Je vais envisager ici un sujet d'envergure : la date et les modalités de la disparition de l'Empire romain. Disons immédiatement que l'Empire romain est pris ici au sens d’État, pas de régime politique. Je n'envisagerai pas non plus les causes de cette disparition : un tout autre sujet que celui-ci, mais complémentaire.
Ce sujet peut paraitre assez formel. On sait aussi que les dates historiques sont passablement conventionnelles. Mais il est par ailleurs difficile de s'en passer, l'histoire étant chronologique par définition. Les dates fixent les limites temporelles du récit, suggèrent aussi des directions de recherche. Mais bien entendu, elles ne se substituent pas à l'explication. Après avoir envisagé la date et les modalités de la disparition de l'Empire romain (au sens d’État), il faudrait traiter les causes de cette disparition.
Mon sujet ainsi défini est par ailleurs moins superficiel qu'il n'y parait, soulevant toute une foule de problèmes. On sait aussi que la date à laquelle disparut l'Empire romain est très débattue entre les historiens. Certains soutiennent même qu'il n'a en fait jamais disparu, s'est seulement transformé.
Une question bien posée étant déjà à moitié résolue, je vais commencer par éclaircir un peu la notion d’État. J'envisagerai ensuite les grandes modalités historiques de la création et de la disparition d'un État. Je ferai enfin un rapide aperçu de l'histoire romaine, surtout dans ses derniers temps. Vous serez alors invités à choisir la meilleure date possible pour fixer la fin de l'Empire romain (comme État), donc la fin de l'histoire romaine.
DÉFINITION THÉORIQUE DE L'ÉTAT
L’État est à priori un gouvernement (sens large) exerçant l'autorité suprême sur la population d'un certain territoire : nationaux et étrangers. Ce gouvernement suit en principe des règles pour l'organisation et la transmission du pouvoir : constitution informelle (France de l'Ancien Régime) ou formelle (le plus courant actuellement), codifiée en recueil (cas général) ou non (Royaume-Uni). Ces règles peuvent bien sûr évoluer. Le gouvernement ne se confond pas avec des individus particuliers. Il doit ainsi faire appliquer les lois votées sous le gouvernement précédent, au moins jusqu'à ce qu'elles soient changées, respecter les traités internationaux déjà conclus. L'État possède donc une personnalité juridique, n'est pas la propriété de l'un ou l'autre. Mais cela n'implique pas que la population forme une nation, qu'il y ait une conscience nationale : cas de l'Autriche-Hongrie. Elle peut aussi ne pas participer à la désignation des gouvernants, ce qui a souvent été le cas dans l'histoire.
Le territoire relevant d'un État est en principe assez stable, avec des frontières bien délimitées. C'est une condition favorable au développement de l'administration, bureaucratie de fonctionnaires. Elle assure la liaison entre le gouvernement et la population, permet aussi la permanence de l'État durant les vacances du pouvoir. C'est par exemple ce qui s'est passé récemment en Belgique, quand les partis belges n'arrivaient pas à former un gouvernement. Et cela arrivera souvent sous l'Empire romain : interrègnes, guerres civiles... L'administration constitue en quelque sorte une force d'inertie, module aussi les injonctions du pouvoir central pour les adapter au terrain.
Tout ce qui précède concerne en fait surtout les peuples sédentaires. Les déplacements permanents des peuples nomades se prêtent en effet difficilement au développement de l'administration. Celle-ci est souvent tellement embryonnaire que les guerres de succession, les scissions et les regroupements sont très fréquents. Ces États nomades n'ont pas vraiment de personnalité juridique, et le gouvernement se distingue alors très peu du clan au pouvoir. Beaucoup considèrent que ce ne sont pas vraiment des États. On peut quand même maintenir cette appellation, mais en ajoutant l'épithète "très instable".
Cela dit, les États sédentaires ne sont pas toujours eux non plus d'une stabilité exemplaire, même si leur bureaucratie amortit les chocs : coups d'État, révolutions, guerres civiles... Les guerres civiles peuvent en particulier compromettre la permanence de l'État. C'est par exemple actuellement le cas de la Chine, avec ses deux entités : Chine communiste sur le continent, république de Chine sur l'île de Taïwan. Cette situation durant maintenant depuis 65 ans, on peut parler de deux États séparés, divergeant souvent du tout au tout. Mais ils continuent à ne former juridiquement qu'un seul État, l'un vis-à-vis de l'autre et par rapport aux autres États.
La permanence de l'État n'est sinon pas affectée par les changements de régime politique. Rome est bien passée de la royauté à la république, puis à l'empire. La France reste aussi toujours le même État au dix-neuvième siècle sous la royauté (Louis-Philippe), l'empire (Napoléon III) et la république (Mac-Mahon). Un État peut même changer de nom, sans que sa continuité soit affectée : le Siam devenant par exemple la Thaïlande.
Les souverains peuvent aussi être étrangers sans que la permanence de l’État soit affectée : ainsi pour Rome sous les rois étrusques, pour l'Espagne sous le règne de Joseph Bonaparte. Un État passé sous protectorat continue aussi d'exister, même si sa souveraineté est limitée aux affaires intérieures : par exemple le Maroc et la Tunisie sous protectorat français.
