J'ai lu avec attention les deux dernières pages de cette file et je dois dire qu'un certain nombre de choses ont aiguisé ma curiosité à la fois d'archéologue mais aussi parce que l'année dernière nous avons fait une petite fête consacrée au mythe Arthurien (moi, j'étais Merlin... pas super crédible hein
).
Il se trouve qu'il y a quelques jours, j'ai discuté très longuement avec un anglais bien sympathique, passionné d'histoire de la période qui nous intéresse : voici plusieurs points qui me viennent à brule-pourpoint (tous n'est pas forcément super scientifique ni sérieux, mais ça fait partie des choses que je connais) :
- L'homme anglais m'indiquait qu'il y a un problème en Angleterre, ce que les traditions ont la vie dure (comme en France vous me direz). Il m'expliquait que dans l'esprit de la plupart des anglais, leur histoire commence avec Arthur et donc le Moyen-Age, et donc ce qu'il y avait avant, on oublie. De là, est certainement née la nécessaire image du héros charismatique arrivant avec son épée magique, et résistant contre les envahisseurs qui pètent tout. Le tout, en plus, sous une seule bannière, celle de la chrétienté (Clovis ne s'est-il pas baptisé dans un but politique après tout ?) et en quête d'un accomplissement de soi : le Graal. A propos de Camelot, il y a une hypothèse qui colle le château mythique du côté de Camulodunum (près de Colchester, dans le comté d'Essex ; sud est de l'île de Bretagne).
- Il y a un film, la dernière légion, qui apporte sa version de la naissance d'Arthur (dans le film, Excalibur n'est autre que l'épée de Jules César, et Uther Pendragon n'est autre que Romulus Augustule). Alors historiquement, c'est un vrai massacre, par contre il y a un élément intéressant là-dedans (si, si, j'en ai trouvé un), c'est le mélange des restes des légions laissées pour compte et sans ordre avec les populations locales, ce qui m'amène au deuxième point.
- La piste Sarmate : alors oui, l'hypothèse des Sarmates est tout à fait probable, n'oublions pas qu'un groupe de Taïfales (que je commence à connaître
), au-delà de tenir les clés du Poitou, sont installés en Angleterre. Les Taïfales ayant été souvent apparentés aux Sarmates, après tout, on peut très bien imaginer des cavaliers émérites être dans l'armée qui tente de résister aux saxons, en sachant que ces mêmes Taïfales ont fait un "stage" dans le nord de l'Italie avant d'atterir en Gaule et en Bretagne, ce qui peut nous permettre de penser à une adoption, de quelque sorte que ce soit, d'un certain nombre de "coutumes" romaines (à ce propos, en faisant diverses recherches avec l'association Taïfali, on s'est aperçu qu'un certain nombre de taïfales ont été sous le coup d'un Foedus signé alors qu'ils fuyaient les Alains qui eux-mêmes fuyaient les huns, le tout un petit peu avant la bataille d'Andrinople).
- A propos de la religion, ça a déjà été dit, même si le christianisme est religion officielle, c'est probabelment dans les grands centres urbains ou au moins où se trouve un centre religieux important. N'oublions pas que, et je viens de travailler dessus à propos de la sorcellerie dans l'antiquité et son évolution avec le christianisme, d'une part le christianisme, en me permettant un raccourci, est encore très emprunt de polythéisme, et que les diverses hérésies vont probablement faire que le légendaire Arthur cherche à rassembler sous une seule bannière, à la recherche de la coupe sacrée. D'autre part, dans les zones reculées, si le christianisme veut "percer", il lui faut bien "viter de bousculer les traditions des gens de manière trop brutale. Ainsi, on peut tout à fait imaginer une christianisation "en douceur", laissant aux gens la possibilité de suivre leurs coutumes pour mieux les rassembler "autour de la Croix" (attention, je ne cherche pas ici à faire de prosélytisme, mais exposer quelques faits sur lesquels j'ai travaillé depuis près d'un an).
- L'armée en question : cette armée est en effet composée de plusieurs "tribus", fédérée par le "Grand Arthur"... comme je l'ai lu à juste titre, ça fait un peu du Vercingétorix à la sauce bretonne cette histoire... Le besoin d'un héros pseudo-romantique, base de la naissance d'une nation, fort, sage etc, est quelque chose de rhétorique dans de nombreux pays ou civilisations. Récemment, j'entendais François Gilbert indiquer que nous n'avons quasiment de nos jours qu'une vision XIXe de Vercingétorix... Imaginons un peu les fabulations qui sont nées depuis le temps, avant ou après les versions de Chrétien de Troyes ou de Geoffrey de Monmouth au XIIe siècle. D'ailleurs, plusieurs personnages historiques se sont servi d'Arthur et sa légende pour assoir leur domination : c'est le cas de Guillaume le Conquérant par exemple, ou bien Henri II Plantagenêt (ce dernier assura avoir trouvé la tombe d'Arthur et Guenièvre à Glastonbury).
- Je crois me souvenir sinon que de manière complètement mythique, Arthur serait un descendant d'Enée qu'on voit notamment fuyant dans cette horreur de film qu'est "Troie" avec Brad Pitt.
Je ne sais pas si j'ai fait avancer le schmilblick, mais en tout cas, je suis un peu comme certains d'entre vous et j'adopte un peu la règle de Saint-Thomas : je ne crois que ce que je vois.
L'idée d'un Artorius ou toute autre personne issue du monde sarmato-taifalo-romain est tout à fait plausible, mais à mon sens entachée par la volonté de porter haut un héros aux heures de gloire d'un état en recherche d'un passé légendaire et de réconciliation des peuples.