutes les fissures disponibles. Tant que des flammes tiennent, la réduction se poursuit. Par contre, en ce qui concerne les températures, on travaille à l’aveugle. A estimer la baisse des températures selon le temps qui passe et de la vigueur de ces flammèches… En plus, ce qui est assez paradoxal, c’est le refroidissement au feu. Les flammes produites sont sombres et lourdes en raison du manque de tirage. Premièrement elles ne sont pas très chaudes, moins que la charge à cuire, et en plus elles montent difficilement dans la chambre de cuisson. La température de la charge à cuire va donc lentement s’abaisser.
A ce sujet, ou peut aussi suivre un raisonnement alchimique, qui était probablement celui que suivaient les potiers anciens. Transmettre l’esprit sombre du feu qui va agir lors de la transmutation de la matière, et donc l’assombrir en la durcissant.

Après « un certain temps », on peut estimer que la réduction est suffisante, et surtout que la température est redevenue suffisamment basse pour procéder à l’enfumage. Cette opération se fait en four scellé. On charge le plus possible de mauvais combustibles, si possible humides, et on scelle toutes les ouvertures, y compris le foyer. Le four va se pressuriser, le feu s’étouffe avec un gros dégagement de fumée à l’intérieur. Le carbone va imprégner les argiles qui deviendront noires. C’est un procédé difficile à maîtriser. Chaque four réagit différemment et il faut s’adapter… Les fins de cuisson, c’est toujours le moment le plus délicat. 14 heures se sont écoulées depuis le début. L’attention ne doit pas faiblir, même si les fumées assombrissement parfois aussi l’esprit du potier.
Ceci dit, , les argiles ne prennent pas toutes l’enfumage de même manière. Certaines le refusent systématiquement, par manque de porosité entre autres. D’autres le prennent très bien, et d’autres encore ont tendance à cristalliser le graphite et prendront des teintes métallescentes.
On peut aussi jouer sur les emplacements dans les fours. La température n’est jamais uniforme, et les flux de gaz sont irréguliers. On peut alors jouer sur ces irrégularités pour accentuer certains effets, les graphitages notamment. C’est dans cet esprit que j’ai placé les pièces, et notamment une petite série de coupelles tardives qui devraient bien prendre le graphitage.

Le surlendemain, samedi 31 janvier, en tout premier lieu le foyer est ouvert et le solde de braises encore en cours de combustion est retiré. L’enfumage a ainsi duré environ 32 heures. Les derniers charbons vont se consumer, puis la cheminée est ouverte pour achever le refroidissement. Une première vue par la cheminée montre que la cuisson est réussie ! les noirs semblent parfaits !
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Dans l’après-midi, la température est suffisamment retombée pour procéder au défournement.. Il faut d’abord desceller les deux portes successives. Une première vue par l’ouverture confirme la première impression, l’ensemble est parfaitement réussi.
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Ici, l’ensemble tout juste sorti du four. Une belle série de céramiques gauloises, mais aussi de la terra nigra gallo-romaine, une variété de céramique fine polie du Ier siècle de notre ère, ainsi qu’un lot pièces tardives.
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Si morphologiquement ces dernières sont assez différentes des gauloises, elles subissent exactement le même type de cuisson. Cette méthode sera pratiquée jusqu’au XVIème siècle au moins, parfois jusqu’au XXème en Espagne et au Portugal. Travailler ainsi offre deux avantages certains. Non seulement la méthode est économique en combustible et on peut y bruler des bois de mauvaise qualité, mais en plus à température égale, les argiles ainsi cuites deviennent plus dures et résistantes aux chocs.
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Un gobelet à haut col du IVème. Ces gobelets sont fréquents dans la moitié nord des Gaules et sont la pluaprt du temps issus d'ateliers régionaux.
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Un petit gobelet calice. Ces pièces assez rares sont une belle illustration de l'époque de transition entre les styles gallo-romain pour la forme et mérovingien pour le décor estampé. Original découvert à Rouen, daté vers 480-520.
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Une coupe-gobelet copiée d'un original découvert dans l'Oise. Elle semble issue du style burgonde des ateliers de Saône-et-Loire, mais on copiait beaucoup en ces temps déjà...
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Et enfin un pichet à bec tubulaire. Avec l'apparition de ce style, on entre dans le haut Moyen-Age, du moins en ce qui concerne la céramique. Ces récipients apparaissent vers 550, et vont un temps encore côtoyer les dernières productions inspirées de l'antiquité tardive. Comme toutes les évolutions des styles, la transformation est progressive, ce qui rend datations et attributions parfois très problématiques.
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Une pièce contemporaine ? Que nenni ! il s’agit d’un tonnelet gaulois, copie conforme des pièces découvertes lors des fouilles de l’oppidum de Bibracte. Le type T1 pour les connaisseurs, fin IIème-Ier siècle av.J.-C. Elégance et sobriété absolues !