S'agissant de la période qui nous intéresse, l'Empire romain et l'Empire perse ressemblent beaucoup à des États modernes : législation très importante, tout un appareil bureaucratique... Par contre, les multiples peuples germaniques d'Europe centrale et leurs ligues éphémères ne sont pas assez sédentarisés pour former réellement des États.
LES TYPES D'ÉTAT : MODÈLES THÉORIQUES
On peut distinguer par décentralisation croissante, avec des situations intermédiaires :
1) Les États unitaires : France, Royaume-Uni... Dans les faits, ils sont tous plus ou moins décentralisés, avec une certaine autonomie des collectivités locales : régions, départements, communes... Mais leur degré d'autonomie est déterminé par la constitution ou les lois, peut être augmenté ou diminué sans aucune participation des collectivités locales.
2) Les États fédéraux : États-Unis, Allemagne... Un gouvernement central (fédéral) existe toujours, mais les compétences des États fédérés (Californie, Bavière...) ne peuvent être modifiées sans leur accord. Les États fédérés participent au pouvoir suprême, par l'intermédiaire d'une assemblée spécifique : Sénat aux États-Unis, Bundesrat en Allemagne. L'autre assemblée représente les citoyens eux-mêmes : Chambre des représentants aux États-Unis, Bundestag en Allemagne... Si les États fédérés possèdent des droits intangibles, ils n'ont en principe pas le droit de quitter la fédération. On s'explique ainsi la guerre de Sécession américaine (1861-1865).
3) Les confédérations d’États – Ce sont pas des États à proprement parler, mais des alliances résultant de traités. Les États signataires conservent chacun leur personnalité juridique. Mais ils mettent en commun leurs compétences dans certains domaines, notamment ceux concernant les relations avec les autres États : affaires étrangères, défense... Les décisions sont en principe prises à l'unanimité, chaque État les appliquant ensuite lui-même. Mentionnons l'ancienne Confédération germanique, les États-Unis à leurs débuts, la Sénégambie (dissoute)... La Confédération suisse est par contre une fédération depuis 1848, malgré son nom. Les confédérations ont été souvent peu efficaces, pour des raisons évidentes. Elles ont généralement fini par éclater ou sont devenues des États fédéraux.
4) Les organisations inter-étatiques – Elles ont un caractère encore moins contraignant que les confédérations. Ces organisations sont des cadres de discussions, pour atteindre des objectifs intéressant tous les États membres. Cela peut être la défense commune (OTAN), la coopération économique (OCDE), culturelle (UNESCO), etc. Certaines organisations ont une vocation universelle, en particulier l'ONU. D'autres sont continentales, ainsi l'Union européenne. Celle-ci intègre une organisation de type fédéral : la Communauté européenne.
A) LA CONSTITUTION D'UN ÉTAT : MODÈLES THÉORIQUES
A-1) La mutation – Une unité politique territoriale devient progressivement un État, sans qu'il soit souvent possible de fixer une date précise. L'Europe a par exemple évolué dans ce sens tout au long du Moyen Âge.
A-2) La sécession – La sécession ne peut concerner qu'une partie du territoire d'un État, faute de quoi il s'agirait d'un simple changement de régime politique. Une partie de ce territoire devient indépendante : indépendance "de facto", non reconnue par l'autorité centrale ou d'autres États ; indépendance "de jure" (reconnue). Les exemples sont très nombreux : indépendance (de facto) des États-Unis en 1776, reconnue (de jure) par la Grande-Bretagne en 1783 ; indépendance des pays latino-américains au 19e siècle, des pays asiatiques et africains au 20e siècle, du Bangladesh par rapport au Pakistan... En 1936, la rébellion nationaliste de Franco provoque la sécession de plusieurs provinces espagnoles : une sécession "de facto" n'ayant pas vocation à se transformer en sécession "de jure". J'ai déjà mentionné le cas des deux Chines (continentale, Taïwan). L'indépendance du Maroc et de la Tunisie (1956) est par contre un mauvais exemple : ces deux États existaient en effet déjà, même si leur souveraineté était limitée par traité de protectorat avec la France. Quoi qu'il en soit, une sécession peut s'effectuer de manière belliqueuse ou pacifique.
A-3) L'unification – Un État nouveau se constitue, par fusion entre deux ou plusieurs États. Cela a par exemple été le cas de la République arabe unie (RAU), fusion entre 1958 et 1961 de l’Égypte et de la Syrie ; de la Tanzanie, fusion en 1964 du Tanganyika et de Zanzibar ; du Yémen, fusion en 1990 du Sud-Yémen et du Nord-Yémen. Le traité d'unification (1990) entre l'Allemagne de l'Ouest (RFA) et celle de l'Est (RDA) est par contre un mauvais exemple. En effet, il précise bien (article 1) que la RDA adhère à la RFA. Ce traité ne crée donc pas un nouvel État, établit seulement les modalités de l'annexion de la RDA par la RFA.
