L'histoire débute à Pontoise.
Une discussion avec Corwinna, qui me recommande encore d'aller étriller sa collection de photos prises au Musée de Mayence. Apparemment, il se trouve que j'aurais loupé quelques clichés intéressants.
Ce que je fais quelques jours plus tard, et je tombe sur ceci, cliché que j'ai honteusement pompé...
Première moitié du Vème siècle
Trouvé en Basse-Saxe, Webden
Argh!
Début de crise mystique?
Il FAUT que j'en fasse une interprétation
Par chance, le week-end est bien pourri, froid de canard, rafales de neige mouillée. Idéal pour rester près du fourneau et piquer ma crise...
Ce genre de céramique est souvent modelé, mais parfois aussi partiellement tourné, partiellement monté à la main. C'est la technique que je choisis.
Donc, attaque à la tournette pour préparer le fond. (la serpe n'est pas un outil absolument indispendable). après un petit temps de séchage, je pose un premier colombin qui formera la carène
La carène est soigneusement lissée, puis je commence la partie supérieure de la panse, Ici, je travaille aux bandelettes, sortes de rubans d'argile préalablement préparés.
Au fur et à mesure du montage, je racle les aspérités au moyen d'estèques, sortes de petites spatules en bois dur. Puis je lisse en rotation lente. Quand la panse est montée, je procède au repoussé de bossages d'angle. L'intérêt de le faire à ce stade est la possibilité de redresser la pièce si les déformations sont trop importantes, et un accès plus facile à l'intérieur, le col n'étant pas encore monté.
Maintenant je peux poser le col d'une pièce, toujours au ruban, puis le mettre en forme à la tournette.
Le vase est maintenant entièrement monté. Commence le travail au repoussé à partir de l'intérieur. Pas toujours facile, le col est assez étroit. le repoussé se pratique ici contre des cales rectilignes pour les côtes à chevrons, contre un gobelet gallo-romain pour les médaillons à visages.
Les détails, comme les chevrons, les yeux des médaillons se font au rétreint, c'est à dire en repoussant de l'extérieur vers l'intérieur. Puis commence un long travail de retouches et de polissage au galet, et enfin de lustrage à la peau de daim.
Question: Et si, au vu des petits bossages situés au-dessous des visages, nous avions affaire à une représentation symbolisant Freyja, la déesse qui a le pouvoir d'élire les combattants tombés sur le champ de bataille, très souvent représentée vêtue de plumes de faucon et accompagnée d'un chat?
Une semaine de séchage, et vient je jugement du feu...
Dans le petit four que vous connaissez déjà, en forêt. En compagnie de congénères alamanes.
Echauffement lent, dans un premier temps, il s'agit de ne pas éclater de pièces,
Puis le foyer du bas est fermé et on commence la combustion directe, jusqu'à ce que les braises recouvrent la charge.
Et on recouvre le tout jusqu'au lendemain...
18 heures plus tard... que du bonheur!
A l'extraction du reste de charbon, puis en fin de refroidissement dans la sciure.
Et après nettoyage et un petit lustrage à la cire d'abeille.
Réaliser une pièce de ce genre est toujours un grand moment. Je ne cherche pas à tout prix à en faire une copie servile. Pour ça il existe les moulages en silicone. A mon sens, c'est le style, l'esprit qui habite une telle jarre qui est important. Compter les chevrons, les calibrer à la réglette dénaturerait la démarche, que je perçois plus proche du voyage que de l'acte technique.
Même si techniquement, il vaut mieux assurer un peu...
Cette jarre saxonne était en bonne compagnie dans le four. La pièce de gauche est une Alamane polylobée, probablement hybride, qui porte quelques éléments du style des Goths de Transsylvanie. Celle de droite, mérovingienne par son profil, porte un décor de style saxon, avec ses côtes à chevrons.
Et merci à toi, Corwinna! Sans toi, jette jarre n'aurait peut-être jamais vu le jour...