Et voilà, le céramomaniaque a encore frappé!

Valete!

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 Sujet du message: Re: Les fours à coupole fixe
Nouveau messagePublié: 03 Fév 2009, 23:22 
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Toujours aussi impressionnant. o'

Merci de nous faire revivre ces moments de cuisson, je ne m'en lasse pas. "O"

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 Sujet du message: Re: Les fours à coupole fixe
Nouveau messagePublié: 04 Fév 2009, 17:04 
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C'est génial, j'adore, les petites céramiques a reflet argente c est vraiment magnifique.

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 Sujet du message: Re: Les fours à coupole fixe
Nouveau messagePublié: 04 Fév 2009, 18:37 
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Raaaaaah, c'est beau, j'adore ! Le tonneau gaulois est magnifique, et les petits gobelets graphités sont splendides !

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 Sujet du message: Re: Les fours à coupole fixe
Nouveau messagePublié: 08 Mar 2009, 12:03 
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Wahouuu c'est vraiment impressionnant!!! punaise que de belles choses!! Moi je voulais juste savoir quel type d'argile tu utilise et quel traitement tu leur fait subir pour la préparation? Tu utilise quoi comme dégraissant?

Je bosse sur des ceramique tardives gallo-romaine et je te tranmettrai des info si tu le souhaite...

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En voici un exemple

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Alea Jacta Est


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 Sujet du message: Re: Les fours à coupole fixe
Nouveau messagePublié: 09 Mar 2009, 12:28 
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Inscrit le: 08 Sep 2008, 14:05
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En fait, j'utilise toutes sortes d'argiles selon les types de pièces que je réalise. Pour la plupart, ce sont des argiles du commerce spécialisé. Celles que j'apprécie le plus sont des "brutes de carrière" de Noron, dans le Calvados, pas bien loin de Bayeux. Ce sont des argiles qui ne sont pas traitées par broyage ou filtrage mécanique. Elles peuvent donc parfois contenir des impuretés, particules organiques ou petits cailloux, qui lui donnent une "vie" qui se rapproche beaucoup des terres utilisées par les potiers antiques. Je les utilise essentiellement pour les productions à revêtement argileux.

Après. par exemple pour les Kaoliniques de la vallée du rhône, j'utilise une terre à creusets (!) blanche, très sablonneuse, qui donne un résultat parfait parce que notamment elle prend bien l'enfumage. J'en utilise également d'autres plus ou moins grossières pour les mortiers, pots à cuire. pots du Beuvray.

Préparer les argiles soi même depuis la carrière jusqu'à leur utilisation finale est un long processus que je ne pratique que rarement. Les argiles de ma région sont très calcaires et refusent presque systématiquement l'enfumage, tout en prenant très bien la réduction. Je ne les utilise que pour des productions grises très spécifiques à la Suisse romande. Une exception toutefois, j'ai découvert une veine d'argile fine pour les récipients à feu qui est tout à fait exceptionnelle, notamment pour les plats à engobe interne. Celle-ci, je la lave et lui fait passer une "décantation sélective" pour en enlever les plus grosses particules sablonneuse. Je ne la chamotte donc pas. Lorsque je chamotte moi-même une terre, je lui rajoute des particules de terre cuite broyée, la même si je souhaite simplement un matériau plus grossier, ou éventuellement une argile plus réfractaire si c'est pur des récipients qui subiront de très fortes contraintes thermiques. Et pour les pots du Beuvray, je prends d'abord uen argile grossière micacée du commerce, que je chamotte avec du granite du Beuvray broyé, pour les plus grosses pièces modelées.

Au final, j'utilise une trentaine de terres différentes. souvent en assemblages, couches ou mélanges.

Sinon, à propos de ton travail, bien sûr que tes informations sur la céramique gallo tardive m'intéressent! Rien que la photo et le dessin de ce tesson m'interpellent déjà. La forme est connue, mais le traitement est curieux. Production de l'Eiffel? Les seuls exemplaires plus ou moins de ce type que je connaisse sont issus de tombes alamanes du IVème...

Je te propose à ce sujet de me contacter en MP.

Bien cordialement,

_________________
Illanua, potier-archéocéramiste

http://arscretariae-archeoceramique.blogspot.com/


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