A-4) La fragmentation – C'est l'inverse de l'unification (A-3). La fragmentation implique les sécessions (A-2) simultanées de toutes les parties du territoire d'un État. Ce seraient les fragments d'un vase cassé ! Deux ou plusieurs États indépendants se constituent sur le territoire de l'État disparu. L'Autriche, la Hongrie, etc, succèdent à l'Autriche-Hongrie (1918) ; la Russie, l'Ukraine, la Biélorussie, etc, à l'Union soviétique (URSS) en 1991 ; la Tchéquie et la Slovaquie à la Tchécoslovaquie (1993)... Remarquons que tous ces États étaient fédéraux, du moins en principe. Les États successeurs peuvent assumer les traités conclus par l’État défunt. Dans le cas de l'URSS, beaucoup considèrent que la Russie est son véritable successeur, cet État étant de loin le plus puissant. Cela revient à voir l'Ukraine, la Biélorussie et les autres comme des États sécessionnistes (modalité A-2). On s'explique aussi mieux que la Russie a succédé à l'URSS au Conseil de sécurité des Nations unies (ONU).
B) LA DISPARITION D'UN ÉTAT : MODÈLES THÉORIQUES
B-1) La destruction – Elle peut se produire à la suite de catastrophes : raz-de-marées, guerres dévastatrices... L'administration s'effondre alors complètement. Les exemples historiques sont rares. On peut mentionner l'effondrement de l'administration romaine en Bretagne (actuelle Grande-Bretagne) vers 450-500. Elle se produit après le départ des troupes romaines, suite aux guerres incessantes entre Celtes bretons et Anglo-Saxons débarqués. Cela explique que très peu de mots anglais sont d'origine romaine. La plupart des nombreux mots anglais d'origine latine remontent à la conquête de l'Angleterre par Guillaume de Normandie (1066). Cela dit, il faut souligner que la (Grande-)Bretagne faisait partie de l'Empire romain et ne constituait pas un État.
B-2) L'annexion – Un État annexe le territoire entier d'un autre État, mettant ainsi fin à son existence. La République romaine annexe ainsi le territoire de Carthage (–146), à la suite de la troisième guerre punique. L'Allemagne annexe l'Autriche en 1938 (Anschluss). L'Allemagne de l'Ouest (RFA) annexe celle de l'Est (RDA) en 1990, avec le plein accord de ses habitants. La France n'a pas annexé par contre le Maroc et la Tunisie, seulement restreint leur souveraineté à la suite des accords de protectorat. Quant aux habitants de l’État annexé, leur sort est très variable : expulsion, statut inférieur, citoyens à part entière, un peu tout cela... L'annexion peut être reconnue (de jure) ou non par les autres États. Dans certains cas, un gouvernement en exil peut se constituer.
B-3) L'unification – Nous retrouvons la modalité A-3. Rajoutons seulement que l'unification peut être considérée comme des annexions complètes (B-2), réciproques et simultanées. Pour ce qui nous intéresse ici, l'unification fait disparaitre les États fusionnés. En reprenant l'un de mes exemples (A-3), ce fut le cas de l’Égypte et de la Syrie de 1958 à 1961. Ces deux États avaient en effet fusionné dans la République arabe unie (RAU).
B-4) La fragmentation – C'est la modalité A-4 déjà vue, mais en considérant la disparition de l’État fragmenté. Pour reprendre mes exemples, l'Autriche-Hongrie disparait en 1918, l'Union soviétique (URSS) en 1991, la Tchécoslovaquie en 1993.
Remarquons enfin que la disparition d'un État est généralement de plus en plus indolore pour un citoyen ordinaire de B-1 à B-4. Avec la destruction (B-1), toutes les lois existantes sont abolies. Dans l'annexion (B-2), celles de l’État annexionniste s'imposent. Dans l'unification (B-3), les lois synthétisent souvent celles des États fusionnés. Enfin, les lois ne changent pas avec la fragmentation (B-4), mais s'appliquent à des échelles plus réduites.
CONCLUSION PROVISOIRE SUR LES ÉTATS
J'ai établi des modèles théoriques dans tout ce qui précède, mais les réalités sont souvent plus subtiles. On y verra seulement des repères pour la réflexion.
On distinguera aussi un point de vue strictement étatique et un autre plus global. J'avais donné l'exemple de la Russie, souvent considérée comme l'unique État successeur de l'URSS, alors que plusieurs États y sont juridiquement habilités. Des États sécessionnistes peuvent aussi tellement ressembler à leur ancien État d'appartenance qu'il s'agirait plutôt d'une fragmentation.
J'ai aussi distingué les situations "de facto" et "de jure". Les situations "de jure" n'ont d'intérêt que dans la mesure où elles peuvent influer les situations "de facto". C'est par exemple le cas de la Chine continentale et de Taïwan : deux États "de facto", mais un seul "de jure". Cela peut favoriser une réunification le moment venu...
S'agissant enfin des dates, je pense qu'il faut bien distinguer celles importantes pour les contemporains d'une part, celles qui ne le sont en revanche que pour les historiens (intérêt rétrospectif). Par exemple, la découverte de l'Amérique (1492) est très importante pour les historiens, marquant la fin du Moyen Âge et le début de la mondialisation. Mais elle est passée presque inaperçue des contemporains. Christophe Colomb lui-même ne savait pas qu'il avait découvert un nouveau continent !
Je vais maintenant essayer de voir comment les notions précédentes peuvent aider à mieux déterminer la date et les modalités (pas les causes) de la disparition de l'Empire romain comme État. Il faudra en particulier éviter tout anachronisme...
ROME ET SES EMPEREURS JUSQU'AU TROISIÈME SIÈCLE
Commençons par quelques généralités sur l'histoire et les institutions romaines. Comme chacun sait (ou ne sait pas), Rome fut fondée vers le VIIIe siècle avant notre ère : précisément en –753 selon la tradition. Elle a connu successivement trois régimes : la royauté (jusqu'en –509), la république (de –509 à –27), l'empire à partir de –27. Le passage de la république à l'empire n'est pas fortuit. Avec l'extension de l’État romain autour de la Méditerranée (même au-delà), il fallait en effet une organisation étatique plus centralisée. La citoyenneté romaine est par ailleurs accordée à tous les hommes libres de l'Empire par l'empereur Caracalla (212).
Ces changements de régime politique se sont faits dans la continuité, les institutions essentielles étant maintenues (notamment le Sénat). Dans cette optique, l'empereur n'est que le premier serviteur de la République. Octave/Auguste (premier empereur) cumule ainsi plusieurs magistratures républicaines, se voit aussi accorder de nombreux titres et honneurs, le plus souvent à l'initiative du Sénat. Après qu'il a mis fin aux guerres civiles, on voit en lui le grand restaurateur de la République romaine. Le surnom d'Augustus (Auguste) lui est en particulier décerné en –27 par le Sénat. Il sera repris par tous les empereurs romains, –27 marquant donc symboliquement le début de l'Empire romain pour les historiens.
Un véritable culte est rendu à l'empereur dans tout l'Empire, sans qu'il soit divinisé à proprement parler. Il faut voir cela comme un culte civique, destiné à consolider l'unité de l'Empire. On peut en voir une version très atténuée de nos jours, avec le portrait du président français dans toutes les salles des conseils municipaux... Si les chrétiens ont été persécutés à diverses reprises, ce n'est pas en raison de leur religion. Les Romains étaient très tolérants dans ce domaine, allant jusqu'à incorporer des dieux étrangers dans leur panthéon pour s'attirer leurs faveurs. Les chrétiens ont été persécutés pour leur refus du culte impérial, étant alors considérés comme des traitres en puissance. On peut aussi penser que l'adoption du christianisme par les empereurs romains du IVe siècle visait à rétablir l'unité morale de l'Empire. Quand on ne peut éradiquer une religion, autant la récupérer à son profit !
Les règles de succession impériale seront par ailleurs toujours peu établies, ce qui favorisera plusieurs guerres civiles. Mais disons que l'empereur prépare généralement sa succession de son vivant, faisant attribuer par le Sénat de nombreux titres, honneurs et fonctions à son élu. Celui-ci peut même devenir Augustus avant le décès de l'empereur, étant alors officiellement son égal. Ce fut ainsi le cas de Commode, trois ans avant la mort de Marc Aurèle. Le futur empereur est enfin choisi généralement dans la famille (au sens large) de l'empereur, bien que cela ne soit pas du tout une obligation.
Ce système bien huilé peut toutefois connaitre des ratés : empereur trop exécré pour que son choix soit accepté à sa mort, succession mal préparée, lignée éteinte... Ainsi s'expliquent les changements dynastiques et des guerres de succession : 68-69, 96, 193-197, après 235... L'armée dénoue alors généralement la situation, mais le Sénat peut aussi jouer un rôle moins passif. Signalons enfin que le métier d'empereur n'est pas une garantie de longévité ! De –27 à 480, environ 60 % ont péri de mort violente : assassinés, contraints au suicide, parfois tués sur le champ de bataille. Plusieurs ont abdiqué, souvent sous la menace.
Bien entendu, un empereur ne gouverne pas seul ! Il est assisté sur place par un conseil impérial (composition variable) et des services administratifs (bureaux palatins). Toute une bureaucratie administre les provinces impériales et sénatoriales, issue souvent de l'ordre équestre (chevaliers). L'empereur dispose de moyens financiers importants avec les biens et domaines impériaux, les impôts en nature et en espèces. Les dépenses excèderont toutefois souvent les recettes, d'où de nombreuses dévaluations monétaires. Bref, on n'est pas trop dépaysé !
LA CRISE DE L'EMPIRE ROMAIN AUX TROISIÈME ET QUATRIÈME SIÈCLES
L'Empire romain connait de sérieux problèmes au IIIe siècle, surtout durant les 50 ans allant de 235 à 284. Ces problèmes sont essentiellement provoqués par des invasions incessantes. La Gaule, l'Italie du Nord et les Balkans sont en particulier dévastés par des hordes germaniques. Au Proche-Orient, l'Empire perse devient très agressif : encerclée, une armée romaine doit capituler et l'empereur Valérien est fait prisonnier (260).
Débordées et s'estimant abandonnées par le pouvoir central, les troupes aux frontières prennent la mauvaise habitude de nommer empereurs leurs chefs respectifs. Des empires dissidents se forment aussi, moins pour faire sécession que pour assurer une défense plus efficace contre les invasions : empire des Gaules (contre les Germains), empire de Palmyre (contre les Perses). Bref, c'est la pagaille générale !
L'empereur Aurélien rétablit l'unité de l'Empire. Après lui, Dioclétien instaure la tétrarchie (284) : une organisation territoriale se voulant efficace. L'Empire romain demeure juridiquement uni, mais son administration est partagée entre deux empereurs : Dioclétien en Orient, Maximien en Occident. Ayant nommé son collègue Maximien, Dioclétien conserve toutefois la suprématie sur lui, un peu comme un frère aîné. Il délègue en quelque sorte ses pouvoirs en Occident à Maximien, mais ne les abandonne pas formellement. Les deux Augustes sont aussi secondés par deux Césars, destinés à leur succéder le moment venu : Galère pour Dioclétien, Constance Chlore pour Maximien.
Par la suite, il sera courant de voir deux empereurs (parfois trois) se partager territorialement l'Empire romain, l'empereur unique devenant exceptionnel. Selon les critères de l'époque, un empereur doit être nommé ou reconnu par son co-empereur déjà en fonction. Il sera à défaut considéré comme un usurpateur illégitime. Si un empereur décède ou abdique (rare), son collègue assume aussitôt l'administration de l'Empire tout entier. Il peut décider d'en rester là ou nommer un nouveau co-empereur.
Dans tous les cas, il ne s'agit que de partages administratifs, l'empire restant juridiquement uni. De plus, le co-empereur ayant nommé ou reconnu son collègue possède une certaine suprématie morale sur lui. Si les co-empereurs sont les maîtres absolus dans leurs parties respectives, ils doivent en principe se concerter sur tous les sujets importants, intéressant l'Empire entier. Leurs décisions sont alors prises en commun (collège des empereurs).
Ces temps troublés requièrent par ailleurs des chefs forts et prestigieux ! On s'explique ainsi mieux la surhumanisation croissante des empereurs, devenant en quelque sorte les représentants des dieux romains (ou du dieu chrétien). C'est aussi devant l'armée, protectrice de l'Empire menacé, que les empereurs sont proclamés depuis Dioclétien. Le Sénat n'est qu'informé (par lettre) des choix effectués, et encore pas toujours !
Le système tétrarchique fonctionne bien sous Dioclétien, mais dégénère bientôt après lui. La multiplication des partages administratifs facilite en effet les usurpations, chaque co-empereur faisant à peu près ce qu'il veut dans sa partie. Il s'ensuit des guerres civiles assez fréquentes. Dans l'ensemble, on constate une séparation croissante entre les parties occidentale et orientale de l'Empire romain. La fondation en Orient de Constantinople par l'empereur Constantin (330) favorise ce processus. Cette ville apparait en effet vite comme une capitale de substitution à Rome, d'autant qu'elle est aussi pourvue d'un Sénat. Les empereurs, même d'Occident, ne résident plus d'ailleurs qu'exceptionnellement à Rome. Ils préfèrent des capitales itinérantes proches des limites de l'Empire, pour assurer une défense plus rapide contre les incursions ennemies.
Cette séparation croissante entre l'Occident et l'Orient correspond par ailleurs à une division naturelle dans l'Empire romain. La civilisation romaine a surtout marqué l'Occident : diffusion du latin et du droit romain, urbanisme... En Orient, la présence romaine n'a par contre guère été qu'un vernis superficiel. C'étaient des vieilles civilisations : Grèce, Syrie, Égypte... Les pays en question étaient largement urbanisés bien avant l'Empire romain, et le grec y prédominait sur le latin. L'Orient était aussi globalement beaucoup plus prospère que l'Occident. Cela n'excluait bien sûr pas des zones défavorisées en Orient, comme il existait aussi des régions assez dynamiques en Occident.
Pour conclure provisoirement, l'histoire romaine reste globalement intelligible jusqu'à la fin du IVe siècle. Il s'est produit bien sûr de nombreuses guerres civiles, et l'on constate une certaine tendance à la fragmentation. Mais les guerres civiles ne durent pas trop longtemps, et la fragmentation ne dépasse pas généralement celle des États fédéraux actuels. La continuité de l'administration, base réelle de l’État, n'est donc pas réellement affectée.
L'EFFONDREMENT DE L'EMPIRE ROMAIN : APERÇU GÉNÉRAL
1) L'empereur Théodose avait fait accorder à son fils aîné Arcadius le titre d'Auguste en 383, ce qui en faisait théoriquement l'égal de son père. Son fils cadet Honorius reçut le même titre en 393. À la mort de Théodose (395), Arcadius devint empereur d'Orient, son frère Honorius empereur d'Occident. Il s'agit en fait d'un partage administratif (non juridique), dans la suite de la tétrarchie. Compte tenu du jeune âge des co-empereurs, un régent leur a été de plus affecté : le généralissime Stilicon. Dans les faits, Stilicon ne pourra exercer sa régence qu'en Occident. Mais on ne pouvait encore le savoir à la mort de Théodose.
2) Les invasions germaniques vont déferler dès la fin du IVe siècle, principalement dirigées vers l'Occident. En 378, une armée romaine avait été mise en pièces par les Wisigoths à Andrinople (Balkans) et l'empereur Valens tué. Les Wisigoths passent ensuite en Italie du Nord. Disposant de forces bien inférieures mais remarquable stratège, Stilicon bat les Wisigoths du roi Alaric à plusieurs reprises, les obligeant à quitter l'Italie en catastrophe. Mais il est malheureusement assassiné en 408, victime d'intrigues de palais. Alaric en profite pour faire un retour et met Rome à sac (410). Les Wisigoths s'installent ensuite en Aquitaine et en Hispanie (Espagne), où ils fondent un royaume.
Pour arrêter les Wisigoths en Italie, Stilicon avait dû dégarnir la défense du Rhin. Les Vandales, les Suèves et les Alains en profitent pour envahir la Gaule début 407, la pillent complètement puis passent en Hispanie. Continuant sur leur lancée, les Vandales franchissent les Colonnes d'Hercule (détroit de Gibraltar) en 429. Avec leur roi Genséric, ils s'emparent de Carthage en 439, privant Rome de son grenier à blé d'Afrique (Tunisie). Une flotte vandale mettra Rome à sac en 455.
Les troupes romaines ont évacué la (Grande-)Bretagne en 410, laissant les Bretons se défendre seuls contre les Anglo-Saxons débarqués. Comme déjà dit plus haut à propos de la "destruction d'un État" (modalité B-1), les guerres incessantes entre Bretons et Anglo-Saxons provoquent la destruction complète de l'administration romaine vers 450-500. Une partie des Bretons se réfugie en Armorique, qui prendra alors le nom de Bretagne. La Bretagne romaine deviendra pour sa part la Grande-Bretagne, pour la distinguer de sa petite sœur !
De leur côté, les Francs et les Burgondes progressent en Gaule, les Alamans en Helvétie (Suisse). Ils sont toutefois arrêtés longtemps par les Romains, usant tour à tour de la diplomatie et de la force.
Les Huns du roi Attila s'en mêlent à leur tour, faisant irruption en Gaule (451). Ils sont arrêtés de justesse aux Champs Catalauniques (Bourgogne) par une armée romaine et wisigothe. Les Huns s'attaquent ensuite à l'Italie du Nord (452). Mais ils ne s'y attardent pas, peut-être sous l'effet d'une attaque de diversion menée par l'empereur d'Orient Marcien. L'empire d'Attila se désagrègera très vite après sa mort (453).
Les invasions germaniques relèvent-elles de l'annexion (modalité B-2, supra) ? Pas précisément, puisque les Germains ne forment pas au départ des États. Seuls des États peuvent administrer les territoires qu'ils annexent. Et les Germains, peuples en mouvement, ne savent justement pas ce qu'est l'administration, base de tout État. Mais ils peuvent s'emparer de certaines parties de l'Empire romain, pour mettre l'administration romaine de ces territoires à leur service. Les invasions germaniques provoquent ainsi des sécessions (modalité A-2, supra) par rapport à l'autorité centrale de l'empire d'Occident.
Les Germains ne sont par ailleurs qu'une petite minorité (10 % au plus) de la population des territoires concédés ou conquis. Pour se ménager les bonnes grâces des populations latinisées, ils ont donc intérêt à montrer que rien n'est changé fondamentalement. Les rois germaniques n'hésitent donc pas à prendre des titres romains, peuvent aussi reconnaitre fictivement l'autorité de l'empereur d'Occident, laissent bien sûr en place l'administration et les lois romaines pour les autochtones. Deux sociétés parallèles se constituent ainsi. Elles fusionneront plus ou moins en deux ou trois siècles, sous l'effet des mariages mixtes. La fiscalité est par ailleurs beaucoup moins lourde sous les rois germaniques qu'avec l'Empire romain, ce qui fait mieux accepter les envahisseurs.
3) Comment les deux parties de l'Empire romain ont-elles coopéré face aux invasions germaniques et autres ? Disons tout de suite que cette coopération est très insuffisante. L'empire d'Orient n'envoie en particulier aucun renfort militaire à l'Occident, surtout affecté par les invasions. On peut juste mentionner l'attaque de diversion (supra) menée en 452 par Marcien contre Attila, aussi la destruction d'une flotte orientale par les Vandales (468).
Il existe par ailleurs une certaine tension entre les deux empires pour le contrôle de l'Illyrie (Balkans). Mais le plus souvent, les relations sont presque inexistantes. L'empereur d'Orient Marcien se passe ainsi de l'accord de l'empereur d'Occident Valentinien III pour être intronisé (450) alors qu'il aurait dû le demander, son co-empereur étant déjà en place (voir supra). Dans l'autre sens, beaucoup des derniers empereurs d'Occident ne sont pas reconnus par l'empereur d'Orient. La dynastie théodosienne s'éteint par ailleurs en Occident (455) et en Orient (457), ce qui distend encore davantage les liens entre les deux parties de l'Empire romain.
Pourquoi l'empire d'Orient s'est-il désolidarisé de son homologue d'Occident ? On peut supposer que les empereurs d'Orient s'étaient enracinés à Constantinople, considéraient aussi l'empire d'Occident comme un poids mort. Ils ne voulaient sans doute pas non plus disperser leurs forces militaires, alors que l'Empire perse représentait toujours une menace réelle.
Durant toute cette période, l'Empire romain est toujours uni juridiquement, du moins en principe. Les lois sont ainsi promulguées sous le sceau des deux empereurs, en tout cas lorsqu'ils se reconnaissent mutuellement. Le Code juridique de l'empereur d'Orient Théodose II est ainsi appliqué en Occident début 439, moins d'un an après l'avoir été en Orient. Mais après des décennies d'existence séparée, l'unité de l'Empire romain n'est quand même pas évidente pour un observateur extérieur. En l'absence de toute institution commune, ce ne serait pas une fédération ni même une confédération. Deux États coexistent en fait, avec leurs relations habituelles : parfois amicales, parfois hostiles, souvent neutres.
Dans ces conditions, l'unité de l'Empire romain aurait pris fin de facto après 395, sans que l'on puisse fixer une date précise. Mais on pourrait aussi adopter un point de vue plus global, en considérant seulement l'empire d'Occident, continuant mieux l'histoire romaine que l'empire d'Orient pour les raisons déjà indiquées.
4) Après l'assassinat de l'empereur Valentinien III qui avait régné 30 ans, l'empire d'Occident entre dans sa phase finale. De 455 à 476, pas moins de 9 empereurs se succèdent à Ravenne, devenue la capitale occidentale. La durée moyenne de règne n'est que de 2 ans. De 465 à 467, le trône reste même vacant. Sur ces 9 empereurs, 3 sont assassinés, 3 doivent abdiquer sous la menace, 1 prend la fuite sans abdiquer, 2 meurent naturellement. De 456 à 472, le faiseur d'empereurs est le patrice Ricimer, d'origine suève. Comme maître de la milice, il commande l'armée romaine, en fait presque entièrement germanisée (crise du recrutement). Cette armée de mercenaires multiplie les coups d’État pour installer des empereurs fantoches.
En 473, Glycérius est proclamé empereur par le patrice burgonde Gondebaud, reprenant le rôle de Ricimer. Mais il n'est pas reconnu par Zénon, empereur d'Orient. Celui-ci nomme alors César le gouverneur de la Dalmatie, Julius Nepos. Celui-ci débarque à Ravenne avec une petite armée, contraint Glycérius à abdiquer, puis est proclamé empereur (474).
Mais en 475, le patrice germanique Oreste soulève l'armée "romaine" contre Julius Nepos. Celui-ci doit regagner précipitamment son fief de Dalmatie. Oreste pense alors habile de faire proclamer empereur son propre fils Romulus, un adolescent. Nepos n'ayant pas abdiqué, Romulus était illégitime selon les critères de l'époque, d'autant qu'il ne fut pas reconnu par son co-empereur d'Orient Zénon.
L'armée romaine (en fait germanique) exige toutefois le tiers des terres italiennes, une demande qu'Oreste refuse de satisfaire. Les mercenaires germaniques proclament alors roi Odoacre, l'un des leurs. Après avoir vaincu et fait exécuter Oreste, Odoacre obtient l'abdication de Romulus en 476. Répugnant à faire périr un adolescent, il laisse toutefois la vie sauve à Romulus, avec une confortable pension d'ex-empereur
5) Odoacre ne pouvait légalement devenir empereur d'Occident, n'étant pas citoyen romain. Plutôt que de faire proclamer un empereur potiche, il envoie alors à Constantinople une délégation du Sénat romain. Celle-ci remet à Zénon les insignes impériaux et lui propose de devenir empereur unique de l'Empire romain, avec comme capitale Constantinople. Zénon reconnait Odoacre comme patrice, ce qui en fait pratiquement le régent de l'Italie. Mais il demande que la souveraineté de Julius Nepos soit reconnue en Occident, d'autant qu'il n'avait pas abdiqué.
Odoacre feint d'accepter et ira jusqu'à faire circuler des pièces de monnaie à l'effigie de Nepos. Dans les faits, il ne lui permettra même pas de regagner l'Italie, et l'autorité de Nepos ne dépassera pas la Dalmatie. Il est assassiné en 480 dans des conditions obscures, peut-être à l'instigation de son ex-rival Glycérius réfugié lui aussi en Dalmatie. Odoacre en profite pour annexer aussitôt la Dalmatie.
En 480, l'empereur d'Orient Zénon devient ainsi empereur unique de l'Empire romain, selon les sources occidentales et orientales. Odoacre fait d'ailleurs circuler des pièces de monnaie à l'effigie de Zénon. Inutile de rajouter que l'autorité de Zénon est symbolique en Italie ! Odoacre respecte par ailleurs parfaitement les institutions romaines. Le rôle du Sénat est même revalorisé.
L'empereur d'Orient Zénon redoutait la puissance grandissante d'Odoacre, sur qui son autorité était purement fictive. Il détourne alors les ambitions du roi ostrogoth Théodoric sur l'Italie. Théodoric parvient à vaincre Odoacre après avoir trois ans de guerre (493) et le tue lui-même au cours d'un banquet de réconciliation ! Par rapport à Odoacre, la rupture est plus affirmée, Théodoric amenant en Italie tout son peuple. Mais il respecte tout autant les institutions romaines. Bien sûr, l'armée "romaine" est devenue entièrement germanique, mais elle l'était déjà presque complètement. Et le "patrice" Théodoric reconnait comme Odoacre la souveraineté de l'empereur romain sis à Constantinople, de manière tout aussi fictive bien sûr !
Signalons en passant la disparition de l'enclave romaine de Syragius, en Gaule du Nord, conquise par le roi franc Clovis (486). Isolée par les avancées germaniques, elle avait pratiquement fait sécession, d'autant que Syragius ne reconnaissait pas l'autorité d'Odoacre. D'autres enclaves romaines ont pu exister en (Grande-)Bretagne et en Afrique du Nord, mais nous sommes mal renseignés.
6) Lassé de son autorité fictive sur l'Occident, l'empereur Justinien (à Constantinople) décide d'entreprendre directement sa reconquête. Le royaume vandale de Carthage est occupé assez facilement. Par contre, les Ostrogoths opposent une résistance acharnée en Italie. Il faut presque vingt ans pour les vaincre, leur dernier roi étant tué en 553. L'Italie en sort complètement ruinée, Justinien achevant ainsi la destruction de la civilisation antique. C'est de toute façon une victoire éphémère, les Lombards germaniques arrivant peu après et reprenant sans coup férir la moitié de l'Italie.
Au VIIe siècle, les conquêtes arabes réduisent pratiquement l'Empire romain aux Balkans et à l'Asie Mineure (Turquie). Perdant sa vocation universelle, il s'hellénise alors complètement, le latin y perdant ses dernières positions au profit du grec. Les historiens le qualifieront rétrospectivement d'Empire byzantin, du nom de la cité grecque (Byzance) ayant précédé Constantinople.
En 1204, les Croisés prennent Constantinople et fondent l'Empire latin du même nom. Ce qui reste de l'Empire byzantin se fragmente alors en trois entités : despotat d’Épire, empire de Trébizonde, empire de Nicée. Celui-ci parvient à reconquérir Constantinople en 1261.
Les divers fragments de l'Empire byzantin sont conquis par les Turcs au XVe siècle : Constantinople en 1453, Trébizonde en dernier (1461).
Signalons par ailleurs que l'Empire russe s'inspirait fortement de l'Empire byzantin, notamment par la sujétion de l’Église orthodoxe à l’État. L'appellation "tsar" vient par ailleurs de César.
7) L'Empire romain continuait toujours d'exister juridiquement en Occident, personne ne l'ayant dissous officiellement. Cela favorisera diverses tentatives de restauration. La plus connue est celle de Charlemagne, couronné par le pape empereur romain d'Occident (Rome, 800). Il sera reconnu tardivement par l'empereur romain (byzantin) à Constantinople. Bien entendu, l'Empire romain n'est pas réunifié pour autant !
Cet empire d'Occident ne rappelle que de loin son illustre prédécesseur. Il comprend bien la Gaule, mais seulement en partie l'Italie, presque pas l'Hispanie et pas du tout la (Grande-)Bretagne, englobe par contre la Germanie. Sa structure administrative était aussi beaucoup plus lâche. Il ne tardera pas à se désagréger après Charlemagne.
En 962, est encore fondé le Saint-Empire romain germanique : une sorte de confédération très lâche en Europe centrale. Elle sera dissoute en 1806 par Napoléon, dans l'indifférence générale. Les empereurs allemands du Deuxième Reich (1871-1918) porteront toutefois le titre de "kaiser", venant de César.
Napoléon s'inspire lui-même beaucoup de l'Empire romain pour son Empire français : symboles impériaux, création du Sénat... Le pape a dû toutefois venir à Paris pour le couronner, alors que Charlemagne (autre imitateur) s'était déplacé à Rome. Napoléon établit ainsi la suprématie du pouvoir temporel sur le pouvoir spirituel.
QUELLE DATE CHOISISSEZ-VOUS POUR LA FIN DE L'EMPIRE ROMAIN ?
Compte tenu de ce qui a été dit plus haut (théorie et histoire), veuillez choisir la meilleure date possible pour fixer la fin de l'Empire romain (comme État), donc la fin de l'histoire romaine commencée en –753 selon la date traditionnelle. Expliquez de préférence vos raisons. Comme signalé plus haut, vous pouvez adopter une optique strictement étatique ou plus globale, considérer les situations "de facto" et "de jure", vous mettre à la place des contemporains ou avoir un point de vue rétrospectif. Considérez aussi les quatre modes de disparition des États, déjà décrits : destruction, annexion, unification, fragmentation.
Pour fixer les idées et ratisser large, voici dix dates possibles (dont une à votre convenance), par ordre chronologique :
395 : partage administratif (non juridique) de l'Empire romain entre deux co-empereurs : Honorius pour l'Occident, Arcadius pour l'Orient.
476 : déposition de l'empereur d'Occident Romulus par le chef germanique Odoacre, proclamé auparavant roi par l'armée romaine (en fait germanique).
480 : réunification administrative (mais fictive) de l'Empire romain, avec un seul empereur siégeant à Constantinople.
486 : le roi franc Clovis conquiert l'enclave romaine de Syragius (Gaule du Nord), peut-être la dernière enclave purement romaine en Occident.
493 : conquête de l'Italie par le roi ostrogoth Théodoric, sous la souveraineté fictive de l'empereur romain (byzantin).
553 : l'Empire romain (byzantin) détruit le royaume romano-ostrogoth d'Italie, pourtant théoriquement sous la souveraineté romaine.
1204 : fragmentation de l'Empire romain (byzantin), suite à la création de l'Empire latin de Constantinople par les Croisés.
1453 : prise de Constantinople par les Turcs, marquant la fin d'un fragment symbolique très important de l'Empire romain (byzantin).
1461 : les Turcs prennent Trébizonde, dernier fragment de l'Empire romain (byzantin).
XXX : une autre date à votre convenance !
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